Une lettre aux camarades : »Regarder le train passer »

Lettre aux camarades

En croisant des camarades qui peuvent avoir participé de près ou de loin à des luttes (CPE, contre-sommet type G8, Loi travail, etc.), mon implication dans un mouvement comme celui des Gilets jaunes a alimenté de récentes discussions. Des questions sont apparues et méritent qu’on s’y attarde car cela fait 5 mois que le mouvement des Gilets jaunes a commencé et la plupart de ces camarades n’ont participé à aucune des dimensions du mouvement. Il y a certes la vie : travail, enfants, etc. qui joue mais je crois qu’il y a plus.

Je vais donc aborder quelques-uns des points qui ont fait surface dans notre discussion à partir d’un premier argument :

Au début le mouvement était contre l’augmentation de l’essence à la pompe et cela ne donnait pas envie de rejoindre le mouvement.

Malgré le fait que nous avons tous des potes qui habitent hors grande agglomération, cette remarque se base sur une mécompréhension de ce qui fait la vie de bon nombre de foyers. Se déplacer dans les périphéries des villes et le rurbain, ce n’est pas prendre son vélo ou le métro pour aller dans tel ou tel endroit en un temps record, c’est prendre son véhicule à essence pour simplement vivre ou dirait un GJ, survivre. Pour la plupart des familles ce moyen de déplacement est indispensable. Que le prix de l’essence n’ait pas été compris comme un élément déclencheur pouvant amener plus loin, à ne pas circonscrire la lutte à ce point de départ, peut être compréhensible. Mais en creusant la discussion je me rends compte de tous les a priori qui se trouvent derrière ce discours : il ne fallait pas défendre ceux qui polluent et qui s’expriment dans un ras-le-bol pas très net, non structuré. Par exemple, là où l’exaspération envers les syndicats et la « gauche » était une des clés de l’élargissement du cortège de tête de la Loi travail, la défiance des Gilets jaunes envers ces organisations pose problème car justement ce n’est pas un marqueur idéologique et donc c’est cela qui leur est reproché alors pourtant qu’on trouve le même écart aux organisations… mais sans qu’il se voit décerner ses lettres de noblesse par les prétendus « radicaux ». En effet, les Gilets jaunes étant volontairement a-partisans cela rentre en conflit direct avec tout un héritage de luttes. Et comme le rapporte un copain par rapport aux Gilets jaunes, pendant des semaines tu entendais les militants parler de la « manif de beauf » du samedi.

Quand à mes camarades ils me demandent si le risque politique n’est pas grand dans le contexte d’un pays de droite et d’une tendance mondiale au conservatisme. Je n’évalue pas la situation de cette manière et déjà cela marque une rupture. La France reste un pays très à gauche rien que par sa tradition syndicale bien différente que dans d’autres pays. Je me demande quand même si les gens que je connais sont un jour sortis de France ? D’un autre coté, les premières victimes de l’instrumentalisation du mouvement par l’extrême-droite semblent être mes camarades car ils sont en dehors de toute analyse de la société du capital. Certes, la tendance prédominante du mouvement des Gilets jaunes n’est pas à l’attaque du capitalisme mais globalement ce n’est pas un problème de positionnement politique. Macron est le fruit d’une alliance de tous les bords contre les extrêmes. Ceux de gauche qui ont voté pour lui, par dépit ou pas, et qui le soutiennent de fait aujourd’hui contre le mouvement des GJ, me paraissent bien plus inquiétants. Cela fait penser à la manière dont le mouvement italien des années 70 a été battu : par l’alliance démocratique de tous les bords dont le PCI (voir la ligne de fermeté au moment de l’enlèvement d’Aldo Moro contre les BR).

Mais le risque politique semble d’autant plus grand à mes camarades qu’il n’y a pas de guide, pas de « plateforme » ou alors des listes de revendications qui parfois déroutent, voire rebutent. La nature première de cette révolte de fond est là, bien mal appréciée. Ceci surtout provenant de personnes qui peuvent avoir considéré par le passé que formuler des revendications, c’est déjà capituler.

Qu’est-ce qui amène dans un tel mouvement alors ?

D’abord je me rends sur un rond point à Feyzin, je vois que la parole est libre, non cloisonnée et je découvre des gens de tout type. Ni la curiosité, ni une volonté militante n’aura fait bouger mes camarades comme si aller sur un rond-point avait été prendre un risque pour soi-même.

Tu ne rentres pas dans un mouvement sans tes bagages mais tu en abandonnes des aspects rapidement et particulièrement tous les présupposés idéologiques qui te permettent de « tenir » en temps de paix sociale . Or, ce mouvement, c’est un grand saut dans l’inconnu. C’est exactement ce que l’on a pu ressentir à l’approche des samedis, des « Actes » qui contenaient des potentialités que personne ne pouvait anticiper (le négatif à l’œuvre). Ainsi, les GJ ont trouvé rapidement dans le mouvement des certitudes politiques nouvelles. Plus de tracé déclaré aux manifs, une casse assumée collectivement, des moments de solidarité forts, etc.. Dans le fond une révolte non balisée est ce qui semble le plus démobilisateur pour nombre de mes camarades… Cela peut paraître contradictoire à une personne extérieure à tout cela, mais par exemple, la manière dont l’ultra-gauche aura condamné le mouvement a été, selon moi, un révélateur. Cette ultra gauche enfermée dans son discours tout « communisateur » qu’il puisse être, pensait avoir déterminé à l’avance les limites indépassables de ce mouvement « interclassite » (horreur !). Pour elle et pour beaucoup de libertaires, il n’y avait là rien à sauver sauf pour quelques individus isolés ou suffisamment détachés des positions de leurs organisations respectives (qui quelles que soient leurs positions officielles ne se mouillèrent guère en l’affaire de peur d’un faux pas) pour être clairvoyants et ne pas rester dans des carcans.

Le mouvement des Gilets jaunes est un évènement au sens fort ; il y aura un avant et un après et ce pour tout le monde : politiques, syndicats, gauche radicale, etc. Je pense que mes camarades le perçoivent mais attendent ; ils ont observé ce mouvement de loin et verront bien : Allons boire un verre dans notre ghetto alternatif…

Gzavier – 19 avril 2019

[reçu par mail d’un camarade de lyon]]

EN réponse à l’apologie du 25 avril 1974 ( le 17/04 /2019 au laboratoire anarchiste),

Les situationnistes au Portugal (1975)

…) La direction staliniste du Portugal actuel — qui s’est installée partout beaucoup plus vite qu’elle ne développait ses forces réelles, et qui craint maintenant les élections, ou même la diversité syndicale, et qui fait interdire par ses militaires les manifestations séparées où les socialistes auraient pu montrer leur force en regard des siennes — se voir en ce moment gravement menacée par des manifestations gauchistes (qui, à Porto, ont eu l’appui des soldats). Que font nos Portugais en cette circonstance ? Pitié, je le crains. Je n’ai plus aucune lettre d’eux ; ce qui fait maintenant trois mois de silence, au moins.

Lettre de Guy Debord à Gianfranco Sanguinetti, 31 janvier 1975.

Lettre de Guy Debord à Afonso Monteiro

24 février 75

Cher Ulysse,

J’ai été très content de recevoir ta lettre du 14 février ; d’abord pour son magnifique contenu, et aussi parce que nos communications (quoiqu’elles aient continué via Florence) étaient ici interrompues depuis assez longtemps. Sans doute quelques lettres se sont perdues pendant la longue grève des postiers français.

J’avais lu, sur cette manifestation [Le 7 février 1975, à l’appel du Comité interentreprises, plus de 20.000 travailleurs manifestent dans les rues de Lisbonne contre le chômage et la présence au Portugal des troupes de l’OTAN] d’une importance immense, le seul article ci-joint du Monde, où on sent l’embarras d’en dire tant, l’impossibilité de l’éviter, et l’espoir que personne n’en remarquera tout l’insolite et le terrible : j’imaginais en comparaison un journal anglais, en janvier 1793, qui aurait jusque-là caché la révolution française à ses lecteurs, et qui annoncerait un jour, en quelques lignes de la seconde page, que le roi a été guillotiné, comme le fait du monde le plus naturel ; et dans les jours suivants on ne reparle plus que de petites discussions constitutionnelles.

Il est clair que jamais le prolétariat moderne n’est allé aussi loin jusqu’ici, même pas en Hongrie où tant de facteurs étrangers faussaient le jeu. On comprend donc aisément pourquoi staliniens, militaires et autres, courent aux élections [Fixées au 25 avril 1975] de la Constituante. Le stalinisme et son syndicalisme voient toute leur base se dérober sous eux. Le MFA [Le Mouvement des forces armées (issu du Mouvement des capitaines fondé en septembre 1973) sera institué organe supérieur de la révolution après l’échec du putsch militaire du 11 mars 1975 organisé par les partisans du général António de Spínola] tire à présent sa force principale d’être «institutionnalisé», et non plus d’être le commandement effectif des soldats et des marins. On veut donc faire apparaître d’urgence, par des élections, une légalité que l’on défendra (et ils doivent même souhaiter une bonne dose de députés classiquement réactionnaires, pour en jouer selon les opportunités). Voilà en tout cas une Constituante que Cunhal ne dissoudra pas ! Le principal modèle stratégique de tous ces gens-là, c’est la situation française de 1848. Soyez bien sûrs qu’ils veulent, et qu’ils préparent, des journées de juin [Journées d’insurrection, du 23 au 26 juin 1848, réprimées dans le sang (plus de 4000 morts)]. Le stalinisme mondial, comme la bourgeoisie de tous les pays, doivent réprimer par tous les moyens des ouvriers qui en sont arrivés là. Personne ne peut croire que des élections, quelles qu’elles soient, seraient par elles-mêmes capables de tromper, ni même de faire patienter un mois, des ouvriers qui, dans une telle situation, ont ainsi formé une organisation autonome interentreprises (cela même que nous avions en l’esprit de leur préconiser depuis mai 1974). Faites donc entrer désormais dans vos calculs toutes les formes d’affrontement, sans exception.

Ce que j’aimerais comprendre mieux, c’est votre propre position comme force pratique. Quel est en ce moment le degré de votre «influence», je ne dis pas sur le plan théorique, mais sur le plan des contacts directs ? Que faites-vous principalement, et que pouvez-vous faire ? En quoi peut-on vous aider ?

