Après la mutineries du Quartier maison centrale de la prison d’Aiton:Complicité avec les mutins

Le 20 octobre les prisonniers de la prison d’Aiton ont donné la réponse face aux propos de la ministre de la « justice » se courbant devant certains syndicats de policier qui ont manifesté le 14 octobre dans l’hexagone. Quarante prisonniers du QMC ont saccagé la taule ( serrures bloquées, système informatique et incendie du matériel…) . Les médias dominant surfent sur la peur succitée par la solidarité apportée à Moiran Cette mutinerie est pour nous exemplaire, les prisonniers ont su être unis avec l’un d’entre eux contre cette arbitraire qui a refusé le permis d’assister à l’enterrement d’un de ses proches d’un prisonnier du QMC. Mais le premier de la classe des ministres continue a mépriser,à taper sur les émeutiers de Moirans

contre l’arbitraire
Solidarité aux mutins d’aiton
Solidarité avec les révoltés de Moirans

Espagne : Indulto et indulgence

Ces dernières années, plusieurs épisodes répressifs sur le territoire espagnol sont notamment venus toucher des milieux antagonistes, antifascistes, libertaires, anarchistes… Des opérations policières ont été lancées, parfois à grands renforts de propagande médiatique, il y a eu des arrestations, des compagnon-nes ont été et sont encore incarcéré-es, des procès se sont déroulés, des condamnations sont tombées…
Tout ceci n’a rien de très surprenant. La répression policière, médiatique et judiciaire fait partie de l’arsenal de l’Etat qu’il dégaine régulièrement contre celles et ceux qui le remettent en cause, dans sa totalité ou dans certains de ses aspects. Depuis quelque temps déjà, différents gouvernements affirment en outre clairement leur volonté d’en finir avec toute contestation ne rentrant pas dans des cadres légaux qu’ils ne cessent de durcir.
La solidarité qui a pu s’exprimer et se développer face à ces différents coups du pouvoir, si elle a indéniablement fait chaud au cœur, n’est pas non plus étonnante en tant que telle : elle constitue, avec l’action directe, une des armes de celles et ceux qui font le pari de l’auto-organisation pour engager le conflit.
Non, la surprise est plutôt occasionnée par des démarches lourdes en conséquences et littéralement aberrantes venant des rangs de milieux dits « radicaux » et donc supposés vouloir prendre les problèmes à la racine : les demandes de grâce suite à une ou plusieurs condamnations.

Pour parler très concrètement, demander à être gracié-e, c’est solliciter le pardon du vainqueur ; cela revient en l’occurrence à faire appel à la mansuétude du pouvoir (sous sa forme judiciaire, gouvernementale, royale …) et par conséquent de ceux-là mêmes qui nous combattent et à qui, d’une manière ou d’une autre, on s’oppose.
Il ne nous intéresse guère ici de rentrer dans les détails administratifs de la procédure en question. Etouffer ce qui relève avant tout de choix politiques sous des monceaux de termes et de formulaires bureaucratiques ne s’inscrit que trop bien dans la manière dont le système entend nous faire fonctionner et revient essentiellement à noyer le poisson.
Nous laisserons aussi volontairement de côté l’argument fallacieux qui invoque des décisions personnelles pour les faire échapper à toute critique. Il ne s’agit évidemment pas pour nous de nier le caractère individuel des choix, contrairement à des milieux inconditionnels du « tout collectif » pour lesquels certains actes font l’objet de méfiance et de critiques du seul fait d’être portés de manière individuelle. Pour notre part, –et aussi parce que nous prenons en compte la dimension individuelle des positions et des actions en toute occasion et pas seulement comme une opportunité pour nous retrancher derrière elle– nous ne voyons pas pourquoi il faudrait avaliser par le silence des démarches que nous considérons comme nocives pour tout ce qu’elles supposent et signifient.
Du reste, les demandes de grâce dont il est question ont fait suite à des appels à la solidarité (généralement sous forme de « campagnes ») lancés sur un mode antagonique avant, pendant et y compris après les procès, appels repris par une bonne part des dits milieux, et ne concernent donc pas les seules personnes condamnées.
Ces campagnes prétendant généralement à établir ou à prolonger un rapport de force élaboré dans la lutte, on comprend d’autant moins comment elles peuvent se solder par ce genre de démarches, pour le moins incohérentes avec les buts affirmés précédemment.
Un premier élément d’explication pourrait résider dans la notion même de ce qui est appelé « rapport de force » et de ses objectifs. En effet, si seul compte un résultat à très court terme et qu’il importe uniquement de faire en sorte que des personnes n’entrent pas en prison, on peut imaginer que tous les moyens sont bons pour y parvenir et passer sans trop se poser de question –et soit dit en passant sans non plus aucune garantie que cela « fonctionne »– des manifestations de rue contre la répression de l’Etat aux tentatives d’en dealer les effets avec lui.
Par contre, si le rapport de force est conçu dans une perspective plus ample, c’est alors la continuité d’une attitude conflictuelle vis-à-vis du pouvoir, ainsi que de certaines propositions et méthodes de lutte qui sont en jeu individuellement et socialement.

Appeler par exemple à empêcher que se tienne une session parlementaire, non pas par des pétitions ou des recours juridiques, mais par une intervention directe implique au minimum une remise en cause du jeu normal de la démocratie parlementaire. Par un bel effet de contagion cela pourrait aussi avoir un impact social qui dépasse la situation initiale. Défendre et mettre en pratique le fait d’agir directement contre ce qui nous oppresse, c’est entre autre raviver le refus– fruit d’idées antiautoritaires et de l’expérience historique– des institutions et de la délégation, c’est encourager la volonté de reprendre les rênes de sa vie en main, de décider en propre ce qu’on combat, pourquoi et comment.

En face, l’Etat perçoit tout à fait le danger que peut représenter ce potentiel pour l’ensemble de son organisation sociale. Il va donc chercher par tous les moyens à en finir à la fois avec le conflit ponctuel et avec toutes les possibilités qu’il peut ouvrir.

Dans son arsenal, il y a pour commencer la répression policière et judiciaire qui peuvent s’abattre de différentes manières : aussi bien en tapant dans le tas – à coups de matraques, de flashballs, à balles réelles si nécessaire– qu’en venant frapper chez quelques-un-es, y compris a posteriori. Le tout est destiné à semer la peur et à faire des exemples aux yeux de toutes et tous. Mais on oublie trop souvent qu’une des autres armes, toute démocratique, dont il dispose est celle de la récupération politique. Une des stratégies bien connue pour faire rentrer la contestation dans ses carcans consiste à tenter de séparer les « bons opposant-es », susceptibles de s’intégrer dans son jeu, des « mauvais » déterminé-es à poursuivre le conflit. Ramener l’antagonisme social sur le terrain de la négociation, satisfaire quelques revendications, inciter à la dissociation voire à la délation face aux contenus et aux méthodes plus offensifs sont des manières assez classiques d’isoler ces derniers pour mieux les écraser.
Si l’on veut parler de rapport de force dans le cas de répression d’une lutte, celui-ci dépasse donc largement les personnes concernées en premier lieu, tout comme l’arrêt ou la poursuite du combat au moment où l’Etat décide de siffler la fin de la partie a des incidences au-delà des individus qui y participent directement.
Il revient donc à celles et ceux qui engagent l’affrontement d’être prêt-es à répondre à ces obstacles d’une manière qui, loin de le nier, en soit le prolongement. En faisant fi de cette continuité dans la conflictualité, les recours en grâce vont tout simplement dans le sens inverse.

