Archives mensuelles : août 2015

[ Ardèche]Cruas :la centrale nucléaire en travaux de longue durée…?

depuis déjà un an , des individu-e-s associé-e-s ont publié un texte avec un titre humoristique, « Cruas , le changement, c’est maintenant » voir ci dessous:
le collectif antinucléaire sud est qui a participé à un rassemblement organisé par sortir du nucléaire 26 07 devant la centrale de cruas en mai 2014 et à une réunion d’information à Meysse , alors que la construction dans la commune de Meysse, d’un endroit de stockage de l’ancien générateur vapeur et de l’ancien alternateur et des tuyauteries radio actives récupérées sur le chantier de la centrale nucléaire de cruas, était commencée, tout ceci sans donner aucune information concernant les risques pour un tel stockage, ce que la CLI Cruas- Meysse avait déjà dénoncé, rien de celà n’a été déclaré à l’assistance de la conférence tenue dans une salle de la ville de Meysse par des gens de la Coordination anti nucléaire sud est et du réseau 26-07 dans le cadre de la marche antinucléaire pour la vie Que la coordination nucléaire sud est se félicite de la faillite du projet de carénage (1) sans tenir compte de la présence, de l’impact d’un tract – affiche déjà diffusée sur place et sur Romans , valence, la voulte, Meysse .Ce n’est pas une question de territoire de lutte c’est un signe de volonté de main mise de lutte antinucléaire dans tout le sud est de l’hexagone. Nous en prenons acte pour la suite, mais comme on est contre les tribunaux et ses juges et ses prisons qui font parti de ce monde qui permettent l’existence du nucléaire, tout ceci nécessite toujours des discussions avec des invidu-e-s de cette associationx

(1) titre du post du blog de la coordination antinucléaire: Le « Grand carénage » d’EDF est du bidon. La preuve par Cruas

Cruas, le changement, c’est maintenant (1)
samedi 23 août 2014 par individu-e -s associé-e-s

Le changement des quatre générateurs de vapeur de la centrale de Cruas-Meysse a commencé. Le pouvoir nucléariste se prépare donc à prolonger la durée de vie de la centrale. Démarrée en 1984, elle devrait être active jusqu’en 2045. Et les nucléocrates nous expliquent que multiplier par deux la durée de vie des centrales est « sans danger ». La mafia nucléariste continue la politique du fait accompli qu’elle pratique depuis le tout début de l’ère nucléaire. Elle a toujours outrepassé le refus du nucléaire par les populations, tandis que la solidarité de toute la classe politique avec le développement de cette forme d’énergie, incarnant les intérêts stratégiques de l’Etat, ne s’est jamais démentie.
Pourtant l’époque où le nucléaire pouvait être présenté comme un progrès sans danger a proprement disparu. Partout s’amassent les démentis aux affirmations rassurantes. Tchernobyl puis Fukushima en sont les plus terribles exemples. Mais « Il n’y a pas de risque zéro » et ce risque est le prix à payer pour bénéficier des bienfaits insipides du capitalisme. Et pour les pouvoirs, il n’est pas question de laisser quiconque s’en prendre à ses intérêts, d’arrêter quoi que ce soit.
Après Tchernobyl, les nucléaristes français ont commencé à tester la « possibilité » de vivre en zone contaminée, c’est-à-dire de mourir en douceur dans des zones devenues inhumaines. Avec Fukushima ces études se sont amplifiées. La survie en zone contaminée est le seul avenir que nous propose cette société. Ainsi, à Cruas, les nucléocrates font changer les générateurs de vapeurs et les alternateurs par des « nomades du nucléaire » (2). Ils servent de viande à profit avec les chômeurs. Selon l’article 20 de la loi sur l’insertion professionnelle, ceux-ci peuvent être employés, par des entreprises pour une période d « essai » de deux mois. Le chômage existe depuis le début du capitalisme, soit deux siècles. Les chômeurs doivent -ils pour autant aliéner encore et toujours leur existence en acceptant le chantage permanent à l’emploi et ses cortèges de misères associés ? Ils trouvent aujourd’hui naturel de se sentir étranger à leur vie, tant ils sont habitués à en être dépossédés. Dépossédés de tout pouvoir d’intervention sur leur destin, on les invite à des débats de sociétés.
Nous avons quitté la table de négociation : pour nous, le débat public, la chaîne humaine, la chaîne de l’humanité torturée, la décroissance, la sobriété énergétique… EDF, Areva, les entreprises qui interviennent dans le processus nucléaire et tous les publicitaires de ce monde nucléarisé, nous ont déclaré la guerre. Si nous ne sommes pas capables de nous imaginer une autre existence et de nous battre pour la réaliser, alors il ne nous reste plus qu’à nous préparer à mourir dans l’existence actuelle, tracée et domestiquée. Solidaire de la lutte en cours contre le projet d’une centrale en Italie à Rondissone et de la lutte en Turquie contre la construction d’une centrale à Akkuyu.
A nous de voir si nous voulons vivre libres et solidaires ou mourir comme des cobayes avec un compteur Geiger en main (3).
Attaquons le nucléaire et son monde partout où c’est possible.
Des individus associés
lelabo at riseup.net
1/ Blague d’un futur président lors de sa campagne électorale
2/ Film de Christian Ugolini « silence radio » http://www.dailymotion.com/playlist…
3/ « Je suis devenu le cobaye de ce désastre » notait à juste titre l’ un de ces villageois japonais . P43 de fukushima paradise paru dans la collection mutines séditions et la canaille.

invidu-e-s associé-e-s
contact : le labo@riseup.net

Eiffage bâtit les prisons du XXIe siècle

Avec 69.000 salariés et un chiffre d’affaire de 14 milliards d’euros, le groupe Eiffage est un géant du BTP (le troisième en France, derrière Vinci et Bouygues) et comme tous les gros patrons du béton, ils trouvent en l’État un client privilégié. Bureaux (comme l’ensemble « Garance », dans le XXème, pour le Ministère de l’Intérieur), écoles, hôpitaux, ponts, autoroutes (dont Eiffage est aussi gérant), vidéosurveillance, fibre optique (8 contrats avec des communautés locales, pour 5200 km de fibre optique pour communications haut débit), lignes ferroviaires (ils participent au projet de ligne TGV Lyon-Turin)… et ils se sont bien entendu jetés sur les juteux marché du Grand Paris : pour commencer ils ont obtenu les travaux du prolongement de la ligne 14 du métro, de Saint-Lazare à la Porte de Clichy.

Eiffage construit aussi pas mal de taules, dont ensuite ils assurent l’exploitation et la maintenance dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé (touchant de gras loyers du Ministère de la Justice). Selon leur publicité il ne s’agit de rien de moins que « la prison du XXIe siècle […] ces prisons de nouvelle génération concilient sécurité maximale et qualité des conditions d’hébergement ».
Ils ont construit les taules de Maubeuge (finie en 1990), puis le lot comprenant celles de Roanne, Lyon-Corbas, Béziers et Nancy-Maxéville vers la fin des années 2000. Eiffage Construction Provence a construit entre 2005 et 2008 le quartier de semi-liberté et le centre pour peines aménagées de la Maison d’Arrêt d’Aix-Luynes. À Rodez, une MA de 100 places a été livrée en 2013, tandis qu’à Perpignan leurs pots-de-vin pour obtenir le marché pour la rénovation des miradors étaient trop visibles et Eiffage a dû payer une grosse amende. Les travaux de réhabilitation de Fleury-Mérogis sont en cours, tout comme le chantier de la prison de Marche-en-Famenne, en Belgique.

On doit aussi remercier Eiffage Construction pour les gendarmeries de Châteauroux (36) et de Mézidon (14), ainsi que deux autres gendarmeries dans le Calvados. Ce sont également eux qui ont construit le siège national de la gendarmerie (DGGN) à Issy-les-Moulineaux. Mais pour ne pas faire de préférences, ils ont construit aussi le commissariat de Hyères et celui de Draguignan et restructuré le Palais de justice de Strasbourg.

Une des entreprises du groupe Eiffage est Clemessy, spécialisée en ingénierie industrielle. Elle compte un département Nucléaire, qui est partie prenante de la filière électronucléaire française depuis ses début, c’est-à-dire la construction de la centrale de Fessenheim, en 1970. Moyennant un demi milliard d’euros, Clemessy devra fournir à EDF les groupes électrogènes d’urgence pour l’ensemble des réacteurs français (une mesure de sécurité décidée suite à l’accident de Fukushima – comme quoi on fait rentrer même les désastres dans la machine capitaliste). L’entreprise sœur de Clemessy, Eiffage Construction Métallique, participe elle aussi à l’industrie nucléaire, par exemple avec les travaux de l’EPR de Flamaville, des fournitures pour les centrales de Gravelines, Chooz et Cattenom, ou en vendant le « savoir-faire français » en Finlande ou en Chine aux côtés d’Areva.

Cela va sans dire qu’à force de construire des cages (ou autres merdes) Eiffage devient la cible d’une certaine rage – et comme une boîte de BTP ça a des véhicules un peu partout, parfois il suffit d’ouvrir ses yeux et la rage s’enflamme…

Voici une petite liste des actes de rage qui ont visé Eiffage ces dernières années et dont on a pu avoir connaissance. Elle est peut-être incomplète, certaines choses nous ayant échappé, mais surtout nous espérons qu’elle se rallonge de plus en plus par le futur. Sauf indication contraire, ces différentes attaques ont toutes été clairement revendiquées comme visant l’implication d’Eiffage dans la construction de prisons.

• Début décembre 2012, Roanne (42) : une camionnette Eiffage est partie en fumée. Quelques jours après, des litres d’huile pour moteur ont été déversées en travers de la seule route qui mène au centre de détention.
• Octobre 2012, Paris et Montreuil : un camion Eiffage a ses pneus crevés, une voiture les pneus crevés et une vitre cassée (d’autres actions similaires sont menées ces jours-là, en solidarité avec la ZAD de Notre-Dames-des-Landes et contre ce monde).
• 15 avril 2013, Pontcharra-sur-Turdine (69) : quatre engins de chantier Eiffage sont incendiés, 500.000 euros de dégâts ; action non revendiquée.
• 12 mai 2013, Rennes : incendie d’un engin Eiffage. Action revendiquée contre la ligne LGV Paris-Rennes.
• 3 octobre 2013, Pantin (93) : incendie d’une camionnette Eiffage (et d’une voiture Vinci).
• 6 octobre 2013, Paris : incendie d’une camionnette Eiffage.
• 26 octobre 2013, Paris : un utilitaire d’Eiffage Energie brûle.
• 26 octobre 2013, Besançon : les vitres d’un bureau d’Eiffage Immobilier se font éclater à coups de pierres, tout comme un panneau JCDecaux ; le même soir, un engin du chantier du tram a son réservoir saboté. Actions revendiquées contre la gentrification.
• 4 mars 2014, Exincourt (25) : un incendie ravage un bâtiment de 800 m² appartenant à Eiffage et détruit des engins de chantier ; action non revendiquée.
• 14 septembre 2014, Paris : incendie d’une voiture Eiffage.
• 1er mars 2015, Montreuil (93) : incendie d’une camionnette Eiffage.
• 25 mai 2015, Besançon : destruction du réservoir d’une pelleteuse Eiffage, qui construit des logements de luxe et un centre commercial en centre-ville.
• 14 juin 2015, Paris : un utilitaire Eiffage part en fumée.

[Extrait de Lucioles n°23, bulletin anarchiste de Paris et sa région, août 2015.]

source : non fides

Suisse : Attaque explosive contre une voiture du consulat turc

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Dans la nuit du 25 au 26 août, une voiture garée dans le parking de l’ambassade du consulat général turc a été visée par un engin explosif. Cette attaque a été revendiquée en réponse à « l’attaque massive de l’état turc ces dernières semaines contre les forces progressistes de la région, avec le soutien des USA, de l’OTAN et du clan Barzani en Irak et en solidarité avec la lutte pour un Rojava libre et la lutte du mouvement révolutionnaire en Turquie ».

Lire le communiqué (en allemand) sur Indymedia Switzerland ici.

Fête du vent contre un projet de transfo RTE

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Pourquoi la fête du vent ? Car depuis quelques années des promoteurs sans scrupules rôdent dans nos venteuses contrées rouergates. Ces bonimenteurs cherchent par tous les moyens à nous faire avaler jusqu’à la lie leurs milliers d’éoliennes industrielles, seule valorisation possible selon eux de cette intarissable énergie qu’est le vent.

À l’inverse, les habitants de ce territoire ont de tout temps tissé avec ce souffle et l’ensemble des éléments un savant mélange de connaissances, de savoir-faire et d’imaginaires. C’est ce riche héritage et ces nombreux prolongements que nous allons faire vivre et célébrer en cette fin d’été 2015.

Car un territoire ne se défend que depuis la richesse des manières dont on l’habite.

