Publication : Attaque !

Chaque matin, la sonnerie du réveil m’arrache de mon sommeil. Premier acte : j’allume mon téléphone portable.

Avec les satellites, les nœuds de communication, les antennes etc, mon portable se synchronise avec ceux de tous les autres. Nous vivons la même vie en même temps. Connecté à internet, quelque chose d’invisible me transperce, mon téléphone envoie et reçoit en permanence. Une fois que le rythme de la nuit est tué par la sonnerie et que je me synchronise avec le monde connecté, un autre temps domine. Le staccato des émissions en direct, de la disponibilité ininterrompue, celui de la mise à disposition permanente, des emplois du temps et des rendez-vous, des plannings et des impératifs. Deuxième acte : je débranche mon portable de sa prise. Sans électricité, il ne serait rien, juste du plastique et de la ferraille avec quelques éléments faits de métaux rares. Cet appareil peut fonctionner à l’aide de spécialistes et grâce à une production d’électricité dépendante du nucléaire et du charbon, à un réseau mondial, à cette infrastructure critique qui garantit jour après jour notre quotidien, protégée par la police et l’armée. Après avoir utilisé divers appareils qui ont eux aussi besoin d’un réseau – sans quoi ils seraient complètement inutiles-, je pose un pied dans la rue.

Marchant le long des lampadaires – dans cette ville où l’obscurité n’existe plus, où aucun endroit n’échappe à la vue –, des boîtiers électriques et des répartiteurs téléphoniques, des sucettes publicitaires, des commerces avec leurs systèmes de surveillance – me vient en tête une pensée évidente : l’électricité sert les relations fondées sur la propriété à travers des milliers de kilomètres de câbles en fibre optique et en cuivre qui ne se trouvent qu’à 50 centimètres en-dessous de mes pieds ; je passe aussi sur des plaques qui donnent accès à des puits au fond desquels reposent les artères du monde moderne. Assis dans le train, me saute à l’esprit que sous les rigoles en béton courant le long des voies serpentent à nouveau des câbles, et que des systèmes de signalisation sont installés à peu près tous les 100 mètres : sans tout cela plus rien ne marcherait, le capital humain comme les biens morts ne parviendraient plus là où ils sont censés être consommés ou produire une plus-value.

Abandonnant mon observation de fourmi, je regarde en hauteur et aperçois sur les toits les antennes pour la radio, pour internet, pour le téléphone, ainsi que pour les ondes radio… dont celles de la police. Le maintien de la misère quotidienne a ses canaux, il faut les interrompre pour que les gens puissent transformer leur quotidien. La communication de ceux qui défendent la propriété dans les rues – les flics et l’armée – passe par les antennes sous lesquelles nous défilons du matin au soir. Lorsqu’une antenne-radio tombe, qu’un faisceau de câbles se consume à petit feu, qu’il y a la moindre coupure dans un câble en fibre optique ou à travers le cuivre des réverbères, apparaît tout à coup une zone d’ombre, un moment de confusion pour ceux qui n’ont pas appris et ne veulent pas apprendre à agir et à penser de façon autonome, qui obéissent et attendent toujours ordres et directives, mais cela peut aussi permettre à d’autres de faire des choses qui semblent souvent impossibles.

Si ce monde devient toujours plus une méga-machine, si les artères de la domination deviennent de plus en plus subtiles et qu’elles recouvrent tout le territoire de leur toile, nous devons – pour attaquer – être en mesure de tourner nos regards loin des choses les plus apparentes et tenter d’incorporer notre analyse des évolutions actuelles au sein des perspectives que nous voulons nous donner. Plus le monde est tissé de mailles, plus il est vulnérable aux perturbations. Ces nœuds de communication et les connexions entre eux, que l’on peut trouver partout et peu protégés correspondent aux points sensibles à couper. A un moment où même l’air brûle, cela n’a aucun sens de mettre le feu là où les flammes dansent déjà et où tous les regards sont fixés. Le silence radio, la coupure des communications, l’interruption des chaînes de commandement – et bien plus encore – sont les possibilités que l’on peut trouver avec un regard de créativité et d’analyse lorsqu’on cherche des objectifs à attaquer.

« Feu aux prisons! – C’est l’arrestation d’un compagnon anarchiste à Zurich qui a conduit à la parution de ce journal »

[Traduit de l’allemand du journal anarchiste ‘Feuer den Knästen’ via Act for Freedom Now, März 2019]

Transféré* à Condé-sur Sarthe.

Salut,

Un mail pour faire état de la détérioration des conditions de détentions
des détenus suite au mouvement de maton-ne-s qui sévit depuis l’attaque
de deux matons à la prison haute-sécurité de Condé-sur-Sarthe.

Le 05 mars dernier Mickael Chiolo et sa compagne attaque à l’aide de
deux couteaux céramiques deux matons de la prison. Condé c’est une
prison ultra-moderne, à quelques pas d’Alençon dans l’Orne. Y sont
enfermés à l’isolement les détenus jugés les plus dangereux par la
pénitentiaire, et pas mal de longues peines. On y trouve entre autres
quelques cellules et une unité dédiée aux détenus dits » radicalisés ». La
prison n’est pas contrairement à d’autres surpeuplée. Les détenus sont
confinés dans leur cellules individuelles de 9 m2. Ce qui n’est pas gage
de meilleures conditions de détention mais d’isolement des taulards.

Dans les heures qui suivent les matons et les matonnes de Condé entrent
en grève et bloquent les parloirs. Sur place on voit encore pas les
traces de suie sur le bitume due à l’occupation du rond point jouxtant
l’entrée du site. Durant une quinzaine de jours, le mouvement mené par
différents syndicats dont la CGT-pénitentiaire et soutenus par leurs
collègues de plusieurs taules, mais également par les gilets jaunes
locaux, réclament des revalorisations salariales, un recrutement, un
durcissement des moyens répressifs ( tasers, fouille à corps des détenus
et des visteur-se-s, renforcement des ERIS ), mais également
vidéosurveillance et écoute des unités de visite familiale dans lesquels
les détenus peuvent rencontrer leurs proches, la suppression des espaces
de « convivialité » et d’activités aussi dangereuses que la jardinage ou
la boxe. Bref, il s’agit de réduire encore plus drastiquement les
maigres libertés que les détenu-e-s réussissent à arracher à
l’administration pénitentiaire et de faire payer aux engeolés et à leurs
proches l’attaque. Durant cette grève et dans les jours qui suivent, les
détenus ne peuvent sortir de leurs cellules individuelles, accéder aux
promenades, aux activités. Plus de 20 jours sans pouvoir sortir de leur
9 m2.

Finalement, après une quinzaine de jours de lutte l’administration et le
ministère cède sur pas mal de revendications. Mais seulement sur Condé.
Ce qui ne manquera pas d’irriter les collègue de Caen, du Havre, de
Cherbourg et de tas d’autres taules. Les matons en lutte de Condé sont
des « traitres » : ils et elles n’ont lutté que pour leur gueule !

Vendredi dernier, le syndicat PRP – syndicat pour la protection et le
respect des prisonniers – qui réunit quelques proches de détenu-e-s
appellent  un rassemblement. Nous ne sommes qu’une dizaine dont 4
proches de détenus. Elles veulent alerter sur les conditions de
détention à l’intérieur du centre. Ces proches, dont certaines s’étaient
déplacées de plusieurs centaines de kilomètre n’ont pu avoir accès aux
parloirs. L’administration refuse même de communiquer avec elles. Elles
n’apprendrons qu’en fin de journnée qu’elles ne pourrons voir leur
proches. Larbitraire de la taule dans toute sa splendeur. Sur les
réseaux sociaux, des matons nomment les plus militantes « putes à
parloir ». L’une d’entre elles nous balance ironiquement : « si j’avais pu
toucher de la thune à chaque fois, ça m’aurait arrangé ! »Elles attendent
de savoir si elles pourront les voir ce mercredi 27.

Tout celà aurait mérité un beau parloir sauvage. Mais ni le nombre, ni
le lieu ne s’y prête réellemnt. Entre une quatre voix toute proche, une
zone indutrielle, les grillages qui repoussent les murs d’enceinte d’une
bonne centaine de mètre, des murs d’enceinte bien haut difficile
d’espérerse faire entendre. Juste quelques coup de klaxon lors de notre
départ en convoi. Tandis qu’autour du site, entre les enceintes de
confinement et les barbelés extérieurs, paissent quelques dizaines de
moutons que la pénitentiaire a posé là, tout aussi enfermés que les
détenus qui peuvent les observer. Le meilleur des mondes écologique en
quelques sorte.

Bref, ce mouvement de matons et de matonnes aura permis de légitimer et
durcir encore davantage la torture pénitentiaire. Vient s’y ajouter
aujourd’hui un durcissement des conditions de détention dans l’ensemble
des mitards de France.

Pour prolonger la réflexion et peut-être motiver certains et certaines
d’entre vous à passer à la discussion contre la construction de la
nouvelle prison de Ifs le vendredi 05 avril prochain à 18 heures au
local Apache, voici quelques liens :

Sur le durcissement du mitard :
https://paris-luttes.info/le-durcissement-du-mitard-11826
L’appel du 22 :
https://paris-luttes.info/appel-a-rassemblement-devant-la-11838
Le texte de l’Envolée sur la question :
http://lenvolee.net/le-vrai-drame-de-conde-sur-sarthe-cest-son-existence-meme/

Contre toutes les prisons,
Un d’Apache avec la complicité de quelques autres.

[reçu par mail]]
 Note du laboratoire: * Depuis deux ans  les émeutes du centre pénitentiaire permettent à France  bleu  Drome Ardèche de faire la propagande anti prisonniers révoltés , le laboratoire etc.. est solidaire du prisonnier transféré à condé sur Sarthe..