A ce propos, il est nécessaire d’évoquer un autre facteur qui traverse l’ensemble de la société, milieux « radicaux » compris : l’esprit démocrate et citoyen. Vouloir prendre les problèmes sociaux à la racine implique sans aucun doute la critique de la représentation et de la délégation, fondements de la démocratie, au travers de l’auto-organisation et de l’action directe. Cela signifie aussi cesser de considérer l’Etat et tous ses représentants, institutionnels et para-institutionnels, comme d’éventuels interlocuteurs qui en fin de compte pourraient faire figure d’arbitre dans un conflit dont ils sont pourtant partie prenante –et de façon non négligeable. Refuser le dialogue avec ceux qui nous oppressent n’est pas une posture, c’est l’affirmation en acte de la continuation du conflit irréductible entre les puissants et les dépossédés. Cela a notamment pour conséquence de se débarrasser de toute illusion vis-à-vis de la gauche, qui a toujours été le fossoyeur des luttes réelles, sans même parler des tentatives de bouleversement social.
Dans ce cadre, les recours en grâce, comme d’autres pratiques équivoques, ne font qu’ajouter à la confusion et participent à plein à réhabiliter ces adversaires de poids
. Quelle que soit sa décision, l’Etat en sort gagnant : donner le « coup de grâce » en la refusant lui donne l’occasion d’exhiber son inflexibilité jusque face à la reddition à ses exigences ; l’accorder lui permet de redorer son blason –dans toute bonne société reposant sur des principes religieux, quoi de plus magnanime que de pardonner à ceux qui l’ont offensé, mais toujours à ses conditions ? Dans les deux cas, il se verra conforté dans le rôle de médiation des rapports sociaux que trop de monde lui octroie déjà.
Il en va de même pour la gauche. On ne peut ignorer que ses partis, syndicats et associations ont régulièrement besoin de se refaire une légitimité soi-disant contestataire, régulièrement entamée par leurs crapuleries de gestionnaires du pouvoir. Faire appel à eux pour appuyer des demandes de grâce ne peut que contribuer à les remettre en avant comme des alliés potentiels au lieu de les traiter comme les ennemis qu’ils sont en réalité. C’est le retour de la politique comme mode de gestion du conflit.
Ce faisant, on contribue à enterrer les propositions d’auto-organisation et de lutte sans médiations et à repousser aux calendes grecques les perspectives qu’elles peuvent ouvrir. Ce ne seraient alors plus des propositions valables pour aujourd’hui, dans la vie que nous menons ici et maintenant, mais justes bonnes pour un monde idéal projeté dans un avenir lointain. Si au contraire il s’agit de propositions réelles, cohérentes et sérieuses –dans le sens où elles correspondent le mieux à la transformation des rapports sociaux existants et où elles préfigurent le futur auquel nous aspirons–, comment leur validité pourrait-elle être remise en cause dès lors que le vent tourne ?

Au même titre que la manière de lutter, celle de faire face à la répression est à la fois individuelle et collective et certainement pas séparée du contexte social dans lequel elle s’inscrit.
Si enfermer des opposant-es acharné-es, parfois pour des décennies, permet à l’Etat de les châtier et de écarter physiquement du combat dans la rue, cela ne lui suffit encore pas. Un des buts de ces punitions exemplaires réside incontestablement dans la fonction de menace adressée à toutes celles et ceux qui voudraient continuer à se battre. Le pas suivant consiste à obtenir d’otages dont il a fait des exemples un aveu de repentir ou tout au moins la reconnaissance qu’ils ou elles se seraient trompé-es dans leur chemin de lutte. On voit bien tout le profit que l’Etat peut tirer à la fois de la dépersonnalisation d’individus qui se sont affrontés à lui et du fait de pouvoir présenter publiquement le renoncement à des convictions qui seraient révolues. Le reniement par certain-es de leurs aspirations et de leurs perspectives –notamment révolutionnaires– ou de méthodes qui remettent en cause l’ordre établi vise et contribue à tirer un trait définitif sur leur raison d’être et ainsi à mieux les faire disparaitre, de la mémoire comme du présent. A les enterrer comme les symboles d’une parenthèse obsolète qui ne viendra plus hanter l’horizon verrouillé de l’Etat et du Capital.
Refuser cet odieux chantage, l’« offre » concernant généralement des années de prison en moins, n’est pas –comme aimeraient le faire croire les tenants du réalisme de la raison d’Etat ou les pseudo tacticiens de haut vol– l’apanage de quelques fous furieux aspirant au martyre. Cela relève aussi bien de la nécessité de maintenir son intégrité individuelle face à la volonté d’écrasement total d’un pouvoir qui exige que nous renoncions jusqu’à ce que nous sommes, que de la lucidité quant aux enjeux de l’ensemble de ce processus.
Les demandes de grâce ne se font pas indépendamment de ces enjeux
. Alors que l’Etat durcit encore ses lois –dont celle sur la sécurité citoyenne et le code pénal il y a peu–, alors qu’en même temps il promeut la perpétuité et incarcère jusque pour des amendes impayées, alors qu’il tente de paralyser par la peur toute expression de révolte, alors que son administration, y compris carcérale, exige toujours plus la soumission du plus grand nombre, il est impossible d’ignorer que l’octroi d’une grâce ne pourrait être que l’exception venant confirmer et renforcer la règle. Cette exception n’est pas gratuite ; non seulement l’Etat s’appuie sur les garanties plus ou moins explicites –notamment de « vie normale et insérée »– qui lui sont fournies, mais la grâce s’inscrit aussi de fait dans une logique de pacification sociale, pour le maintien du statu quo.
En définitive, présenter le recours en grâce comme « un moyen comme un autre » sans grande conséquence relève soit d’une bonne dose de mauvaise foi ou de l’aveuglement (volontaire ?) sur la réalité de la guerre sociale en cours.

Ce monde repose vraiment sur la domination et sur la répression généralisée. Tous les jours, des années de prison s’abattent pour toutes sortes de délits –notamment liés à la propriété– et il faudrait faire comme si la lutte contre le système ou certains de ses aspects pouvait y échapper, et à n’importe quel prix ?
Ce rapport à la répression révèle au minimum le fossé qui existe entre les prétentions de milieux se voulant radicaux et leur manière d’affronter la réalité. Si nous parlons de l’affronter, c’est bien qu’il ne s’agit pas de l’accepter. Il faut donc s’entendre sur les chemins qui sont praticables et sur ceux qui ne le sont pas, notamment parce qu’ils ont un coût beaucoup plus élevé que la prison même. C’est pour cela qu’il est indispensable d’affiner les analyses, de partager les réflexions, d’imaginer des pratiques et des manières autonomes du pouvoir capables d’apporter des réponses en continuant à mener le conflit.
En partant du principe qu’une bataille engagée, individuellement ou collectivement, dans le champ social ne le quitte pas quand elle réprimée, on pourrait se demander comment porter le fer contre les aspects répressifs dans et par la lutte elle-même. Si l’on considère qu’elle ne s’arrête pas nécessairement une fois franchies les portes des prisons, la question pourrait être celle de son articulation à l’intérieur et à l’extérieur des murs. Le fait de poursuivre l’antagonisme en dépit des coups du pouvoir peut sans doute contribuer, aujourd’hui comme hier, à en assumer les conséquences carcérales –souvent malheureusement inévitables– sans sentiment d’abandon, ni comme un sacrifice ou une parenthèse séparée, mais plutôt comme un des épisodes d’un parcours de lutte.

Le recul généralisé des liens de solidarité est produit par les mécanismes actuels du pouvoir, eux-mêmes alimentés par nombre de capitulations face à lui. Mais déduire de ce constat cruel que la seule « solution raisonnable » serait d’accompagner ce mouvement de recul en acceptant et en renforçant le jeu de dupes de l’Etat ne ferait que creuser un peu plus la tombe de nos idées acrates et des pratiques qui en découlent. Le fait que des principes et des méthodes d’action soient toujours plus minoritaires (ce qui reste à démontrer) leur ôterait-il leur justesse et signifierait-il qu’il faille y renoncer ? Nous pensons au contraire qu’il s’agit plus que jamais de contribuer, en les mettant en pratique, à les étendre et à les diffuser.
Comme l’action directe, la solidarité dans une perspective antiautoritaire est un enjeu crucial, pour les temps présents et à venir. Cette solidarité ne peut se concentrer sur le seul fait répressif particulier, mais signifie surtout continuer à porter, en mots et en actes, des idées et des pratiques subversives dans lesquelles nous ne sommes certainement pas les seul-es à nous reconnaitre. Cela pourrait être un point de départ pour propager cet ensemble au sein de la conflictualité sociale.
Vue sous cet angle, la question de la solidarité ne peut être résolue en nouant des alliances politiques contre nature et totalement contre productives pour la remise en cause des rapports existants. Et pas plus en réclamant l’attention d’une illusoire « opinion publique » forcément spectatrice. La question serait plutôt de chercher des complicités fructueuses dans l’espace ouvert par une continuité de luttes sans médiation. Insérer la question de la solidarité dans des perspectives propres est un des bagages du combat contre la domination. Préserver cette continuité ne signifie pas vouloir la garder jalousement dans un entre soi pour s’en enorgueillir, mais permet en revanche de la porter en tant que proposition pour transformer la réalité au lieu de s’y adapter.
Si le rapport à la répression policière et judiciaire ne constitue qu’une partie de la lutte, il est malheureusement souvent aussi révélateur d’ambigüités et de manques de perspectives plus profonds. Mettre au clair nos idées, les pourquoi et les comment des combats que nous voulons mener, des luttes et des méthodes que nous proposons (avec toutes leurs implications) est donc plus que jamais nécessaire. Banale question des fins et des moyens en somme, urgente à se poser dans tous les moments de l’affrontement contre le pouvoir.