Nombreuses autres surprises durant tout le week-end. Venez nombreux, faites circuler l’information

source no tht 05!

Rien à mendier et à aménager. Tout à prendre et à détruire !

Réflexions au sujet de la récente loi contre le gaspillage alimentaire adoptée à l’assemblée et les diverses illusions gauchistes qui foisonnent dans nos milieux.

expropriationEn mai 2015, l’assemblée nationale a voté et adopté une loi contre le gaspillage alimentaire, concernant essentiellement les grandes surfaces de supermarché [1]. Celle-ci interdit aux patrons des grandes enseignes de jeter aux ordures les denrées alimentaires « périmées » (mais pour la plupart encore comestibles). A première vue, on pourrait s’arrêter à l’aspect positif d’une telle loi. Mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit que la totalité de la nourriture est destinée aux marchands de misère [2] des associations caritatives, tels que Emmaüs, la Croix-Rouge, le Secours Populaire/Catholique… Comme pour toute loi, l’Etat en tire des intérêts considérables, principalement celui de laisser le soin aux associations humanitaires de gérer la misère.

La première idée qui pourrait nous venir à l’esprit est celle que la récup’ serait rendue davantage difficile par l’acheminement rapide des denrées « périmées » dans les camions frigorifiques de ces organismes. Mais il serait naïf de penser que la criminalisation de celles et ceux qui vont récupérer de la bouffe s’estompera avec cette nouvelle loi car c’est l’acte d’auto-détermination qui est puni par l’Etat. Confier la distribution aux organismes caritatifs lui permet de leur déléguer une mission précieuse : la gestion et le flicage des pauvres. Mais l’action humanitaire de ces associations a pour but principal de mettre un pansement sur les saignées que nous infligent cette société et ainsi calmer les pauvres et assurer la paix sociale. Le travail de sous-fifre de la police par ces organismes (Croix-Rouge, Emmaüs, France Terre d’Asile…) est désormais connu, notamment en matière de fichage des indésirables dépourvus de papiers (comme cela a récemment été le cas lors de l’expulsion d’un camp de sans-papiers de La Chapelle à Paris). Ces mêmes organismes humanitaires qui gèrent les camps pour sans-papiers ont également pour but de hiérarchiser les demandes d’asile et ainsi diviser les migrants. Mais revenons au sujet.

Dans les cercles militants, il n’est pas rare d’entendre que la récup’ est différente du vol car les produits récupérés seraient « invendus », « gaspillés » (cheminement logique de la production au sein du système capitaliste) et que ça ne s’attaquerait finalement pas directement aux porte-feuilles des patrons (ce qui en soit montre une certaine forme d’hypocrisie et de lâcheté quand la personne en question se dit être « anti-capitaliste »). Pourtant, la récup’ est pour le capitaliste la même chose que du vol. De son magasin jusqu’à sa poubelle s’étend sa propriété.

A l’heure actuelle, alors que les préoccupations de nos militants anticapitalistes et libertaires sont de monter des AMAP, de faire des jardins potagers [3] et ainsi cultiver l’alternative dans un monde qui nous écrase, la nouveauté du moment est la récup’ dans les poubelles : c’est ce à quoi aspire le collectif ‘Foodsharing’, créé en 2012 en Allemagne et qui trouve écho du côté de Rennes [4]. Leur principe est de mettre en relation des gens pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Présenter ça comme quelque chose de révolutionnaire, fallait oser ! Pire, ce collectif se vante de collaborer avec les commerçants, ces « camarades » bien connus de nos luttes. Voici les termes qu’il emploie : « C’est avant tout un travail que l’on fait avec les commerçants et pas contre les grands méchants capitalistes. L’opposition binaire manichéenne commerçants/glaneurs n’a pas toujours lieu d’être, et c’est plus efficace de saisir le problème à bras-le-corps collectivement. Avec l’émergence de ce concept-là, il devient clair que chacun est concerné par le gaspillage alimentaire, autant le consommateur que le revendeur, lui-même consterné de devoir légalement jeter chaque soir ses propres produits en quantités grotesques. ». En mettant en avant les problèmes techniques de l’application de cette loi, ce collectif de « sauveurs de bouffe » (et de l’existant) a comme objectif de faire concurrence à l’Etat et ses organismes humanitaires et donc de venir au secours de la domination.

Un exemple pour le moins significatif s’est produit au niveau local :
Fin décembre 2014 à Besançon, le petit milieu militant s’est indigné du fait que deux SDF se sont retrouvés face au taser du patron d’un ‘Casino Shop’ au moment de se servir dans sa poubelle, ce qui lui a valu de finir en garde-à-vue chez les flics. Cette récup’ s’étant passée en pleine période de Noël – propice à la fois à la consommation de masse et à la charité chrétienne, le tract-affiche de solidarité [5] qui a circulé juste après visait à condamner l’attitude du commerçant, de ses protecteurs armés de la BAC et gratte-papiers de la presse locale avec un ton cherchant à susciter l’indignation citoyenne, mais aussi sur le fait qu’au fond, il n’y avait rien de mal à aller récupérer des produits jetés à la poubelle. Comme si voler dans les rayons des supermarchés était un acte marginalisé qu’il ne faudrait surtout pas encourager. Du coup, nos chers libertaires, si attachés à la morale, défendent les bons pauvres qui fouillent humblement dans les poubelles, mais qu’en est-il pour ceux – les mauvais pauvres – qui volent dans les rayons ou attaque le vigile [6]? Pour notre part, la solidarité doit s’exprimer envers chaque acte allant dans le sens de l’auto-détermination et de la révolte quel qu’il soit.

L’Etat lutte bel et bien contre le gaspillage alimentaire – thème si cher à nos partisans de la récup’ – et redistribue aux pauvres les restes des riches par l’intermédiaire de ces charognes humanitaires, rouages utiles du pouvoir.

Cette loi est somme toute sociale et finalement bien digne d’un Etat social-démocrate: Etat dans sa volonté de contrôler les pauvres – qui peuvent être imprévisibles – et gérer la misère sociale que l’économie et l’Etat créent eux-mêmes, dans un contexte toujours plus propice à l’expropriation; Social-démocrate dans sa bonté caritative qui parcoure les mythes du gauchisme radical. Et au fond paternaliste, c’est à dire toujours aussi autoritaire mais qui tente de faire participer les exploités à leur propre exploitation.

Pour le code pénal, la récup’ dans des poubelles et le vol s’équivalent. Pourtant, la première est socialement acceptée (même si, comme on l’a vu, il subsiste des exceptions), vu que ce sont les surplus, autrement dit les miettes que les riches laissent aux pauvres. En nous donnant quelques miettes, le pouvoir garde justement sous contrôle la pression de la cocotte minute sociale. Mais pour nous, en tant qu’anarchistes, le but est exactement que celle-ci explose.

Pourquoi mendier auprès des humanitaires ou adopter une démarche citoyenne? Autant se servir directement dans les magasins et si cela n’est pas possible, aller prendre la bouffe là où elle est.

Cependant, nous savons bien que voler dans les magasins (qu’il soit individuel ou collectif), tout comme le fait de squatter [7], sont insuffisants dans une perspective révolutionnaire: ce n’est qu’une façon de se débrouiller et de survivre dans ce monde de merde .

exproQuelques expropriations collectives de supermarchés ont eu lieu en France lors de grands mouvements sociaux, sans vraiment attaquer la propriété et la marchandise qui va avec. Mais celles qui se sont déroulées ces dernières années en Grèce (ou ailleurs), avec dans la foulée des distributions dans les quartiers alentours marquent une rupture révolutionnaire avec cette pratique expropriatrice la plupart du temps appelée ‘auto-réduction’. En juin 2010, on se souvient que l’une d’elles s’était soldée par la destruction incendiaire de l’argent stocké dans les caisses et le sabotage des caméras de surveillance de l’enseigne. Piller et détruire est une phase supplémentaire dans notre volonté concrète de rompre définitivement avec cette société. Mais nous avons encore en tête les images de centres commerciaux en flammes lors de la révolte urbaine de novembre 2005. Alors impulsons dans ce sens, plutôt que de promouvoir une quelconque forme de misérabilisme, de charité et d’alternative.

Pour la destruction de ce monde et l’auto-détermination de nos vies !

Des anarchistes.

Notes:

[1] Les petites et moyennes surfaces semblent sortir de ces « obligations ». Leurs poubelles seront donc toujours aussi remplies…

[2] Pour citer – un fait qui vient directement à l’esprit – l’incendie du foyer d’immigrés du boulevard Auriol (XIIIème arr.) à Paris en 2005, faisant 17 morts. Cet immeuble de plusieurs logements, anciennement réquisitionné par le DAL, était au moment de l’incendie géré par l’association ‘France Euro Habitat (Freha)’, affiliée à Emmaüs. L’Etat avait confié la gestion à cette association caritative et les travaux de rénovation ont été assurés par l’entreprise ‘Paris Banlieue Construction (PBC)’. L’organisme de charité se faisait du fric sur la misère des familles immigrés, qui ont fini par périr dans l’incendie de ce bâtiment vêtuste (qui n’avait pas été remis aux normes).

[3] La mode du moment est à l’AMAP pour Besançon, aux jardins-potagers pour Dijon. (L’exemple qui vient immédiatement à l’esprit est le quartier des Lentillères à Dijon, où les terres sont occupées et cultivées depuis environ cinq ans contre un projet d’éco-quartier de la municipalité. En somme, c’est une reproduction de l’idéologie zadiste avec tous ses travers (préserver l’existant et ne surtout pas s’en prendre à l’existant). D’ailleurs, ce n’est pour rien que ces militants ont très mal accueilli la manif émeutière qui a secoué Dijon après la mort de Rémi Fraisse, ou lorsque des tags décorent régulièrement les murs du quartier…) C’est faire le choix de l’alternative quand les villes se transforment en prison, de délaisser les luttes contre l’Etat et le capital qui oppriment nos vies. Au passage, ces pratiques qui s’apparentent plus à des « services » sont déjà utilisées par les bobos qui s’installent dans les quartiers autrefois prolétaires. A la différence près que ceux-ci n’entendent aucunement lutter contre ce monde d’oppression et d’exploitation.

[4] Ce texte, intitulé « La révolution des poubelles » est consultable ici : https://nantes.indymedia.org/articles/31858. Décidément, ce genre de textes citoyens abondent sur les indymedia. Celui de grenoble nous a pondu une perle : https://grenoble.indymedia.org/2015-08-12-Les-vieux-reacs-memes-aux-pieds-de (mais le commentaire qui se finit par « Mort au gauchisme, vive l’anarchie ! » en dessous le critique suffisamment pour y consacrer quelques lignes.

[5] On peut aller le consulter ici : https://cntbesancon.files.wordpress.com/2015/02/soutien-glaneur.pdf

[6] Pour exemple, encore à Besançon. Lundi 3 février 2014, un SDF est pris en flag’ de vol d’une bouteille d’alcool à Monoprix. Ce dernier ne se laisse pas faire, menace le vigile avec un couteau et revient quelques minutes après avec une bombe lacrymo et lui asperge la gueule. Il est envoyé en taule pour 4 mois le lendemain en comparution immédiate.

[7] La récup’, le vol comme le squat sont des pratiques de la “débrouille”. Squatter ne signifie pas lutter contre l’Etat et le capital. ça montre surtout une volonté de ne pas se résigner à subir la misère dans laquelle la domination nous jette quotidiennement. Bon nombre de squats cultivent l’entre-soi, restent cloisonnés à leur contre-culture. Leurs principales activités se limitent la plupart du temps à organiser des concerts de soutien ou des bouffes, de Paris à Marseille.

repris du chat noir émeutier

Et « Dieu » créa « l’islamophobie » – Claude Guillon.

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https://lignesdeforce.wordpress.com/2015/08/23/et-dieu-crea-lislamophobie/#_ftn5

 

« Il » avait déjà, objecteront les vrai(e)s croyant(e)s, « créé l’homme dans les plus admirables proportions[1] ». Cela dit, il aurait été bien bête de s’abstenir d’ajouter à son œuvre une amélioration aussi féconde. Georges Brassens notait justement que « la courbure des reins, ça c’est une trouvaille ! » Dans un registre (hélas) différent, l’« islamophobie » aussi…

Si je suis (du verbe suivre) le Dictionnaire historique de la langue française, « phobie » est tiré du radical du grec phobos : « Celui-ci désigne une fuite (due à la panique), d’où un effroi, une peur intense et irraisonnée. […] L’élément -phobie sert à former un nom féminin correspondant au mot en -phobe et exprimant l’aversion, une peur morbide. »

Contrairement à ce que croit et écrit Caroline Fourest[2], le terme « islamophobie » n’a pas été créé par les mollahs iraniens à la fin des années 1970. Il apparaît déjà dans la première décennie du XXe siècle, dans des textes de juristes et d’islamologues occidentaux[3]. Cela n’empêche pas qu’il ait été utilisé par des religieux en Iran, et surtout — depuis le début des années 2000 — par les cinquante-sept États de l’Organisation de la conférence islamique (OCI, renommée depuis Organisation de la coopération islamique), organisme intergouvernemental.