France : Aperçu de l’acte XIX des « Gilets jaunes » – 23 mars 2019

Lille (Nord) : « Plus de monde, plus de radicalité, plus de débordements » (La Voix du Nord, 23.03.2019)

Lille a été sans conteste la ville où, avec Montpellier, il y a eu le plus de désordres pour ce 19ème acte. Plus de 2000 personnes ont pris part à la manifestation. Parmi les vitrines prises pour cible, celles des banques et des panneaux publicitaires, mais aussi des agences immobilières, deux écoles de commerce et chaîne de fast-food : « Un premier incident éclate boulevard Lebas, où deux policiers en civil des renseignements doivent fuir la manifestation sous les projectiles (une nouvelle fois, après la sortie de Papineau à la manif du 2 mars, lors de l’acte XVI). Mais c’est surtout rue de Tournai, près de la gare Lille-Flandres, que la situation dégénère. Derrière une banderole, les Black Blocs s’approchent de la police en jetant des projectiles et fumigènes. Les forces de l’ordre répliquent avec du gaz lacrymogène. Un peu plus loin, rue Faidherbe, nouveaux affrontements. À différents endroits du parcours, des vitrines sont taguées ou cassées (banques, assurances, panneaux publicitaires, assurances, école de commerce, bars…). La police intervient à plusieurs reprises. Un important dispositif filtre l’arrivée place de la République, où quelques heurts finaux surviennent. En tout, sept personnes ont été interpellées ».

L’école de commerce


Metz (Moselle) : Tensions au centre-ville

« Des affrontements, mais pas de casse » (Le Républicain Lorrain, 24.03.2019). La manifestation de ce jour avait été déclarée en préfecture.

« Il est 15h. Le défilé tourne en rond en hyper-centre puis s’oriente rapidement vers la Préfecture. Sur le pont, des barrières et des CRS empêchent toute progression vers le quartier des Îles. Quelques projectiles sont lancés mais les manifestants n’insistent pas. Dans l’impossibilité de franchir la Moselle, ils repartent en ville. Devant la cité administrative, un petit groupe de Gilets jaunes s’en prend aux policiers en faction devant les bâtiments publics. Les premières grenades lacrymogènes sont tirées. Une femme au moins est touchée au bras. Les GJ infirmiers prennent également en charge deux personnes atteintes de crise d’épilepsie. C’est le début de l’affrontement entre gilets jaunes et gilets bleus. Ces derniers délogent les manifestants de la place d’Armes avec des bombes lacrymogènes. Les manifestants sont repoussés, en ordre dispersé, vers la place de la République […] Il est 18h à présent. 700 GJ sont rentrés à la maison. Les 300 qui restent sont confinés sur la place, retenus à l’entrée de la rue des Clercs. L’un d’eux a lancé une bouteille d’excrément sur un CRS. Quelques radicaux dépavent la voie du Mettis ».

L’après-midi s’est soldé par une quinzaine d’interpellations. « En matinée, des contrôles avaient déjà été effectués par les gendarmes sur les axes routiers en périphérie de Metz. Une deuxième salve de contrôles a été menée par la police en ville. Trois personnes ont été interpellées, l’une d’elle avait un sac à dos rempli de pierres, l’autre apportait sa collection de clous ».


Dijon (Côte-d’Or) : tentative d’ouverture de squat

Selon la préfecture de la Côte-d’Or, il y a eu une tentative d’ouverture de squat rue Pierre-Curie condamnée par le préfet, qui parle « d’un coup de force de la mouvance anarcho-libertaire qui a noyauté le cortège ». Il a été expulsé par les forces de l’ordre dans le délai de flagrance avec toutefois un retour des manifestants durant la manifestation. Un policier a été blessé à cet endroit à la main par un jet de pavé vraisemblablement. Autre échauffourée à noter rue Bannelier au niveau de la place de la banque avec là encore des jets de projectiles et des tirs de mortiers. Pour le moment, quatre personnes ont été interpellées mais le bilan est évolutif. » Selon la source officielle, les manifestants auraient été moins de 1000 ; selon les estimations du Bien Public, ils étaient entre 1500 et 2000 ».

Lyon (Rhône) : affrontements au centre-ville, péage et autoroute bloqués à Tarare et à Villefranche-sur-Saône

Pour ce 19ème acte, les forces de l’ordre quadrillaient entièrement la place Bellecour. Quelques centaines de gilets jaunes ont manifesté dans le Vieux-Lyon en début d’après-midi mais elles n’ont pas pu aller au-delà du pont Bonaparte. Des affrontements ont eu lieu aux alentours de la rue et de la place de la République, les flics recevant des « cacatov ». Trois personnes ont été interpellées pour « jets de projectiles », cinq blessées.

A Tarare, des dizaines de personnes ont rendu gratuit le péage d’autoroute, tandis qu’à Villefranche-sur-Saône, d’autres ont bloqué l’autoroute pendant quelques minutes.


Montpellier (Hérault) : ça part en affrontements et en saccage dès le début

Comme chaque samedi, le rencart était fixé à 14h, place de la Comédie. Après un rapide passage dans le centre-ville, le cortège de 5000 personnes est retourné place de la Comédie où les premiers affrontements avec les flics éclatent.

S’en suivent des heures de batailles de rues, pavés, bouteilles et cocktails Molotov répondant aux salves de lacrymo, au milieu des barricades de poubelles et de mobilier urbain en feu.

Vitrines de banques, DABs, stations de tramway et distributeur de tickets (cf ci-contre) panneaux de pub sont attaqués et détruits. Rue Chaptal, deux voitures sont incendiées.

Les affrontements se termineront vers 18h avec deux CRS et un flic de la CDI34 blessés et une vingtaine d’interpellations.


Toulouse (Haute-Garonne) : une barricade et une voiture en feu

Après quelques heurts par ci par là entre manifestants et uniformes de l’ordre et l’interpellation d’une manifestante une demi-heure avant pour « port de cagoule », la situation s’est tendue vers 16h40 sur l’avenue Camille Pujol, où plusieurs poubelles ont été brûlées et une barricade dressée au milieu de la chaussée. Quelques minutes plus tard, une voiture est incendiée sur l’avenue de la Gloire. A 18h, des manifestants parvenaient à atteindre la place du Capitole, où toute manifestation est interdite. Pour répondre à cet affront fait à l’ordre démocratique, les flics évacuent violemment la place et la BAC procédera à deux interpellations. Quelques heurs se poursuivront en début de soirée au niveua de la station de métro Jean Jaurès.

Bordeaux (Gironde) : des heurts en fin de journée à proximité de la place interdite.

Plus de 2500 personnes ont manifesté ce samedi 23 mars.

Des échauffourées ont éclaté peu avant 18 heures à proximité de la place Pey-Berland (qui fait l’objet d’un arrêté d’interdiction de manifestation), notamment après l’arrivée de militants des « black blocks » en milieu d’après-midi. La police a fait usage de gaz lacrymogène. Repoussés, les derniers manifestants ont ensuite reflué vers la place de la Victoire. Les forces de police se sont déployées, appuyées par des canons à eau dont il a été fait usage pour évacuer la place. Au moins une douzaine d’interpellations ont eu lieu au cours de la journée à Bordeaux. Dans la soirée, les policiers continuaient à procéder à des interpellations. » (Sud-Ouest, 22.03.2019)

Nantes (Loire-Atlantique) : plus de 400 personnes tentent d’investir le centre commercial de la route de Vannes et se replient au centre-ville

« L’objectif des « Gilets » était de bloquer la route de Vannes, la « plus grosse zone économique de la région ». Mais avant 13 h, l’heure du rassemblement au Mac Do de la Porte de Vannes, les forces de l’ordre contrôlaient chaque rond-point, multipliant les fouilles de sacs. 400 personnes ont ensuite bloqué l’avenue principale menant aux commerces. De nombreux commerces ont temporairement fermé leurs portes tandis que les pastilles de gaz tombaient en pluie sur leurs parkings vides. D’autres rassemblements se sont tenus plus tard dans l’après-midi, ponctués d’échauffourées avec les flics. » (Ouest-France, 23.03.2019)

« Sur les 25 interpellations réalisées par les policiers ce samedi 23 mars à Nantes […], 17 personnes ont été placées en garde à vue. Ce dimanche, seuls trois manifestants restaient dans les geôles. Ils ont été déférés devant un magistrat du parquet. L’un, âgé de 20 ans, devrait être jugé en comparution immédiate, ce lundi à 14h. On lui reproche sa participation « à un attroupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations ». Un adolescent de 17 ans et demi, poursuivi sous ce même chef d’inculpation fourre-tout et généralisée, devait être déféré devant un juge des enfants en vue d’une éventuelle mise en examen. « Enfin, le troisième, âgé d’une vingtaine d’années, sera jugé ultérieurement devant le tribunal correctionnel pour entrave à la circulation. Il aurait positionné son véhicule au milieu d’un rond-point, samedi, route de Vannes, empêchant ainsi les automobilistes de passer ».

Hérouville-Saint-Clair (Calvados) : tentative de blocage du centre commercial et affrontements

Alors que tout était (bien trop) calme, une partie des manifestants (environ 200) ont décidé de quitter la marche mollassonne pour aller tenter d’envahir le centre commercial de Carrefour Saint-Clair.

Vers 16h30, des affrontements ont éclaté entre les immeubles du quartier des Belles-Portes Après avoir essuyé des jets de projectiles, les gendarmes mobiles ont bombardé la foule de gaz lacrymogène à l’approche du périphérique pour disperser les manifestants et les empêcher de se rendre vers le centre commercial Carrefour Saint-Clair. Quelques poubelles ont été incendiées sur le passage du cortège et la tension est redescendue vers 18h. Trois personnes ont été interpellées.