Des anarchistes
Octobre 2015

[Traduit de l’espagnol de Contrainfo, 20 octubre 2015 ]
source Brèves du désordre

Moirans/Aiton (Isère/Savoie) : mutinerie & émeute coordonnées des deux côtés du mur ( +supplément)

Incendie et mutinerie impliquant des gens du voyage à Moirans et en Savoie

Le Monde | 20.10.2015 à 22h49

Des dizaines de personnes issues de la communauté des gens du voyage ont été à l’origine de violents incidents, mardi 20 octobre en milieu d’après-midi, à Moirans, près de Grenoble (Isère), exigeant par la force la sortie de prison de deux hommes, afin qu’ils puissent assister à des obsèques.

D’après Franck Longo, directeur de cabinet du maire de Moirans, une centaine de manifestants ont bloqué en début d’après-midi la gare de la ville « avec des barres en fer (…). Autour, il y a eu de lourds saccages, notamment le restaurant attenant à la gare. Sur les voies SNCF, ils ont fait brûler des voitures ».

Des dizaines de voitures ont été brûlées et les pompiers sont intervenus pour les éteindre, selon Le Dauphiné, un peu partout autour de la gare, où le trafic a été interrompu. Au niveau de Moirans, la RD1085 a été bloquée « par une trentaine de personnes qui brûlent des palettes et des carcasses de voitures sur la chaussée », a ajouté la préfecture.

En début de soirée, la préfecture de l’Isère a dit que la situation était « sous contrôle », qu’« il n’y a pas de blessé » et que « les incendies ont été éteints ». Cent vingt policiers et gendarmes et cent sapeurs-pompiers sont mobilisés.

Manuel Valls dénonce des « violences inadmissibles »

Au même moment, à 100 kilomètres de distance, une mutinerie, en lien avec les incidents qui ont eu lieu à Moirans, a éclaté au centre de détention d’Aiton, près d’Albertville (Savoie).

Y sont incarcérés deux détenus dont les gens du voyage réclament qu’ils puissent bénéficier d’une permission pour pouvoir assister à des obsèques. Un de leurs proches s’est tué, avec deux autres personnes, lors d’une sortie de route à bord d’une voiture volée au cours du week-end, selon une source policière.

Selon Pascal Gaudot, de l’Union fédérale autonome pénitentiaire, les incidents dans la prison ont débuté vers 17 heures. Une vingtaine de détenus, sur les cent quatre-vingt-neuf ou cent quatre-vingt-dix de l’établissement, ont mis le feu à leur coursive, détruit les serrures de leurs cellules et refusé d’y revenir.

Une équipe régionale d’intervention et de sécurité, venue de Lyon et spécialisée dans le rétablissement de l’ordre dans les prisons, a été dépêchée sur place. Les incidents sont désormais maîtrisés.

Manuel Valls, le premier ministre, a dénoncé des « violences inadmissibles ».
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Ce que l’on sait des violents incidents avec les gens du voyages à Moirans

Francetv info, 20/10/2015 | 23:28

Dans la soirée de mardi, une centaine de personnes armées de barres en fer bloquaient la gare de la ville. Des voitures ont été incendiées.

Voies SNCF coupées, voitures en feu, saccages… De violents incidents ont éclaté à Moirans (Isère), mardi 20 octobre, à quelques kilomètres de Grenoble. Une trentaine de jeunes ont mis le feu à des palettes et à des carcasses de voitures pour demander la libération d’un de leurs proches actuellement incarcéré. Ils veulent qu’ils puissent assister aux obsèques d’un des jeunes décédés à Saint-Joseph-de-Rivière le week-end dernier, dans un accident de voiture qui a suivi un cambriolage.

Que se passe-t-il à Moirans ?

Dans la soirée de mardi, une centaine de personnes armées de barres en fer bloquaient toujours la gare de la ville. De lourds saccages ont été constatés autour, notamment dans restaurant attenant à la gare. Des voitures ont été brûlées, indique France 3 Rhone-Alpes, notamment sur des voies SNCF.

Cinq pelotons de gendarmerie mobile, soit 80 gendarmes, sont intervenus en début de soirée, sur la route départementale 1085, après l’incendie de carcasses de voitures et de pneus, dans le courant de l’après-midi, précisent France 3 Rhône Alpes et i-Télé.

Quelle est l’origine des incidents ?

Les gens du voyage réclament la sortie de prison de l’un d’entre eux pour assister à l’enterrement d’un proche. Une vingtaine de détenus ont d’ailleurs déclenché une mutinerie au centre de détention d’Aiton (Savoie) pour que celui-ci puisse bénéficier d’une permission. Les mutins ont mis le feu à leur coursive et détruit les serrures de leurs cellules, a indiqué une source syndicale à l’AFP.

C’est un accident de la route qui est indirectement à l’origine de ces incidents. Trois jeunes sont morts dans la nuit du vendredi 16 octobre au samedi 17 en rentrant d’un cambriolage à Saint-Joseph-de-Rivière. La voiture qu’ils venaient de voler est rentrée dans un arbre au bord de la route. Un quatrième occupant a survécu. Incarcéré, le grand frère de l’une des victimes n’aurait pas eu la permission d’assister aux obsèques de son petit frère, mercredi après-midi en l’église de Moirans.

Que réclament les manifestants ?

Interrogée par BFM TV, la mère du jeune homme décédé, identifiée comme Adèle Vinterstein, a appelé à la libération de son autre fils le temps de funérailles. « J’ai demandé une escorte, même avec des boulets aux pieds. Ca ne prendrait qu’une heure. »

« On attend les ordres du juge », a poursuivi une femme d’une quarantaine d’années qui assure que le défunt était un petit cousin. Et « si le juge ne lui donne pas l’autorisation, ça ne s’arrêtera pas, car c’est une question de respect », complète un jeune homme.

Quelles sont les conséquences des incidents ?

A 22 heures, le calme était revenu dans la commune, mais le trafic ferroviaire reste perturbé près de Grenoble à cause de ces incidents. Et cela risque de perdurer demain matin. « Suite à des manifestations violentes en gare de Moirans (incendie de véhicules sur les voies), les circulations sont interrompues pour toute la soirée sur les axes Lyon-Grenoble et Valence-Grenoble. Merci de bien vouloir reporter votre voyage. La situation sera toujours perturbée demain matin… », écrit la SNCF sur son site.

source brèves du désordre

note en + pour celles et ceux qui ont idées d’apporter la solidarité directe aux émeutiers de la prisoon d’Aiton
renseignements issus de la pénitentiaire

Clôture de Débat (Association Contre le Nucléaire et son Monde ACNM)

Un quarteron de ministres en r’traite connus pour leur sens extrême de l’État ont cosigné un appel pathétique dans les pages «Rebonds» du Libération du 15 octobre 2013. «Nous assistons à une évolution inquiétante des relations entre la société française et les sciences et techniques. » Des « minorités bruyantes et, parfois provocantes, voire violentes prendraient à partie de plus en plus de scientifiques, ce qui rendrait de plus en plus difficile de recruter des étudiants en physique, biologie, chimie, géologie. La perte de compétitivité de la France serait irrémédiable si ses petits soldats scientistes étaient ainsi découragés. «L’existence même de la démocratie est menacée (…) » Et nos quatre « sages » d’inciter les autorités en fonction à siffler la fin de partie et d’en appeler au soutien médiatique : « Nous appelons donc solennellement les médias et les femmes et hommes politiques à exiger que les débats publics vraiment ouverts et contradictoires puissent avoir lieu sans être entravés. » On sait où cela mène : le 31 juillet 1977, au soir de la manifestation de Malville, le ministre de l’Intérieur, Christian Bonnet, justifiait ainsi la répression policière au 20 Heures : « La France est, chacun le sait, une démocratie authentique et à ce titre les manifestations pacifiques y seront toujours acceptées. Par contre, la violence d’où qu’elle vienne ne peut être tolérée. » …..

Le texte entier à téléchercher
ici :

[Paris] 112 heures de GAV et 6 semaines de préventive pour deux compagnon-ne-s

Dimanche 12 octobre 2015, à Bagnolet, deux compagno·ne·s se font alpaguer par une voiture de keufs sérigraphiée sans que l’on ne sache les raisons qu’ils se sont imaginés. Sur-excités, les flics ne supportant pas qu’on puisse les ignorer, tentent un contrôle d’identité. Pas de résignation, les flics utilisent la force et les emmènent au commissariat, passage à Bobigny devant l’OPJ de nuit puis retour à Bagnolet. Garde à vue sous le prétexte d’outrage et rébellion.