Je consulte le 2e Rapport de l’Observatoire de l’OCI sur l’islamophobie (juin 2008-avril 2009) ; avant-propos par le professeur Ekmeleddin Ihsanoglu, secrétaire général de l’OCI.

« Les valeurs communes de l’humanité devraient être solidement étayées par un engagement ferme en faveur des droits de l’homme, ainsi que de la reconnaissance de la dignité intrinsèque de tous les êtres humains. De ce point de vue, les droits de l’homme et les libertés fondamentales devraient être considérés comme les garants de la tolérance et de la non-discrimination et non pas seulement comme des facteurs indispensables à la stabilité, à la sécurité et à la coopération. […]

L’Islam est, par essence, une religion synonyme de « paix ». L’Islam prône le respect de toutes les croyances religieuses et confirme la véracité des confessions abrahamiques l’ayant précédé. Du fait qu’il corrobore les prophéties antérieures, il ne peut en aucun cas cautionner une quelconque attaque contre les prophètes ou les symboles religieux du Christianisme ou du Judaïsme. Dans ce contexte, il faut bien comprendre et rappeler que l’Islam n’est pas en compétition avec le Christianisme ou le Judaïsme.

L’islamophobie est un vocable qui désigne la résurgence contemporaine de la vieille discrimination contre les Musulmans et la déformation du message éternel de l’Islam. Elle s’explique aussi et, en partie, par l’ignorance et l’incompréhension de l’Islam en Occident. En effet, l’on commettrait une erreur de jugement éminemment regrettable que de croire que l’Islam est lié au terrorisme, qu’il est intolérant vis-à-vis des autres convictions, que ses valeurs et pratiques ne sont pas démocratiques, qu’il favorise la répression de la liberté d’expression et fait fi des droits de l’homme.

Sachant que la religion fait partie intégrante de chaque civilisation et de chaque culture, on comprend à quel point les idées fausses et l’incompréhension de l’Islam en Occident risquent de mettre en péril la paix et la sécurité des générations actuelles et futures. L’islamophobie est une forme de discrimination raciale. Elle véhicule en fait deux variantes du racisme latent, qui se manifestent tant dans l’apparence physique différente des Musulmans que dans l’intolérance vis-à-vis de leur religion et de leur culture. »

Cet éloge des « droits de l’homme » par une réunion de ministres des Affaires étrangères de pays comme l’Égypte, l’Iran, le Maroc, le Bahreïn et l’Ouganda (mais on pourrait reproduire la liste entière) ne peut être considéré par des personnes sérieuses, et en tout cas par des militant(e)s révolutionnaires, que comme une plaisanterie obscène. Il faut mobiliser toutes les ressources de la raison pour ne pas être saisi d’« effroi et d’une peur intense » devant le cynisme vulgaire de ce ramas d’assassins, de geôliers, de tortionnaires, d’homophobes et de misogynes.

Et misophobes, donc, haineux par terreur des femmes, oh combien le sont-ils !

Mais revenons à la prose du Pr Ihsanoglu, et prenons-la au sérieux le temps d’une démonstration : « L’islamophobie est un vocable qui désigne la résurgence contemporaine de la vieille discrimination contre les Musulmans et la déformation du message éternel de l’Islam. » Bien. Quel est-il, déjà, le « message éternel de l’Islam » ? Facile : paix aux croyant(e)s de bonne volonté ! Que cela soit loin d’être appliqué dans les faits par les cinquante-sept États de l’OCI, c’est une évidence que j’écarte pour l’instant. Poursuivons : « L’Islam prône le respect de toutes les croyances religieuses. […] [Il] n’est pas en compétition avec le Christianisme ou le Judaïsme. »

Il est un mot, une notion, qui manque dans ce « rapport sur l’islamophobie ». Vous ne devinez pas ? Cela aurait du frapper les « libertaires » qui ont enfourché le cheval de la « lutte contre l’islamophobie ». Pas une seule fois, ne sont mentionné(e)s les athées, les mécréant(e)s, celles et ceux qui vivent en dehors de toute religion, et surtout s’ils ont été auparavant musulman(e)s pratiquant(e)s. Ces gens n’existent tout simplement pas dans la définition de l’humanité du Pr Ihsanoglu. Les droits « de l’homme » (sans même parler de ceux de la femme !) sont les droits des croyants, à l’exclusion de tous les autres êtres humains.

Le concept d’« islamophobie » sert donc ici à réaffirmer d’abord la légitimité moderne des régimes théocratiques, et de l’emprise de la religion sur la vie publique et privée de toutes et de tous, et ensuite à protester contre les discriminations ou les agressions dont sont — effectivement — victimes des musulman(e)s ou supposé(e)s tel/les à travers le monde.

Dans la démarche des cinquante-sept États de l’OCI, l’« islamophobie » est une arme de guerre idéologique contre l’athéisme. Et bien sûr contre les religions « concurrentes », en dépit des protestations de cohabitation pacifique. Le message religieux se superpose, comme c’est toujours le cas, mais plus clairement que jamais, avec un discours et une volonté politiques.

On notera qu’une seconde dimension n’apparaît que par raccroc dans le texte : « L’islamophobie est une forme de discrimination raciale. Elle véhicule en fait deux variantes du racisme latent, qui se manifestent tant dans l’apparence physique différente des Musulmans que dans l’intolérance vis-à-vis de leur religion et de leur culture. »

Passons sur la maladresse de traduction (officielle) de l’anglais original au français ; le racisme ne se manifeste pas « dans l’apparence physique » mais la prend pour prétexte. Admettons que se confondent ou se combinent en effet un racisme supposé « biologique » et un autre plus « culturel » dans des actes d’hostilité commis à l’égard de musulman(e)s ou supposé(e)s tel/les. L’avantage de cet amalgame est de récupérer comme « discrimination religieuse » toute manifestation de racisme, ce qui contribue à légitimer les religieux et les dictateurs comme représentants « naturels » de millions d’individu(e)s qui n’en peuvent mais, et à invisibiliser et disqualifier les maghrébins athées ou/et les personnes de culture musulmane laïques, qu’ils/elles vivent dans des pays laïcs ou subissent la charia dans les pays où elle tient lieu de codes civil et pénal.

La lutte contre l’« islamophobie » serait-elle l’antiracisme des imbéciles ?

En septembre 2012, soit trois ans après le second rapport de l’OCI sur l’« islamophobie », était publié, à l’initiative de militant(e)s d’Alternative libertaire (si j’ai bien compris), un appel intitulé « Libertaires et sans concessions contre l’islamophobie ! », dont je reconnais que je ne me suis pas préoccupé à l’époque.

J’avais tort.

Voici le premier alinéa du texte :

« Anarchistes, communistes libertaires, anarcho-syndicalistes, autonomes, artistes, organisés ou non-organisés, nous faisons part de notre condamnation totale de l’islamophobie sous toutes ses formes. Nous affirmons que l’islamophobie est une forme de racisme. »

On voit l’ornière sémantique dans laquelle les rédacteurs patinent dès le départ : l’« islamophobie » existe, inutile donc de s’interroger sur l’apparition et la pertinence du concept, il ne reste plus qu’à la dénoncer. Ici, comme « une forme de racisme ». Les exemples donnés mélangent mesures d’État contre le port du voile et agressions de rue.

Les rédacteurs se plaignent que leur « famille politique » — anarchiste ou libertaire, donc —soit « imprégnée par l’idéologie islamophobe ». Au point, tenez-vous bien ! que certains se livrent bien à une « condamnation certes claire de l’islamophobie mais couplée de moult rappels du combat primordial contre l’aliénation religieuse » (Je souligne).

Reprenons calmement : est un signe d’imprégnation islamophobe, donc raciste, le fait — pour un anarchiste — de rappeler le combat primordial contre l’aliénation religieuse au même moment où il condamne « clairement » une discrimination raciste visant telle catégorie supposée d’individu(e)s.

Autrement dit : le bon anarchiste antiraciste sait taire son athéisme et/ou son anticléricalisme quand il condamne le racisme. Sinon, il est déjà raciste. L’antiracisme ne se suffit pas à lui-même (c’est vrai !), il doit de surcroît tolérer « dieu », en l’espèce : Allah.

Pas encore complètement imprégnés eux-mêmes de ce nouvel antiracisme, les rédacteurs tiennent à prendre des précautions. Aussi affirment-ils :

« NON, combattre l’islamophobie ne nous fait pas reculer devant les formes d’oppression que peuvent prendre les phénomènes religieux. Nous apportons ainsi notre soutien total à nos camarades en lutte au Maghreb, au Machrek[4] et au Moyen-Orient qui s’opposent à un salafisme qui prend là-bas les formes réactionnaires et fascistes, et cela au plus grand bénéfice de l’impérialisme occidental. »

Est-ce rassurant ? J’ai bien peur que non. Les « formes d’oppression que peuvent prendre les phénomènes religieux ». La phrase est mal fichue, mais passons. Où Diable se cachent les « phénomènes religieux » qui n’emportent aucune forme d’oppression ? Parce que c’est bien ça qu’on nous affirme pour nous tranquilliser. Où ? Mais c’est pourtant simple, chez les chiites par exemple. Puisque seul le salafisme, courant sunnite, est donné comme exemple de religion « pouvant » prendre des « formes réactionnaires et fascistes »… Et vive l’Iran, dont le chiisme est la religion d’État ! Voilà qui valait la peine d’être « rappelé » aux « camarades » anarchistes, avec guillemets dans le texte original.

Est-ce tout ? Hélas non !

« Enfin ce problème [l’islamophobie dont le but est de diviser les dominés] pose aussi la question d’une sorte d’injonction à l’athéisme, condition sine qua non pour prendre part à la guerre sociale et militer dans une organisation libertaire. Il serait donc impossible ou infondé d’exprimer sa foi si l’on est croyant, tout en partageant certaines convictions progressistes. Nous nous opposons à l’essentialisation des croyants et du phénomène religieux, qui se fait sans donner la parole aux premiers concernés, et qui nous conduit aujourd’hui aux pires amalgames. »

Ainsi, après avoir été considéré comme une forme de racisme, l’athéisme proclamé doit être rayé des conditions nécessaires pour « militer dans une organisation libertaire ».

Assez d’« injonction à l’athéisme » ! Assez de ces « Ni dieu ni maître ! », qui pourraient bien, en effet, être ressentis par des croyant(e)s comme une critique de leurs superstitions.

Nous en sommes là.

Et c’est le concept d’« islamophobie » qui a servi de véhicule.

La lecture de ces deux documents, l’un émanant d’une réunions de ministres d’États religieux, l’autre de « libertaires » (j’ai bien droit aux guillemets, moi aussi, n’est-ce pas) ; l’ahurissante et répugnante convergence idéologique qu’ils manifestent dans l’invisibilisation et la négation du simple droit à l’athéisme (sans même parler de sa nécessité pour un esprit libre) suffisent amplement à mes yeux pour se garder de l’usage du dit concept. Il mérite d’être considéré comme un danger et une arme contre les partis pris philosophiques et sociaux du courant communiste libertaire et anarchiste auquel je me rattache.

Ni dieu ni maître ! Je vois cette formule qualifiée par un « anarchiste » militant contre l’ « islamophobie » de dicton (sur Indymédia Nantes).

C’est original. Je suppose que le syntagme « Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! » est un vieux proverbe bavarois…

« Dieu » est-il un camarade qui se trompe ? Je n’en crois rien.

Je considère maintenant la liste des signataires de l’appel en question. J’en connais certain(e)s, pour lesquel(les) j’ai de l’estime ; d’autres me sont antipathiques : je ne peux croire que les un(e)s et les autres aient lu et médité ce texte avant de s’y associer. Quant à Christine Delphy, libertaire comme je suis évêque, la seule question qu’on peut se poser, sachant qu’elle au moins assume l’entièreté du texte, c’est : « Qu’est-ce qu’elle fout là ? »

Je vois une autre connaissance parmi les signataires : Stéphane Lavignote. Théologien et pasteur protestant, pour qui j’ai beaucoup d’affection (je l’ai connu avant sa crise mystique et lorsqu’il pouvait se qualifier de libertaire). Au moins, sa présence est logique et cohérente. Le polisson a publié en 2014 un petit livre intitulé Les Religions sont-elles réactionnaires ? (voir bibliographie ci-après) dans lequel il a précisément choisi de ne pas parler d’Islam mais du christianisme, qu’il connaît bien. Comme le titre le laisse facilement deviner, la réponse, du point de vue de l’auteur, est négative. Il convoque comme preuves — un peu malhonnêtes, me semble-t-il — les sectes subversives du Moyen âge. On pourrait remonter aussi bien à certaines des premières sectes chrétiennes, gnostiques, mais cela ne prouve pas grand chose puisque, à l’époque, les revendications égalitaristes ne pouvaient s’incarner que dans des hérésies. Les « grandes » religions unifiées se sont d’ailleurs employées à réduire, y compris militairement, ces sectes et communautés utopistes.