Paris : Plus une manif sans enfoncer le pare-brise d’une Porsche…


Saint-Dizier (Haute-Marne) : manif nocturne et sauvage la veille

600 personnes sont parties en cortège du rond-point des Nations. « Alors que le défilé avait débuté dans une ambiance bon enfant, des échauffourées ont éclaté aux alentours de 20h entre certains manifestants et les forces de l’ordre en queue de cortège : jets de pavés et de plaques d’égout contre tirs de gaz lacrymogène devant l’Hôtel de Ville. Vers 21h30, cinq poubelles ont été incendiées et plusieurs abris de bus détruits alors qu’un hélicoptère avait été déployé dans le ciel bragard par les autorités. A l’issue de cette marche nocturne, trois personnes ont été placées en garde à vue pour ces dégradations. L’une d’entre elles est sortie après avoir reconnu les faits : elle sera convoquée ultérieurement par le tribunal correctionnel. » (France 3 Grand-Est, 22.03.2019)

Gilets jaunes : Sur la ligne de crête

vendredi 22 mars 2019, par Temps critiques

Une ligne de crête qui accompagne tous les soulèvements car, par définition, on ne sait pas quand et comment va se faire la bascule. Ce qui nous fait entrevoir cette phase, c’est que le mouvement des Gilets jaunes s’échoue aujourd’hui sur plusieurs écueils qui ont pourtant fait sa force hier.

S’il ne se laisse pas définir, il ne se définit pas lui-même

Si le mouvement des Gilets jaunes ne se définit pas par ce qu’il n’est pas (antisémite, anti-migrant, sexiste, homophobe), ce qui serait se mettre dans la contre-dépendance des attaques de ses ennemis ou des médias, il ne se définit pas non plus par ce qu’il est. Comme dans tout mouvement qui possède une véritable dynamique propre, des clivages présentés comme une réalité incontournable par l’État, les sociologues et les médias, n’en sont plus pour lui. Pour « les gens d’en bas » qui se soulèvent contre l’ordre des dominants, les fractionnements entre « quartiers sensibles » et communes périurbaines sont relativisés lorsque les lycéens de Mantes-la-Jolie montrent qu’en banlieue aussi la survie n’est plus supportable ; fractionnement réduit entre assistés et chômeurs ciblés par la phrase assassine de Macron « il n’y a qu’à traverser la rue pour trouver un emploi » puisque de nombreux chômeurs, présents sur les ronds-points, développent solidarité et convivialité ; fractionnement effacé entre travailleurs pauvres (l’emploi n’est plus gage de vie décente) et petits salariés, artisans ou auto-entrepreneurs.

Par sa dynamique propre, par l’action directe, le mouvement des Gilets jaunes a réfuté pratiquement les reproches idéologiques que lui adressent abstraitement les milieux politico-médiatiques dominants. 

Au sein d’une frange de la population, qui n’a pas toujours été la plus active dans les mouvements sociaux précédents, parce qu’elle a à la fois voulu et subi les processus d’individualisation, se fait jour la bonne vieille idée redécouverte dans chaque lutte d’importance, celle que le pouvoir divise pour mieux régner. Mais force est de reconnaître qu’après trois mois de lutte, ces avancées politiques sont insuffisantes. En effet, alors qu’il a aussi connu une certaine maturation dans le discernement de ses objectifs (de la lutte antifiscale à la lutte pour la justice sociale, par exemple), le mouvement ne parvient toujours pas à véritablement se définir. Cela nuit non seulement à son extension vers les marges de sympathisants hésitants, mais rend abstraite l’idée souvent mal comprise à l’extérieur du « Tous Gilets jaunes » puisque sans définition plus précise de ce qu’il est, toutes ces franges proches devraient l’intégrer et, à l’inverse, au nom de qui ou à partir de quel principe pourrait-il dire : « non, vous, vous n’êtes pas Gilets jaunes » ? Ni l‘appel de l’assemblée des assemblées à Commercy ni les communiqués du groupe Gilets jaunes Lyon-centre n’ont réussi à lever cette équivoque par rapport, par exemple, à la présence de l’extrême droite à l’intérieur du mouvement.

C’est que la communauté de lutte pose comme première valeur politique la solidarité dans le désaccord, c’est-à-dire l’inverse de l’appréhension traditionnelle de la politique, y compris à l’extrême gauche qui, quant à elle, pose au contraire le désaccord comme principe premier et « ligne » de partage. Cette disposition première, en faveur de la communauté de lutte et de la solidarité qui en découle, amène le mouvement à ne pas aborder ou à reléguer au second plan « les sujets qui fâchent ». Ne pas trop en dire pour pouvoir continuer à se dire les choses. Ainsi, alors que les Gilets jaunes parlent beaucoup de votes et les utilisent pour prendre des décisions, alors que nombreux sont ceux qui, parmi eux, mettent en avant le vote par RIC, la question du droit de vote n’est absolument pas abordée, car elle fractionnerait la solidarité des Gilets jaunes à partir du moment où il faudrait prendre une position sur le qui est citoyen et surtout qui ne l’est pas, au risque du désaccord.

Dans les AG, il est ainsi souvent nécessaire d’intervenir déjà pour faire corriger l’appellation « assemblée citoyenne » souvent utilisée dans les assemblées issues de ronds-points pour coordonner action et réflexion entre communes périurbaines. Car le flou persiste souvent sur les contours de la citoyenneté d’autant que dans ces actions, les Gilets jaunes n’hésitent pas à faire appel à des salles de mairie et à y accepter des élus municipaux ou même des députés, ce qui fait qu’on a parfois du mal à distinguer ces débats du « Grand débat ».

Ce n’est peut-être qu’un pis-aller, mais en l’état actuel des choses la notion « d’assemblée populaire » utilisée dans les assemblées de Commercy et celles (plus urbaines) qui les ont rejointes reste dans le vague. Malgré tout, cette dénomination d’assemblée populaire prête moins à confusion tout en étant fort paradoxale. En effet, les « assemblées citoyennes » sont d’une composition sociale bien plus populaire que les « assemblées populaires » qui sont, elles plus « citoyennes » au sens Révolution française du terme. Pourtant, à l’origine, sur le terrain des ronds-points, la question ne s’était pas posée abstraitement, mais de façon pratique, car il paraissait difficile d’être sur un barrage ou un rond-point avec un « étranger » qui se bat contre l’injustice fiscale à côté de vous et de lui dire que le RIC ce n’est pas pour lui… parce qu’il n’a pas la nationalité française et qu’il ne peut pas voter ! La référence à la Révolution française devrait ici encore servir : est « citoyen » celui qui participe à la « révolution », quelle que soit sa nationalité.

Si, pour beaucoup de Gilets jaunes, la référence à la Révolution française est réelle et profonde, alors il faut que le mouvement assume sa part de sans-culotterie sans qu’elle soit sans cesse rabattue sur celle d’un citoyen juste conçu comme sujet du pouvoir d’État en remplissant des devoirs qui donnent lieu à des droits. Par ailleurs, cela mettrait fin pratiquement à cette idée saugrenue, partagée par certains Gilets jaunes, d’un vote considéré comme obligatoire et donc comme un devoir plus qu’un droit. Mais ce serait faire preuve d’optimisme de penser que le mouvement pourrait en quatre mois acquérir une conscience de la communauté (humaine) qui efface toute frontière. La communauté de lutte trace, consciemment ou non, ses frontières dans la lutte. L’exemple frappant en est de la distinction qui apparaît dans des discussions entre Gilets jaunes « de base » sur la question des migrants1. Si les immigrés sont bien reconnus et acceptés par les Gilets jaunes — d’autant qu’il s’en trouve un nombre non négligeable parmi eux — ils le sont sur la base de l’ancienne figure du travailleur immigré. Des descendants de travailleurs immigrés et qui sont Gilets jaunes par ailleurs, considèrent que leurs parents et eux sont devenus ou sont français parce qu’ils ont contribué à la construction et à la prospérité du pays, alors qu’à leurs yeux les migrants d’aujourd’hui ne cherchent pas à se fixer et s’établir (cf. Calais et tous ceux qui veulent absolument passer en Angleterre) et relèveraient d’une gestion internationale de crise qui échappe à la communauté de lutte2. En conséquence, cela restreint considérablement le champ de sa tension vers la communauté humaine. Plus concrètement, c’est aussi une situation à courte vue, car si la force de travail est globalement surnuméraire aujourd’hui dans le procès de valorisation du capital, le surnombre n’est pas toujours là où on le croît, comme le montrent les efforts actuels d’entreprises comme MacDo, Starbucks et autres grossiums de l’hôtellerie-restauration ou du BTP, qui vont jusqu’à proposer à des migrants fraîchement arrivés3, des cours accélérés de français parce qu’elles recherchent des « petites mains » à des conditions tellement à la marge du droit du travail que personne ne les acceptent.

Un discours plus protestataire que révolutionnaire ou réformiste

Si l’expression d’une juste colère a fait la force du mouvement à ses débuts, il cherche aujourd’hui un second souffle qui le transformerait en une lutte sociale plus globale contre un ensemble structuré par l’État et le capital. Ce qu’il a tendance à résumer par les termes de lutte contre le « système », sans chercher à davantage le définir. Faute d’y parvenir, cette colère a tendance à se transformer en haine contre l’oligarchie (le « je vous hais compris » écrit parfois sur des gilets jaunes dénote en passant d’une certaine culture politique et d’un humour de bon aloi), elle-même réduite à quelques grandes entreprises ou banques et à quelques individus (politiques, journalistes influents) « que l’on va aller chercher » comme le disent les manifestants. C’est comme s’il fallait leur faire payer individuellement leur forfaiture, alors pourtant que les Gilets jaunes ont pris conscience progressivement qu’ils ont affaire à un « Système ». En cela Macron est victime de son propre « dégagisme ». Il croyait avoir fait le plus dur en se débarrassant de l’ancien monde politique et c’est l’ancien monde populaire qui lui tombe sur le dos ; un monde nettement plus difficile à faire disparaître.