Peut-on considérer qu’à présent le prolétariat dit tout lui-même, et s’est mis en état d’imposer par la force tout ce qu’il dit ? Quelles idées dominent le Comité interentreprises ? (Par exemple, quelle est sa position sur les élections, à quel point sentent-ils que les staliniens voudront les abattre par les armes ?)

Qui sont ceux qui y ont été délégués par les commissions ? (Y a-t-il un certain rôle des groupes gauchistes ? Et lesquels ?) Comment pouvez-vous vous adresser à ces assemblées, à ce comité, etc. ? Par exemple, je suppose qu’il faut tout de suite, par des affiches, montrer le sens profond de cette organisation autonome, la logique même de son action, et mettre en garde contre tout ce qui va la combattre.

En tout cas, le point atteint déjà doit contenir un enseignement qui n’a pu être observé nulle part dans le monde depuis qu’on y développe la nouvelle théorie de la révolution. Instruisez-vous donc au maximum (Rayo a-t-il poursuivi son livre, et est-ce bientôt fini ?) Et si on peut, en plus, obtenir cette fois une victoire ce sera encore plus original dans le champ de nos connaissances et de nos expériences.

Amitiés à tous,

Glaucos

P.-S. : Cher Ulysse, j’avais si soigneusement rangé l’adresse de Pénélope [Antónia Monteiro] (que tu me dis maintenant d’utiliser) que je ne peux la retrouver. Veux-tu me l’envoyer encore une fois ?

Les ouvriers au Portugal se parlent à tout instant ; et ils disent :

La révolution n’est pas la tempête, c’est un fleuve majestueux et fertile. On ne rêve que lorsque l’on dort. La fraternité n’est pas un mythe. Dans le malheur, les amis augmentent. Vous qui entrez, laissez tout désespoir. C’est ici que demeure la sagesse des nations. L’homme est le vainqueur des chimères, la nouveauté de demain, la régularité dont gémit le chaos, le sujet de la conciliation. Il juge de toutes choses.

Il faut compter désormais avec la raison, qui n’opère que sur les facultés qui président à la catégorie des phénomènes de la bonté pure. Le mal s’insurge contre le bien ; il ne peut pas faire moins. Dans la nouvelle science, chaque chose vient à son tour, telle est son excellence.

Nous naissons justes. Chacun tend à soi. C’est envers l’ordre. Il faut tendre au général. La pente vers soi est la fin de tout désordre, en guerre, en économie.

Nous sommes si peu présomptueux que nous voudrions être connus de la Terre, même des gens qui viendront quand nous n’y serons plus. Le désespoir est la plus petite de nos erreurs. Lorsqu’une pensée s’offre à nous comme une vérité qui court les rues, que nous prenons la peine de la développer, nous trouvons que c’est une découverte.

Il faut tout attendre, rien craindre du temps, des hommes. Les révolutions des empires, les faces des temps, la fin des nations, cela vient d’une classe qui rampe, ne se réveille qu’un jour, détruit le spectacle de l’univers dans tous les âges.

Il y a plus de vérités que d’erreurs, plus de bonnes qualités que de mauvaises, plus de plaisirs que de peines. Rien n’est fait. L’on vient trop tôt depuis plus d’un siècle qu’il y a des prolétaires, et qui veulent abolir les classes. Sur ce qui concerne l’émancipation sociale, comme sur le reste, le moins bon est enlevé. Nous avons l’avantage d’agir après les anciens révolutionnaires, et les habiles d’entre les modernes. Nous sommes susceptibles d’amitié, de justice, de compassion, de raison.

Et c’est parce qu’ils disent cela que les ouvriers portugais sont un scandale et une abomination pour toutes les classes propriétaires du monde, qui doivent donc les abattre au plus tôt par tous les moyens. Le capital et la bureaucratie ont juré leur perte, et tous leurs agents y travaillent de concert, Cunhal et Kissinger, Franco et Brejnev, Giscard et Mao ; car le ridicule et la misérable futilité de la pratique réelle et des justifications spectaculaires des pouvoirs exploiteurs qu’ils représentent se dévoilent instantanément en face du sérieux et de la grandeur du projet dont les travailleurs portugais donnent l’exemple. Mais ceux-ci, parce qu’ils jouissent en ce moment de tant de liberté (le bourgeois fuit, le syndicaliste se cache, les soldats commandent aux officiers) croient qu’il n’y a presque plus d’État.

Le prolétariat portugais dit encore que, tant que ses amis ne mourront pas, il ne parlera pas de la mort. Il ignore que le temps n’attend pas, que la bonté ne suffit pas, que la chance est changeante, et que la méchanceté ne rencontre jamais de générosité assez grande pour la satisfaire.

Lettre de Guy Debord à Afonso Monteiro

[Mars 1975]

Cher Ulysse,

Après avoir rencontré successivement Pénélope et le capitaine Rayo, qui m’ont transmis une multitude d’informations inédites, et tout bien considéré sur cette base, le résumé le plus concis de ma propre opinion peut se résumer ainsi :

1. Le Portugal connaît actuellement une révolution prolétarienne ; et elle sera presque certainement vaincue.

a) Les staliniens, qui depuis avril auraient préféré garder Spínola [Le général Spínola s’exile après l’échec du putsch militaire], n’ont pas pu assez enrayer le mouvement des masses pour que Spínola puisse encore leur faire confiance (Spínola veut dire : les forces capitalistes qui voulaient céder le minimum de leur possession de la société, donc établir une modernisation de type gaulliste ; et maintenant ces forces devront céder beaucoup aux capitaines et aux staliniens puisqu’ils doivent par eux-mêmes faire rentrer dans l’ordre les travailleurs). Le prix de ce retour à l’ordre capitaliste international peut être un pouvoir socio-politique de type péruvien, voire même cubain. À défaut de ceci, le prix à payer, peut-être  plus élevé du point de vue des intérêts supérieurs de cet ordre, est une intervention étrangère (mais la situation intérieure actuelle de l’Espagne [Juan Carlos, chef de l’État par intérim (agonie de Franco), est confronté à une série d’attentats] paraît lui interdire en tout cas de lancer son armée dans une entreprise si risquée).

b) La répression essaiera sans doute d’habituer les travailleurs à ses exigences en commençant par s’exercer sur des groupes gauchistes particuliers.

c) C’est maintenant que le pouvoir actuel doit commencer cette répression, s’il le peut. L’existence de la Constituante pourra lui servir à renforcer cette répression.

d) Du fait capital qui sera constitué par l’ampleur que devra prendre cette répression (ce qui dépend de la résistance dont les travailleurs seront capables), sortira très exactement la nature du prochain pouvoir oppressif au portugal. Ou, incessamment, la victoire éventuelle des travailleurs.

2. Votre action publique dans le mouvement est restée au-dessous de ce qui pouvait être fait, parce que vous avez pris des positions excellentes, mais trop rarement.

a) Ce que vous avez publié au début a été certainement très utile ; si vous aviez poursuivi régulièrement ce travail à chaque étape, en exposant chaque nouveau développement pratique, vous auriez eu vite de bien plus grands moyens de vous faire entendre, et au long de la série précipitée des événements qui vous confirmaient chaque fois, vous auriez trouvé peu de contradiction théorique.

b) Je crois que vous avez trop pris plaisir à arrêter les tanks et à enfoncer des portes de prison. il fallait le faire, mais pas en une si longue exclusivité car bien d’autres l’auraient fait de toute façon ; tandis que personne n’a dit ce que vous auriez pu dire dans les moments où vous vous taisiez.

c) Je regrette un peu que vous ne m’ayez pas appelé en septembre. Il me semble qu’à ce moment — quelques jours avant le 28 [Le 28 septembre 1974, les masses populaires provoquent l’effondrement de la droite (Spínola démissionne)] — vous n’avez pas tenu assez compte de la première manifestation autonome des ouvriers, dont je vois seulement maintenant le tract, réservé dans la forme, mais qui contenait des allusions radicales bien claires.

d) Selon moi, c’est de cela, et c’est là, qu’il fallait parler. Que des intellectuels imbéciles lisent à la radio des passages de La Société du spectacle, voilà justement ce qui n’est pas l’emploi de la théorie révolutionnaire dans un moment révolutionnaire.

e) Dans le stade qui est atteint en ce moment, je suppose qu’il est bien tard pour que des groupes avancés aux moyens très limités puissent avoir une grande utilité : car tout va se jouer sur une scène beaucoup plus vaste, et les trois coups sont frappés.

3. La situation révolutionnaire du Portugal est presque totalement inconnue à ce jour dans tous les milieux — mêmes extrémistes — de tous les pays : quoi qu’il puisse arriver à présent, il va être important de publier à l’extérieur le maximum de vérité.

a) Le manuscrit du livre que Rayo a apporté est si éloquent pour décrire la révolution moderne en général que les deux tiers pourront aussi bien être appliqués à une révolution qui surviendra un jour en Angleterre ; en revanche le défaut est que le Portugal n’y paraît pas assez, parce que vous l’aviez sous les yeux tandis qu’ailleurs, je le répète, tout ceci reste ignoré (Rayo me signale que, contrairement à ce que je croyais, un nombre infime d’étrangers sont venus au Portugal, autrement qu’en touristes pour de brèves vacances, et ceux-là naturellement n’ont rien vu ni rien compris de profond).

b) J’ai donc proposé à Rayo, qui était d’accord, d’ajouter un chapitre entièrement composé d’anecdotes significatives : considérant que, pour chaque situation révolutionnaire jusqu’ici, on ne peut jamais en lire qu’éparses, dans une ou deux dizaines des livres les meilleurs, qui ont été conservées à chacune, et à raison de deux ou trois seulement par livre, le plus souvent. Ce procédé aura donc le mérite de la nouveauté.

c) Envoie-moi vite tous les articles ou documents que tu juges utile d’ajouter dans ce livre.

Affectueusement à tous,

Glaucos

Au Portugal

— Quand atteint-on le point culminant de l’offensive (qui a été très clairement prononcée contre le vieux monde) ?

C’est quand ce qu’on a gagné commence à «nous coûter trop cher» — à nous affaiblir par les résistances que ce résultat provoque — si nos forces n’ont pas détruit totalement l’adversaire — si nous sommes affaiblis, non certes en valeur absolue, par rapport à avril 74, mais par rapport à la bataille d’aujourd’hui et de demain, la tâche qui est devant nous, si à ce jour nous n’avons pas trouvé toutes les forces qui seront nécessaires pour l’accomplir. À partir d’un tel moment, tout se renverse et l’on recule partout, sauf si l’on peut faire vite la paix. Mais il n’y a pas de paix possible entre l’ordre du monde et le mouvement prolétarien du Portugal.