Il me semble que la question qui aurait pu être posée est plutôt : « Les croyant(e)s sont ils/elles toujours réactionnaires ? » Ce qui rejoint celle qui est soulevée par Alternative libertaire, dans des termes un peu différents : « Des révolutionnaires anarchistes peuvent-ils participer à la “guerre sociale” aux côtés et en collaboration avec des croyant(e)s ? » À la première question, je réponds « Non » ; à la seconde, je réponds « Oui ».

C’est sans doute le moment de préciser que j’ai eu, ai et aurai, avec des personnes de culture musulmane (entre autres !) des relations d’amitié, d’amour, et de militantisme politique commun. Au passage, on voit comment la démarche anti-« islamophobie » conduit les « libertaires » qui l’affichent à réduire au strict minimum — surtout par rapport aux ronflantes étiquettes du premier alinéa — les caractéristiques des participant(e)s de la « guerre sociale ». Il ne s’agit plus que de « partager certaines convictions progressistes ». Des « convictions », voyez-vous ça ! La « guerre sociale » serait affaire de « convictions », pas d’analyses ! Voilà une autre révision complète de la théorie révolutionnaire, au bénéfice des seul(e)s croyant(e)s. En effet, s’il s’agit de « convictions », en l’espèce « progressistes » (coucou l’idéologie du « progrès » qui refait surface !), alors les croyant(e)s sont particulièrement bien préparé(e)s à la « guerre sociale », et en effet il serait incongru de leur reprocher d’exprimer une conviction parmi d’autres : leur foi religieuse.

Outre le retour en arrière formidable (en fait de progrès !) que cette position manifeste par rapport aux acquis du mouvement révolutionnaire, c’est aussi une volée de coups de rames assénées sur la tête, non pas seulement des athées, révolutionnaires ou non, qui se battent pour survivre dans les pays musulmans, mais aussi de celles et ceux qui doivent ici mentir quotidiennement (mineur[e]s) ou continûment (majeures) à leurs parents, à l’oncle, au grand frère, pour préserver leur droit d’aimer qui ils/elles veulent ou d’absorber les boissons de leur choix[5]. Pourquoi nos « libertaires » n’ont-ils jamais un mot pour celles et ceux qui sont l’objet de remarques moralisatrices, d’insultes ou qui prennent des claques dans la gueule parce qu’ils boivent une bière sur le pas de leur porte, ont mis du rouge à lèvres ou ont risqué des remarques mécréantes au cours de français ? La réponse est lamentable : ils ont choisi de ne pas le savoir, ou de le nier. Ils se préoccupent du droit des lycéennes de porter un voile en classe, mais pas d’écouter les témoignages des enseignant(e)s qui rapportent que d’autres se félicitent de l’interdiction, qu’elle peuvent opposer aux pressions. Pire encore, ce type de faits est laissé à la discrétion propagandiste des politicards de droite ou du Front national, manière de confirmer leur négation.

Pourquoi cet aveuglement ? Nul cynisme là-dedans. Plus probablement la « conviction » que ce parti pris par la force des choses proreligieux est un bon moyen, le seul peut-être, de ne pas perdre un « contact » (laissez-moi rire !) avec une minorité de la jeunesse issue de l’immigration, dont la radicalisation, y compris politique, passe par une pratique religieuse abandonnée des parents depuis longtemps.

Entendons-nous : il est légitime et important de condamner tout espèce de racisme — y compris quand il prend le masque ou s’alimente d’une réelle « peur de l’islam ».

Puisque nous vivons dans un monde que nous ne pouvons changer d’un coup de baguette magique, il est logique également de prendre en compte des revendications qui n’ont pas de sens immédiat pour nous. Ainsi est-il compréhensible qu’un croyant non-catholique ressente comme discriminatoire la liste des fêtes chômées, dont nous avons oublié ou dont nous négligeons l’origine uniquement catholique.

Pour autant, il me paraît à la fois inutile et dangereux de séparer les différentes formes de racisme, « biologique » ou culturel : antisémitisme, racisme postcolonial, institutionnel et policier, selon la couleur de la peau, discriminations diverses dans les domaines du logement et de l’emploi, racisme anti-roms, etc.

Faut-il préciser (oui !) : y compris quand il est le fait de membres d’une autre minorité religieuse ou ethnique (culturelle). L’agression d’un jeune portant une kippa n’est ni moins grave ni moins condamnable que l’agression visant une femme portant le hijab.

Dangereux encore d’ouvrir la porte à des revendications religieuses. Qui décidera, et selon quels critères, que l’enseignement du créationnisme ne constitue pas un « droit » pour les élèves dont les « convictions » (ou celles de leur familles, musulmanes, catholiques ou protestantes) récusent le darwinisme ? Qui décidera que les billevesées d’un imam sur la course du soleil autour de la terre doivent bien être dénoncées comme contrevérités scientifiques ou que cela vient « heurter des sensibilités » aussi légitimes que d’autres ?

La réhabilitation de la conviction et de la croyance — politique ou religieuse — est une régression politique et intellectuelle. On ne combat pas un système avec des croyances, « moyen de locomotion psychique » que l’écrivain Robert Musil associait aux « vaines tentatives de vol d’une poule domestique ».

S’ensuit-il que nous devions établir une espèce de « cordon sanitaire » et politique pour nous « protéger » des croyant(e)s. Non, bien sûr. Je considère d’ailleurs que les jeunes filles voilées peuvent être vues davantage comme un maillon faible que comme l’avant-garde de la reviviscence musulmane.

Notamment parce que beaucoup d’entre elles sont dans une démarche d’émancipation sociale et individuelle — même si elle passe paradoxalement par une phase religieuse — contre les déterminations sociales, racisantes et genrées qu’elles subissent. Ce qui n’est certainement pas le cas des jeunes militantes de la Manif pour tous.

En passant, je voudrais dire que la bienveillance forcée, pour des raisons tacticiennes[6], de certains « libertaires » à l’égard du retour à la pratique religieuse de jeunes issus de l’immigration, recèle au moins autant de mépris qu’on peut en déceler chez certains racistes (y compris du genre « laïcards ») : certes nous autres avons profité du progrès dans une société laïque, mais pour « ces gens-là », minorité discriminée, originaire de régions arriérées, on peut comprendre et pourquoi pas encourager toute affirmation identitaire.

Cela dit, ni l’insulte (évidemment) ni la caricature[7] ne sont de bons moyens pour entamer ou poursuivre un dialogue avec ces jeunes femmes musulmanes, ou la minorité politisée d’entre elles qu’il est facile et banal de rencontrer dans certaines manifestations. Il nous faut trouver, ce qui ne saurait aller sans tâtonnements et faux pas, une manière de concilier

a) la réaffirmation de nos positions — je parle en tant qu’anarchiste — antithéistes ;

b) la lutte contre toutes les discriminations racistes ou ethniques.

Je ne vois aucune raison de penser que ce dernier objectif serait plus efficacement atteint si les libertaires acceptaient d’endosser le concept toxique d’« islamophobie ». Et même si je me résous pas à être taxé, comme d’autres camarades semblent le faire, d’« islamophobie[8] », je pense en effet que ce serait capituler que d’intégrer à notre répertoire théorique et politique un concept manipulé aussi volontiers par des États et des organisations religieuses, en voulant ignorer par phobie idéologique ou démagogie militante son contenu implicite.

« Dieu », nous dit-on, reconnaîtra les siens… Inutile de faire durer le suspens : Je n’en suis pas !

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[1] Mais c’était pour mieux le précipiter « vers le plus bas degré de l’échelle » (Sourate 95, « Le Figuier » ; j’utilise l’édition de poche du Coran chez GF, traduction de Kasimirski, chronologie et préface de Mohamed Arkoun).

[2] Libération, 17 novembre 2003.

[3] Par exemple : Quellien, Alain, La Politique musulmane dans l’Afrique occidentale française, Paris, 1910, seconde partie, chap. I, p. 133 (Gallica).

[4] Ce terme désigne l’Orient arabe ; la liste des pays qu’il doit englober varie selon les analystes.

[5] Je ne prêche pas ici pour une transparence complète de la vie privée, mais ne pas pouvoir parler de sa vie à ses proches est bien différent de choisir de ne pas le faire.

[6]Capture d’écran 2015-07-28 à 18.46.53 On a même vu des Femen, violemment antireligieuses en principe, afficher le slogan « Allah created me free » !

[7] Critiquer ou moquer une superstition est et doit demeurer un droit imprescriptible. On ne saurait en déduire que toute moquerie est opportune. Il est bien possible que les « mascarades antireligieuses » de la Révolution française, pour radicales et sympathiques qu’elles apparaissent à l’antithéiste que je suis, aient été au moins aussi contre-productives que libératrices.

[8] Voir « Protestations devant les libertaires d’aujourd’hui… », en bibliographie.


Lectures

Al-Husseini, Waleed, Blasphémateur ! Les prisons d’Allah, Grasset, 2014.

Benhabib, Djemila, L’Automne des femmes arabes, H & O, 2013.

Chafiq, Chahla, Islam politique, sexe et genre. À la lumière de l’expérience iranienne, Le Monde-PUF, 2012.

Charb, Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes, Les Échappés, 2015. Eltahawy, Mona, Foulards et hymens. Pourquoi le Moyen-Orient doit faire sa révolution sexuelle, Belfond, 2015.

Lavignotte, Stéphane, Les Religions sont-elles réactionnaires ?, Textuel, 2014.

Ni patries ni frontières, notamment n° 48-49, avril 2015 et n° 50-51, juin 2015.

« Protestations devant les libertaires d’aujourd’hui sur les capitulations devant l’islamisme »

Capture d’écran 2015-01-15 à 14.38.41 Quelques remarques sur ce dernier texte

Rédigé par un camarade anarchiste en 2013, remanié et publié en février 2015, après les assassinats de l’équipe de Charlie Hebdo et des clients de l’hypermarché cacher, il n’a été porté à ma connaissance (par son auteur) que plusieurs mois après sa publication sur Internet. C’est le signe que le milieu libertaire n’a hélas ! toujours pas acquis d’habitude de débat dans les situations de crise.

Une dizaine de sites ont repris mon propre texte « Vous faites erreur. Je ne suis pas Charlie… », mais personne n’a songé à me signaler l’existence de celui-ci. Ni l’auteur, ni tel autre ex-camarade avec lequel j’ai rompu après qu’il m’a révélé considérer mon texte comme « islamophile » (sic)…

À ce propos, je crois que je suis en train de développer une allergie sévère aux mots et pseudo-concepts qui se terminent en « phile » et « phobe » !… Manifestement, ça n’aide pas à penser.

Je ne suis pas convaincu, c’est peu dire, par la manière dont l’auteur de « Protestations… » distingue l’islam des autres religions : « En revanche, nous pensons que l’islam, historiquement et dès son orsigine, est éminemment politique par sa volonté de conquête à la pointe du sabre, de la cité ou de territoires nouveaux. » Il ne s’agit pas pour moi de récuser comme choquante toute comparaison entre les religions. L’opération intellectuelle de comparaison entre elles est parfaitement licite, et d’ailleurs couramment pratiquée par les sociologues et les historiens. Mais le catholicisme a donné assez de preuves, au cours de l’histoire, de ses visées politiques expansionnistes et colonialistes pour qu’il soit aventuré d’essentialiser le seul islam dans ce domaine.

Par ailleurs, je ne suis pas convaincu non plus par la pertinence de l’assimilation islamisme radical / fascisme, dont je crains qu’elle soit perçue d’abord comme une manière de situer l’islamisme sur l’échelle de Richter de la condamnation morale (le fascisme représentant le mal absolu), ce qui me semble sans intérêt.

Je rejoins l’auteur, comme on l’aura compris à la lecture de nos deux textes, sur l’importance de l’antithéisme et sur la nécessité de ne pas séparer les différentes formes de racisme, même et y compris sous prétexte que celle-ci serait plus souvent pratiquée par des jeunes issus du prolétariat immigré des anciennes colonies françaises.

L’un des « dégats collatéraux » du concept d’ « islamophobie » est de faciliter l’emploi du nouveau gadget conceptuel de quelques libertaires, partisans de l’ « union des minorités opprimées » comme sujet de l’histoire. Un concept toxique en alimente un autre.

Source : Ligne de force, site de Claude Guillon.

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A la suite le texte critiqué par Claude Guillon :

Libertaires et sans-concessions contre l’islamophobie !