Cette colère anti-Système des Gilets jaunes est confortée par une vision oligarchique du pouvoir, vouant à la vindicte populaire seulement les 1 % les plus riches qui opprimeraient les 99 % autres, alors que tous les rapports sociaux sont traversés par des hiérarchies et des inégalités qui divisent et fragmentent ; le procès de domination parcourt l’ensemble du rapport social. Reconnaître cela, ou au moins en tenir compte, serait reconnaître que la notion de peuple n’existe pas en soi, qu’elle se construit dans le conflit et la tension entre ceux qui dirigent, à quelque titre que ce soit (économique, politique, culturel) et ceux qui n’ont aucun titre pour le faire. Mais il n’y a pas non plus de raison de faire porter aux Gilets jaunes le poids d’une supposée inexpérience politique alors que c’est une opinion bien partagée, aussi bien par les Occupy Wall Street américains que par un parti politique comme La France insoumise ! 

Il s’ensuit que le mouvement est souvent guetté par la recherche du bouc émissaire ou par les thèses complotistes d’autant que les réseaux sociaux cultivent facilement l’entre-soi et particulièrement Facebook qui est leur relai le plus utilisé. Cela a été le cas, plusieurs fois, quand, dans certaines villes, le mouvement a projeté de lancer des actions contre la banque Rothschild, une cible privilégiée parce qu’elle serait un symbole du capitalisme mondialisé et aussi parce que Macron y a été associé-gérant. Que ce type d’action soit repris par un groupe spontané comme Article 35–Insurrection est une chose, puisque sa révolte se situe dans l’immédiatisme et l’action directe. Mais que l’on en arrive à devoir expliquer en AG, où des représentants des divers groupes de Gilets jaunes sont présents, qu’il faut arrêter avec les symboles et regarder plutôt la réalité du système bancaire dans le fonctionnement global du capitalisme est le signe d’une réelle faiblesse théorique. Sur ce point comme sur le rôle des actionnaires dans la formation du capital, la critique du « système » est biaisée par le fantasme d’une finance qui représenterait le mal absolu. 

Nous l’avons déjà dit, on ne peut reprocher aux Gilets jaunes dont la maturité politique est de quatre mois de commettre les mêmes simplifications que celles produites par des organisations politiques d’extrême gauche confirmées ou par des journaux comme Le Monde diplomatique. La difficulté consiste à essayer de corriger le tir sans jouer aux experts… et en tenant compte du fait que l’analyse des Gilets jaunes est limitée d’entrée de jeu par le fait qu’elle isole le procès de circulation du capital du procès de production alors que le capital justement tente, à travers les réformes libérales, de l’unifier.

Pour rester concrets les Gilets jaunes ont parfois tendance à se rattacher à des chiffres censés parler par eux-mêmes, mais qui donnent lieu à une surinterprétation proche du contresens. Par exemple dans un tract Gilets jaunes sur la finance, dont une partie est consacrée aux actionnaires et aux dividendes. La présentation qui en est faite pour la France tend à accréditer l’idée que c’est en France que les dividendes atteignent la meilleure rémunération en pourcentage pour les actionnaires, ce qui serait absolument scandaleux et ferait de celle-ci un modèle de capitalisme spoliateur. Or, c’est justement parce que jusqu’à maintenant la France a mieux résisté au modèle anglo-saxon de capitalisme et à ses exigences, que la France a plus besoin d’attirer de capitaux. Ainsi, elle a refusé le passage aux retraites par capitalisation, ce qui la prive de ses propres fonds de pensions et l’amène à rétribuer davantage les placements. Le problème n’est pas tant que cette approche est fausse, mais qu’elle empêche de comprendre le fonctionnement d’ensemble du capitalisme au niveau théorique et au niveau pratique, ce qui bloque souvent les discussions. Le mouvement ayant tendance à porter une attaque « morale » plus que politique cela inclut l’idée d’une moralisation possible des choses et des rapports sociaux. Cette tendance ne peut être contrecarrée que par des actions qui commencent juste, mais se développent en soutien à des conflits sociaux, dans des secteurs qui sont demandeurs parce que les syndicats y sont peu présents, comme les entreprises de sous-traitance de la grande distribution. Elles complètent les actions premières de blocage de la circulation en direction des plateformes en ce qu’elles mettent l’accent sur la dénonciation de l’exploitation et qu’elles peuvent jouer dans un sens favorable sur le rapport de force.

Un universalisme contradictoire au risque de l’isolement

Après avoir élargi ses revendications de départ et continué à refuser de négocier, ce point étant essentiel dans le maintien d’un rapport de force antagonique avec les pouvoirs en place, le mouvement rencontre des difficultés à s’étendre sur cette base initiale. Difficultés rencontrées dans la jonction du 5 février et avec l’échec de la liaison avec le mouvement lycéen en décembre, qui conduisent le mouvement à faire retour sur lui-même, dans des revendications qui font peut-être son originalité, mais qui ne sont plus que les siennes propres. Le mouvement des Gilets jaunes a certes raison de vouloir affirmer à la fois sa préséance dans la lutte et son autonomie par rapport aux autres forces. Par là, il s’est placé comme une sorte d’avant-garde de masse (« Tous Gilets jaunes ») dans la mesure où le fait d’enfiler le gilet jaune devenait tout à coup un acte de résistance en lui-même, un signe de reconnaissance ensuite et enfin le premier pas vers autre chose. De ce fait, il n’avait rien à attendre de l’appel traditionnel et le plus souvent « bidon », à une « convergence des luttes », tarte à la crème des années 2000 ayant succédé au « Tous ensemble » des années 1990. Le fiasco de la manifestation commune du 16 mars entre Climat et Gilets jaunes montre que le chemin sera long avant que tout le monde devienne « Gilets jaunes » où que les Gilets jaunes se fondent dans la révolution ou la République du genre humain ». Mais il n’est pas dit que certains de ceux-là ne se retrouvent pas plus facilement sur des actions de blocage de l’économie (énergie) ou dans des actions de soutien aux salariés en lutte ; autant d’interventions qui peuvent profiter de la déstabilisation générale des pouvoirs en place. Le problème est alors de savoir quel rôle y jouer. Sans vouloir trancher définitivement, notre expérience actuelle de la chose nous montre qu’il serait dommage qu’on y rejoue le soutien aux luttes du peuple tenu par les maos dans les années 1970. Les Gilets jaunes, sous prétexte qu’ils sont mobilisés et déterminés ne doivent pas être une sorte de bras armé (même sans arme) des salariés ou de n’importe quelle autre lutte.

C’est quand on agit ensemble contre la société capitalisée qu’on converge et non pas en agissant séparément d’abord, pour converger éventuellement ensuite (cf. à ce sujet, le contre-exemple des « stylos rouges4 »).

Si les Gilets jaunes font ressortir aujourd’hui un autre « Tous ensemble », il n’est pas de même nature que celui de 1995. Le premier était un appel à toutes les fractions de salariés, mais avec l’idée que la classe ouvrière et des catégories particulières comme les cheminots, en étaient la pointe avancée ; avec le second celui des Gilets jaunes, le « Tous ensemble » est posé au-delà du fractionnement. Étant potentiellement tout le monde, on ne voit pas qui pourrait les rejoindre, mais la conséquence en est que ce sont les Gilets jaunes qui finalement se posent ou sont perçus comme cette pointe avancée, ce qui évidemment n’est pas fait pour plaire à tout le monde et explique en partie les atermoiements de la CGT et de ses différentes fractions par rapport au mouvement, chose qui est apparue encore plus clairement le 19 mars que le 5 février.

Ce « Tous ensemble » est donc plus potentiel que réel et ajouté à la répétitivité usante des manifestations du samedi avec leur cortège de blessés, de condamnations et d’arrestations préventives, le mouvement a été amené à se tourner davantage vers des actions institutionnelles. Des actions qui visent d’un côté l’affirmation de la nécessité du RIC, non pas, comme à l’origine, une revendication parmi d’autres, mais comme remède miracle à la crise de la représentation politique, modèle de démocratie directe ; et de l’autre côté, la tentative de répondre au « Grand débat » du gouvernement par la supposée alternative que représenterait un « Vrai débat », animé cette fois par les Gilets jaunes. Pour nous une fausse alternative car finalement elle reste dans une sorte de contre-dépendance avec le Grand débat, puisque concrètement et même si les formes en sont plus libres, l’idée d’origine des Cahiers de doléances se retrouve bel et bien retournée, à son profit, par le pouvoir politique.

C’est bien au recul d’une action directe appuyée sur la base la plus large et la plus compréhensible pour tous du slogan « Macron-démission » auquel nous assistons. Un recul par rapport au défi à l’État que représentaient les blocages des ronds-points et les manifestations non déclarées. Dans cette mesure, le RIC semble maintenant représenter l’espoir d’une lointaine destitution venant remplacer la croyance en une démission immédiate.