(…) Si tu as maintenant le projet de voyager, je pense que tu pourrais rejoindre notre ami Rayo. Mais peut-être devrais-tu passer me voir à Paris avant ? (téléphone : 278 30 26). Au pays de Rayo, il y a aussi beaucoup d’aventures, et finalement plus périlleuses, mais qui ont heureusement plus de grandeur. Il faudrait que nous puissions communiquer avant cela, car il est important que je te mette en garde contre une ou deux personnes dangereuses (je te signale tout de suite qu’il me paraît qu’on ne peut pas faire confiance à celui de nos amis communs qui a vécu quelque temps en Angleterre [Davide de Ambrosi], à cause d’erreurs de jugement assorties d’imprudences très funestes).

Lettre de Guy Debord à Paolo Salvadori, 16 mars 1975.

Lettre de Guy Debord à Afonso et Antónia Monteiro

10 avril 75

Cher Ulysse, et chère «Portugaise ensablée»,

Je suis très touché par vos invitations à venir maintenant à Lisbonne.

Je comprends très bien, par tous les symptômes concordants, qu’une révolution prolétarienne se manifeste de plus en plus au Portugal (et vous n’ignorez pas que toutes les forces exploiteuses du monde entier vont tout faire pour l’arrêter).

Je n’ai jamais envisagé de passer un instant dans ce pays comme un touriste — à la Ratgeb ; ce qui veut dire que ma venue a toujours été suspendue à ce que je pourrais éventuellement y faire d’utile pour le mouvement. En ce sens, je regrette un peu que vous ne m’ayez pas dit de venir en octobre, car peut-être aurait-on pu formuler ensemble pendant l’hiver, et divulguer, un peu plus de ces analyses et perspectives dont le plus riche moment révolutionnaire n’est jamais trop riche ?

Maintenant, les choses ont sans doute atteint un tel développement que des groupes avancés aux moyens limités ne peuvent peut-être plus rien faire de très important ? Car tout va se jouer sur une scène beaucoup plus vaste, et déjà les trois coups sont frappés. Qu’en pensez-vous ?

Comme la situation portugaise réelle est presque totalement inconnue à ce jour dans tous les pays (même parmi les milieux extrémistes), nous avions pensé sortir au plus vite ici un livre, en développant un peu les textes apportés par Rayo (notamment en y ajoutant un ensemble d’anecdotes significatives).

Cependant, depuis hier, j’en suis arrivé à une rupture complète et définitive avec Rayo : non pour une opposition sur des thèses politiques — quoiqu’il reste volontiers fumeux sur ces questions —, mais à cause de ses maladroits truquages, vite démasqués par tout le monde, sur la plus futile des histoires personnelles, dont on n’arrive même pas à concevoir clairement le but (je note pourtant empiriquement que rien ne se passe simplement si on met la main sur les jolies Portugaises). bref, Rayo étant devenu ce qu’il est, je comprends très bien que L[eonor] ait préféré aller aux antipodes plutôt que de faire des excuses à cet individu !

J’attends de vos nouvelles. Je vous embrasse.

Glaucos

(…) Le livre sur le Portugal est heureusement fini. Et l’ampleur merveilleuse de l’échec électoral des staliniens [Qui n’obtiennent que 12,5% des voix aux élections du 25 avril] nous laissera peut-être le temps de le diffuser avant l’acte suivant.

Lettre de Guy Debord à Gérard Lebovici, 26 avril 1975.

(…) J’espère recevoir bientôt La Guerre sociale ; et que le temps d’arrêt au Portugal laissera le livre atteindre les librairies (mais la radio n’apprend que les staliniens, vraiment enragés par la marche du monde, ont déjà osé s’emparer à force ouverte d’un journal socialiste [República] : et combien de temps les ouvriers laisseront-ils Soares capituler en leur nom ?). Vous semblez avoir très bien travaillé avec Roy [Claude Roy, écrivain et journaliste au Nouvel Observateur, par ailleurs beau-père de Jaime Semprun], ce fin critique. Cette parution sera donc le Jugement dernier de son influence et de son talent de journaliste. (…)

Lettre de Guy Debord à Anne Krief et Jaime Semprun, 20 mai 1975.

(…) La Guerre sociale au Portugal est magnifique, et sortie dans d’excellents délais [Achevé d’imprimer le 16 mai 1975]. Les nouvelles lâchetés de Soares lui laissent le temps de faire tout son effet. (…)

Lettre de Guy Debord à Gérard Lebovici, 29 mai 1975.

Lettre de Guy Debord à Jaime Semprun

31 mai 75

Cher Jaime,

Le livre est magnifique. Je crois que c’est la première fois que l’on peut lire un tel livre avant la défaite d’une révolution. jusqu’ici, la conscience arrivait toujours trop tard, au moins dans l’édition ! Ce coup d’éclat fut permis aussi par la lenteur du processus portugais, produit de la grande faiblesse de toutes les fractions qui coexistent dans un déséquilibre de tous côtés ralenti (faiblesse certaine en regard de l’immensité de leurs tâches, car même la tâche répressive dont s’est chargé le stalinisme n’est pas une petite affaire).

L’importance d’une traduction espagnole est extrême. À Barcelone, ce serait évidemment beaucoup mieux. Mais Ruedo ibérico me paraît acceptable pour un pavé de cette envergure (ce sont ses autres livres qui souffriront du voisinage, non celui-ci), si une publication immédiate y était assurée. L’urgence doit primer toute autre considération. Dans la meilleure éventualité, l’édition de Barcelone restera longtemps incertaine, du fait de la censure.

Je ne pense pas que des gauchistes aient eu la moindre importance dans l’affaire du journal República (ou alors quelques négligeables gauchistes, du type trotskiste-kriviniste qui se collent au PC, et seraient alors, pour une fois, manipulés par les staliniens). Leur évocation était avant tout, dans la presse stalinophile française, une nouvelle variante de la fameuse thèse des «extrémismes symétriques» en Italie. Il suffit de constater que le sabotage visait initialement à interdire la parution d’un article contre l’Intersyndicale. Séguy appelle cela un simple conflit du travail ; et Marchais commence à instruire tous les naïfs idéologues autogestionnistes à la Ratgeb sur la complexité de leurs problèmes futurs, en déclarant qu’il est bien étonnant que des «partisans de l’autogestion» s’indignent d’un noyautage réussi parmi les travailleurs de telle ou telle entreprise.

Soares a naturellement renoncé à tout, tout de suite et contre rien, puisque des grévistes de Marinha-Grande annonçaient qu’ils allaient marcher sur Lisbonne pour le soutenir (Le Monde du 23 mai). De sorte que Le Monde nous présente l’armée portugaise «au bord du Rubicon» : comme si elle ne l’avait pas déjà passé voici treize mois, et comme si elle ne s’y était pas émiettée alors. Et comme nouveau record du raisonnement du monde à l’envers, j’entends ce matin la radio se réjouir de ce que Soares ait obtenu satisfaction puisqu’il est revenu au gouvernement [Le parti socialiste avait gagné les premières élections libres, en avril, avec 37,9% des voix], mais assurer qu’il devra en contrepartie (de quoi donc ?) ne plus faire mine de boycotter les séances de ce gouvernement. Il n’a eu d’autre satisfaction, ayant pris un historique crachat dans la gueule, que celle de montrer qu’il était encore capable d’en recevoir d’autres à l’avenir. Enfin, le livre ne pouvait paraître à un meilleur moment : les mass media n’avaient jamais tant parlé du Portugal que depuis une dizaine de jours.

Pour goûter la suite dans toutes ses nuances, tu devrais aussi lire, ou relire, Cromwell et les Niveleurs, paru voici quelques années dans la collection «Archives» [Les Niveleurs, Cromwell et la République, présenté par Olivier Lutaud]. Le seul exemple d’une armée s’identifiant à un authentique mouvement social révolutionnaire, c’est l’armée de la République anglaise. Ce qui reste de l’armée portugaise, je veux dire de la base, est peut-être à la veille de montrer le deuxième exemple.

(…)

Guy

P.-S. : Ci-joint un mot qui me suit de Paris. Tu pourrais téléphoner à ce Portugais «de la part de Glaucos, actuellement en voyage» — et peut-être le voir, avec toute la prudence qui s’impose ?

Lettre de Guy Debord à Jaime Semprun

Mardi 24 juin [1975]

Cher Jaime,

L’étrange pouvoir portugais continue à tourner en rond dans une indécision tragi-comique, pour conserver un statu quo ante qui le fuit de toutes parts, et qui même n’a jamais existé. Deux vraies forces continuent, pendant ce temps, à avancer très audacieusement l’une contre l’autre, en négligeant de plus en plus l’inconsistant M.F.A. : les cyniques noyauteurs staliniens, et les ouvriers des Conseils.

Les ouvriers révolutionnaires, par les conséquences qu’entraîne leur pression grandissante, ont déjà virtuellement placé le mitterrandisme dans une situation impossible, qui doit désormais apparaître jusque dans le spectacle et, pour ne rien dire de l’Espagne, ils constituent le principal barrage devant la perspective stalinienne en Italie, après son récent triomphe électoral [Au sein du gouvernement de la coalition] (lequel a désigné le cui prodest dans la «stratégie de la tension» des cinq dernières années). «Ils peuvent… même vaincre.» [«Les prolétaires portugais ont précipité le cours de l’histoire moderne. Ils peuvent le précipiter encore plus, et même vaincre.» Jaime Semprun, La Guerre sociale au Portugal.]

Tu as vu l’article sur la manifestation du 17 juin [Manifestation organisée par les Conseils révolutionnaires des travailleurs, soldats et marins, auxquels s’était joint le cortège des ouvriers des chantiers navals, réclamant la dissolution de l’Assemblée constituante], dans Le Monde du 19, évoquant enfin une réalité qui «donne déjà à réfléchir», et «des mots d’ordre qui, il y a quelques jours, auraient été impensables» (vraiment ?). Et donc, après que Touraine ait apporté la dernière récolte de son confusionnisme, dans le même torchon daté du 24, Duverger nous apprend qu’aucune république de conseils n’a jamais pu fonctionner : de mémoire de rose, on n’a jamais vu mourir un jardinier. C’est la panique de 1968 qui revient, avec les mêmes arguments, mais cette fois avant le choc principal, au lieu de pontifier après l’orage. Elle produira donc des records de falsification et censure.