Après 48 heures de garde à vue, transfert vers le dépôt du TGI de Boboch’. L’équipe de transport de keufs va intimider et mettre leurs menaces a exécution. Dans la voiture quand ils sont plus nombreux, planqués, que les copin·e·s sont menottées et la flicaille armée, les insultes pleuvent, la copine est étranglée avec la ceinture, des coups sont portés. Les flics arriveront a gratter quelques jours d’ITT, et les copin·e·s entreront au dépôt après 4h à l’hôpital avec blessure au nez, contusions à la pelle et 8 points de sutures sur le crâne.

Après 20 heures de dépôt, comparution immédiate. Levez-vous ! Tenez-vous droit ! Ne vous tenez pas la main. La juge, avachie qu’elle était, monopolise la parole, raconte sa vie, évoquant son passé de sale prof. Personne n’est intéressé, les compagnon·ne·s cherchent à en placer une. Elle n’accepte pas qu’on ose parler sans demander la parole, ou qu’ielles refusent de répondre à ses questions intrusives. «Heureusement que tout le monde n’est pas comme vous» , assène la juge, marquant ainsi les difficultés que lui pose le refus de collaborer des compagno·ne·s. Au cours de l’audience, qui n’a pas porté sur le fond mais sur les conditions du report*, la juge reconnaît que le dossier est vide, mais désire tout de même punir. La lecture des chefs d’inculpation montre la mauvaise fois des flics ; les compagnon·ne·es ne sauraient comparer le boulot des putes au sale boulot de flic. Doutant de l’identité des accusé·e·s, l’un refusant de donner son nom, l’autre n’ayant pas de papiers d’identité, et sous prétexte de non-réponse à ses questions la juge refuse de regarder les garanties de représentation, balaie les certificats médicaux et renvoie l’affaire au 25 novembre, envoyant en détention préventive à Fleury l’une des accusé·e·s. L’autre, «X», suite à un vice de procédure (les vingt heures maximales censées séparer la fin de la garde à vue et la présentation devant un magistrat), est libéré par la juge, qui expliquera que «cela montre que la justice est juste». En vrai, les flics en ont décidé autrement et dans un moment de pagaille dans la salle d’audience, les personnes présentes apprennent par les accusé·e·s que les flics vont ré-arrêter le copain à sa sortie. La juge décide d’évacuer une partie de la salle, qui se fait entendre en protestant contre la justice, la juge et les flics. Ça n’a donc pas manqué, à peine passé le portail les flics kidnappent «X» une nouvelle fois, rebelote 48 heures de GAV au commissariat de Bagnolet.

Dehors, il est très difficile d’avoir des informations sur le gardé à vue, (qui malgré ses demandes de voir un avocat n’y aura pas accès) et, après un tour infructueux des commissariats du 93, un rassemblement est appelé le soir-même devant le commissariat de Bagnolet, où les deux copin·e·s avaient été emmené·e·s initialement. Une flopée de flics l’attendait, ils déboulent gazeuse à la main et contrôlent les 20 personnes présentes sous prétexte de vigipirate à quelque mètres du commissariat. Le sale commissaire vient annoncer au groupe que «X» est bien en garde à vue au comico et que si l’on veut s’en plaindre, il y a des formulaires. Le rassemblement aura permis d’avoir une info «officielle», et les flics ont été bien forcés de constater que «X» n’était pas isolé. Le lendemain, à 16 heures, un autre rassemblement est organisé. Encore une fois, le dispositif policier est ostensiblement disproportionné, civils, renseignements, équipe d’intervention font face à une dizaine de personnes solidaires. Le commissaire de jour dira que «X» va être déféré dans la soirée et passer en comparution immédiate le lendemain. En réalité, il sera juste emmené au commissariat des Lilas pour la nuit, où il croisera les flics, soi-disant blessé·e·s, se pavanant toujours dans leurs dégueulasses fonctions, les keufs craignant du bordel à Bagnolet.

Le lendemain, à 13 heures au tribunal, ni les renseignements généraux, ni les flics du tribunal, ni le procureur, ni la greffière, ni les avocats ne veulent dire où se trouve le copain. Grâce à quelques indiscrétions, on apprend qu’il ne sera pas jugé aujourd’hui, et qu’il pourrait sortir avec une convocation dans l’après midi. La quarantaine de personnes solidaires se rend au commissariat de Bagnolet, d’où «X» sortira après 112 heures aux mains des flics avec deux convocations «sous X» pour deux procès. Le premier pour outrage, résistance violente et refus de se soumettre à des relevés signalétiques, le 25 novembre, à la même audience que la copine, alors même qu’il en a été sorti pour vice de procédure, et un second, pour avoir commis des violences sur trois dépositaires de la force publique, le 25 janvier 2016.

Les flics et la justice essaient de briser les individus qui n’acceptent pas leur autorité, qui sabotent leur travail en refusant de donner les informations qui permettent a cette machine de fonctionner.

Parce que chaque contrôle est une intrusion insupportable, que chaque jugement est inique, nombreuses sont celles et ceux qui se rebellent au quotidien contre la police et la justice. Pour se montrer solidaire, diffusons ces histoires, organisons-nous pour briser l’isolement que la répression appelle, sabotons les rouages de la machine judiciaire et policière et attaquons tout ce qui rend possible le contrôle, la prison, la répression et son monde.

Liberté pour toutes et tous !

* La juge a le choix de libérer les accusé·e·s avant leur procès, de les placer sous contrôle judiciaire, ou de les placer en détention préventive

Email Email de contact: 12octobre_AT_riseup.net

Bruxelles : un monument rappelle l’enfer de la prison de Forest

source: brèves du désordre
La nuit avant le début du marché annuel à Forest, le Monument des Morts (à la mémoire des soldats morts dans la guerre de 1914-1918) a été tagué par des inconnus. On peut maintenant y lire : « La prison de Forest vous maudit » et « Détruisons la prison ».

Le bourgmestre Marc-Jean Ghyssels se dit particulièrement choqué (non, pas par les conditions à la prison de Forest, mais par « l’acte de vandalisme » évidemment), d’autant plus que les dignitaires de la commune déposent annuellement des fleurs à ce monument… le premier jour du marché annuel. La cérémonie patriotique a donc été quelque peu perturbée.

14 octobre 2015, à partir des articles parus dans la presse.

« La prison de Forest vous maudit »

Le lendemain des tags rappelant l’enfer de la prison de Forest sur le monument des Morts à Forest, des tags contre la prison sont apparus cette fois-ci sur la prison de Forest même.

Si le bourgmestre de Forest n’a pas hésité de comparer les faits survenus « aux Talibans qui détruisent les monuments historiques dans d’autres coins du monde » – une connerie incroyable -, on n’hésitera pas non plus de comparer ce qui se passe dans la prison de Forest aux camps de concentration et à tous ces autres lieux de souffrance infligés par l’État partout dans le monde – une comparaison tout à fait rationnelle -.

14/10/2015, à partir des articles parus dans la presse.

Publié sur La Cavale, 14 octobre 2015.

Le conseil de l’ordre des médecins : l’incarnation du pouvoir médical

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Officiellement, le conseil de l’ordre des médecins (comme celui d’autres professions libérales) est né le 17 Octobre 1940, c’est-à-dire en plein régime de Vichy. Il vient remplacer les syndicats de médecins considérés comme trop dangereux par Pétain et supprimés dans le même mouvement. Dès 1941, de nombreux médecins s’opposent à cette supersutructure en craignant sa subordination directe au gouvernement. C’est ce qui se produisit puisque le conseil de l’ordre de l’époque était alors ouvertement antisémite et xénophobe, pratiquant allègrement la délation et l’exclusion de nombreux médecins juifs français ou étrangers. De Gaulle dira dans un premier temps qu’il s’agit d’un « clan de fascistes à la solde d’Hitler et Pétain » puis, soulageant ainsi certains défenseurs de l’ordre actuel, acceptera la création d’un petit frère après la libération. En effet dissout à la libération, il renaîtra rapidement (le 24 Septembre 1945) à cause d’un ministre de la santé communiste.

Fonctionnement officiel [1]

Concernant son fonctionnement, il a fallu attendre 2011 pour avoir un rapport d’activité publique, ce qui montre l’opacité de ce lobby. Organisé de manière décentralisée, il se compose d’instances départementales, régionales et d’une instance nationale située dans un riche immeuble du boulevard Haussman à Paris. Cette dernière est composée d’un bureau de 16 membres tous médecins, de cinquante-quatre autres formant la commission nationale élue par les conseils départementaux, d’un représentant de l’académie de médecine, d’un conseiller d’Etat désigné par le ministère de la justice et d’un président. L’institution en elle-même emploie 541 personnes. Son financement vient des praticiens actifs et retraités qui doivent obligatoirement débourser 300 euros par an pour les premiers et 150 euros par an pour les seconds. Ce qui, sur une année complète, représente la somme de 75 millions d’euros pour cette mafia.