Une référence appuyée au RIC qui pourtant ne trouve grâce dans aucune autre fraction de la population et qui, par ailleurs, n’est pas véritablement discutée au sein des différents groupes de Gilets jaunes. Par exemple, il n’y a pas véritablement accord sur le fait de savoir si le RIC est une revendication et dans ce cas là à quelle place il se trouve dans le vaste catalogue des revendications ou des propositions parcellaires que sont souvent chacune des 42 propositions d’origine ; ou bien s’il n’est qu’un outil permettant de satisfaire les revendications ou les propositions constituantes. Or, le RIC est censé régler tous les problèmes à partir du moment où il serait compris par tous après une popularisation de ses principes (cf. Les « marcheurs » du RIC). Ce qui apparaît ici, c’est la contradiction entre l’action collective des Gilets jaunes et un RIC qui repose sur l’acte individuel du vote dans l’isoloir ou même d’un simple clic d’ordinateur à effectuer chez soi les pieds dans les pantoufles.

Et surtout, avec le RIC en tête d’affiche, on aurait une coupure entre révolution politique et révolution sociale, une coupure déjà présente au moment de la Révolution française5.

Le pouvoir lui-même n’est pas questionné, ni d’ailleurs la nature de l’État. C’est comme si toute la problématique rendant possible le RIC faisait oublier aux Gilets jaunes la nature de l’État qu’ils ont pourtant découverte, ou redécouverte, pendant leur mouvement. Il s’ensuit un danger qui est de trop personnaliser la fonction politique et de ne pas tenir compte du lien contradictoire qui existe entre personnalité individuelle et fonction publique. Pour une majorité des Gilets jaunes, personnel politique et oligarchie font « Système » et ne sont donc pas dissociables. Il semble alors peu cohérent de ne s’attaquer qu’au personnel politique (Macron, Castaner) et à ses sous-fifres (Benalla, etc.), comme s’il fallait les punir en tant qu’individus plutôt que de lutter contre le fait même qu’il existe un personnel politique professionnel dont la fonction est séparée, cette séparation des activités, une parmi tant d’autres, étant une caractéristique du « Système »… capitaliste. Il en est de même quand le RIC veut réaliser son opération mains propres en demandant à ce que les casiers judiciaires des représentants du peuple soient vierges. Or, cette proposition risque de conduire à la situation italienne d’aujourd’hui survenue en partie grâce à l’opération « main propre » (mani pulite), même si le mouvement est très différent du Cinq étoiles.

Certes les Gilets jaunes demandent l’amnistie pour les Gilets jaunes condamnés, mais ils ne pensent pas à étendre cela à des faits préalables, commis au cours des manifestations contre la loi-travail, alors qu’ils étaient un peu du même ordre avec arrestations préventives, interdictions de manifester et peines disproportionnées. Même si beaucoup de Gilets jaunes disent regretter leur passivité de l’époque, ils ne semblent pas vouloir raccorder les événements et sont peut-être victimes de leur « présentisme ».

Dans leur colère ciblée sur les personnes, même si ce ne sont plus les mêmes, les Gilets jaunes marchent toujours sur les traces de la Révolution française. En effet, si la prise de la Bastille fut suivie d’une ouverture de la prison, elle fut très vite remplie à nouveau et même sur-remplie par ceux qui ne furent pas guillotinés. D’ailleurs, sur les ronds-points des Gilets jaunes, on pouvait trouver, pendant tout un temps, des panneaux figurants des guillotines et des manifestants ont même été traduits en justice pour avoir mimés, par figurines interposées, l’exécution publique de Macron. Toujours la symbolique de la Révolution française. Le problème est quand même qu’aujourd’hui, le « Système » est un peu plus détaché de ses « porteurs » qu’à l’époque. Cela est vrai aussi bien du point de vue d’une structure capitalistique toujours plus abstraite que du côté d’un État qui passe de la forme nation à la forme réseau. Mais c’est peut-être ça aussi qui produit la brèche par laquelle s’engouffrer. En effet, par rapport au temps de la Révolution française pendant laquelle ses institutions solides n’étaient pas encore en place, les Troisième et Quatrième République vont reléguer les hommes politiques à des positions subordonnées à leur fonction et aux institutions de l’État-nation. Or, la Cinquième République et surtout l’élection au suffrage universel ont inversé la tendance. La personnalisation du pouvoir qui s’en est suivi a été renforcée indirectement depuis par la résorption relative des institutions au sein de l’État dans sa forme réseau.

Il y a là tempête dans la tête des Gilets jaunes car comment résoudre la contradiction entre, d’un côté la tendance universaliste à la République du genre humain6 qui apparaît comme la perspective stratégique du mouvement et de l’autre un souverainisme populaire qui semble redonner des couleurs et du vernis à la forme nation  ?

La difficulté à trouver une forme d’organisation

La généralisation de l’occupation des ronds-points que nous appelions de nos vœux dans notre brochure « Une tenue jaune qui fait communauté7 » est aujourd’hui battue en brèche par la répression de l’État qui y a vu une dislocation de son espace capitaliste intégré (un danger pour son contrôle des flux de personnes et de marchandises) et les prémisses d’une autre reproduction des rapports sociaux, qui sans atteindre un point de fixation important et organisé comme Notre-Dame-des-Landes, n’en constituait pas moins une tendance à la prolifération de cabanes, considérées comme autant de scories dans un paysage à lisser. La situation est aujourd’hui au repli sur des terrains privés ou à des actions coups de poing sur des péages avec une difficulté, semble-t-il, bien plus grande en périphérie des grandes villes, par rapport à la situation dans les villages et autour des petites villes, où toutes les formes intermédiaires de lutte semblent pouvoir coexister et perdurer tant bien que mal.

Les assemblées se sont par contre développées dans de nombreuses villes, mais sur des bases plus traditionnelles et des modes d’organisation plus proches de ce qu’ils furent au moment de Nuit debout, c’est-à-dire avec une fixation sur le formalisme démocratique bien souvent en contradiction avec l’idée d’une libre prise de parole. Avec aussi des tendances à vouloir « organiser l’organisation » ou bien à faire voter pour savoir si on va voter et autres joyeusetés procédurières. Cela aboutit parfois à une inversion des choses dans laquelle l’AG croit faire le mouvement, alors que c’est le mouvement qui fait l’AG. Alors que sur les ronds-points on pouvait passer de la discussion à l’action et inversement sans le moindre problème, l’organisation étant éventuellement au niveau d’une coordination de ronds-points, la forme assemblée s’est trouvée fortement démunie devant le décalage entre l’avancée de sa forme organisationnelle et le peu de réalité de sa forme décisionnelle, par exemple au niveau de l’organisation de manifestations dont le déroulement, de fait, a continué à lui échapper.

Tout n’est pas joué

L’action collective, qu’elle soit sur les ronds-points ou dans la rue ressoude sans arrêt le corps politique et social des Gilets jaunes parce que c’est à ces occasions qu’il se confronte au pouvoir de l’État, y compris physiquement, là où se joue un tout ou rien, bien au-delà des « Vrais débats » et autres RIC. D’ailleurs les thèmes postés sur les réseaux sociaux par les Gilets jaunes et traités dans une enquête du journal Le Monde, en font foi puisqu’ils laissent apparaître que c’est celui de la mobilisation qui revient le plus souvent suivi par celui de la répression, puis la critique des élites, deux fois moins utilisé que le premier et enfin celui des revendications, quatre fois moins utilisé que le premier8.

C’est dans cette action collective que le mouvement fait l’expérience pratique d’un monde que tout à coup il ne semble plus subir, parce qu’il a commencé à en transformer certaines conditions (socialité, fraternité et solidarité, entraide), tout en permettant à chacun de se découvrir et se transformer dans le même mouvement, à travers cette action-là.

L’action directe est constitutive du mouvement et les manifestations, comme celle de samedi 16 mars, en montrent la nécessité. En dehors de la satisfaction subjective de la casse ciblée, pour la première fois les Gilets jaunes se sont assumés « casseurs » ou pro-casseurs, posant sans honte au milieu des dégâts. Mais pas sûr que cela fasse avancer les choses à partir du moment où la base du mouvement se rétrécit, que de plus en plus une autre colère monte… mais contre les Gilets jaunes et qu’à la limite, la prochaine fois le pouvoir pourra « marquer » les manifestants avec des produits indélébiles et pourquoi pas faire tirer dans le tas9.

Aucune solution immédiate ne se présente à nous parce que le mouvement a épuisé une partie de sa dynamique première. Force est de constater que c’est dans le moment de sa plus grande violence que le mouvement s’aperçoit qu’il est mis à nu… et à la merci des décisions du pouvoir. La prise au sérieux du désir de révolution de la part des Gilets jaunes, chose inimaginable au début du mouvement, le pousse, pour l’instant, vers une succession alternée de tentatives d’institutionnalisation et de politique du tout ou rien jusqu’à des pratiques émeutières (Paris, Bordeaux, Toulouse à un degré moindre). « L’ultimatum » du 16 mars est un acte fort, mais qui est aussi au risque d’un saut dans le vide si le mouvement ne réagit pas immédiatement et en diversifiant ses modes d’action ; en fuyant momentanément une nouvelle épreuve de force par exemple ou en la provoquant ailleurs, mais de façon inopinée10. Il s’agit de créer un lien entre tous ces modes d’action sans les opposer. Des actions menées depuis le début de la semaine montrent que le pouvoir a peur. Contrairement à ce qu’il cherche à faire croire, tout attroupement n’est pas interdit et surtout pas quand il a affaire aux Gilets jaunes, la nouvelle peste sociale. Il ne peut donc intervenir partout à condition qu’on le harcèle partout justement. La survie du mouvement est à ce prix. En avant !