Pour ce que j’en sais en ayant écouté hier la radio pendant dix minutes, j’ai la forte impression que le document de Moscou publié par Tesson est un faux [Le Quotidien de Paris du 23 juin 1975 reproduisait la page du journal República qui faisait état d’un document secret par lequel le Kremlin établissait en cinq points la marche à suivre pour que le parti communiste portugais prenne le pouvoir] ; et que Marchais le savait déjà. C’est trop beau, et trop bête, pour être vrai. Même dans ce cas probable, l’affrontement Soares-staliniens va grandement rebondir. Si Soares est tombé dans un tel piège, on peut supposer que le service qui a fabriqué le document — et alors, grossier et démontable à souhait — est un service de l’Est. Et on entendra de beaux cris contre Soares, calomniateur professionnel, pour presser les socialistes européens de se désolidariser de lui, comme aujourd’hui les staliniens d’Europe sont pressés partout de renier Cunhal.

Il faut donc que ton livre touche tout de suite un large public. C’est bien qu’il soit exposé dans les librairies, parce que c’est dialectiquement la conséquence et la cause de son achat par une partie des lecteurs possibles. Mais il faut briser le silence de la presse, et vite. Que n’importe qui en écrive n’importe quoi (et surtout s’il en dénonce l’irresponsabilité catastrophique, comme peut faire Papaioannou), voilà ce qui est nécessaire et suffisant. Si Roy a la moindre dignité, il doit apporter à l’Observateur un de ces articles dithyrambiques dont il a le secret, en exigeant d’être publié sous menace de sa démission immédiate pour protester contre une telle censure pro-stalinienne : ce qui ferait quelque bruit dans l’intelligentsia soumise, et gênerait certainement beaucoup Daniel.

Je crois qu’il faut passer un placard sans perdre un instant ; en effet, c’est utile dans la page du Monde qui parlera du Portugal. Le texte que tu évoques serait bon en tout cas ; mais a le défaut de ne pas se distinguer, par cette phrase isolée, du gauchisme ordinaire, car le stalinisme n’y est pas directement mis en cause. Quelque chose pourrait aussi être fait (car ceci mérite deux ou trois publicités successives) en commençant par cette citation :

«La présence de deux mille travailleurs d’une même entreprise dans un cortège auquel le parti communiste a instamment prié de ne pas se mêler donne déjà à réfléchir» (…) «La capitale a entendu des mots d’ordre qui, il y a quelques jours, auraient été impensables : “Dissolution immédiate de l’Assemblée constituante !”, “Gouvernement populaire maintenant !”, et surtout le slogan le plus repris de la soirée : “Dehors la canaille, le pouvoir à ceux qui travaillent !” Dominique Pouchin, Le Monde du 19 juin 1975.

Ce qui était impensable ici a déjà été fait et pensé ailleurs :

LA GUERRE SOCIALE AU PORTUGAL, etc.

Avec peut-être la mention : «Achevé d’imprimer le 16 mai 1975» ? Enfin, vois tout ce que notre éditeur est capable de faire. C’est l’heure.

Que nos Portugais ensablés ne se manifestent pas, je n’en suis pas surpris. Après le 28 septembre, le mouvement commençait visiblement à les dépasser. De plus, on doit prévoir un phénomène affectif, typiquement pro-situ, de jalousie : ceux qui n’ont rien fait t’en voudront pendant dix ans d’avoir fait ce livre. Dans ce milieu, il n’y a que moi que l’on veut bien pardonner d’avoir fait parfois quelque chose de bon, et encore est-ce d’extrême justesse et très disgracieusement.

(…)

Guy

(…) Je suppose que tu as admiré comme moi le livre que Jaime, seul au milieu de la déroute de tant d’incapables, a écrit en faveur de la révolution portugaise. (…)

Lettre de Guy Debord à Gianfranco Sanguinetti, 1er juillet 1975.

(…) Au Portugal, «notre parti» a fait des progrès immenses. La lutte ouverte entre les staliniens et leurs généraux d’une part, Soares et tous les modérés ou contre-révolutionnaires classiques d’autre part, semble être la lutte finale pour décider de qui sera maître de l’État qui doit affronter les ouvriers, les faire taire et les remettre au travail dans le plus bref délai — ou périr. (…)

Lettre de Guy Debord à Gianfranco Sanguinetti, 24 juillet 1975.

(…) Les dernières nouvelles de Lisbonne étaient si obscures, et si à côté du sujet (et notamment de toutes mes questions), que je me suis lassé d’y répondre. La crise paraît en effet à un tournant décisif, et le talent de nos pauvres amis tout à fait insuffisant pour y jouer actuellement un rôle notable. Je suis tout à fait sûr de connaître bientôt (mais peut-être après la défaite) une quantité de Portugais qui agissent en ce moment selon nos perspectives. Mais la bande d’Afonso-Rayo aura manifestement consacré toutes ses rares énergies, depuis six mois, à faire écran entre ses gens-là et moi. À titre de «propriétaires historiques» des anciennes relations avec moi, ils ont craint de me voir rencontrer ces gens, qui peuvent tant critiquer leur longue insuffisance, et contemporaneamente ils ont eu l’intention de me montrer à certaines personnes choisies. D’où une multitude d’invitations pressantes à me rendre à Lisbonne en avril ; alors que c’est en octobre 1974 qu’ils auraient bien fait de m’appeler. J’ai donc répondu que je n’étais pas Ratgeb, pour me satisfaire d’un moment de tourisme inactif, dans l’atmosphère des cafés intellectuels d’un pays en révolution ; et aussi pour assumer, et couvrir, de la sorte une part de cette honteuse inactivité. Comme tu as bien voulu le dire récemment, et avec une grande justesse, «il n’y a pas trois grands hommes en France», et j’ai fait savoir que l’un d’eux ne se déplace, à ce stade, que s’il est appelé par une assemblée autonome d’ouvriers ! Tu sens combien cette réponse a dû déplaire.

Lettre de Guy Debord à Gianfranco Sanguinetti, 15 août 1975.

(…) Il y a des gens qui comprennent, et d’autres qui ne comprennent pas, que la lutte des classes au Portugal a été d’abord et principalement dominée par l’affrontement direct entre les ouvriers révolutionnaires, organisés en assemblées autonomes, et la bureaucratie stalinienne enrichie de généraux en déroute. (…)

(…) L’hostilité est naturellement plus grande chaque fois que s’expriment sur mon film ceux qui sont, politiquement, des réactionnaires. C’est ainsi qu’un apprenti bureaucrate veut bien approuver mon audace de «faire un film politique non pas en racontant une histoire, mais en filmant directement la théorie». Seulement, il n’aime pas du tout ma théorie. Il subodore que, sous l’apparence de «la gauche sans concession», je glisserais plutôt vers la droite, et c’est parce que j’attaque systématiquement «les hommes de la gauche unie». Voilà précisément les vocables exagérés dont ce crétin a plein la bouche. Quelle union ? quelle gauche ? quels hommes ?

Ce n’est, bien notoirement, que l’union des staliniens avec d’autres ennemis du prolétariat. Chacun des partenaires connaissant bien l’autre, ils trichent maladroitement entre eux, et s’en accusent à grands cris chaque semaine ; mais ils espèrent pouvoir encore tricher fructueusement en commun contre toutes les initiatives révolutionnaires des travailleurs, pour maintenir, comme ils en conviennent eux-mêmes, l’essentiel du capitalisme, s’ils n’arrivent pas à en sauver tous les détails. Ce sont les mêmes qui répriment au Portugal, comme naguère à Budapest, les «grèves contre-révolutionnaires» des ouvriers ; les mêmes qui aspirent à se faire «compromettre historiquement» en Italie ; les mêmes qui s’appelaient le gouvernement du Front Populaire quand ils brisaient les grèves de 1936 et la révolution espagnole.

La gauche unie n’est qu’une petite mystification défensive de la société spectaculaire, un cas particulier dont la vie est brève, parce que le système ne s’en sert qu’occasionnellement. Je ne l’ai évoquée qu’en passant dans mon film ; mais, bien entendu, je l’attaque avec le mépris qu’elle mérite ; comme depuis nous l’avons attaquée au Portugal, sur un plus beau et plus vaste terrain. (…)

Guy Debord, Réfutation de tous les jugements, tant élogieux qu’hostiles, qui ont été jusqu’ici portés sur le film «La Société du spectacle» (septembre 1975).

(…) Franco meurt comme le Cousin vit : avec une scandaleuse lenteur ! (Et comme la guerre civile s’avance au Portugal : tu remarques que ce J. Neves [Colonel dans les unités de commandos, Jaime Neves veillait au contrôle des troupes, prêt à intervenir. Un coup de force sera tenté le 25 novembre 1975.], dont j’avais remarqué l’avenir dès juillet, monte comme une étoile vers le rôle de nouveau Kornilov local.)

Lettre de Guy Debord à Gianfranco Sanguinetti, 28 octobre 1975.

Lettre de Guy Debord à Gianfranco Sanguinetti

Vendredi 31 octobre 75

Cher Gianfranco,

Une Portugaise est venue hier me voir. Entre une douzaine de stupides sophismes destinés à me faire venir un moment à Lisbonne pour redorer un peu leur blason révolutionnaire, j’ai appris une désastreuse nouvelle. Leonor est morte au Mozambique [Qui était devenu indépendant le 25 juin 1975], de la malaria — aggravée évidemment par son état d’alcoolisme avancé.

Je me suis souvenu que tu disais que nous devrions passer au Portugal pour prendre Leonor, qui était tout ce qu’il y avait de bien dans cette bande. Ainsi donc, cette dernière étoile s’est éteinte.

On espère te voir bientôt. Amitiés,

Guy, Alice [Qui ajoute : «C’est pour nous que s’ouvrent les portes de l’enfer. Un enfer sans Leonor !]

Lettre de Guy Debord à Afonso Monteiro et ses amis
Copies à toutes les personnes concernées

Paris, le 15 novembre 1975

Camarades,

Vos récentes invitations à me rendre au plus vite auprès de vous à Lisbonne me semblent appeler maintenant une claire mise au point. Depuis plus de six mois, j’ai constaté quelques ambiguïtés autour de cette question (qui est évidemment liée à la question de ce que vous êtes vous-mêmes, c’est-à-dire de ce que vous faites, et comment). Mais avec le passage de Manuela, venue me voir de votre part le 30 octobre, certaines étrangetés et contradictions ont atteint le degré du stupéfiant paradoxe. Je précise d’ailleurs que les propos de Manuela n’ont fait qu’exprimer d’une manière concentrée, avec un parfait sans-gêne dans l’illogisme, des positions que j’avais déjà pu observer moi-même, ou des faits que l’on m’avait déjà rapportés par ailleurs.