Cette dernière se dit être une interlocutrice et une conseillère des pouvoir publics, portant ainsi l’intérêt des médecins et des patients en s’attachant à faire respecter le code de déontologie. Concernant les patients, ces derniers peuvent se considérer comme plaignants, choisir un avocat, avoir accès à leur dossier et se pourvoir en cassation si besoin, seulement depuis 2010. Avant, ils n’étaient que de simples témoins. Ce sont les Conseils Départementaux de l’Ordre des Médecins (CDOM) qui recueillent les plaintes pouvant éventuellement faire l’objet d’un déféré devant une chambre disciplinaire de première instance (CDPI) créée auprès de chaque conseil Régional de l’Ordre des Médecins (CROM) et depuis peu présidée par des magistrats des tribunaux administratifs.

Pour qu’une mafia fonctionne il faut des petites mains qui obéissent au doigt et à l’œil. C’est ce qui est représenté par les conseillers ordinaux qui siègent un peu partout et s’occupent de faire vivre la déontologie, d’appliquer des mesures administratives (recensement des médecins, s’assurer de leurs bonnes compétences…), d’aider juridiquement et matériellement les docteurs en médecine (et leur famille !) et de les conseiller en matière d’assurance. Ces conseillers ordinaux ne sont autres que des médecins quelconques qui ont toujours été les premiers de la classe et qui adhèrent sans contrepartie financière à cette coterie. Tous les toubibs sont électeurs et éligibles mais se sont souvent les mêmes assoiffés de pouvoir et les mêmes conservateurs qui se présentent pour six ans, renouvelés tous les trois ans, avec un taux d’abstention énorme.

Fonctionnement réel

Si les mesures précitées ont été mises au grand jour et actualisées c’est parce que le pouvoir médical était allé un peu loin en termes d’abus, de mensonges et de dominations en tout genre. Toujours est-il qu’il s’est adapté aux différentes évolutions sociales et gouvernementales et qu’à plus de 70 ans, il se porte encore bien. Les affaires se sont suivies sans qu’il n’y ait eu la moindre possibilité de faire reconnaître une quelconque once de vérité, d’égalité ou de justice (à quelques exceptions près). A chaque fois les petits arrangements entre amis (médecins et/ou bourgeois) ont permis d’éviter l’interdiction d’exercer ou des mesures plus lourdes pour certains toubibs. Que ce soit des affaires de viols, d’erreurs mortelles, de falsification de dossiers médicaux, de détournement de fric, de pubs pour sa petite entreprise, de dépassements d’honoraires, etc. Tout est défendu becs et ongles par la confraternité médicale déjà révérée dans le serment d’Hippocrate que la plupart des médecins (ça dépend des facultés) doit lire la main droite levée au moment de soutenir sa thèse [2]. Au final, se sont entre 5 et 10 % des plaintes de patients qui passent le filtre que constituent les CDOM. Ce qui ne signifie aucunement qu’une forme de reconnaissance provenant du pouvoir médical soit obtenu, car après ce passage il y a d’autres instances à affronter.

L’ordre des médecins est censé être une police et une justice parallèles auprès des médecins. Mais à l’instar de la police et la justice d’Etat, elles sont iniques. Tout concourt à ce que l’omerta d’une affaire remettant en cause un toubib perdure. Si un médecin dénonce ou abonde dans le sens du plaignant, il aura sur le dos l’ordre et d’autres confrères qui lui diront qu’en prenant position pour la victime, il se tire une balle dans le pied. C’est donc la suprématie du silence faisant dire à certains que le silence est d’or…dre. Mais ce n’est pas avec tous les médecins que l’ordre ferme les yeux. Soit pour montrer l’exemple soit pour éliminer les plus rétifs, cette obscure et cynique institution peut faire preuve de sévérité. L’objectif de l’ordre des médecins est avant tout corporatiste, il tient à préserver le petit confort et les gros intérêts de ses membres contraints et forcés d’être fidèles.

Quelques bases idéologiques

Ses prises de positions idéologiques se sont, au cours du temps, toujours avérées violemment conservatrices et réactionnaires. Sans revenir sur l’origine pétainiste, l’ordre des médecins s’est positionné contre l’ouverture des plannings familiaux, contre la loi pour l’avortement en 1974-75, contre l’aide apportés aux trans’, contre l’euthanasie, etc. En fait c’est surtout la ligne politique de l’industrie pharmaceutique qu’il suit, affichant implicitement ses conflits d’intérêt avec elle. Il défend ainsi une pensée et une pratique unique. Pas d’autres médecines que la sienne, c’est-à-dire une médecine technique, froide et uniquement allopathique. Les intérêts des malades sont secondaires comme le montre l’exemple de l’accès au dossier médical informatisé (traduisez fichage généralisé) que l’ordre ne veut pas donner aux individus mais qu’il souhaite garder pour lui et les différentes instances de contrôle.

Et concernant son lien avec l’Etat, l’ancien président de ce clan, le Dr Michel Langmann, en place de 2007 à 2013, révèle bien la connivence qu’il peut exister. Maire adjoint de Neuilly depuis 1983, c’est évidement un proche de Sarkozy. Il l’a aidé dans de nombreux dossiers comme, par exemple quand il a été question de faire passer la pilule aux effets indésirables appelé loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST) en 2009. Et il vient d’être remplacé par Patrick Bouet, classé « plutôt à gauche » et généraliste qui plus est (ce qui est une première au sein de cet appareil de spécialiste) prouvant que l’ordre des médecins s’arrange parfaitement avec la couleur du pouvoir politique en place.

Quelles résistances possibles ?

Pour les patients qui voudraient se lancer dans le bourbier judiciaire ordinal (pour éviter qu’un toubib fasse subir d’autres violences), ils doivent avoir en tête que même si une plainte est rejetée dans un premier temps par les CDOM, il est possible de faire appel auprès de la chambre disciplinaire nationale (CDPI) elle-même indépendante du CNOM… en théorie. Car en pratique, même si c’est un conseiller d’Etat qui préside, tous les autres membres sont des médecins élus par le CROM ce qui laisse de la place à la solidarité de classe et/ou de caste du côté des dominants. Et pour rester de ce côté, la proximité entre l’Etat et ce lobby se remarque via la cour des comptes qui s’amuse à critiquer les activités, appuyant les bonnes choses (suivi de la profession et reconnaissance des qualifications) et faisant semblant de s’inquiéter des mauvaises qui perdurent depuis bien trop longtemps (l’absence d’inclusion de certains médecins comme tous ceux qui ont des fonctions politiciennes, la défaillance concernant l’organisation des soins et le contrôle du respect de la déontologie notamment à travers les dépassements d’honoraires).

Concernant les partis politiques au pouvoir, le PS et Mitterrand se sont bien cassé les dents sur la confrérie médicale. En effet, malgré la belle promesse de « supprimer » l’ordre des médecins inscrite dans son programme de 1981, rien n’a pu être supprimé et c’est autant parce que cette institution à un fort pouvoir d’influence, qu’elle permet au gouvernement d’avoir une mainmise sur la profession médicale. Même si depuis que le PS a repris le pouvoir l’ordre fait moins le malin, il reste pour l’instant bien en place et s’arrange comme il peut avec le gouvernement, et cela d’autant plus qu’il a la bénédiction du parlement européen.

Il y a bien quelques médecins réfractaires qui ont tenté de ne pas payer les 300 euros par an et de dénoncer ce lobby. Mais cela se fait faiblement puisque l’ordre porte plainte automatiquement quand un praticien ne paye plus sa cotisation et peut persécuter ses opposants. Certains se sont alors constitués en association afin de rassembler leur force et de se faire plus visibles. L’association Contrordre basée à Rennes semble la plus intéressante. Elle a réalisé une action coup de poing en juin 2012 après 5 ans de refus de paiement de cotisation et une longue bataille judiciaire [3].

Diffuser les informations que l’ordre des médecins cherche à dissimuler, démontrer son iniquité, son corporatisme et son fonctionnement autoritaire, lutter contre son idéologie abjecte et inciter chaque toubib à prendre position contre son déploiement sont des propositions permettant l’instauration d’un rapport de force qui pourra faire plier ce monstre institutionnel.
Notes

[1] Beaucoup de ces infos viennent du livre de René Chiche. Enquête sur les mandarins de la médecine. Édition du moment.

[2] Contrairement à ce que pensent beaucoup de médecins, le serment d’Hippocrate n’a plus grand-chose à voir avec celui écrit il y a plus de 2 millénaires. Il a été retouché à de nombreuses reprises et devrait s’appeler « serment d’hypocrite » étant donné le grand écart qu’il y a entre son contenu et les pratiques courantes de nombreux toubibs.