 

Temps critiques, 22 mars 2019

Notes

1 – Nous ne parlons donc pas ici des assemblées de Gilets jaunes style Commercy ou Maison du Peuple de Saint-Nazaire qui, de fait, regroupent des personnes politisées par un passage à Nuit debout ou des militants plus ou moins en phase avec LFI ou le NPA qui affirment la libre circulation des personnes, l’accueil des migrants et se préoccupent peu de l’approche des « gens d’en bas » dont ils ne font pas vraiment partie ; leur adhésion au mouvement étant le plus souvent motivée par du prosélytisme politique.

2 – C’est sans doute pour cela que des pancartes contre le Pacte de Marrakech ont pu apparaître parfois et de façon finalement subreptice, dans les cortèges de Gilets jaunes, via des manifestants d’extrême droite.

3 – Cf. l’article : « Les réfugiés sont les bienvenus sur les métiers en tension ». Le Monde, 21 mars 2019, p. 20.

4 – C’est comme si les Gilets jaunes avaient tiré, intuitivement les leçons du 13 mai 1968 quand les étudiants ont remis le devenir du mouvement dans les mains de la CGT alors que dans le contexte actuel cette même CGT ne serait de toute façon pas capable de faire face à cette demande vu le rapport de force capital/travail et son influence décroissante.

5 – Cf. notre tract : « Dans les rets du RIC : remarques sur les faiblesses politiques d’une revendication », février 2019 :
http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article397

6 – http://blog.tempscritiques.net/archives/2614

7 – http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article392

8 – Bien sûr ce ne sont que des enquêtes et des statistiques, mais c’est à se demander qui a introduit le RIC dans le fruit ?

9 – Cf. le tract du syndicat policier Synergie-Officiers (https://twitter.com/PoliceSynergie/status/1107662000291753985/photo/1).

10 – Cette situation, les plus anciens d’entre nous l’on connue le 25 mai 1968 au petit matin… sans avoir la possibilité d’y trouver une issue favorable. Mais l’Histoire ne se répète jamais…

 

Grenoble, France le 28 Mars « La nature comme marchandise », débat et discussion

jeudi 28 mars 2019 20:00 lieu : Step-Adaep adresse :163, cours Berriat

Débat et discussion à partir de son livre (edition  le monde à l’envers)

Protéger et Détruire

Le mouvement des gilets jaunes a mis en lumière la fiscalité écologique et la façon dont l’état la fait peser sur les individus. Car si le prix de l’essence augmente, conséquence de la hausse de la taxe carbone et du prix du pétrole, les plus gros pollueurs sont eux soumis à un autre mécanisme : le marché carbone. Ce mécanisme, dont on peut faire un bilan au bout de quatorze ans, est non seulement inefficace puisque les émissions de gaz à effet de serre continuent de grimper, mais pire encore il se révèle être une nouvelle opportunité de profit pour les industriels. En donnant un prix, une valeur à la pollution et en branchant la nature et la pollution sur les flux monétaires, on achète, on vend, on spécule et on boursicote sur le désastre en cours. C’est pourtant ce choix du marché de droit à polluer qui prédominent dans les grandes instances internationales et pour la mise en place de l’Accord de Paris. Fruit d’un intense lobbying, l’air et la biodiversité deviennent des marchandises. Et dans un même mouvement l’économie achève de détruire en protégeant.

Entrée libre
Apporter de quoi boire et manger….

lu sur indymedia grenoble

Valence , Drôme: Le SPiP fournit une main d’œuvre gratuite pour l’ Agloo afin de faire une zone de « compensation »

Depuis lundi 18 mars,25 personnes sont à pied d’oeuvre pour nettoyer le lac des Couleures, lieu de 15 hectares bientôt classé Espace Naturel Sensible Le projet, porté par Valence Romans Agglo, mobilise sept acteurs publics et privés, comme l’association des canaux de Valence ou le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de Valence.
« Cette opération de nettoyage a justement été pensée pour le SPIP qui était à la recherche de projets pour les peines de travaux d’intérêt général »(hum), indique l’Agglo. Ce sont donc 14 jeunes du SPIP, accompagnés de 12 autres du comité de quartier de Valence, qui longent les berges du lac des Couleures* pour ramasser et trier cartons, pneus et autres électroménagers entassés près de l’eau. Le projet devrait prendre fin le 29 mars.

reformulé d’après la presse

note du laboratoire: Ce lac est en fait une retenu d’eau artificielle..L’agloo valorise une zone humide  est-ce en vue d’une compensation? « Une  définition plus restrictive des zones humides aurait pour conséquence de limiter le nombre des terrains à compenser, mais également le nombre de terrains pouvant être utilisés pour compenser tout dépendra du travail des cabinets d’études qui définissent les terrains: n’ayons pas de doute sur le fait qu’ils trouveront les deux critères avec facilité, mais seulement là où cela arrange les aménageurs…la législation oblige les maîtres d’ouvrage à limiter au maximum leurs impacts, et en dernier recours, à compenser la biodiversité qu’ils détruisent. A côté de la compensation réalisée au cas par cas après une construction, le projet de loi sur la biodiversité, qui a êté adopté en 2016, institue une « compensation par l’offre » : un opérateur réhabilite en amont un écosystème, puis vend au maître d’ouvrage des parcelles de ce site, dont la restauration et la gestion écologique garantiraient un gain de biodiversité équivalent à ce qui a été détruit. Prometteur pour certains, « permis de détruire » ou « marchandisation de la nature »

 

Carnaval pour l’Andra 12 mars 2019

Ci-dessous, un texte qui nous a été envoyé par des soutiens à la lutte antinuke de Bure :

Le mardi 12 mars, l’ANDRA avait le culot de venir donner des leçons de démocratie à Grenoble. Co-organisatrice des « Rencontres Nationales de la Participation », l’ANDRA y animait un atelier intitulé : « COMMENT CRÉER DU COLLECTIF POUR CONSTRUIRE UN PROJET DANS UN TERRITOIRE RURAL ? ». Une vaste blague, à laquelle on rit jaune.

L’introduction du débat faite par la « responsable de la concertation » de l’ANDRA était si honteux, que des opposant.es présent.es dans la salle – certes venu.es pour perturber l’évènement – n’ont pu se retenire très longtemps et ont crié au scandale.

Comment l’ANDRA peut-elle oser venir parler de « créer du collectif », de « concertation », de « fédérer les acteurs » ?! C’est à vomir. Pour rappel l’ANDRA c’est 25 ans de pratiques mafieuses en Meuse et en Haute Marne, de débats publics « cause toujours » (2005-2013), d’achat des consciences à coup de centaines de millions d’€ et d’opposant.es muselé.es. A l’heure où la répression policière et judiciaire est à son comble à Bure, l’ANDRA a bien du culot de venir donner des leçons de démocratie.

Mais si elle peut se le permettre, c’est bien que certain.es continuent de lui dérouler le tapis rouge. C’est le cas de ces « Rencontres Nationales de la Participation » et du président du think tank organisateur Bertrand Pancher, qui n’est rien d’autre que député de la Meuse!

Ainsi, d’autres individus avaient décidés de viser plus large en s’invitant au cocktail « réseautage » de l’évènement, qui avait lieu le soir, en partenariat avec la ville de Grenoble.

Une dizaine d’activistes ont réussi à s’introduire dans le Musée de Grenoble et ont pu joyeusement perturber ce cocktail en dénonçant une fois de plus l’hypocrisie des différents acteurs présents.

Impossible de savoir dans cette foule si des représentant.es de l’ANDRA étaient elleux même présent.es, mais là n’était pas la question. Le message était clair : laisser l’ANDRA co-organiser, sans doute financer et parler de concertation lors d’un tel évenement est honteux. Les autres co-organisateurs et participant.es doivent prendre leurs responsabilités et savoir que tout évènement de ce type où l’ANDRA tentera de se racheter une conscience seront systématiquement dénoncés et perturbés.

ANDRA dégage, résistance et sabotage !

13/03/2019

L’Andra et l’Ineris signent un accord pour 5 ans

 

Extrait de https://www.andra.fr/landra-et-lineris-signent-un-accord-de-partenariat-rd :

Le 26 novembre 2018, l’Andra et l’Ineris ont signé un nouvel accord de partenariat pour 5 ans prolongeant une collaboration scientifique engagée depuis 2001.

Cet accord intervient à une période importante pour l’Andra dans la perspective, notamment, du dépôt prochain de la demande d’autorisation de création de Cigéo, le projet de stockage géologique de déchets radioactifs. Il permettra de renforcer les connaissances sur les phénomènes à l’œuvre dans le stockage, la surveillance des installations et de l’environnement et la prévention des risques (tels que le risque incendie par exemple). Pour l’Ineris, il a vocation à permettre un approfondissement des connaissances sur le comportement à long terme des ouvrages souterrains et de poursuivre le développement de compétences pluridisciplinaires sur la prévention des risques industriels.

L’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) est un établissement public contrôlé par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire.

L’Ineris a son siège à Verneuil-en-Halatte (Oise) mais possède aussi des bureaux à Paris et des équipes à Nancy, Lyon et Aix-en-Provence.