Manuela m’a exposé avec la plus tranquille assurance, successivement ou simultanément, et en en tirant toujours l’unique conclusion que je devais venir tout de suite, les points suivants :

1) Si vous n’avez rien fait de publiquement notable depuis plus d’une année, il faut vous en féliciter, parce que pendant ce temps le processus révolutionnaire a tout fait lui-même au mieux.

2) Vous avez fait énormément par l’excellente publication de vos premières analyses et perspectives pendant l’été de 1974 (dont tout le monde se souviendrait aujourd’hui, après une telle accumulation d’événements, et sans pour autant déplorer votre silence ultérieur ?) ; et vous êtes à présent résolus à reprendre la parole, notamment par un livre et un film, puisque le processus est désormais assez avancé pour mériter de vous entendre.

3) J’aurais dû être là, pour convenir avec vous de ce qu’il n’y avait rien à faire.

4) J’aurais dû être là pour le faire à votre place.

5) Je devrais être là maintenant, pour embellir la suite de tout cela.

L’étrangeté fondamentale de cette position, cependant, n’est pas exprimée par les contradictions que j’ai résumées ci-dessus. Elle reste sous-jacente. Elle réside en ceci que vous établissez, implicitement mais constamment, une certaine corrélation entre le développement de la révolution portugaise et votre existence comme groupe, si l’on peut dire. De sorte que, chaque fois que vous m’incitez à venir parmi vous, j’entends seulement, sous forme de quelques généralités sympathiques, l’éloge de cette révolution : comme si vous pensiez, et  c’est fort bizarre, que vous auriez besoin de m’apprendre son existence, et son importance, et comme si une telle réalité constituait plutôt un argument en votre faveur !

Vous savez certainement qu’après ce que j’ai eu l’occasion de faire depuis un assez grand nombre d’années, le premier des «devoirs» que je puisse avoir envers la révolution dans tous les pays c’est de démontrer que je n’ai d’aucune manière l’intention, ou l’obligation d’y tenir un rôle dirigeant (de même que bien d’autres ont manqué à l’obligation, plus simple, de faire la preuve de ce que des succès dans la critique d’avant-garde ne les obligeaient pas à être reconnus et récupérés par l’organisation dominante des choses, en pactisant avec elle). Il va de soi que le mouvement réel du prolétariat portugais n’a pas du tout à craindre d’être dirigé par moi. Mais un groupe particulier qui se tient à côté de ce mouvement, oui : il devrait le craindre, autant qu’il pourrait l’espérer, selon ses intentions concrètes. Je serais évidemment tout disposé à soutenir le mouvement lui-même, non comme vous dites par mon «expérience» — tout le monde au Portugal doit avoir plus que moi l’expérience de la situation actuelle — mais avec mes quelques talents par lui utilisables (comme analyste des rapports de force en jeu, au jour le jour ; et comme expert militaire) là où il se serait donné les formes de conscience et d’organisation pratique qui appelleraient ce genre d’emploi de mes capacités. Mais justement, il est clair que vous ne faites pas vous-mêmes partie d’un tel mouvement, à ce sens.

Je trouve donc que votre manière de m’appeler à «venir voir» ce que vous voyez vous-mêmes dans une sorte de silence ébloui, ne débouche pas seulement sur quelque chose d’inutile, mais sur quelque chose qui n’est même pas innocent. N’ayant jamais été purement et simplement «théoricien» à l’heure de la pratique ; étant étranger (c’est-à-dire ne parlant pas la langue du pays) ; étant inconnu dans ce pays (car je n’ai naturellement pas l’intention d’y jouer de ma mince «célébrité», qui ne peut avoir quelque base que parmi la canaille intellectuelle, un peu gauchiste en 1973, devenue stalinienne en 1974, et prolétarienne aujourd’hui), je ne peux évidemment intervenir dans le mouvement portugais qu’avec des Portugais eux-mêmes concrètement engagés dans le processus, aujourd’hui si avancé ; c’est-à-dire à travers vous si vous répondiez à une telle définition. (Bien sûr, je pourrais aussi y intervenir avec d’autres Portugais : mais pour cela, encore faut-il que je n’aie pas voulu m’identifier à votre politique particulière, que je n’approuve certes pas, mais que je ne suis pas le seul à désapprouver.)

Manuela a cru pouvoir me rassurer sur un point, en voulant bien me préciser que l’on ne m’appelait pas pour commander, mais seulement pour donner mon avis. J’ai pourtant pu observer qu’en une infinité de circonstances mes avis s’imposaient toujours avec une extraordinaire facilité (je veux dire : dans des groupes se déclarant avancés, et non certes aussi vite dans des masses en révolution). Et dans cette circonstance particulière, il me semble que la totalité de vos autres avis n’a précisément abouti qu’à un abstentionnisme radical, et fort content de lui-même.

Une telle doctrine est à mon avis insoutenable. Je ne veux même pas la critiquer de loin (ce sont les ouvriers révolutionnaires portugais qui vous auront jugés et vous jugeront de près). Mais il est vraiment extravagant de me proposer de venir la partager sur place ! Au nom de quoi me demandez-vous de vous aider, vous qui n’avez pas jugé utile d’aider davantage le prolétariat portugais ? Pourquoi aurais-je fait pour vous ce que vous n’avez pas estimé avoir à faire pour les ouvriers ? Et si vous pensez que ces ouvriers, ayant tous exactement chaque jour le maximum de conscience possible de leur situation et de leur action imaginable et praticable, n’avaient nul besoin de vous, alors donc quel besoin auriez-vous de moi, pour aider glorieusement à ne pas tourner la cinquième roue du carrosse du triomphe prolétarien ?

Vous n’êtes que très peu liés aux grands succès déjà atteints par le prolétariat portugais. Même si vous l’étiez plus, je ne serais pas d’accord avec votre triomphalisme à propos de la situation présente (et en réalité, vous ne développez ce triomphalisme abstrait que du fait de votre position d’admirateurs quasi passifs). À mon avis, la révolution portugaise suit normalement le cours des révolutions prolétariennes (et dire cela, c’est bien assez faire son éloge ; au lieu de prétendre qu’elle développe des méthodes et des buts d’une nouveauté inouïe), et elle suit même ce cours plutôt avec lenteur. Ce qui est original, et tout à fait nouveau dans le monde — et qui a permis justement cette lente maturation —, c’est l’extrême et burlesque faiblesse de la contre-révolution au Portugal, association universelle de tous les pouvoirs en dissolution, des généraux salazaristes aux staliniens et gauchistes. Ainsi, la lenteur du développement révolutionnaire portugais n’est pas un «mérite» subjectif du prolétariat portugais. C’est un mérite objectif de l’époque : l’usure de toutes les formes idéologiques de récupération, et le désordre social qui déjà gêne grandement tous les États étrangers, limitant et ralentissant leurs possibilités d’intervention. Dans ma lettre du 8 mai 1974, je vous caractérisais, de loin déjà, le situation créée le 25 avril comme devant être fondamentalement «une course de vitesse» entre deux mouvements : «d’une part la bureaucratie en formation rapide des partis et des syndicats ; d’autre part l’armée dont la base peut se trouver en dissolution rapide…» C’est bien ce qui est arrivé. jusqu’à l’hiver de 1975, on a assisté à l’échec de la formation bureaucratique devant les ouvriers. Pendant ce temps l’armée s’est décomposée ; ce qui met depuis quelques mois les soldats en connexion et liaison avec le Ratenbewegung [Mouvement des conseils] qui s’est normalement développé dans les usines. Que le processus nous donne ainsi raison ne veut pas dire qu’il a gagné. Le processus dont vous parlez n’est pas quelque demi-dieu extérieur guidant l’histoire. C’est un combat de chaque heure. Chaque idée, chaque argument, chaque perspective developpés dans cette discussion permanente y sont comptés, et compteront dans les affrontements suivants. Je me demande ce qui a pu vous donner à croire que vous étiez revêtus de la qualité de je ne sais quelle «Vieille Garde», une troupe d’élite que quelqu’un (le Processus en personne ?) garderait en réserve à côté de ce combat, et qui ne devrait être engagée qu’à la fin, pour en étendre la victoire. Vous n’avez pas cette qualité, et personne ne vous la reconnaît.

Il y a toujours quelque chose de vital en discussion : par exemple l’avenir dépend de la manière dont seront contrées les actions des dernières troupes de choc qu’utilise tout de même le débile gouvernement (l’AMI [Agrupamento militar de intervenção (groupe d’intervention militaire), créé le 25 septembre 1975 par le gouvernement. Le 7 novembre, l’AMI fait sauter Radio Renaissance (de tendance cléricale) avant d’être dissous le même mois.]), etc. Mais, tandis que le prolétariat portugais est allé bien plus loin que le mouvement de Mai 1968, vous-mêmes n’avez certes pas atteint en 18 mois le quart de l’importance que le CMDO [Conseil pour le maintien des occupations] avait acquises en 18 jours : comme lieu d’où «le processus» exprime ce qu’il est et ce qu’il pourrait faire. Si vous pouvez penser, par un coup de folie euphorique, ou bien par une modestie terrible, que ce prolétariat n’avait, localement, en rien besoin de vous pour atteindre, à son heure juste, le résultat actuel, qu’avez-vous fait même pour faire connaître cette expérience immense au monde qui l’ignore encore ? (Pour toute aide extérieure ; et pour qu’il en reste le maximum de conclusions vraies dans le cas d’une défaite, qu’une sorte de somnambulisme vous a toujours empêché d’envisager concrètement, mais dont vous ne pouvez pourtant écarter l’hypothèse, parce que je suis sûr qu’il vous reste assez de sens historique pour vous interdire l’euphorie à ce point.) Car si une véritable victoire, chez vous, peut entraîner plus vite l’Europe là où elle veut aller, inversement une défaite locale laissera tout à rejouer ailleurs, et bien souvent.

Je résume : à partir de la position, la plus avancée sans doute de tout le mouvement, que vous aviez à l’été de 1974, le peu que vous en avez fait, et la risible manière dont vous théorisez ce genre d’attitude et de résultat, ne me permettent assurément pas d’approuver votre politique «tout à fait mauvaise», au sens de Hegel : «Car il faut bien nommer mauvaise une œuvre qui n’est aucune œuvre.»