Lettre ouverte à ceux qui pensent que participer à la Marche-de-la-dignité-contre-le-racisme-avec-le-soutien-d’Angela-Davis n’est pas un problème

Vous avez peut être prévu d’aller marcher avec dignité contre le racisme le 31 octobre prochain en répondant à l’appel porté par Amal Bentoussi. Vous n’avez peut être pas prêté particulièrement attention au fait que cette initiative a été lancée par le Parti des Indigènes de la République ou vous avez renoncé à prendre en compte ce que cela signifie. L’appel lui-même se donne d’ailleurs l’air assez normal et évite les formules choc dont le P.I.R. s’est pourtant fait une spécialité. On pourra tout de même y relever l’énumération significative des « Noirs, Arabes, Rroms et Blancs des quartiers » (fausses évidences et vraies assignations identitaires, dont la dernière est une nouvelle née des sept familles de la racialisation) et tant pis pour les prolétaires, « des quartiers » ou pas, qui ne rentrent pas dans ces catégories, les débordent ou tout simplement les refusent. L’appel du meeting de préparation à Saint Denis nous replace clairement sur les terres du P.I.R., qui ne laissent comme terrible horizon que la religion et la race, puisqu’on y dénonce les « discriminations systémiques », avec la mise en avant de 3 catégories prioritairement discriminées : les « musulmans », les « Noirs », les « Rroms ».

On ne marchera donc pas ce jour là pour la « dignité » de tout un chacun.

De l’habituel racisme au singulier contre lequel on propose de marcher dans le titre, on passe, à la fin du texte d’appel, aux racismes au pluriel, déclinés ainsi : « l’islamophobie, la négrophobie, la rromophobie galopantes », il ne manque que l’évocation du « philosémitisme d’état » pour retrouver à l’identique les déclarations plus que contestables de la porte parole du P.I.R., à Oslo par exemple. D’ailleurs, dans la présentation des signatures de l’appel on sépare et on hiérarchise les « femmes racisées », puis les stars et « personnalités », puis les « associations de racisées », enfin les « soutiens » qui sont les personnalités et groupes non racisés ou qui ne sont pas cités à ce titre.

On marchera donc ce jour-là pour la promotion d’un anti-racisme repeint aux couleurs de la race.

Effectivement, cette marche n’est pas une promenade de santé, c’est

une étape dans l’avancée d’un projet politique en cours.

• Il s’agit pour les initiateurs de se poser en médiateurs universels détenant le monopole des réalités des banlieues et des quartiers populaires, mais aussi de la question des migrants, pour polariser la conflictualité qui peut y prendre place à travers un filtre racial et judiciariste.

• Il s’agit aussi d’une tentative de récupération à la portée bien plus large que celle que SOS Racisme a opéré dans les années 80, et s’en inspirant sans doute : on s’approprie ici ouvertement la marche de 83 bien sûr, mais aussi les émeutes de 2005, et au-delà, l’ensemble de l’héritage des luttes immigrées, que ce soit sur les questions des papiers, du travail, du logement, ou sur d’autres terrains, qui court sur plusieurs décennies.

• Il s’agit donc de la construction d’enjeux politique autour de la question raciale avec l’approbation de la présence de personnalités plus qu’infréquentables, officiellement signataires de l’appel : par exemple Tariq Ramadan, ambassadeur des frères musulmans (dont le Hamas est une des branches), Médine, connu pour ses quenelles de soutien à Dieudonné et sa proximité avec le commercial raté antisémite du suprémacisme noir Kémi Séba, Ismahane Chouder de Participation et Spiritualité Musulmanes, groupe qui a appelé à la « Manif pour tous » et qui a partie liée avec l’assassinat de militants d’extrême gauche au Maroc dans les années 90, et bien sûr Saïd Bouamama, collaborateur régulier du pro-négationniste Michel Collon, et Houria Bouteldja, porte parole du P.I.R., coutumière des plateaux télé, de l’éloge de la famille, de l’ordre et de l’obéissance aux structures communautaires et à la religion, ainsi que des invectives antisémites, contre le métissage, homophobes et sexistes.

On ne marchera donc pas ce jour là seulement avec la dignité, mais aussi avec ses nouveaux amis. Dieudonnistes, panislamistes, protofascistes religieux : la dignité a de bien mauvaises fréquentations en ce moment, sans même parler de ceux qu’elle ne présente pas le premier soir.

Nous sommes de plus en plus nombreux aujourd’hui d’horizons relativement variés, révolutionnaires, anarchistes, communistes anti-autoritaires, militants, entre autres, des luttes de l’immigration, épris sans doute davantage d’émancipation que de dignité et de justice, à s’opposer à la récupération en cours et à refuser la proposition politique portée par cette initiative.

Le 31 octobre, même du pied gauche, ne marchons pas dans cette combine !

Octobre 2015,
A la croisée des chemins…
crossroads_AT_riseup.net

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source: non fides

Les Luddites et L’usure du  » Vieux monde » (Association contre le nucléaire et son monde)

 

L’existence de l’État et l’existence de l’esclavage sont inséparables. »
Karl Marx
L’énergie nucléaire, sa gestion et sa contestation forment un miroir grossissant du chaos
dans lequel se débat la société moderne. Ellesmontrent aussi les rapports de force dont cette société est l’enjeu. Or il apparaît clairement que l’affaiblissement des nucléocrates ne correspond pas à un renforcement de leurs ontestataires.Si les rapports de force ne fonctionnent pas demanière inversement proportionnelle, comme lesplateaux d’une balance, c’est que le nihilisme de l’époque engendre des appels désespérés à des arbitrages étatiques.
                     Du « vieux monde »
La notion de « vieux monde » élargit et approfondit celle d’Ancien Régime. Elle signifieque l’affranchissement des sujets envers deshiérarchies de type féodal ou royal est un pas insuffisant de l’émancipation humaine. Ceuxqui s’opposent au « vieux monde » savent queles nouveaux régimes fondés sur des constitutions politiques issues des premiers assauts révolutionnairesn’ont pas achevé, mais recomposé,les inégalités sociales sur lesquelles se fondent les dominations et les soumissions. Les utopiesspatiales dont le « Nouveau Monde » de la révolution américaine auquel faisait écho la formule de Saint-Just selon laquelle « le bonheur est uneidée neuve en Europe » furent dépassées par les utopies temporelles animées par les luttes qui segénéralisèrent au xixe siècle. Ces luttes contre la dépossession des existences humaines et lesnouvelles formes de servitude que les organisationsde travail liées à l’universalisation des relationsmarchandes instaurèrent atteignirent leurslimites au xxe siècle. Les perspectives qu’elles ouvrirent se refermèrent par la répression etl’encadrement étatiques. C’est ce que signifiaitl’expression « vieux monde » – qui était censé nepas rattraper le manifestant de 1968 – quand, ily a cinquante ans, il s’agissait d’abattre le mythe des deux « hommes nouveaux », l’un prolétarien et producteur, l’autre libre et consommateur,érigés en modèles alternatifs communiste ou occidental.Ces utopies temporelles doivent à leur tourêtre dépassées, et ce dans un contexte où la dépossession des existences humaines s’est étenduejusqu’au plus loin des centres de production.Le xxie siècle nous montre le « vieux monde »plongé dans une réalité que le plus lucide des révolutionnaires d’il y a cinquante ans envisageait à peine. Les idéologues qui, dans leurs théories, présentaient précédemment la crise économique comme cyclique et passagère conviennent peu à peu qu’elle est devenue perpétuelle. La survie assistée technologiquement va ouvertement de pair désormais avec l’isolement et la déstabilisation continue des moyens de subsister. Les frontières géopolitiques sont ébranlées par la montée de mouvements théocratiquesguerriers, high-tech et vidéophiles,résultant des retournements d’alliance que l’exportation militaire de la démocratie marchandea engendrés. Sur fond de guerre énergétique,l’ennemi générique de la démocratie marchande est maintenant doté des traits hideux d’une infernale religion sanguinaire et non plus des attraits mensongers de l’avenir égalitariste promis par le paradis militarisé du communisme d’État. Ce nouvel ennemi sert de faire-valoir d’autant plus efficace à l’organisation sociale hégémonique quivoudrait neutraliser toute critique.L’obscurantisme religieux étant compatible avec l’aveuglement scientiste, les États moyen-orientaux parient sur la construction de centrales nucléaires. Pendant que les États-Unis négocient « l’indépendance » nucléairede l’Iran, l’Arabie saoudite et quelques émiratspromettent d’acheter des EPR à la France. La Turquie projette la construction pour 2017d’une centrale de quatre réacteurs ATMEA-12(petit frère de l’EPR) à Sinop, au bord de la merNoire – dans le cadre d’un partenariat auquel participent AREVA, Mitsubishi et EDF dont leprojet est validé par l’IRSN (Institut de radioprotectionet de sûreté nucléaire) et l’ASN (Autoritéde sûreté nucléaire) –, et d’une autre de quatre réacteurs russes à Mersin, prévue pour 2020 au bord de la Méditerranée. Dans ces deux régions,le programme est contesté par les populationsLa mise en scène des dangers est devenue un exercice obligatoire désormais, tant ils se réalisent. La conscience du désastre est maintenant généralisée. Fini la période éphémère oùl’écologie frayait avec les idéaux révolutionnaires.Aujourd’hui, cette idéologie verte est partagéepar les administrateurs du désastre. Leur incessantepropagande s’indigne quotidiennement de chacun de ces malheurs qu’eux-mêmes déniaient naguère. Ce sont les nucléaristes de Science et Vie qui titraient en septembre 2014 : « Accident nucléaire : comment la France s’y prépare ». Ce qui leur a valu la lettre ouverte restée à ce joursans réplique d’« Un irradié non consentant »lire page 7).La suite du texte peut être lue  par le PDF texte de l’ACNM en pièce jointe