Anarchistes, communistes libertaires, anarcho-syndicalistes, autonomes, artistes, organisés ou non-organisés, nous faisons part de notre condamnation totale de l’islamophobie sous toutes ses formes. Nous affirmons que l’islamophobie est une forme de racisme.Nous avons le désagréable pressentiment, au regard de l’actualité, que l’islamophobie, comme un racisme respectable et vertueux, devient l’un des ressorts privilégiés de la gauche au pouvoir et de la gauche bien-pensante. Nous faisons le constat exaspérant que les thématiques progressistes comme le féminisme, la laïcité ou la liberté d’expression sont régulièrement invoqués pour le justifier. Le fait qu’en février, à peine passé à gauche, le Sénat ait voté une loi d’interdiction de certains emplois aux femmes voilées ne fait que confirmer nos craintes. Il en est de même quant aux comportements et discours néo-coloniaux et racistes du Parti de Gauche et des organisateurs du fameux débat sur « comment faire face au Front national » (sic) à la Fête de l’Humanité(1).Les conséquences de l’islamophobie sont grandes pour celles et ceux qui la subissent : des lois liberticides votées ces dernières années jusqu’aux discriminations insidieuses, parfois flagrantes (par ex : les 4 animateurs de Gennevilliers suspendus car faisant le ramadan), sans parler des insultes et agressions diverses. Ces attaques racistes risquent fort de croître, et nous devons nous préparer à les combattre sans aucune ambiguïté.

En tant que libertaires nous réfutons et combattons tout raisonnement islamophobe porté au nom de l’idéologie libertaire et avons décidé de l’affirmer clairement par cet appel.

Parce que nous pensons qu’au sein du discours médiatique dominant, journalistique et politique, certains « philosophes », « dessinateurs » et « écrivains » surmédiatisés, comme Michel Onfray, Caroline Fourest ou l’équipe de Charlie Hebdo, participent de cette islamophobie ambiante et de sa propagation en se positionnant parfois comme libertaires, ou en agissant au nom de la tradition et de l’idéologie libertaire.

Parce que nous constatons que certains secteurs de « notre famille politique » sont imprégnés par l’idéologie islamophobe, et cela est insupportable. Cela se traduit au mieux par un désintérêt pour cette question (parfois par une condamnation certes claire de l’islamophobie mais couplée de moult rappels du combat primordial contre l’aliénation religieuse), au pire par le refus de reconnaitre l’islamophobie comme un racisme voire par le fait de s’affirmer islamophobe au nom d’un anticléricalisme primaire importé de contextes historiques différents, voire par des connivences et compromissions inacceptables, heureusement marginales mais pas assez vigoureusement condamnées.

Certaines choses doivent donc être rappelées à nos « camarades ».

NON, le terme islamophobie n’a pas été inventé par le régime iranien pour empêcher la critique de l’islam comme le proclame Caroline Fourest, le terme existait d’ailleurs déjà au début du XXème siècle.

NON, combattre l’islamophobie ne nous fait pas reculer devant les formes d’oppression que peuvent prendre les phénomènes religieux. Nous apportons ainsi notre soutien total à nos camarades en lutte au Maghreb, au Machrek et au Moyen-Orient qui s’opposent à un salafisme qui prend là-bas les formes réactionnaires et fascistes, et cela au plus grand bénéfice de l’impérialisme occidental.

NON, tous les musulmans qui luttent contre les lois islamophobes ne sont pas des crypto-islamistes ni des communautaristes venus faire du prosélytisme ou souhaitant interdire le blasphème. Beaucoup d’entre eux et elles sont des acteurs et actrices du mouvement social à part entière. Ils et elles luttent, s’auto-organisent, se battent pour leurs droits, contre le patriarcat, le racisme et pour la justice sociale au quotidien en revendiquant la spécificité de leurs oppressions et en pointant les contradictions qu’il peut y avoir au sein d’un certain discours « militant ». Critiquer leur façon de s’organiser ou de militer est une chose, les disqualifier par un discours marginalisant et raciste en est une autre.

La critique récurrente qui est faite à ceux qui parlent d’islamophobie(2), est qu’ils sont les porteurs d’un concept qui produirait du communautarisme. Nous disons que l’islamophobie est la politique de l’Etat envers de nombreux fils d’immigrés. Cette politique, il l’avait déjà expérimentée avec certains colonisés. L’islamophobie est bien un instrument de la domination, ce que le Palestinien Edward Saïd décrivait comme « la longue histoire d’intervention impérialiste de l’Occident dans le monde islamique, de l’assaut continu contre sa culture et ses traditions qui constitue un élément normal du discours universitaire et populaire, et (peut-être le plus important) du dédain ouvert avec lequel les aspirations et souhaits des musulmans, et particulièrement des Arabes, sont traités(3). » Dans la parfaite lignée de la structure de « l’orientalisme », l’Occident disqualifie l’Orient par le prisme de l’islamophobie et régénère par là sa pseudo-supériorité morale. Assumée ou dissimulée, cette structure de pensée gangrène une vaste partie du champ politique progressiste.

L’islamophobie n’est donc pas un concept flottant manié par des militants mal intentionnés, comme certains réactionnaires se plaisent sournoisement à l’inventer, mais une politique de la domination, de l’Etat post-colonial, qui imprime les corps des dominés. Dénoncer l’islamophobie n’est pas non plus l’apanage d’une communauté qui chercherait à se défendre. C’est au contraire un langage raciste de peur permanente qui désigne le paria sous les traits imprécis du musulman. A Salman Rushdie qui affirme lui aussi que l’islamophobie n’existe pas, car les musulmans ne sont pas une race, il faut rappeler, à lui et à tous ceux qui connaissent si mal l’histoire du racisme en Europe, que l’antisémitisme concerne les juifs, qui ne sont pas non plus une race.

Ce langage voudrait aussi imposer une assignation : tout arabe, tout africain, ou parfois tout être, ayant l’islam comme part de sa culture et comme part de son histoire serait un être essentiellement réactionnaire, fondamentalement religieux, et donc incompatible avec les principes fondamentaux républicains – principes par ailleurs complètement désincarnés, qui ne servent que pour justifier cette exclusion. Comme l’a montré Frantz Fanon, le colonisé, « par l’intermédiaire de la religion, ne tient pas compte du colon ». « Par le fatalisme, toute initiative est enlevée à l’oppresseur, la cause des maux, de la misère, du destin revenant à Dieu. L’individu accepte ainsi la dissolution décidée par Dieu, s’aplatit devant le colon et devant le sort et, par une sorte de rééquilibration intérieure, accède à une sérénité de pierre(4). »

Assigner les colonisés, et aujourd’hui les fils d’immigrés, à une religion, relève d’une dynamique de domination expérimentée dans les anciennes colonies. Les islamophobes n’ont peur que d’une chose : que les dominés s’emparent des armes de la critique sociale et de la philosophie, car c’est sur ce terrain que se prépare leur défaite, sur ce terrain que la lutte sociale se déploie et nous réunit.

Au-delà de l’islamophobie, ce problème soulève le peu d’intérêt et d’engagement contre le racisme visant les enfants d’immigrés issus de la colonisation. Ce sont aussi toutes les questions liées aux quartiers populaires qui font les frais d’un déficit d’engagement de la part du mouvement social. Pour preuve le peu de personnes militant contre les violences policières et les crimes racistes et sécuritaires.

Les populations issues de la colonisation, qu’elles soient noires, arabes, musulmanes, habitantes des quartiers populaires, ont décidé de ne plus rester à la place où l’on veut les assigner et s’affirment comme forces politiques en s’auto-organisant. Nous devons avancer côte à côte et lutter contre le racisme sous toutes ses formes, de toutes nos forces.

L’islamophobie dominante, encouragée par tous les pouvoirs occidentaux, est aussi l’occasion de diviser ceux qui devraient s’unir, et unir ceux qui devraient être divisés. Dans une société régie par le spectacle, elle a en outre pour fonction de jeter de vastes écrans de fumée sur les réalités sociales. Ne tombons donc pas dans le piège !

Enfin ce problème pose aussi la question d’une sorte d’injonction à l’athéisme, condition sine qua non pour prendre part à la guerre sociale et militer dans une organisation libertaire. Il serait donc impossible ou infondé d’exprimer sa foi si l’on est croyant, tout en partageant certaines convictions progressistes. Nous nous opposons à l’essentialisation des croyants et du phénomène religieux, qui se fait sans donner la parole aux premiers concernés, et qui nous conduit aujourd’hui aux pires amalgames.

Notre opposition sans concession à l’islamophobie, en tant que libertaires, doit se faire entendre sur cette question. Nous sommes aussi le reflet d’un certain nombre de contradictions: de même que nous sommes traversés par les rapports de domination sexistes ou homophobes, ce qui est aujourd’hui (plus ou moins!) reconnu par le mouvement libertaire, nous devons reconnaitre l’être aussi par les rapports de domination racistes, postcoloniaux et faire le travail qui s’impose, dans le contexte social où l’on se trouve.

Contre cette arme coloniale de division massive et de « régénération du racisme » qu’est l’islamophobie, contre la construction d’un nouvel ennemi intérieur, nous affirmons en tant que libertaires notre solidarité avec celles et ceux qui luttent et s’auto-organisent contre cette oppression, et appelons au sursaut antiraciste partout pour les mois et les années à venir.

1. Article de Pierre Tevanian et Saïd Bouamama : Caroline Fourest, l’incendiaire qui crie « au feu! »
http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/180912/caroline-fourest-lincendiaire-qui-crie-au-feu
2. Voir les propos du très libéral Nasser Suleyman Gabryel qui récuse carrément l’usage du mot : http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/04/critique-du-concept-d-islamophobie_1728053_3232.html
3. Edward W. Saïd, L’Islam dans les médias.
4. Frantz Fanon, Les damnés de la terre.

Premiers signataires :