En accord intime avec la qualité de votre opération historique, l’atmosphère de votre groupe, par tous les échos qui m’en reviennent, est lamentable, rien n’ayant été collectivement conduit pour tirer parti de ceux qui pouvaient être là, en éliminant tout de suite, avec des raisons fermement données, ceux qui manifestement ne devaient pas, ou ne devaient plus y être. Ainsi, on me dit que Patrick [Cheval] est là mais «ne fait rien» (il a fait quelque chose ailleurs, quand il était mieux entouré). La mythomane Slavia, l’hiver dernier, s’instituait votre émissaire. J’ai vu ce qu’est devenu Eduardo, à force d’accumuler dans vingt pays les échecs et les preuves de son incapacité : menteur et haineux contre tout le monde, en commençant par vous. Etc. Vous connaissez ce chapitre mieux que moi, et il n’est pas de ceux que l’on a envie d’aller «voir» de l’intérieur. Et voir n’est jamais rien, en suivant de près mille détails particuliers, pour n’en tirer que cette seule vaste généralité que «tout avance bien» ; ce qu’il faut partout, c’est savoir conclure.

Enfin, toutes ces raisons, que je vous expose seulement parce que vous avez très étrangement paru les ignorer ou les oublier, ne veulent pas dire que je n’entreprends jamais rien qu’en accord avec des raisonnements stratégiques, même aussi déterminants et évidents que ceux qui s’imposent ici. Il existe des gens, pour moi en bien petit nombre, qui méritent d’être suivis très loin, et sans autres bonnes raisons, simplement parce que l’on reconnaît en eux une certaine qualité de la vie possible (et alors, c’est tout à fait comme pour les révolutions, il faut faire pour eux tout ce que l’on peut effectivement). Et pour n’en donner qu’un exemple qui s’applique à la circonstance, au Portugal, selon moi, c’était Leonor qui correspondait à cette définition. Mais on me dit qu’elle est morte au Mozambique, ce qui est une autre preuve du fait que tout le monde n’a pas trouvé qu’il fallait vivre avec vous la révolution à Lisbonne.

Guy Debord (Glaucos)

(…) Si l’on tient absolument à trouver aujourd’hui la critique situationniste en œuvre, c’est surtout dans les usines révolutionnaires du Portugal qu’il faut la chercher.

(…) Les ministres de l’Intérieur de tous les pays, comme aussi bien les bureaucrates des partis dits communistes, ressentent la même colère impuissante devant la réapparition du mouvement révolutionnaire moderne. En Italie, où le P.C.I. espère utiliser les luttes de classes pour participer au pouvoir, et cherche désespérément l’ouverture, cette colère ne peut être que plus grande. Car si déjà, à ce point, les révolutionnaires peuvent nuire au pouvoir, qui tout seul déjà se nuit grandement à lui-même, regardez le Portugal : il y a un an et demi que nous empêchons tout pouvoir étatique de s’y constituer réellement. Le «compromis historique», cette Sainte-Alliance entre les bourgeois et les bureaucrates staliniens, que l’on se propose aujourd’hui d’introniser en Italie, règne déjà au Portugal depuis le 25 avril 1974 : il règne mais ne gouverne pas. Voyez ce piteux résultat, cet échec ridicule ! (…)

Gianfranco Sanguinetti, Preuves de l’inexistence de Censor,
par son auteur (décembre 1975).

note d’un du  laboratoire: Lors de la préparation  du texte pour la discussion le  24 avril à 18h30  intitulé: gilet jaune..  un texte est discuté , l’apologie de la révolution portugaise a été opposée  aux textes temps critiques  . » Une ligne de crête qui accompagne tous les soulèvements car, par définition, on ne sait pas quand et comment va se faire la bascule. Ce qui nous fait entrevoir cette phase, c’est que le mouvement des Gilets jaunes s’échoue aujourd’hui sur plusieurs écueils qui ont pourtant fait sa force hier. » pris dans  sur la ligne de crête

Terragnolo (Trentin), Italie : Incendie d’une antenne relais en solidarité avec les anarchistes incarcérés – 16 avril 2019

On apprend par les journaux locaux qu’un relais de téléphonie et de télévision a été incendié à Terragnolo, dans la zone de Potrich (Trentin) le 16 avril vers 22h. Les tags « Solidaires avec les anarchistes en prison, contre la visioconférence (qui remplace les transferts aux audiences) et le blocage du courrier » et « l’esprit continue » ont été retrouvés sur place.

Sur les quatre bouteilles incendiaires utilisées, une seule aurait pris contre les câbles, les trois autres situées à l’intérieur des transformateurs électriques ayant fait long feu, « faute d’oxygène » selon les carabiniers chargés de l’enquête. C’est un voisin apercevant les flammes depuis la route qui a prévenu les pompiers, arrivés trop tard pour empêcher de nombreux câbles de se consumer. Cet emplacement fait par ailleurs partie de ceux retenus pour expérimenter la 5G dans le coin.

Les techniciens ont réussi à remettre la télévision au cours de la nuit, mais la téléphonie mobile restait, elle, très perturbée.

Liberté pour toutes et tous,
feu aux prisons !

Gilets jaune: un soulèvement; une communauté?

Publication, France : Crève la France, vive la révolution !


Gilets jaunes, refusons l’encadrement fasciste de nos manifs !

Lors de l’acte XVI des Gilets Jaunes à Lyon, nous avons dû faire face à une nouvelle démonstration de force de l’extrême droite lyonnaise. Une démonstration qui a débouché sur des agressions, des menaces, des insultes et l’intimidation de nombreux.ses manifestant.es. Une situation intolérable !
Ce samedi 2 mars, lors de la manifestation de l’acte XVI des Gilets Jaunes, nous avons vécu une situation nauséabonde. Sortis du bar le Wallace, une quarantaine de fascistes « matossés » ont commencé par faire une démonstration de force sur le pont de la Feuillé avant la place des Terreaux ; des Gilets Jaunes qui avaient décidé de s’attaquer à une banque se sont fait caillasser, insulter, puis agresser par un groupe d’une trentaine de fascistes à la hauteur de la place Guichard ; un manifestant d’origine africaine, un peu éméché, a été chassé de la manif à coup d’insultes racistes et de coups de poing sur la place Bellecour ; plus loin deux jeunes se sont fait encercler par quelques fascistes qui leur ont expliqué qu’ils devaient abandonner leur pancarte qui n’était pas à leur goût ; sans compter les nombreux.ses manifestant.es quittant, ou refusant de rentrer dans le cortège, après avoir vu ces mêmes militants fascistes armés se déplacer, et encadrer en toute impunité le cortège. Et à raison, le risque ce samedi était réel.

 

 Après l’affrontement durant l’Acte XIII, le 9 février, une certaine accalmie s’était temporairement installée à Lyon. Les agressions quasi-systématiques qui étaient la réalité des manifestations durant le mois de janvier, ont en effet disparu des cortèges de ces dernières semaines. Les groupes d’extrême droite lyonnais, suite à l’image désastreuse causée par leur attaque inique, et face à la riposte d’une centaine de personnes qui leur ont fait face avec détermination, avaient presque disparu de la rue durant les deux dernières semaines. Un certain sentiment de victoire s’est installé chez les militants anti-racistes et anti-fascistes. Un sentiment qui a pour conséquence un relâchement aux conséquences nauséabondes. La rue ne se gagne malheureusement pas en une journée, et après deux semaines « tranquilles », le mouvement des Gilets Jaunes à Lyon a dû faire face à un déploiement en force de militant.es fascistes.

 

Et pourtant ils.elles étaient en infériorité numérique. Au maximum ils.elles devaient n’être que 80 dans une manifestation de 3.000 à 5.000 individus. Il y avaient dans le cortège des centaines de manifestant.es proches de groupes anti-racistes et anti-fascistes. Mais désorganisé.es, dispersé.es, et incapables de se regrouper sans risquer une attaque plus ou moins immédiate, rien n’a été fait contre l’encadrement fasciste de cette manif qui aura duré de 14h à 17h environ, avant la dispersion des groupes fascistes et une fin de manif tendue avec la police.

 

Bien mieux organisés, préparés, équipés de bar de fer, de parapluies, de gants plombés et de projectiles, le mouvement fasciste lyonnais a mis en place un encadrement structuré de la manifestation de samedi. Deux groupes d’une trentaine d’individus armés se sont placés au début et au centre de la manifestation. Ils utilisaient comme marque de ralliement un drapeau pirate et un drapeau tricolore. De plus des groupes de 3 à 5 troublions se sont disposés un peu partout pour faire de la surveillance. De tel manière qu’aucun endroit dans le vaste cortège n’était exsangue de leur contrôle. Exceptée peut être la fin de la manif qui, avec les heures, s’est étalée sur une distance de plus en plus étendue. Un tel dispositif ne peut être que la résultante, soit d’une division des différentes écoles du fascisme lyonnais en différentes officines qui refusent de se regrouper pour cause de division, soit, et le scénario est plus sombre, celle d’une organisation et d’une collaboration délibérée en vue d’attaquer un potentiel cortège anti-raciste et laver « l’affront » de l’acte XIII. Dans tous les cas les conséquences sont là, et le quadrillage de la rue par des militant.es violent.es et organisé.es pour en découdre est inacceptable.

 

Bien entendu, cela n’est pas nouveau dans le mouvement des Gilets Jaunes. Depuis le premier jour, les revendications sociales, économiques et démocratiques légitimes pour plus de justice sociale et de démocratie se mélangent à un certain nombre de pratiques et de revendications poujadistes, nationalistes, voir racistes et xénophobes. Ce mélange des genres est une raison de la division à gauche entre ceux qui refusent de participer au mouvement, voir qui le condamne, et certains groupes et militant.es qui ont décidé d’aller soutenir les franges progressistes du mouvement et combattre de l’intérieur ces dérives. Mais face au renforcement de la branche la plus violente des groupes d’extrême droite, et leurs interventions de plus en plus musclées contre ces militants qui ont décidé d’accompagner cette révolte sociale tout en condamnant et combattant les dérives racistes et nationalistes, nous risquons de voir semaine après semaine toute frange progressiste des Gilets Jaunes disparaître sous la menace.