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[Paris] Quelques considérations pour envisager un projet de lutte contre les frontières

[lu sur brèves du désordre]

Quelques considérations pour envisager un projet de lutte contre les frontières

Nous assistons chaque jour à une intensification du massacre perpétué par les frontières étatiques. Des milliers d’hommes et de femmes qui fuient les guerres, la misère et des catastrophes écologiques, conséquences directes de l’exploitation des matières premières, et des hommes réduits à l’état de matières premières. Nous assistons quotidiennement à ce qui s’apparente de plus en plus à une hécatombe, aux portes des lieux où nous habitons, et nous nous habituons à être des spectateurs de l’horreur de cette normalité.

Face à cette masse d’êtres humains, qui en risquant leur vie défient les frontières, et se mettent en jeu dans des moments d’affrontements avec les chiens de garde de l’Europe, les hommes à la tête des États se gargarisent de valeurs démocratiques et proclament la nécessité de régulariser une partie d’entre eux en établissant les critères nécessaires pour les trier, sélectionner la bonne marchandise et refouler celle avariée. Ils établissent des politiques communes, construisent de grands centres de tris, renforcent les appareils bureaucratiques et militaires et la surveillance des frontières. Des frontières qui ne sont pas seulement des limites territoriales entre les Etats, mais se matérialisent aussi dorénavant dans les contrôles et les rafles, dans les transports en commun et les gares, sur les lieux de travail et dans les rapports d’exploitation, aux guichets des banques et des administrations, dans les centres de rétention administrative et dans le travail des gestionnaires humanitaires.

Dans les rues de Paris ces derniers mois des centaines d’hommes et de femmes ont vécu dans leur être et dans leur chair l’accueil de l’État français. Virés de chaque square, de chaque rue, de chaque parc, de chaque dessous de pont où ils essayaient de trouver refuge, frappés et gazés par les flics parce qu’ils continuaient à rester ensemble. Des groupes de soutien de différentes obédiences se sont rapidement créés. Parmi eux, certains individus sincères, pour qui l’aide qu’ils apportent est une fin en soi, motivés par leur colère ou leur indignation. D’autres, représentants de partis, ou d’organisations humanitaires pour qui les migrants sont un moyen d’avoir plus de visibilité dans la rue et dans les médias, plus de pouvoirs politiques et plus de financement publics et privés. Globalement, ils ont essayé de leur fournir du soutien matériel et ont appuyé politiquement les revendications portées par la majorité de ces hommes et femmes : leurs demandes d’asiles et de logements. Revendications qui invoquent les droits de l’homme, qui considèrent comme un interlocuteur l’État. Cet État qui, plus moins directement, est partie prenante des sanguinaires affaires dans leurs lieux d’origines, qui les massacre aux frontières, qui les traque parce qu’ils dorment dans la rue, et qui les accueille avec gaz et matraques, soucieux de débarrasser la vitrine touristique qu’est Paris de cette vermine.

Probablement beaucoup d’entre eux réussiront à obtenir les papiers et à se faire tanner dans les biais légaux de l’exploitation du système économique français, grâce aux mobilisations plus ou moins citoyennes. Beaucoup d’autres continueront à mourir aux frontières, ou resteront dans la masse des indésirables aux yeux du marché ou de l’État, condamnés à la misère et à la répression.

Tant qu’existeront les États et leurs frontières, il y aura des sans-papiers indésirables, tant qu’il y aura des guerres et que continuera le saccage capitaliste, des millions de personnes n’auront pas d’autres choix que de s’exiler pour survivre. Tant qu’existeront les papiers, qui ont pour seule raison d’exister le contrôle du bétail humain, la gestion des inclus et des exclus, certains auront les « bons », d’autres les « mauvais », d’autres pas du tout, les États hiérarchisant les vies humaines selon leurs propres critères. C’est pour ça qu’au slogan « Des papiers pour tous » nous préférons ce slogan irraisonnable, « Ni papiers ni frontières », qui n’a rien à demander à l’État mais qui souhaite sa destruction, car nous ne serons jamais libres tant que chacun et chacune ne pourra vivre comme il l’entend, ne pourra aller partout où ses choix le mènent.

Par ailleurs, personne n’échappe aux griffes du capitalisme, les exploités sont partout confrontés à la violence de l’économie et de l’État, et c’est la même logique de survie et son atomisation qui tuent nos corps et nos esprits à petit feu. C’est la raison pour laquelle nous voulons faire sauter les barrières (et le langage même forme la partie la plus visible de ce redoutable iceberg) érigées entre un « nous » imaginaire et des « migrants ». Sortir définitivement de la logique du soutien qui apporte une assistance envers un sujet créé sur la base d’une discrimination « positive » car étant le sujet opprimé par excellence. C’est justement en faisant d’une multiplicité d’hommes et de femmes un tout homogène, que l’on oublie qu’ils ont des trajectoires et des idées différentes. Ce n’est que sur la base de ces différences que nous pouvons partager des moments de complicités et de luttes, car comme tout opprimé, un « migrant » peut tout aussi bien se révolter contre sa condition, que servir fidèlement ses oppresseurs pour obtenir des avantages.
Nous apprécions et valorisons l’entraide spontanée que nous comprenons comme un élan du cœur, mais, dans une perspective libératrice, cette forme de solidarité ne peut se substituer à la nécessité de l’affrontement contre des hommes et des structures étatiques, la police et le contrôle, ne peut s’accommoder des rouages démocratiques, en somme ne peut mettre de côté, sous couvert d’urgence, l’ensemble multiple et varié des actes de rupture -ou du moins qui cherchent à en créer une- avec l’ordre existant. Sinon cela revient à aider l’État dans sa tache de gestion, à assurer du service en son absence, à empêcher que la situation ne devienne réellement incontrôlable, car c’est cela que craint véritablement – et à juste titre- l’État.

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Ce qui nous meut, c’est l’idée d’un monde sans État ni domination, donc concrètement leur destruction, l’idée d’un monde débarrassé du capitalisme, donc concrètement la subversion de l’ensemble des rapports existants. Ces idées, a priori minoritaires, ne sont pas un balluchon que l’on ouvrirait de temps à autre pour se rassurer ou se donner de l’espoir au milieu du marasme quotidien, elles sont notre boussole. Quant à la révolte, la rage, la rébellion, l’insoumission, réactions conscientes qui s’insèrent dans les nombreux antagonismes qui traversent la société, sous quelques manières qu’elles s’expriment, nous les savons nombreuses et diffuses. Ces deux parts de nous-mêmes sont inséparables : nous ne sommes pas prêts à mettre de côté des idées qui sont les nôtres pour nous agréger, par exemple, à un moment de lutte collective ; et de la même manière nous ne rechignons pas toujours à prendre notre part à une lutte dont nous ne partageons pas forcément l’ensemble des contenus ou des moyens. « Je cherche une force, car l’idée ne fait que sa tâche. Et si l’idée propose, la force dispose », disait un révolutionnaire jadis. Selon nous cette -mal nommée- force c’est la conflictualité sociale elle-même, se pose alors la question de notre intervention à l’intérieur même de cette conflictualité qui est notre lot quotidien.

Nous ne recherchons aucune légitimité, puisque même par des biais détournés c’est le pouvoir qui différencie ce qui est légitime de ce qui ne l’est pas. La légitimité est donc le reflet d’une soumission à l’autorité, celle de la majorité (la prétendue « opinion publique ») n’étant pas la moins redoutable. Car la légitimité est à « l’opinion publique » ce que la légalité est à l’État, c’est-à-dire la négation de l’auto-détermination de nos vies. Une révolte légitime est incapable de saboter les fondations du monde, elle propose seulement une redéfinition du monde fondée sur le mythe d’un État et de lois plus « humains », d’une justice plus « juste », d’une économie plus « égalitaire », et attend une reconnaissance de « l’opinion ».