Nicolas Pasadena (Alternative Libertaire), Skalpel, E.one et Akye (BBoyKonsian-Première Ligne), Fred Alpi, Samuel Idir (Journal L’Autrement), Docteur Louarn (CNT-BZH), K-listo (Soledad), Aodren Le Duff (CNT), Subversive ways, Yly, Sophie B (CNT), George Franco, Marouane Taharouri (Alternative Libertaire), JM Smoothie (CNT-BBoyKonsian), Samia (BBoyKonsian), Elie Octave (Sud-Etudiant), Haythem Msabhi – Mouvement Désobéissance (Tunisie), Rabaa Skik (Artiste plasticienne), Zack O’Malek (Journal L’Autrement), Rola Ezzedine (Professeur d’histoire), Isabelle Vallade (Collectif Bordonor), Christophe Ceresero (NPA – CLA), Simo Shmaa, Michaël Courrouyan (Quidam bordelais), Mariam Seri-Sidibe (Travailleuse sociale – NPA), Adeline Dehel (Alternative Libertaire), Devi Neserelic, Guilhem Theron (Alternative Libertaire – Sud-Etudiant ), Chris, Edouard Gloanec, Thibaut Hoerner, Marc Boué (Alternative Libertaire), Serge Quadruppani (Ecrivain, traducteur), Olivier René Faye, Hugues Pineau (Alternative Libertaire), Mathias Caldato (CNT-BZH), Faiçal Marzaq (Communiste libertaire marocain), Michaël Jacques (FA), Ronny Guinguette (Alternative Libertaire), Soraya El Kahlaoui, François Brun (NPA), Fahima Laidoudi (Militante Anticapitaliste des Quartiers Populaires), Nino (CNT-Lille), Charles Lemoine, Samia Ammour (Féministe internationaliste), Timothée Chopin, Monsieur Saï, Duval Mc, Dany (Alternative Libertaire), Absone Samsa (Chômeur), Samuel Morville (Alternative Libertaire), Bilal/Robin Meerbergen (Educateur – Bruxelles), Jean-Marc Capellero (Alternative Libertaire), Donà Denis, Gwenola Ricordeau, Lola Gonzalez-Quijano, Mathieu Rougier (Comités Syndicalistes Révolutionnaires – Redskins Limoges), Pierre (Sud-Etudiant), Geosmin Petrichor, Valérie de Saint-Do, Charlette Ternaux, Bruno Bourgarel, Samuel Hayat (Enseignant-Chercheur en science politique), Zoé, Sébastien Marchal (Alternative Libertaire), Gisèle Felhendler (Militante internationaliste, antiraciste et anticolonialiste), Antoine Lacoste, Geko, Bastos, Aubry, Alexandru Stefan (Communiste libertaire et immigré roumain), Rotabé (Union antifasciste toulousaine), Hervé Fuyet, Céline-Mèméd (Rêves…olutionnaire), Sreyo (La Casa DIY, Antifa Grenoble), Jam Cavarec (Travailleur indépendant), Martine Masquerel, Jean-Guy Greilsamer (UJFP), Michèle Sibony, François de Reilhan (Altermondialiste), Zaidi Nasséra (Enseignante, citoyenne et fille d’immigrés), Dominique Bourdel, Thibaut Michoux (NPA), Sélim Nadi, Pierre Stambul (Communiste libertaire et militant antisioniste pour la Palestine), Amale Samie (Anarchiste – Casablanca), Stéphane Lavignotte (Militant écolo-libertaire, pasteur, membre de la coordination du Christianisme social), Noëlle Guilbon (Militante féministe), Reda Kellil, Daniel Lévyne (UJFP), Irène Steinert (UJFP), Dominique Ventre (UJFP), Georges Gumpel (Retraité, juif, UJFP), Suzanne D’Hermies (Enseignante, Collectif des Féministes Pour l’Egalité et Mamans toutes Egales), Christine Delphy, Jean-Jacques Rue (Cinémas Utopia / Siné Mensuel), Abdelaziz Chaambi (Président de la Coordination contre le Racisme et l’islamophobie), Rodrigo Avellaneda, Stéphanie Fernàndez Recatalà, Indicible, Munia Ewanjé Epée Boggio (NPA), Sébastien Prieur (Comédien), Tarik Bouriachi, Messaouda Benraad (Mille babords-Marseille), Freez (Stamina), Florian.T.Pier.R (Alternative Libertaire), Keyes (CNT-Lille), Alexandra Josse (Association d’éducation Populaire Gudule et Galipette), Samuel Burette (CNT), Clémence (Alternative libertaire), Philippe de Reilhan, Aurélien Botteaux (OCL Strasbourg), Caroline Kappes, Jacques Livchine (Metteur en songes), Claudine Duss (Libertaire anarchiste), Édith Rappoport (Malakoff), Félicien (Union Antifasciste Toulousaine), Ludovic Soudant (Alternative Libertaire), Leila Larabi (Habitante des quartiers populaires), Gérard Deneux, Odile Mangeot (Amis de l’émancipation sociale Nord Franche-Comté), Zézette Diaz Torres (79), Mireille Baylet (Grenoble), Ana Minski, Fred M (Tchoppendoz), Nathalie Bruneau (Enseignante-Saint-Nazaire), Nicolas Semaille (Militant antiraciste et contre l’impérialisme-Belgique), Soni (Rappeur-Attentat Suicide-Suisse), Mamen Zerrouki (Artiste auteur compositeur-Brunoy), Fabrice Hugues (Etudiant), Ntozake Strydom (Blend it), Frédéric et David (Collectif Feu de prairie), ScomStéfanie (Infographiste), Dalila Hamdaoui (Anarcho-tiers mondiste), Manu Riondé (Journaliste), StickySnake (L’Alerte Rouge-CNT STAF 29), Florence M (CNT), Léna Legendre, Danièle Ferdinande (Lompret – 59), Fath Allah Meziane (Travailleur social), Kiddam (Rappeur), Ivar Petterson (Genève), Philippe Donati (Paysan du 01), Alain Ancel, Ghania Hammadou, Félix Ibrahim Schweiter-Diallo (Musicien – Zurich), Anto, Bronson, G.L (Bruxelles-Alternative Libertaire), Tom Montel (Sud étudiant), Nathalie Mathieu, Léa Mendelbaum (Etudiante – Bruxelles), Hélène Vincentini (Collectif Générations Spontanées contre le racisme et l’islamophobie – Toulouse), Mouhad Reghif…

Pour figurer parmi les signataires, envoyez un mail à cette adresse: akye@bboykonsian.com

 source: sous la cendre

Quelques infos sorties dans la presse sur les fiches S (Sûreté de l’Etat) – Mis à jour

Article du 26 juin 2015 mis à jour et corrigé

[Comme d’habitude, ces articles de presse sont la voix du pouvoir, donc à lire avec les précautions d’usage. C’est l’image partielle que ce dernier veut donner de cet instrument (les fiches S), et non sa réalité toute entière…

Les fiches S sont une des 21 sous-catégories du FPR (Fichier des Personnes Recherchées), créé en 1969, qui comporte notamment les lettres : E (police générale des étrangers), IT (interdiction du territoire), R (opposition à résidence en France) , TE (opposition à l’entrée en France), AL (aliénés), M (mineurs fugueurs), V (évadés), S (Sûreté de l’État), PJ (recherches de police judiciaire) , T (débiteurs envers le Trésor).

Les fiches S officiellement renouvelées ou éliminées tous les deux ans (un an renouvelable une fois) par la DGSI et le SCRT (ex-RG), comportent 16 niveaux de surveillance en partant du haut (S01 signifie être considéré comme le plus dangereux, et donc avec le plus de surveillances et de contrôles) : Mohamed Merah (histoire de Toulouse) avait une fiche S de 2006 à 2010 -deux fois deux ans- puis à nouveau S05 en 2011, Ayoub El-Khazzani (histoire du Thalys) avait une fiche S03 depuis 2014 et un signalement par l’Espagne, Sid Ahmed Ghlam (histoire de Villejuif) avait une fiche S13 tout comme Yassin Salhi (histoire de l’Isère) de 2006 à 2008 – non renouvelée, et le niveau S16 semble être celui de base délivré contre tout individu (extrême-droite, extrême-gauche, écologistes, supporters de foot, anarchistes, etc.) « susceptible de se livrer à des actions violentes« . Il y aurait officiellement 5000 fiches S en cours – ce qui semble plutôt peu… ou désespérant sur la quantité supposée d’anti-autoritaires un peu pratiques (mais bon, ce sont seulement ceux labellisés et enregistrés, hein, et puis l’Etat dispose de biens d’autres fichiers moins old school). Elles sont consultables par tous les services de police et gendarmerie, mais aussi par les employés de préfecture (cartes identités, cartes de séjour, ce qui explique pourquoi ça « bloque » parfois mystérieusement) et par les keufs de l’espace Schengen.

Ce niveau de base S16 et les suivants sont réajustés (ou pas) après « sondages personnels » policiers réguliers (x par an : Merah avait par exemple fait l’objet de 52 procédures de surveillance (filatures et écoutes) pour une fiche S05 en 2011), et en fonction de tout ce qui peut arriver de nouveau (interpellation, lien avec un tiers lui-même fiché, info d’autres services, etc.). En plus de la DGSI/SCRT, elles sont aussi alimentées par les services étrangers et les accidents judiciaires (ce qui explique notamment la présence de RG lors de procès). Pour rappel, il s’agit là d’une surveillance quotidienne des services, celles renforcées par la nouvelle loi sur le Renseignement, en dehors de toute procédure judiciaire.
Et enfin, même sans fiche S ou après en être sorti, la surveillance ne cesse pas pour autant (Yassin Salhi n’en avait plus depuis 2008, et « a ensuite fait l’objet d’une surveillance de 2011 à 2014 pour ses liens avec la mouvance salafiste lyonnaise » selon le procureur). Les RG et leurs petites fiches Sureté de l’Etat sont une chose, les services anti-« terroristes » encore une autre…

En ce qui concerne les compagnons anarchistes, souvent classés dans la catégorie policière d’ »anarcho-autonomes » et dont certains ont déjà eu des fiches niveau S04, on trouvera dans la brochure « Analyse d’un dossier d’instruction antiterroriste » (2010), pages 13-14, un exemple de fiche S04 qui finit ainsi :
« Sûreté de l’Etat Mesure immédiate : ne pas attirer l’attention
Motif : Individu proche de la mouvance anarcho-autonome susceptible de se livrer à des actions violentes
Service demandeur : Préfecture de police Renseignements Généraux Paris – Tél : 0153733815
Conduite à tenir : SO4 – en cas de découverte aviser les RGPP »

De plus, cette fiche S04 est utilisée bien plus largement qu’en matière d’anti-terrorisme, comme nous le rappelle la mésaventure d’un compagnon parisien en avril 2015 suite à une histoire d’arnaque au préjudice d’un grand magasin (Les RG s’invitent à une perquiz’) : « Les OPJ veulent que je balance mon chef, que je dise où je dors, m’expliquent que c’est la seule façon de m’en sortir. Ca ne fonctionne pas avec moi, rien à déclarer et refus de signer. C’est autant de temps de gagné. Puis vient l’audition, où l’OPJ réalise que je suis fiché au Fichier des Personnes Recherchées, fiche S04 : Sûreté de l’État. Étant anarchiste, pas de surprise… Changement de ton, qui se fera surtout sentir le lendemain. »]


Transformer la fiche S et ne plus en parler

L’Express, 24/08/2015 à 18:21

Présidente de la commission d’enquête sur les réseaux djihadistes du Sénat, Nathalie Goulet, spécialiste du terrorisme à l’UDI, préconise, elle, dans Le Figaro de transformer la fiche S d’une simple « fiche de travail » en un « fichier développé sur le modèle de celui des délinquants sexuels« . Lequel serait mis à jour régulièrement alors qu’aujourd’hui, la fiche S sert uniquement en cas de contrôle d’identité, par définition aléatoire, et que les noms des suspects les moins actifs sont purgés tous les deux ans. « Cette prescription biennale doit sauter« , estime la sénatrice qui souhaite également que les personnes fichées « doivent faire la démarche de se déclarer, quitte à être informées qu’elles comptent parmi les personnes surveillées« .

La sénatrice suggère donc de transformer la fiche S en un « élément plus opérationnel ». Dans le cas contraire, elle propose tout simplement de… Ne plus en parler. « En termes de communication, c’est agaçant. A chaque fois, le ministre évoque la fiche S. Cela a un effet catastrophique sur l’opinion publique qui a l’impression que des terroristes ont commis l’irréparable alors que les pouvoirs publics les connaissait. »

Extrait (Figaro, 23/08/2015 à 06:00) :
Vous présidez la commission du Sénat sur les moyens de lutte contre les réseaux djihadistes. Les améliorations adoptées par cette commission dans son précédent rapport peuvent-elles suffire à améliorer le système de renseignement français ?

Le dispositif légal, législatif et parlementaire est suffisant. En douze ans, quatorze lois sur le renseignement ont été votées. Les fichiers sont incontestablement un outil, le tout est de les rendre performants. Dans ce type de fichier soumis à la CNIL, la première embûche est la purge à laquelle il est soumis tous les deux ans. Il est alors intégralement vidé. Amedy Coulibaly ou Mohammed Merah sont restés longtemps très surveillés, puis ont été délaissés avant d’être retrouvés auteurs d’attentats. Cette prescription biennale doit sauter. Il faut un fichier développé sur le modèle de celui des délinquants sexuels, qui soit permanent et pour lequel les personnes fichées doivent faire la démarche de se déclarer, quitte à être informées qu’elles comptent parmi les personnes surveillées. D’autre part, ce fichier devrait être correctement tenu avec une identification très précise des personnes y figurant. Actuellement, des confusions peuvent parfois exister autour du nom et de la date de naissance. Leur état civil n’est donc pas toujours clair. En sus, ce fichier nécessite d’être régulièrement mis à jour, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.


Attentat en Isère : qu’est-ce qu’une fiche « S » ?

Le Figaro, 26/06/2015 à 19:59

Le principal suspect de l’attentat en Isère a fait l’objet d’une fiche de signalement pour cause de radicalisation. De quoi s’agit-il ? Éléments de réponse.

Bernard Cazeneuve a annoncé que Yassin Salhi, le principal suspect de l’attentat de Saint-Quentin-Fallavier près de Lyon (Rhône) avait été fiché entre 2006 et 2008 par les services de renseignements. Il avait fait l’objet d’une fiche de signalement « S 13 » pour cause de radicalisation. Son fichage n’avait pas été renouvelée en 2008 et l’homme n’avait pas de casier judiciaire, a précisé le ministre de l’Intérieur.

Ce système de fichage est l’une des sous-catégories du fichier des personnes recherchées, le FPR. Ce fichier géant répertoriait plus 400.000 individus au 1er novembre 2010. Il sert à faciliter les recherches effectuées par les services de police et de gendarmerie à la demande des autorités judiciaires, militaires ou administratives selon la Cnil (la Commission nationale de l’informatique et des libertés). Créé à la fin des années 1960, le FRP regroupe des catégories de personnes très variées, comme les mineurs fugueurs (« M »), les évadés, (« V ») ou les personnes privées de sortie du territoire (« IT », pour interdiction de territoire).

La sous-catégorie « S » désigne les personnes potentiellement menaçantes pour la « sûreté de l’État ». En 2012, 5.000 noms y étaient répertoriés selon Sud-Ouest. « A l’origine, cette catégorie avait été créée pour contrôler les déplacements des diplomates. Puis, elle s’est étendue à la menace terroriste » précise au Figaro, Louis Caprioli, ancien sous-directeur chargé de la lutte contre le terrorisme à la Direction de la surveillance du territoire (DST).