 

Enfin il ne faut pas croire que cette situation est le soucis des « Gilets Jaunes », quel que soit leur bord politique, car même si demain toute la « gauche » décidait d’un commun accord que ce mouvement est à abandonner aux fascistes, l’expérience, l’organisation, les contacts, et l’assurance qu’auront gagné et concentré ces nouvelles milices brunes ne disparaîtront pas avec le dernier acte de ce mouvement. Une fois confiants dans leur force supposée, ces groupes ne s’arrêteront pas là, et nous devrons, à Lyon comme ailleurs, vivre en permanence sous la menace potentielle d’attaques fascistes. C’est pourquoi nous devons faire front aujourd’hui pour chasser les fascistes de nos rues.
Source : rebellyon;info
En bonus un commentaire de l’article :
« C’est quand le moment où vous vous rendrez compte qu’il s’agit pas de « nos manifs » mais bien aussi des leurs et que c’est ça le fond du problème : ils viennent « nous » dégager de ce qu’ils estiment être leurs manifs. Et vu la présence du FN et d’autres fafs plus propres sur eux ou simplement de personnes sympathisantes des idées de l’extrême droite on peut même se demander si ce ne sont pas plus « leurs » manifs que les « nôtres ». D’ailleurs, de ce que j’ai vu on peut pas dire que la majorité du cortège leur soit hostile… Tant qu’on ne questionnera pas ça, tous les appels à tenir la rue n’auront aucun impact réel. »

Parution d’une nouvelle brochure : Gilets noirs et K-way jaunes – Interviews d’anarchistes à propos du mouvement des Gilets jaunes

Cette brochure propose cinq entretiens avec des anarchistes de Paris-banlieue, Toulouse, Dijon et Caen à propos de leurs rapports au mouvement des Gilets jaunes. Les entretiens datent tous de février à avril 2019.

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Sommaire :
– {Introduction}, par Enkapuzado & Zanzara athée, 10 avril
– T, un anarchiste de banlieue parisienne, 1-11 février
– E&L, deux anarchistes situées sur Toulouse, 19 février
– A, un anarchiste vivant en banlieue parisienne, 9 mars
– J, de Dijon, 21 mars
– R&R, deux anarchistes de Caen, 2 avril

Introduction

Cette brochure a pour origine une initiative venant d’une revue anarchiste brésilienne, Crônica Subversiva, de Porto Alegre, qui, en janvier 2019, voulait interviewer quelques anarchistes à propos du mouvement des Gilets jaunes. Des extraits de ces interviews ont d’ailleurs été publiées en portugais dans le n°3 et le seront bientôt dans le n°4.

L’idée était notamment de réfléchir à ce qui peut rapprocher ce mouvement de celui qu’a connu le Brésil en 2013-2014, pendant lequel la colère sociale s’est également exprimée par des manifestations massives sans être monopolisées ou englobées par les partis politiques ou les syndicats. C’est au sein de ces manifestations que les black blocs ont vu le jour au Brésil. Travailleur·euse·s, étudiant·e·s, jeunes des favelas et autres énervé·e·s, politisé·e·s ou non, ont pris les rues et se sont attaqué aux représentations du capital et de l’État. Ces manifestations massives ont permis la naissance de différentes initiatives auto-organisées, horizontales. À Porto Alegre, nous avons vu naître des lieux autogérés et politisés, des occupations de lieux publics comme la Chambre municipale qui ont duré des semaines, mais aussi l’entrée en lutte des plus jeunes qui ont occupé leurs écoles pendant des mois tout en participant à de nouvelles manifestations entre 2015 et 2016. Les conséquences de ces mouvements sociaux sont difficiles à mesurer aujourd’hui. Cinq ans après les « journées de juin 2013 », Jair Bolsonaro, fasciste et valet de l’impérialisme nord-américain, est élu démocratiquement par le « peuple » brésilien. Sa « conquête » du pouvoir s’est mise en place, d’une certaine manière, en s’emparant d’une partie des mouvements sociaux et en instrumentalisant une haine du Parti des Travailleurs qui avait d’ailleurs déçu un bon nombre de ses électeurs. Fin 2014, c’est un mouvement d’extrême droite (anti-amérindien, anti-noir, anti-LGBT, etc.) qui voit le jour, le MBL (Mouvement Brésil Libre), qui ramassera tout un tas de personnes paumées politiquement et qui se consolidera comme la base d’accès au pouvoir du futur président. Si le mouvement social de 2013-2014 au Brésil n’est pas responsable de l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro, il n’a pas été suffisamment puissant pour enrayer la montée du fascisme dans le pays, notamment à partir de 2015.

L’héritage des mouvements de 2013, 2014, 2015 et 2016 vit dans le coeur de tou·te·s les émeutier·e·s, dans tous les black blocs qui se sont, à un moment donné, confronté·e·s avec ténacité aux forces de l’ordre et à ce qui les opprime quotidiennement. Il vit aussi dans les futurs possibles que l’action insurrectionnelle a permis d’entrevoir. Ces mouvements ont ouvert des portes et formé corps et âme à l’action. Le mouvement des Gilets jaunes nous laisse entrevoir lui aussi un pays et ses représentant·e·s secoué·e·s par une vague insurrectionnelle, qui nous remue nous aussi à l’autre bout du monde.

Nous pensons qu’en tant qu’anarchistes, il est important de nous poser certaines questions, notamment celle de notre rôle au sein des mouvements sociaux. Comment prendre part à un mouvement social sans lâcher nos convictions ? Sans se transformer en « avant-garde » révolutionnaire ? Comment diffuser et faire partager nos idées à des personnes qui, à première vue, ont des visions du monde complètement différentes, voire contradictoires aux nôtres ? Créer le chaos est-il notre seul objectif ?

On parle beaucoup des black blocs ces derniers temps en France, les médias, les politicien·ne·s et les citoyennistes le font pour faire une distinction factice entre Gilets jaunes obéissants et respectueux des lois et extrémistes ultra-violent·e·s et minoritaires. Ce qui nous semble désormais clair dans ce mouvement, c’est qu’il est très compliqué de distinguer les K-way noirs typiques de la tactique anarchiste du black bloc des nombreux gilets jaunes qui sont arrivé·e·s dans ce mouvement sans avoir encore éprouvé l’expérience de l’émeute. Le soulèvement des Gilets jaunes a été (et continue d’être) le fait de plein de gens différent·e·s, avec des origines sociales et des cultures politiques diverses, réunissant plein de rebelles à l’ordre établi et une colère populaire rarement exprimée aussi intensément… Le 16 mars 2019 à Paris a donné lieu, encore plus qu’en décembre 2018, à un joyeux mélange insurrectionnel des identités politiques, que résume assez bien le tag de couverture : Gilets noirs, K-way jaunes. On n’oubliera pas non plus que c’est sur une avenue des Champs-Elysées ravagée par la casse et le pillage que des milliers de personnes ont entonné un slogan simple mais prometteur : « révolution ».

Pour ce qui est des interviews, l’idée est qu’elles nous donnent quelques pistes et nous montrent comment des anarchistes ont pris part au mouvement des Gilets jaunes dans différentes régions du territoire contrôlé par l’État français. Elles ont pour objectif de nous provoquer parce que les positions et analyses présentées sont plurielles et entrent parfois en contradiction les unes avec les autres. Dans tous les cas, elles nous invitent à prendre part à l’action insurrectionnelle, elles réaffirment que face à la violence quotidienne d’un État qui se croit tout puissant, la passivité et le pacifisme ne sont pas des options valides. Elles n’ont pas pour but de dresser des postures figées par rapport au mouvement en cours. Elles sont là pour alimenter les réflexions, renforcer les luttes et montrer comment des anarchistes peuvent participer/intervenir dans une dynamique insurrectionnelle, voire révolutionnaire, mais confuse dans ses perspectives politiques. Réalisées par mail entre début février et début avril 2019, elles sont aussi des instantanés d’un mouvement qui fait des vagues, gagne et perd en intensité selon les périodes, et qui semble bien plus imprévisible que les mouvements connus dans l’Hexagone ces dernières décennies. Nous avons fait le choix de les publier telles qu’elles nous sont parvenues. Elles ont toutes été réalisées à l’écrit, et on a par exemple décidé de laisser le choix à chacun·e de féminiser/neutraliser/dégenrer les mots ou non, à sa façon.

Par ailleurs, nous avons une masse assez importante de documents numérisés à propos du mouvement des Gilets jaunes (tracts, textes de fond, photos, affiches, mais aussi vidéos…). Ces archives sont en cours de constitution et sont bien entendu partageables. Si vous êtes intéressé·e·s, écrivez-nous ! Idem pour ce qui est des traductions de cette brochure. Une version en portugais est sur le feu, peut-être aussi en espagnol et en italien. Si vous avez des envies de traduire ça en d’autres langues, contactez-nous !

Paris-banlieue et Porto Alegre, 10 avril 2019
Enkapuzado & Zanzara athée

Cette brochure a été publiée sur infokiosques.net. Une version à lire sur l’écran est trouvable ici et téléchargeable en plusieurs versions PDF, avec les traductions prévues en portugais et peut-être bientôt en espagnol et en anglais.

source :indymedia Nantes

TF1 balance une fois de plus : sus aux images

sans attendredemain

Le 16 mars dernier, lors de l’acte XVIII des gilets jaunes, à Paris, le Fouquet’s était en effet vandalisé et pillé et sa devanture partait en fumée. Le soir même, au journal télévisé de TF1, un homme apparaissait, tenant dans ses bras une table de mixage dérobée dans le restaurant huppé.
L’homme expliquait calmement : « Au moins, je serais venu à Paris et reparti avec quelque chose ». Le visage de ce gilet jaune n’était pas filmé. Mais apparaissait distinctement à l’écran sa chaude parka aux couleurs d’une équipe de rallye…
Et c’est ainsi que “Bouboule” a été interpellé mardi 16 avril, en Isère. Transféré à Paris, il a été entendu sous le régime de la garde à vue par les policiers du premier district de police judiciaire en charge de l’enquête sur les dégradations et vols commis au préjudice du Fouquet’s le 16 mars dernier. Selon nos informations, au cours d’une perquisition menée au domicile de l’Isérois, la platine dérobée dans le restaurant des Champs-Élysées aurait été découverte.
Mercredi, à l’issue de sa garde à vue, il a été déféré au parquet de Paris avant d’être présenté au tribunal correctionnel de Paris dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate pour y répondre de “recel de vol”. [Source: Le Dauphiné, 18.04.2019]

Caen , calvados:Présentation de Casse-Murailles( mise à jour)

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Salut,

Ci joint le texte de présentation de Casse-Murailles, l’espace de lutte
contre l’enfermement et la répression que nous lançons dans le cadre des
mutuelles. Dans une période de répression intense, notamment autour du
mouvement des Gilets jaunes, il nous semble d’autant plus important de
maintenir une solidarité  face à la répression et l’enfermement sous
toutes ses formes.