Siège à Verneuil-en-Halatte

Parc Technologique ALATA
BP 2
60550 Verneuil-en-Halatte
Tél. : 03 44 55 66 77
Fax : 03 44 55 66 99

Bureaux à Paris

58 Ter rue d’Hauteville
75010 Paris (7 minutes à pied des Gares du Nord et de l’Est)
> métro Château d’eau (ligne 4) Bonne nouvelle (ligne 8,9) et Poissonnière (ligne 7).
Tél. : 03 44 55 66 77

Équipe à Nancy

Ecole des Mines de Nancy
Campus ARTEM
92 rue du Sergent Blandan
BP 14234
F-54042 NANCY Cedex
Tél : 03 54 40 66 11
Contact : emmanuelle.klein@ineris.fr

Équipe à Lyon

78 rue du 11 novembre 1918
69 100 Villeurbanne
Tél. : 04 78 90 09 86
Contact : sophie.kowal@ineris.fr

Équipe à Aix-en-Provence

Domaine du Petit Arbois
avenue Louis Philibert – Ardevie
CS – 10440 -13592 Aix-en-Provence Cedex 03
Tél : 04 42 97 14 85
Contact : fabrice.quiot@ineris.fr

lesmonstresdecigeo

Grèce : Un entretien avec Nikos Romanos, anarchiste emprisonné

Ils sont anarchistes, donc ils sont des terroristes

La plupart des lois antiterroristes grecques ont été promulguées en 2001, après les attentats du 11 septembre aux États-Unis, par le gouvernement du PASOK (le parti socialiste grec). Leur cible principale étaient le “organisations criminelles”. En 2004, le gouvernement de Nea Démocratie (droite) a introduit l’accusation d’”organisation terroriste” et l’article 187A. Celui-ci définit quels sont la nature et les buts d’une organisation “criminelle” et d’une organisation “terroriste”, ainsi que la définition de “terroriste individuel”. Aucun acte concrète n’est nécessaire pour l’application de ces définitions, qui se basent sur les intentions et laissent une large marge de manœuvre aux juges.
Nikos Romanos a été condamné en 2014, avec d’autres compagnons, à 14 ans et 10 mois à la suite d’un double braquage dans la ville de Velvento, région de Kozani. L’accusation de faire partie de la Conspiration des Cellules de Feu n’a pas tenu, alors l’État grec les a, par la suite, condamnés pour “terrorisme individuel” (ce qui porte à des rallongements des peines écopées pour le braquage). Entre-temps, d’autres compas aussi commencent à être jugées avec cette interprétation extensive de l’article 187A. Ici un autre texte de Nikos à ce propos.

Cet entretien est tiré du journal grec Apatris et traduit en anglais par Crimethink.

Crimethink / mardi 19 mars 2019

Apatris : De quelle façon la nouvelle interprétation de la loi anti-terroriste touche ton cas ?
Nikos Romanos : Cette condamnation a un effet important pour nous, puisque cela signifie que certains d’entre nous passeront deux ou trois ans en plus en prison. Étant donné qu’on est en taule depuis plus de cinq ans, cette condamnation doit être vue comme une tentative de créer un statut de captivité permanente, basé sur loi “antiterrorisme” (art. 187A). Dans sons application, cette loi a pour but de produire le spectre de l’”ennemi intérieur”.

Des sentences déshumanisantes, une nouvelle interprétation répressive et l’application arbitraire de l’article 187A, la criminalisation de l’identité (politique) anarchiste, toutes ensemble ces mesures constituent un réseau de répression pénale qui enveloppe méthodiquement le mouvement anarchiste et ses militant.e.s emprisonné.e.s.

Cette condamnation précise ne doit pas être interprétée comme une attaque contre certains individus. Nous devons reconnaître qu’elle se situe dans la continuité de la politique antiterroriste grecque, qui a pour but de serrer un nœud coulant autour du cou de l’ensemble du mouvement anarchiste.

L’État profite du morcellement et de la manque d’analyse radicale qui caractérise le mouvement, comme la société dans son ensemble, pour intensifier ses attaques.

A. : Votre condamnation pour terrorisme individuel est la première de ce type en Grèce. L’article 187A de la loi anti-terrorisme laisse délibérément beaucoup de marge à l’interprétation de chaque juge, ce qui élargi l’arsenal que l’État a à sa disposition pour réprimer. Comment devrions-nous répondre à une loi de ce type et aux autres condamnations comme la votre, qu’on peut deviner qui suivront ?
N.R. : Ce qui donne des moyens accrus à l’État est la nature politique de la loi 187A, qui légitime toute interprétation possible de cet article. Nous avons affaire à une loi qui réalise en pratique le dogme de la « guerre au terreur » américaine. Cette loi prépare le chemin pour une chasse aux sorcières impitoyable contre les « ennemis intérieurs » et tou.te.s ceux/celles qui sont vu.e.s comme une menace pour l’État et les intérêts capitalistes.

En ce qui concerne notre réponse à ce processus, à mon avis nous devons avant tout comprendre que nous avons besoin d’un mouvement subversif organisé. Un mouvement qui soit capable de déstabiliser et de saper l’État et les plans des patrons capitalistes et de leurs pantins politiques, dans nos régions.

Pour être plus précis, nous devons commencer un processus d’auto-critique afin d’analyser nos erreurs, nos carences, nos faiblesses organisationnelles. Cette auto-critique ne doit ni nous caresser dans le sens du poil, ni laisser de la place au pessimisme et au désespoir. Notre but devrait être celui d’aiguiser la lutte subversive dans toutes les formes qu’elle peut prendre, afin de la transformer en un danger réel pour tout dirigeant. Une partie de ce processus est la reconstruction de notre mémoire historique, de façon qu’elle serve de boussole pour les stratégies de combat que nous employons. Nous devrions recommencer à parler de l’organisation de différentes formes de violence révolutionnaire, des pratiques d’illégalisme révolutionnaire et de la nécessité de les diffuser au sein du mouvement, de façon à triompher des « politiciens » (dans le sens sale et civil du terme) qui ont infecté nos milieux.

Cette discussion sera vide et sans effets si elle n’est pas connectée aux initiatives politiques des compas, afin de combler les lacunes dans notre pratique et d’améliorer nos perspectives à partir de ses conclusions. La meilleure réponse aux attaques judiciaires contre le mouvement est de faire en sorte que ceux qui les décrètent payent un coût politique élevé. Cela devrait arriver à l’entière pyramide de l’autorité – tout le monde, depuis les instigateurs politiques de la répression, jusqu’aux hommes de paille qui la mettent en œuvre, devrait partager la responsabilité pour la répression du mouvement.

Cette réponse est une partie du contexte historique général de notre époque, c’est notre proposition politique. Comme réponse aux guerres entre les nations, nous ne proposons rien de moins qu’une guerre de libération dans les métropoles capitalistes, une guerre de chacun.e contre tout ce qui est favorisé par le capitalisme.

A. : De quelle manière cette nouvelle interprétation de la loi touche les compas en dehors des murs des prisons, qui réfléchissent à s’engager dans l’action ?
N.R. : Cette décision crée un précédent vraiment négatif, qui augmentera l’ampleur de la répression pénale à l’encontre des anarchistes qui agissent et ont la malchance d’être capturé.e.s et et de devenir prisonnier.e.s de l’État grec. En substance, avec cette interprétation de la loi, ce qui est criminalisé est l’identité politique anarchiste. Dans la bouche du Procureur en Appel, ça donne : « Qu’est ce que ces actes pourraient-ils être d’autres que terroristes, puisque les accusés sont anarchistes ? ». Avec la nouvelle interprétation de « terrorisme individuel », ce n’est pas nécessaire, pour le mécanisme judiciaire, de tenter d’associer l’accusé avec l’action d’une organisation révolutionnaire, comme c’était le cas par le passé. L’identité politique de quelqu’un.e et le fait de garder une position intransigeante à son procès sont assez pour qu’une personne soit condamnée comme « terroriste individuel ». Quiconque choisisse de combattre selon les principes de l’anarchie peut donc être condamné.e en tant que terroriste, dés que ses choix la/le mettent au delà du cadre établi par la légitimité civile.

Bien entendu, cela ne doit pas diffuser le défaitisme. Au contraire, c’est une raison de plus pour intensifier notre lutte contre la domination capitaliste. Quiconque arme sa conscience pour arrêter le cycle brutal d’oppression et d’exploitation sera certainement la cible de traitements vindicatifs et autoritaires de la part du régime. Cela ne signifie pas que nous abandonnerons notre combat, dans un tribunal ou ailleurs.

Le fait que l’anarchie est ciblée par l’oppression étatique même dans un époque de reflux du mouvement devrait être source de fierté pour le mouvement anarchiste, la preuve que la lutte pour l’anarchie et la liberté est la seule façon décente de résister au totalitarisme de nos temps.

A. : Suite aux directives de l’Union européenne et à la chasse aux sorcières globale contre le « terrorisme », après le 11 septembre, la loi antiterroriste est devenue un camp de bataille important contre les ennemis, intérieurs ou extérieurs, de l’État grec. Dans cette situation, quand l’État tente d’élargir l’application de la loi par le biais de nouveaux procès, quel type d’action devrait mener le mouvement, pour réponde à cette interprétation de la loi ?
N.R. : A mon avis, il y a le besoin impératif de créer de initiatives politiques contre la loi « antiterrorisme », qui constitue le champ de bataille du code pénal à notre encontre. Nous devons faire passer le mot que cela peut toucher d’autres personnes engagées dans des luttes, si leur actions sont un obstacle aux intérêts capitalistes. Elles aussi seront accusées avec la loi antiterrorisme (art. 187A).

Par exemple, les habitant.e.s de Skouries (en Chalcidique) ont été accusé.e.s de terrorisme parce qu’ils ont agi contre le développement capitaliste et le pillage de la nature. Cela demande une analyse politique prudente. C’est dangereux d’appliquer la loi « antiterroriste » à deux catégories différentes de personnes. D’un côté, les autorités publiques l’utilisent contre celles et ceux dont les actions pourraient être décrites comme une stratégie de guerrille urbaine ; de l’autre côté, elles l’utilisent contre des gens venant de secteurs de la société complètement différents.