Pour contrôler les déplacements

Ce fichier S est subdivisé en plusieurs échelons qui correspondent à une échelle de vigilance graduée jusqu’à 16. Le niveau S 13, qui est celui du principal suspect de l’attentat du jour en Isère mais aussi celui de Sid Ahmed Ghlam, soupçonné d’avoir voulu perpétrer un attentat contre au moins une église de Villejuif (Val-de-Marne) en avril, signifie que les policiers avaient pour mission de « recueillir le maximum d’informations sans attirer l’attention » de ce personnage. Les individus répertoriées ne sont pas tous des terroristes en puissance. Y figure aussi des militants, des activistes politiques ou encore des hooligans.

« La fiche S est un outil de contrôle des renseignements à disposition des services de police et de gendarmerie, qui sert surtout à contrôler les déplacements » résume Louis Caprioli. Par exemple, lors d’un contrôle routier, si l’agent de police constate que l’individu est fiché S, il devra le signaler aux services de renseignement et essayer de recueillir le maximum d’informations, sur les personnes qui l’accompagnent. Lors d’un contrôle de police à la frontière, ou lors d’une infraction routière, si l’individu est fiché S et que le policier le constate, il peut voir s’il est sous le coup d’un mandat d’arrêt et dans ce cas procéder à une interpellation. Certaines personnes fichées S peuvent être mises sous surveillance physique ou sous écoutes. Mais cette surveillance n’est pas systématique, ni constante. Les fichiers sont également régulièrement « nettoyés » précise Louis Caprioli. Tous les deux ans, la fiche S est en effet mise à jour. La surveillance de ceux qui sont jugés moins dangereux est relâchée. C’est ainsi que Yassin Salhi est sorti du fichier en 2008.


« Fiche S », écoutes… La surveillance de Sid Ahmed Ghlam en 3 questions

TF1, 23 avril 2015 à 18h16

Quels outils ont été mis en place pour le surveiller ?

Après son signalement par un proche, Sid Ahmed Ghlam a été visé par « une fiche S », pour sûreté de l’Etat. Comme l’explique Sud-Ouest, ce fichier recense les personnes susceptibles de préparer des actions nuisibles contre la France, comme les terroristes donc mais aussi les hooligans. En 2012, il comportait 5000 noms mais doit en avoir plus bien plus aujourd’hui. Mohamed Merah mais aussi Amédy Coulibaly ont ainsi été fichés.

Chaque « fiche S » possède un numéro qui correspond aux mesures de surveillances à adopter. Celles-ci doivent être « discrètes « , sans attirer l’attention. La fiche de Sid Ahmed Ghlam est une « S13 », ce qui signifie que chacun de ses déplacements à l’étranger doit être signalé, rapporte Le Parisien. C’est sans doute comme cela que les renseignements ont eu vent de son séjour en Turquie et ont pu le mettre en garde à vue. Etre fiché « S » n’implique toutefois pas une surveillance physique à plein temps ni forcément une interpellation : cela sert surtout faire à faire remonter des informations aux renseignements lors de contrôles policiers ou douaniers. « Une fiche S, c’est une géolocalisation artisanale et ponctuelle« , résume le juge antiterroriste Gilbert Thiel sur Europe 1.

En revanche, à son retour de Turquie, des moyens de surveillance plus lourds ont été mis en place étant donné qu’il représentait une menace à ce moment-là. Le Parisien raconte que ses communications, ses consultations de site et ses fréquentations ont été passées au crible. Mais ce, seulement l’espace de « quelques semaines », étant donné qu’il n’y avait pas de cadre judiciaire.


Comment le contre-espionnage a égaré la fiche de Mohamed Merah

Nouvel Observateur, 20-04-2012 à 05h21

Dans l’entretien accordé au journal « le Monde » après les tueries de Toulouse et de Montauban, le patron du contre-espionnage français a expliqué qu’ »après un simple contrôle routier à Kandahar, en Afghanistan en novembre 2010 (…) la direction de la sécurité et de la protection de la défense nous a signalé l’incident« . Squarcini précise même qu’il n’y a aucun lien entre Merah et le démantèlement, fin 2006, à Artigat, à une soixantaine de kilomètres de Toulouse, d’une filière de combattants djihadistes en Irak. Pour lui, l’amitié entre Mohamed Merah et Sabri Essid, un Toulousain arrêté les armes à la main à la frontière syro-irakienne, tout comme le concubinage entre sa mère et le père d’Essid, n’en font pas un « activiste chevronné » qui aurait mérité d’être étroitement surveillé. Le chef de la DCRI affirme donc qu’il n’y a « pas de lien, en dehors de mandats que (Merah) a envoyés à l’un des condamnés en prison, ce qui peut être une simple solidarité de cité« .

Or Mohamed Merah a bien été fiché comme susceptible d’attenter à la sûreté de l’Etat dès 2006. Suite à l’opération conduite à Artigat, les Renseignements généraux (ancêtres de la DCRI) avaient émis une fiche « S », comme sûreté de l’Etat, à son nom, le désignant comme « membre de la mouvance islamiste radicale, susceptible de voyager et de fournir une assistance logistique à des militants intégristes« . La procédure implique que les policiers contrôlant un individu fiché « S » signalent sa présence aux RG et recueillent un maximum de renseignements sur lui (provenance, destination, moyens de transport, etc.). Bref, qu’ils le surveillent étroitement, « sans attirer l’attention ».

Imbroglio administratif

C’est du reste ce qui s’est passé le 18 novembre 2007, à 1h30 du matin, lors d’un contrôle au col du Perthus, à la frontière espagnole, comme l’a révélé M6. Merah se trouvait dans une BMW immatriculée à Toulouse, en compagnie de deux petits voyous de cité. Bernard Squarcini paraît l’ignorer. Voici pourquoi.

Selon notre enquête, la fiche Merah de 2006 s’est volatilisée deux ans plus tard, soit en 2008, à la faveur d’un incroyable imbroglio administratif sur fond de guerre des polices, à l’occasion de la fusion entre les RG et la DST (Direction de la Surveillance du Territoire), devenus la DCRI. Un projet cher à Nicolas Sarkozy. « Les fiches S ont une validité de deux ans et doivent être renouvelées après ce délai par les services« , explique un agent de renseignement qui s’est penché sur cette bévue. « Dans la nouvelle organisation, le pôle ’Islamisme radical’ des RG, à l’origine de la fiche, a été presque entièrement démantelé pour faire la part belle aux spécialistes antiterroristes venus de la DST« , explique ce même agent. « La mémoire des RG est partie en fumée, et la fiche S de Merah est passée à l’as. »

Il franchit les frontières sans attirer l’attention

A l’époque, le jeune homme, incarcéré à Toulouse pour un délit mineur, ne se fait donc pas remarquer dans les milieux islamistes. A sa libération en septembre 2009, Merah, sorti des radars des services antiterroristes, peut franchir les frontières sans attirer l’attention. Et sillonner le Moyen-Orient, de l’Egypte à l’Afghanistan en passant par la Syrie, la Jordanie et Israël.

Ce n’est qu’en novembre 2011 que la DCRI rédigera une nouvelle fiche S sur Merah, après son retour du Pakistan et un léger débriefing à l’antenne toulousaine du service. Cette fiche, figurant au fichier des personnes recherchées (FPR) et dont « le Nouvel Observateur » a pu prendre connaissance, est étonnamment minimaliste. Elle présente Merah comme « un militant proche du milieu djihadiste international » mais n’est classée que « S 5 » : une procédure qui demande de signaler ses passages aux frontières, mais n’implique ni de fouiller ses bagages, ni de le surveiller sur le territoire français. « Une surveillance très légère », reconnaît un agent de renseignement.

Le raté administratif durant lequel s’est perdue la première fiche Merah – celle de 2006 – a-t-il été évoqué devant la délégation parlementaire pour le renseignement qui a auditionné le chef de la DCRI, le 4 avril dernier, soit cinq jours après que M6 en eut fait état ? Les huit parlementaires concernés ont-ils posé la question ? « Secret-défense », répliquent-ils en choeur. Seul le président de la délégation, le député Guy Tessier, affirme qu’il n’y a eu « aucune faille ou aucune ombre au tableau » (dans le traitement de l’affaire Merah, ndlr). Contre toute évidence.

fichiers joints

Salamanque (Espagne) : A propos du compagnon Gabriel Pombo Da Silva et des Maxi-prisons

Il y a maintenant un an que le compagnon Gabriel Pombo Da Silva a été transféré au centre pénitentiaire de Topas (Salamanque). Il continue d’y résister à la dure expérience de la privation de liberté ([après déjà plus de 30 années passées derrière les barreaux), mais aussi aux divers dispositifs que l’administration pénitentiaire ne cesse de perfectionner au mieux de ses intérêts et de ceux de ses commanditaires.
La prison de Topas a été créée dans le cadre du programme de construction d’une vingtaine de maxi-prisons promulgué au début des années 90 par le gouvernement PSOE de Felipe González. A la même époque, le sinistre et socialiste directeur de l’AP, Antoni Asunción, introduisait la directive interne régissant les régimes FIES.
La prison de Topas a donc les caractéristiques de ces nouvelles usines d’incarcération de masse -en Espagne, le nombre de personnes emprisonnées a doublé en 20 ans, passant en gros de 35 000 à 70 000 entre 1991 et 2011.
Un des critères de cette modernisation consistant à éloigner les établissements carcéraux des centres urbains, celle de Topas a donc été construite en rase campagne. Cela répond à plusieurs objectifs : planquer le plus possible ces lieux de misère ; séparer davantage encore les personnes emprisonnées de leurs proches, obligé-es de parcourir de longs kilomètres pour la moindre visite – coup de chance (?!), contrairement à la plupart des autres taules, Topas se trouve au bord d’une route nationale desservie par une ligne de bus, un “luxe” qui permet d’éviter la punition collective de coûteux trajets ou de la marche forcée.
Cet éloignement est également destiné à réduire les manifestations de solidarité dans les quartiers telles qu’elles ont pu exister par le passé, notamment lors de mouvements à l’intérieur, ainsi qu’à rendre les évasions extrêmement difficiles.

Ce programme de nouveaux établissements pénitentiaires est ainsi venu répondre aux vagues de luttes, d’émeutes et d’évasions qui ont régulièrement secoué les prisons espagnoles des années 70 jusqu’aux années 90. Rassemblant en leur sein différents types de détention (maison d’arrêt, centrale etc.), il s’agit de prisons de sécurité maximale, équipées entre autres de portes automatiques, de systèmes de contrôle informatisés de plus en plus sophistiqués et d’une multitude de dispositifs de haute technologie.
La taille et l’architecture de ces prisons permettent d’enfermer dans chacune d’entre elles plus d’un millier de prisonnier-es, tout en les séparant au gré des nécessités et des expérimentations de la gestion carcérale. Elles sont en effet divisées en différents bâtiments autonomes les uns des autres avec leur cour de promenade, leurs parloirs, leur cantine. Tout type de rencontres entre les détenu-es des différentes unités étant soigneusement évité, ils et elles n’ont que très peu de moyens de savoir ce qui se passe dans le reste de la détention, ce qui réduit d’autant les possibilités de luttes, voire d’émeutes, d’ampleur. Pour empêcher tout « regroupements dangereux  », il est aussi très facile de déplacer un prisonnier d’un bâtiment à l’autre sans avoir recours au transfert dans une autre taule – même si la dispersion reste un moyen efficace de punir les prisonnier-es et leurs proches. Après 5 transferts depuis son arrivée en Espagne, Gabriel a par exemple déjà pu découvrir 5 modules internes différents à Topas.
Cette organisation reposant à la fois sur la massification et l’atomisation contribue donc à poursuivre la sale guerre en brisant les liens de solidarité ou en encourageant rivalités et embrouilles dans un contexte de misère affective et économique. Histoire d’en rajouter une couche dans la pénurie et la course à la survie, la dernière trouvaille en date de Topas a consisté à réduire les possibilités de mandats à deux par mois, à effectuer uniquement par les familles ou l’avocat …

Parallèlement à ce modèle architectural s’est aussi développé le concept moderne de traitement scientifique des prisonnier-es. Cobayes modernes, ils et elles sont en effet classifié-es selon une interminable liste de régimes, degrés et phases. Cette mise en cases qui se veut extrêmement pointue est effectuée par tout un panel de spécialistes (les dites « équipes techniques  » ou « trucologues  » comme ironise Gabriel qui refuse de se soumettre à leur examen : psychologues, sociologues, pédagogues et autres travailleurs sociaux…) selon des critères essentiellement comportementaux et disciplinaires. Ce qui porte le doux nom de “traitement individualisé” revient à scruter à la loupe le comportement de chaque prisonnier-e, pour établir son profil et le traitement à lui appliquer. En termes moins choisis, il s’agit d’appuyer là où ça fait mal – sachant que cette bureaucratie est aussi déterminante pour les permis de sortie et les conditionnelles. Tout cela passe évidemment par la constitution d’énormes bases de données et par un contrôle au plus serré.
Au delà des interrogatoires réguliers prévus par ces bataillons d’experts, la surveillance au quotidien est assurée par différents moyens : le système de caméras omniprésentes et les rapports d’incidents distribués par les matons sont malheureusement souvent efficacement secondés par le contrôle des co-détenu-es.
Les modules dits de « respect maximum  » soi-disant de « la vie en commun  » sont un exemple extrême de cette cogestion. Les prisonnier-es qui y entrent s’engagent de fait à respecter et à faire respecter par les autres non seulement le règlement de la taule, mais en prime un code de bonne conduite élaboré pour la division elle-même. Sous couvert d’assemblées de bilan, ils et elles participent activement à leur propre enfermement et au règne de la balance qui a tendance à se généraliser, c’est sans doute ça la réinsertion…
Bien entendu, l’ensemble du système fonctionne sur la stratégie de la carotte et du bâton : récompenses pour celles et ceux qui de différentes manières font preuve de leur bonne volonté à l’égard de l’administration pénitentiaire, tandis que les régimes fermés, l’isolement et la plupart des régimes FIES sont destinés à punir les prisonnier-e-s « conflictuel-les  » et viennent entériner les diagnostics ou pronostics de dangerosité sociale.