Loin de tout opportunisme politique, notre intervention dans une lutte sociale doit se faire sur nos propres bases : nous ne luttons pas pour « aider les migrants à obtenir des papiers », mais contre la domination des États sur tous et toutes. Avoir une présence dans la rue non pas pour en prendre la tête, pas non plus pour rendre un service à quiconque, qui plus est sans être clairs sur nos idées en les diluant ou les épiçant au gré des convenances, mais pour diffuser des idées et des pratiques insurrectionnelles, pour avancer dans la perspective de la révolution sociale.
Pour pouvoir gouverner tout pouvoir a besoin de créer des catégories et de produire des divisions qui l’arrangent et d’assigner chacun à des rôles qui sont autant de chaînes destinées à favoriser la servitude et l’assujettissement. Comme nous l’avons déjà dit, nous voulons faire sauter les barrières instaurées par le pouvoir, c’est pourquoi ce n’est pas l’appartenance par défaut de tel individu à telles supposées communautés qu’elles soient nationales, culturelles ou ethniques, ou telles catégories (immigrés, clandestins, avec papiers, migrants, déviants, hors-la-loi, travailleurs, chômeurs, diplômés…) qui conditionnent nos rapports avec eux, mais la manière dont ils se rapportent à cette appartenance. Ce qui compte pour nous c’est l’engagement, les positions, les choix et les refus qu’adoptent des individus réels dans des situations particulières, ainsi que les raisons qui les animent.

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Il y a quelques années la « lutte contre la machine à expulser » avait un avantage que la lucidité nous amène à reconnaître avec amertume comme obsolète : celui de la clarté. Les incendies volontaires de centres de réten-tions (celui de Vincennes, du Mesnil-Amelot, de Nantes, de Plaisir, de Bordeaux, de Toulouse), les évasions, les manifestations, le soutien aux inculpés de l’incendie de Vincennes, les tracts, les affiches et les attaques multiples, tous cela lit-on dans un bulletin de l’époque était sans équivoque : « soit on lutte contre les centres de rétention, et pas moins que pour leur suppression comme une partie des sans-papiers l’ont expérimenté à partir de leur situation concrète, soit on souhaite les maintenir ».La destruction volontaire du centre de Vincennes a « emporté son vernis humanitaire avec elle : les reclus ont lutté pratiquement pour une remise « liberté » pure et simple, et pas pour une amélioration de cette cage située entre une école de police et un hippodrome ».

La question de la solidarité pouvait non seulement dépasser la simple affirmation mais aussi proposer un autre parcours que celui du soutien. En visant l’ensemble de la machine à expulser et non pas les seuls centres et en exprimant un contenu clair qui ne se posait pas en extériorité, les actions insérées dans l’antagonisme diffus pouvaient ouvrir un chemin à une solidarité résolument offensive.
Actuellement en France du moins sur les derniers mois, nos idées n’ont pas eu assez d’écho et nous n’avons pas suffisamment contribué par des actes à subvertir une situation qui était potentiellement riche de possibilités. Nous n’avons pas réussi à influer pour que la révolte prenne le dessus sur la logique du soutien. D’autre part -contrairement aux années résumées plus haut- les actes de révoltes avec lesquels nous voulons exprimer une solidarité offensive concrète ne courent pas les rues.

Mais elle couve la révolte, parfois elle éclate, et ne connaît pas de frontière : le samedi 22 août des heurts éclatent entre policiers macédoniens et migrants venus de Grèce à la frontière entre les deux pays. Alors que deux jours avant l’état d’urgence était proclamé, l’armée et les forces spéciales de police dépêchées sur place ont été débordées. Ceux qui sont passés ont pris d’assaut la gare de Gevgelija pour se rendre en train en Serbie. A Calais la nuit du 31 août après la venue du premier ministre 200 personnes ont couru sur l’autoroute d’accès au site de l’Eurotunnel et ont commencé un blocage. Le 3 septembre des personnes bloquent l’entrée du centre Jules-Ferry (géré par l’association La Vie Active ) où a lieu la distribution des repas, protestant contre l’aide humanitaire et les conditions de vie dans lesquelles elles sont maintenues. Quelques jours plus tard au centre de rétention Saint-Exupéry près de l’aéroport de Lyon, des retenus entassent des matelas et des draps auxquels ils boutent le feu. Ils repoussent la police pendant que du mobilier et des vitres sont cassés et que deux personnes montent sur le toit pour s’évader. Quelques jours plus tard à Roszke en Hongrie un millier de migrants a forcé un cordon policier pour ne pas être conduits à un centre d’accueil et d’enregistrement à proximité. Une partie d’entre eux a escaladé une barrière pour accéder à l’autoroute qui mène à Budapest et continuer leur route à pied. A Bicske des migrants montés dans des trains qu’ils pensaient à destination de l’Allemagne ont refusé leur déportation quand ils ont compris que ces trains avaient pour destination des centres d’identifications et de tri. Le 5 septembre sur l’île de Lesbos en Grèce, pour le deuxième jour consécutif des migrants se sont affrontés à la police. Quelques heures plus tôt un millier d’entre eux étaient sortis d’un centre d’accueil temporaire et avaient bloqués une route de l’île. Toujours à Lesbos, un millier de migrant se sont regroupés et ont tenté de monter de force sur un bateau en direction d’Athènes. Le 6 septembre à Valence (en Espagne) une quarantaine de prisonniers du centre de rétention se sont rebellés contre les flics et leurs ont subtilisé leurs clefs. Un groupe a tenté de s’évader pendant ce temps à l’intérieur des matelas furent enflammés, du matériel dégradé et cinq flics blessés. Le 7 à Bedford en Angleterre, des femmes détenues au centre de rétention de Yarl’s Wood ont occupé la cour et ont déclaré : « Nous sommes dans la cour, nous protestions. [..] Nous exigeons notre liberté. Nous chantons pour notre liberté. Nous crions.[…] Nous ne voulons pas de leurs nourriture. Nous ne voulons pas de leurs activités. Nous voulons simplement notre liberté. »
Chaque semaine porte avec elle son lot de morts qui nous prend aux tripes et nous plombe le coeur, et face à cette horreur dans laquelle des centaines de milliers de personnes sont plongées, face à cette guerre de tous les jours que constitue le capitalisme, c’est notre rage contre ce monde inique dans sa globalité et la vie au rabais qu’il nous promet qui s’aiguise de jour en jour. Mais comme cela a déjà été exprimé par le passé, nous ne sommes pas solidaires de la misère, mais de la vigueur avec laquelle les hommes et les femmes ne la supportent plus : à la solidarité dans l’oppression nous voulons opposer la complicité dans la révolte. Alors, si nous peinons à envisager des perspectives offensives concrètes avec lesquelles exprimer une solidarité particulière, nous voulons croire qu’il est possible d’en envisager pour exprimer une rage -qui d’ailleurs n’a pas besoin d’attendre de telles « perspectives » pour s’exprimer- que nous savons diffuse, et qui pour cette raison pourrait ouvrir la voie à des moments d’affrontement et de rupture avec l’ordre existant. Et qu’au long de ce parcours, débarrassé du racket politique, du vernis humanitaire, de cette putride indignation du citoyen « qui se plaint mais qui veut le maintien du système » – véritable clé de voûte de la servitude démocratique- il y aura des occasions où la solidarité pourra prendre plus d’ampleur.

« Dire que rien ne peut changer, que l’on ne peut dévier la marche du destin, c’est la prime accordée à toutes nos lâchetés ».

« Il n’existe pas de choses faites, de voies préparées, il n’existe pas de mode ou de travail fini, grâce auquel tu puisses parvenir à la vie. Il n’existe pas de mots qui puissent te donner la liberté : car la vie consiste précisément à créer tout par soi-même, à ne s’adapter à aucune voie : la langue n’existe pas mais tu dois la créer, tu dois créer son mode, tu dois créer chaque chose : pour que ta vie soit tienne. »

Il n’y a aucune bonne raison d’attendre pour accomplir ce que notre cœur et notre raison nous suggèrent, ni mouvement social, ni rendez-vous avec l’histoire. Si nous avons refusé d’ajourner la diffusion de nos idées et des pratiques qui en découlent à d’hypothétiques lendemains plus propices, nous n’en ressentons pas moins la nécessité de créer les conditions qui rendent possible un renversement de l’ordre social, un fait social encore inconnu, imprévisible mais ravageur.

Paris, 13 septembre 2015

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