Ici comme ailleurs, les peines tombent et sont lourdes. Des gens en
lutte avec ou sans gilets se retrouvent emprisonnés, parfois pour de
longs mois. Un « caennais » a pris plus de trois ans ferme. D’autres des
peines à peine moins lourdes. Notons au passage qu’à Caen comme dans
d’autres villes le mouvement dit des gilets jaunes s’est doté d’une
caisse antirép’ autonome, ce qui nous semble être une bonne chose.
Certain-e-s d’entre nous participent d’ailleurs activement à la faire
vivre. Nous ne pouvons que vous encourager à lui faire parvenir des
dons. La caisse antirép Gilets jaunes : caenantirepression@riseup.net

Par ailleurs, il existe un collectif antirépression à caen, le CROC.
Nous n’avons pas créé cet espace pour entrer en concurrence avec lui.
Nous avons même participé pour certain-e-s d’entre nous à ces activités
durant quelques mois. Mais nous souhaitons intervenir sur cette question
de l’enfermement et de la répression à notre manière. Nous espérons
d’ailleurs partager infos et solidarité avec eux et elles le plus
souvent possible. Leur adresse mail pour les contacter ou leur filer de
la maille : caenantirepression@riseup.net. Ce sont eux et elles qui
« hébergent » le collectif antirep GJ.

De notre côté, les dons éventuels peuvent être envoyés par chèques à
l’ordre de l’association Apache, gestion mutuelle entraide scolaire,
avec mention « antirépression » au dos ou dans un mot d’accompagnement à
Association Apache, 35 Boulevard Poincaré, 14000 Caen. Contact :
mac.caen@riseup.net

Enfin, nous souhaitions également vous faire état de la détérioration
des conditions de détentions des détenus suite au mouvement de
maton-ne-s qui sévit depuis l’attaque de deux matons à la prison
haute-sécurité de Condé-sur-Sarthe. Là-bas la grève de maton-ne-s
soutenus par leurs collègues de plusieurs taules mais également par les
gilets jaunes locaux, exigeait un renforcement de l’arsenal répressif,
mais également  l’arrêt de nombreuses activités intra-muros, et une
surveillance électronique renforcée des unités de visite familiale.
Bref, encore une restriction de la maigre liberté que les détenu-e-s
réussissent à arracher à l’administration pénitentiaire. Durant la grève
et encore aujourd’hui, les détenus ne peuvent sortir de leurs cellules
individuelles. Plus de 20 jours sans pouvoir sortir de leur 9 m2. Les
proches n’ont pu avoir accès aux parloirs. Bref une torture à laquelle
vient s’ajouter aujourd’hui la menace d’un durcisssement des conditions
de détention dans l’ensemble des mitards de France.

Le texte de présentation de la mutuelle :

Dans les mouvements sociaux, mais également au quotidien des nombreux
compagnons et nombreuses compagnonnes de lutte et tout un tas
d’inconnu-e-s tombent entre les griffes des cognes , de la justice et de
l’institution psychiatrique. Les un-e-s pour des blocages, des
déambulations sauvages, des occupations illégales, les autres des
sabotages, des émeutes, d’autres enfin pour un vol, une rébellion ou
pour un moment d’abattement, de déprime.
Ce monde vit sur l’oppression permanente, une guerre sociale diffuse qui
s’exerce au quotidien. Il y a bien plus de violence dans la manière dont
l’Etat administre nos vies ou dans celle dont est fabriquée une
marchandise, dans celle dont le patriarcat ou la religion soumet les
corps et les désirs, que dans une vitrine brisée, une bagnole de police
cramée ou un DRH bousculé. Il s’agit surtout dans un cas d’une violence
légale qui vise à maintenir l’oppression, et dans l’autres d’une
violence légitime cherchant à s’en libérer. Actions directes,
réappropriations, sabotages justifient pleinement notre solidarité. Si
l’innocent mérite notre soutien, le coupable encore davantage.
Comme le souligne les compagnons et compagnonnes du collectif kaliméro,
« la répression n’est pas uniquement le moment où la flashball et la
matraque viennent frapper les corps des récalcitrant.e.s, c’est chaque
moment du quotidien sous la domination de l’Etat et du Capital à travers
des milliers de dispositifs psychologiques et matériels omniprésents
obligeant les pauvres à accepter une vie de merde sous la contrainte.
C’est aussi bien sûr la prison qui enferme toujours plus de monde et
pour des durées toujours plus longues, afin de les punir, les isoler,
les briser et les entasser loin des yeux des braves citoyens à la
conscience tranquille. Et c’est aussi la prison dehors avec des mesures
comme les bracelets électroniques, les assignations à résidence, les
interdictions de zones, les contrôles judiciaires, etc. »
Quant à l’enfermement psychiatrique et sa camisole chimique, ils
méritent  tout autant qu’on les combattent.  En effet,  la psychiatrie
telle qu’elle se pratique aujourd’hui cherche davantage  à normaliser
des comportements jugés déviants qu’à prendre soin d’individu-e-s en
souffrance.  La psychiatrie exerce une violence quotidienne et
administrative dont l’enfermement n’est qu’un des symptômes les plus
manifestes.  La contrainte, la chimie et la thérapeutique s’applique en
dépossédant les dits « malades » de leurs libre-arbitre et de leurs
corps. Dans l’univers carcéral prison et psychiatrie se retrouvent
d’ailleurs le plus souvent mêlés.

Tout cet arsenal qui s’étend au quotidien vise à nous faire peur, nous
écraser, nous isoler et à éteindre ou plutôt garder sous contrôle toute
velléité de révolte. Nous visons donc à opposer  au rôle de victimes
isolées, impuissantes et résignées dans lequel cet arsenal cherche à
nous maintenir, notre solidarité collective.
Nous avons donc décidé de mettre en place une caisse et un espace pour
organiser une solidarité permanente pour faire face à la répression.
Cet espace s’est donné pour objectifs principaux :

1) De collecter des fonds afin de soutenir celles et ceux qui sont
touché-e-s par la répression policière et judiciaire du fait de leur
participation à des luttes sociales ou à des activités subversives que
ce soit en France ou ailleurs.  D’élargir ce soutien aux compagnons et
compagnonnes confronté pour des activités plus quotidienne à la justice
ou  l’institution psychiatrique.
2) D’organiser un soutien moral et logistique autour de ces mêmes
personnes et de leur entourage.
3) D’informer et d’agir contre la répression d’État, les lois
sécuritaires et liberticides, les logiques de contrôle et d’enfermement.
4) D’étendre la solidarité hors les murs du prétoire, du commissariat,
de la prison ou de l’hôpital psychiatrique.

Nous pensons que ces activités peuvent se mener à partir d’une position
et à travers des perspectives révolutionnaires et anti-autoritaires.
C’est pourquoi, contrairement à de nombreux collectifs anti-répression
nous ne pensons pas que la solidarité suspende notre manière d’investir
la lutte. Nous refusons de nous associer à des organisations ou des
individus qui soutiennent les politiques sécuritaires, condamnent
l’action directe ou organisent eux même pacification et répression à
travers des Service d’ordre ou d’autres types d’intervention.
Cette solidarité ne vise pas à s’exercer à nos seuls compagnons et
compagnonnes de lutte, aux seuls anarchistes ou aux seuls militants et
militantes, mais à se propager bien au-delà, notamment auprès des
personnes d’autant plus frappées qu’elles sont isolées, et que la
répression contribuent en retour à encore davantage isoler. Pour autant,
nous refusons d’apporter notre solidarité à ceux et celles, qui dans le
souci légitime de sauver leur peau, se dissocient des actes dont la
justice les accuse, ou plus grave encore des actes de co-prévenu—e-s.
Ce n’est pas par quelconque regard moral ou idéologique sur le façon de
se défendre face à la justice et la police, mais bel et bien parce que
cette façon de se défendre légitime l’appareil et l’idéologie
sécuritaire d’une part, et enfonce les autres inculpé-e-s d’autre part.
Bref, va à l’encontre de ce contre quoi nous nous bâtons.

Nous fonctionnons sur la base d’assemblées souveraines, autofinançons
nos activités. Nous sommes indépendant de tout
parti/organisation/syndicat. La destination des fonds collectés est
décidée de manière collective. Les assemblées ont lieu dans le cadre des
réunions d’une mutuelle d’entraide que nous avons mis en place en
parallèle, la Mutuelle autonome caennaise (MAC : mac.caen@riseup.net).

Les dons éventuels peuvent être envoyés par chèques à l’ordre de
l’association Apache, gestion mutuelle entraide scolaire, avec mention
« antirépression » au dos ou dans un mot d’accompagnement à Association
Apache, 35 Boulevard Poincaré, 14000 Caen.

Permanences  Apache
1er samedi du mois,
de 16 h30 à  17h30 ;
3ème  mercredi du mois,
de 17h30 à 18h30

PS : Des versions papiers de présentation de Casse-Murailles sont
disponibles au local Apache – 35, boulevard Poincaré – et à La
Pétroleuse – 163 cours Caffarelli – ainsi que das pas mal d’autres
endroits (bars, etc.)…

présentation en PDF

Salut,

Dans le mail de présentation de Casse-Murailles, il y a une erreur sur
l’adresse mail du CROC et du collectif anti-répression Gilets jaunes :
caenantirep@riseup.net

[reçu par mail]

Le Débat Public sur les déchets radioactifs débute le 17 avril

[reçu par mail]

Pour info, le débat public sur la gestion des déchets radioactifs s’ouvre ce soir à Paris. 23 rencontres (dans toute la France) sont prévues jusqu’en septembre (retraitement, Cigéo, déchets faiblement radioactifs…)

La gestion de toutes ces matières et déchets radioactifs est mise en débat par la Commission particulière du débat public (CPDP), à partir de ce mercredi 17 avril et jusqu’au 25 septembre 2019. «Les temps forts de ce débat seront les 23 rencontres organisées pour les citoyens : sept réunions publiques généralistes à Paris et dans quatre grandes villes régionales, et des réunions thématiques dans des territoires concernés par l’activité nucléaire», explique à Reporterre Isabelle Harel-Dutirou, magistrate et présidente de la CPDP.

Voir l’article sur Reporterre : Déchets radioactifs, les clés du grand débat

Ici : https://reporterre.net/Dechets-radioactifs-les-cles-du-grand-debat