Appeler à un front de lutte contre la loi « antiterroriste » ne signifie pas maintenir des illusions à propos de son abolition. La Grèce fait partie de l’Union Européenne, elle a un rôle spécifique dans le capitalisme dans cette région et elle est prête à appliquer inconditionnellement les directives de l’UE sur la sécurité et l’immigration. Peu importe quel parti est au pouvoir, la Grèce n’abolira pas la loi « antiterrorisme » Celle-ci est inséparable des autres intérêts de l’État grec. Dés lors, la lutte contre l’article 187A doit révéler justement cette connexion. Nous devons attaquer et la déclinaison locale de la rhétorique américaine de la « guerre à la terreur », et les récits fallacieux de la gauche social-démocratique, comme SYRIZA. Dans la réalité tous leurs discours sur les droit de l’homme s’arrêtent comme par magie lorsque les intérêts de l’État et des capitalistes sont en jeu.

Une lutte commune contre l’article 187A doit mettre en évidence les contradictions internes du système, montrer le rôle des lois « antiterrorisme » dans le fonctionnement des États de l’Union Européenne et envoyer un puissant message de solidarité à toutes les personnes qui sont emprisonnées à travers le monde à cause de lois comme celle-ci. Cela créera des problèmes politiques pour l’invasive croisade « antiterrorisme » de notre époque. Elle causera des dégâts politiques permanents à l’existence criminelle de l’article 187A, de l’État et du capitalisme, qui, tous, empoisonnent et détruisent nos vies.

La mise en place de cette offensive peut offrir une base aux compas pour communiquer, agir et entreprendre une contre-attaque générale contre le complexe capitaliste et tous ses tentacules mortifères. Voilà pourquoi je considère une telle initiative comme cruciale pour l’évolution des luttes subversives de notre époque.

lu sur Attaque

Invisible mais vrai

Il n’aura pas échappé à certains que les Champs-Elysées en flammes de samedi dernier peuvent être considérés comme une magnifique commémoration de la Commune de Paris. Qui sait combien y ont pensé. «  Paris respirait !… Partout s’agitait une vie intense… Adieu au vieux monde et à la diplomatie » écrivait Louise Michel à propos des événements qui ont débuté le 18 mars 1871 à Paris. « La Commune a été la plus grande fête du XIXe siècle » – commentèrent un siècle plus tard les situationnistes. « Ça a été fantastique, d’une joie impressionnante » – nous a écrit un anonyme compagnon à propos du 16 mars 2019 à Paris. L’ivresse de la révolte, dans l’assaut contre le pouvoir et ses petites mortifications quotidiennes, est un plaisir qui n’a pas besoin de chefs… Ah oui, au fait, et les chefs ?

Quelle tristesse, même les leaders révolutionnaires ne sont plus ceux d’autrefois. Si le 18 mars 1871 l’aspirant général de l’insurrection Blanqui ne put participer au soulèvement, c’est parce qu’il se trouvait en prison. Craignant son influence sur un climat social désormais incandescent, le chef du gouvernement Thiers avait pris des mesures et l’avait fait arrêter la veille. Eh bien, il semble que le 16 mars 2019, même l’autoproclamé héritier de Blanqui n’a pu (tenter de) chevaucher la révolte dans les rues de Paris. Mais pour une raison bien plus vulgaire : il était (et est toujours) en tournée à travers l’Italie pour vendre sa marchandise imprimée.

Le 15 mars, il était en effet à la Book Pride de Milan, un festival servile de l’édition indépendante organisé sous le patronage de l’administration locale (« Nous pouvons maintenant faire de notre mieux sans être contre quiconque », a déclaré sa nouvelle directrice générale). C’est là qu’il a présenté le recueil de textes du Comité Invisible, à peine sorti chez Nero Editions, « maison d’édition présente dans le monde de l’art international depuis 2004 », et dont le catalogue est un véritable waouh ! (du xénoféminisme à la camelote high-tech yankee, en passant par Bifo*). Ce recueil est un beau volume de 354 pages qui contient L’insurrection qui vient, A nos amis et Maintenant, avec une quatrième de couverture des plus sobres (trois citations promotionnelles de Nina Power, The News Statesman et Fox News… pas de la gnognotte). Ce premier rendez-vous milanais a été la première étape d’un véritable Magical Commodity Tour qui l’a aussi mené à Bologne (le 16, à la librairie Modo Infoshop), à Rome (le 18, à la librairie-café Tomo), à Naples (le 20, à l’Ex-Asilo Filangieri), et le mènera à Turin (le 23, à Radio Blackout) puis encore à Milan (le 24, à la librairie Calusca).

D’après ce que nous avons compris, jusqu’à présent à chaque date le petit-fils en herbe de Blanqui a disserté sur les troubles sociaux et les conspirations criminelles en compagnie de ceux qui en connaissent un rayon : des professeurs d’université et des journalistes. A la Book Pride de Milan, il était avec le fidèle Marcello Tarì (auquel Toni Negri et le sénateur du Parti Démocrate Tronti ont déjà eu l’occasion d’expliquer ce qu’est le communisme), à ​​Bologne il était avec Andrea Cavalletti (professeur ambulant, collaborateur au journal de gôche Il Manifesto), à Rome il était avec Luca Pisapia (footballologue militant qui, depuis toujours fan de révolte, collabore au journal de gôche Il Fatto Quotidiano)… et à Naples avec qui ? avec le procureur-maire qui a béni l’espace artistique qui héberge sa présentation ? À Turin, il risque cependant de devoir se contenter des petits-chef No Tav balances et de leurs porte-serviettes, tandis qu’à Milan pour la fin, ça va, il jouera à la maison dans l’auge où tout-mais-vraiment-tout-tout-tout-sert-à-faire-la-soupe…

Mais ce n’est pas vraiment un hasard, en réalité. Professeurs, journalistes, artistes et récupérateurs de tous poils sont en effet les seuls qui peuvent prendre au sérieux le Comité Invisible. Littéralement. Pour s’en rendre compte, il suffit de lire l’hilarante introduction de cette anthologie, écrite dans le parfait style de la double-pensée blanquiste, généreusement reproduite par le célèbre quotidien subversif Il Fatto Quotidiano. Les auteurs mettent comme signature « des contrebandiers franco-italiens », mais s’y plaignent en braves douaniers que les livres du Comité Invisible n’aient connu jusqu’à présent en Italie que des éditions pirates (est-ce à dire… qu’ils ont coffré ceux qui les ont publiés sans avoir acheté et payé les droits d’auteur réguliers ?). D’abord ils observent que « la lumière de la publicité obscurcit tout », puis ils allument à fond tous les néons à leur disposition pour bien mettre en valeur leur produit dans un crescendo de superlatifs commerciaux. Parmi les « vérités » du Comité Invisible ils rappellent le « dégoût de la politique » et « l’anonymat », mais… oups… ils oublient de préciser que ses membres présumés ne les ont jamais pratiquées. Qui a pleurniché sa propre innocence face aux juges jusqu’à leur suggérer quelle piste (allemande) il valait mieux suivre ? Qui est devenu conseiller municipal ? Qui fait la promotion de ses produits éditoriaux, lorsque tout va bien, dans les espaces de la gôche ? Qui participe à des programmes télévisés ? Qui lâche des interviews et des articles aux journaux du régime ? Qui a enterré la ZAD en défendant sa régularisation à travers des négociations avec les institutions ? Et ils ont même l’hypocrisie de soutenir avec morgue que « ce n’est pas avec ceux qui ont niqué le monde que nous le réparerons » !

Allez, mais à qui voulez-vous faire avaler de telles conneries ? A quelques professeurs, quelques journalistes, quelques artistes et quelques récupérateurs, justement. Les gens qui proclament combattre le capitalisme en votant pour le parti Potere al Popolo (Pouvoir au Peuple) ou arrêter le réchauffement climatique en marchant derrière une ado de 16 ans, sont les seuls qui peuvent lire les livres du Comité Invisible en croyant faire l’insurrection. Alors, s’il est vrai que les révoltes modernes sont le fait de « gens qui lisent peu de livres », s’il est vrai que leurs motivations principales sont éthiques et pas politiques, il va de soi que les essais politiques du Comité Invisible ne sont évidemment pas destinés à ceux qui s’insurgent. Ça doit être pour ça que les « contrebandiers » préfaciers du Comité Invisible n’aiment pas les éditions pirates qui circulent parmi les gueux subversifs, préférant de loin vendre des éditions officieuses à un public de bobos radical-chic en manque d’émotions esthétiques-choc… les seuls qui peuvent avaler que « de livre en livre, le Comité Invisible est devenu comme un spectre qui obsède les dirigeants français ». Ainsi donc, après avoir constaté que ceux qui se rebellent ne lisent pas beaucoup, on en conclut que les dirigeants français ne craignent pas les rebellions qui incendient les rues, mais plutôt les livres qui spéculent dessus ?!

Cela ressemble à une blague, n’est-ce pas ? La représentation spectaculaire qui vient faire sa vantarde sur le dos de la vie. Paris brûle et la caricature post-tout de Blanqui est ici en Italie pour faire le paon avec son tam-tam publicitaire pour un livre. Plus qu’une bataille digne de l’Enfermé, c’est un battage digne d’un épicier. Il faut vraiment s’appeler Julien Coupat et ne s’être jamais émancipé d’un fade blanquisme de fond pour croire que l’insurrection ait besoin d’intellectuels narcissiques pour lui servir de porte-paroles et de conseillers-placiers.

sans attendre demain a traduit de l’italien de finimondo reçue par mail, 22 mars 2019]


NdT:
* Franco Berardi « Bifo» est un ex-leader de l’autonomie organisée de Potere Operaio (Pouvoir ouvrier, tout est dit) dans les années 70, qui collabore et publie notamment chez l’éditeur négriste Derive Approdi.