Le FIES 3 attendait les compagnon-nes Francisco et Mónica dès leur incarcération. Gabriel, pour sa part, a été placé en FIES 5 alors qu’il se trouvait à A Lama, et cette décision a déjà été reconduite plusieurs fois par l’administration de Topas. Egalement considérée comme rebelle, Noelia Cotelo vient à son tour d’arriver à Topas où elle immédiatement été mise à l’isolement. Elle est toujours en FIES 5. Entre autres mesures spéciales, cela implique concrètement que toutes les communications écrites ou orales sont lues, photocopiées, écoutées et enregistrées et qu’elles peuvent être censurées sur des critères pour le moins flous de « contenu subversif » ou d’ « atteinte à la sécurité ou au bon fonctionnement de la taule ». En l’occurrence, c’est quasiment l’ensemble des publications de caractère anarchiste destinées au compagnon qui sont retenues, y compris quand elles répondent au critère obligatoire et déjà sélectif de porter ISBN et mention de l’imprimeur. D’où sa demande de ne pas joindre de lettre à ce genre d’envoi qui se voit entièrement refusé. Sa correspondance est aussi soumise à la limitation de 2 lettres maximum à envoyer par semaine, sans compter les retards ou les disparitions « inexpliqués  » de courriers, pour le faire taire et l’isoler davantage sans doute.
Au recours envoyé par Gabriel, le juez de vigilancia de la région a répondu par la confirmation du placement en FIES, avec cette phrase qui ne manque pas de saveur  : « Il résulte des rapports reçus et du contenu des surveillances de communications effectuées depuis qu’il se trouve dans ce centre pénitentiaire qu’il continue de mener une lutte anarchiste et antisystème contre le régime et les institutions, encourageant ses proches et ses amis à lutter  ». Cela en dit long sur ce que l’Etat attend du compagnon : renoncer à ce qu’il pense et à ce qu’il est ; le harcèlement et les sales jeux y compris sur sa date de sortie de prison (les recours juridiques sont toujours en cours) visent sans doute à cela et n’y sont manifestement pas parvenus.

Le fonctionnement et la fonction de la prison viennent à nouveau nous rappeler qu’elle est le reflet en plus dense de la société qui la produit et qui en a besoin. Du plus bas au plus élevé des échelons, les rouages qui assurent le maintien des institutions et de l’ordre établi, nécessitent et exigent la soumission du plus grand nombre. Il s’agit de briser les individus et d’éradiquer les possibilités de luttes. Le consentement peut être acheté à coups de bons et de mauvais points, de miettes, de drogues légales et illégales ou tenté d’être arraché par la violence plus directe, car tous les moyens sont bons aux yeux des puissants, démocrates ou pas.
L’« humanisation  » des prisons vendue par le pouvoir et la propagande médiatique cache en réalité la tentative de dépersonnalisation et de dépossession totale, tout comme leur prétendue « paix sociale  » n’est qu’une guerre plus ou moins larvée.

Dehors comme dedans, c’est bien ces engrenages qu’il s’agit de briser, ainsi que toutes les chaînes, physiques, technologiques et psychologiques. Seules la révolte et la lutte permettront d’en finir avec les rapports fondés sur la domination et d’assouvir nos désirs de liberté.
A bas les la société carcérale, l’Etat et toute autorité !

Août 2015, des anarchistes solidaires

[Traduit de l’espagnol d’Indy Barcelone, 18 ago 2015]


Pour écrire au compagnon :

Gabriel Pombo Da Silva
CP Topas-Salamanca
Ctra N-630, km 314
37799 Topas (Salamanca)
Espagne

source : brèves du désordreSalamanque (Espagne) : A propos du compagnon Gabriel Pombo Da Silva et des Maxi-prisons

Barnstarple (Angleterre) : les journaflics locaux perdent un de leurs moyens d’enquête

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Barnstarple : feu à un organe de propagande du pouvoir

Tôt dans la matinée du 10 août 2015, un véhicule de la presse poubelle locale a été incendié à Barnstaple, ville située au nord du comté de Devon*. Le véhicule, appartenant au ‘North Devon Journal’ a été entièrement brûlé juste devant son siège.

Un flic a déclaré que “de l’essence avait apparemment été utilisé comme accélérateur.”

Feu à tout ce qui maintient et justifie l’oppression et la domination du pouvoir !

* Localisé au sud-ouest de l’Angleterre

[Traduit de l’anglais par Lechatnoiremeutier de inthebellyofthebeast (hors service au moment de notre consultation), 2015/08/14]

source brèves du désordre

Squatter… c’est lutter (Molotov et Confetti, 1984)

Les textes qui constituent cette petite brochure ont tous été publiés dans le zine Molotov & Confetti n°1 (Paris, 1984).

 

Squatter… c’est lutter

La galère. Être jeune et coincé chez ses parents faute de fric pour se louer une chambre. Être chômeur et dormir à la rue parce que les loyers sont trop chers. Bosser au noir ou en intérim et s’incruster chez les copains parce que les propriétaires exigent des feuilles de paye. Être immigré et devoir dégager en lointaine banlieue – quand ce n’est pas sous d’autres cieux – parce que dans le quartier, on restructure. La galère.

La galère pour 50 000 Parisiens sans maison. La galère pour 15 000 d’entre eux à qui il ne reste que les squares et les quais du métro. La galère pour 300 000 autres qui attendent depuis des mois d’improbables « logements sociaux ». Sans compter les millions qui crèvent la dalle pour se payer une piaule ou qui, faute de mieux, pourrissent dans des taudis.

La galère, et 300 000 logements vides rien qu’à Paris. Des vieux, des neufs, des grands, des petits, des propres et des crades. Tout ce dont ou pourrait rêver. Sauf que…

Sauf que la ville de demain, Ils la veulent propre, ordonnée, disciplinée et rentable. Tu passes là où on te dit de passer. Tu pointes là où on te dit de pointer. Tu payes là où on te dit de payer. Tu crèches là où on te dit d’habiter. Chacun dans son coin. Tous bien dispersés, bien isolés, bien surveillés, bien contrôlés. Inoffensifs.

Des ghettos immigrés où l’on se fout de la loi et de la « culture française », où on se serre les coudes pour survivre et lutter, où pas un flic ne peut entrer sans risquer sa santé, Ils n’en veulent plus.

Des tribus de jeunes qui dérivent dans la ville, sans soucis des règles et du bon ordre, fauche, truande, rodéos, fêtes, glandes, musiques sauvages et looks d’enfer, Ils n’en veulent plus. Des bataillons de chômeurs un peu desperados, sans rien à perdre et prêts à tout, Ils n’en veulent plus !

Tu te plies à leurs quatre volontés, tu vis comme Ils veulent que tu vives, tu joues le jeu de leur société… ou tu vas mourir. Et pourtant, 300 000 logements sont vides aujourd’hui à Paris.

300 000 logements vides, 300 000 logements à prendre, à occuper collectivement, à squatter, comme des milliers l’ont déjà fait, de « Nationale » aux « Vilins », de « Cascades » à la rue de Flandres, de « Crimée » aux Champs-Élysées.

Sauf que ça ne marche pas toujours. Ça marche même de moins en moins. Squats sauvages du 20ème, squats plus sages du 19ème, squats rebelles du CAO [Centre Autonome Occupé], squats collabos ou squats clandos, tous ont été expulsés.

Mais quoi d’étonnant ? Si c’est de nous qu’Ils veulent se débarrasser, si c’est nos regroupements qu’Ils veulent interdire, on se demande bien pourquoi Ils toléreraient nos squats !

Tant que ce n’était qu’une question de fric, tant qu’Ils ne cherchaient qu’à protéger et à rentabiliser leurs immeubles, on pouvait toujours brandir la loi et prendre l’État et ses propriétaires à leurs propres pièges. Faire durer les choses un an, deux ans ou plus.

Mais maintenant, c’est une autre affaire. Quand à longueurs de journaux, on nous traite de dealers ou de tueurs, c’est moins le squatteur qui est attaqué en nous que le jeune, le chômeur, l’immigré ou le prolo.

Quand Ils se permettent de descendre chaque semaine pour fouiller, pour rafler, c’est pas le squatteur qu’Ils visent, c’est le « délinquant », le mec en cavale ou l’immigré clandestin.

Quand Ils ne te laissent plus aucun répit, quand Ils te chassent chaque semaine de la maison que tu occupes, c’est pas seulement le squat qu’Ils veulent détruire : à quelle ANPE tu vas t’inscrire ? quelle adresse légale sur ta carte de séjour, sur ton contrat d’embauche ou pour recevoir la Sécu.

Aujourd’hui, on ne peut plus occuper un immeuble en oubliant tout le reste. On ne peut plus prétendre résoudre tranquillement son problème de logement et s’arrêter là. Parce que l’État, lui, n’oublie rien de ce que nous sommes. Parce que son oppression ne s’arrête pas à la maison.

Un squat, aujourd’hui, ça ne peut pas vivre seul. Ça ne peut pas tenir seul. Parce que loin d’être une simple question de logement, c’est aussi, nécessairement, une histoire de boulot, de chômage, de carte de séjour, de vie de quartier, de bouffe, de fête.

Un squat, aujourd’hui, ça ne peut survivre que si ça s’affronte aussi aux problèmes de taf, de fric, de contrôle, de vie collective. Ça ne peut survivre que si d’autres s’y reconnaissent, chômeurs, prolos, immigrés, squatteurs ou pas, s’ils sont là pour l’appuyer, pour le défendre.

Un squat aujourd’hui, si c’est un ghetto parmi les ghettos, ça crève. Pour que ça marche, une seule condition : que ça lutte.


Molotov

Plusieurs dizaines de « squatteurs en colère » ont attaqué le 15 mai [1984] à Ménilmontant [Paris XXe] une patrouille de flics à coups de barres et de cocktails Molotov (et confetti !). Dans la foulée, une antenne des HLM de la Ville de Paris a été prise d’assaut après évacuation des gens qui s’y trouvaient. Revendication : contre les expulsions de squats et le flicage du quartier. Tiens ? La presse n’en a pas parlé.


[4e de couv’]

– Parce que mieux vaut l’écrire que se casser une jambe de bois
– Parce que rien à perdre et tout à gagner
– Parce que Boum Boum Racatacatac
– Parce que sans contrôle
– Parce que Travail Ciao
– Parce que le chat est enfin guéri
– Parce qu’on en a ras le bol de tout payer
– Parce que nous raserons les prisons
– Parce qu’androgynie sociale et aventure combattante
– Parce que vivre libre ou mourir
– Parce que Rock de la subversion contre valse des étiquettes
– Parce que la vie est à prendre
– Parce que nous sommes de toutes les bagarres
– Parce que s’il fallait compter sur les autres…

Les fourmis rouges

Molotov & Confetti

P.S.

Tous les numéros de Molotov & Confetti sont archivés sur Internet par Archives Autonomies.

Selon le site Archives Autonomies, les trois numéros de Molotov & Confetti ont été publiés en 1984 et 1985 dans le sillage de plusieurs tentatives visant à ouvrir un « Centre autonome occupé » à Paris. L’équipe de Molotov & Confetti était aussi liée à Radio Mouvance, une radio libre, fondée en 1983, qui se voulait « antiraciste, antifasciste, anti-impérialiste, anticolonialiste et antisioniste ». Squattant littéralement la fréquence 106 MHz réservée en principe à l’armée, et refusant obstinément de demander une autorisation d’émettre à la Haute Autorité, la radio a subi les foudres de l’état. Pas moins de six saisies entre 1983 et 1986 (cinq sous des gouvernements de gauche et la sixième et dernière sous un gouvernement de droite, le 24 avril 1986).

Source : Infokiosk.net

source aussi vers  sous la cendre