Limoges : Vinci morfle… ce ne sera ni la première ni la dernière fois

Zad partout : revendication sabotage eurovia vinci limoges, 26 janvier 2016

eurovia: crève!
comme vinci ou areva
multinationales de merde

et tous vos associés
vos potes des minitères, vos esclaves dans les bulldozers [sic!]
vos bétonneurs assermentés et vos robocops lobotomisés

de Notre Dame des Landes au Val de Suza
de Flamanville à Fuckushima
il semble que vous soyez résolus à faire de cette Terre une poubelle
et c’est pas rémi fraisse qui vous arrêtera
et c’est pas l’état d’urgence qui nous arrêtera Continue reading

repris du blog Attaque

[Suisse] Nouvelle adresse de Marco Camenisch emprisonné en Italie et en Suisse depuis 1991

note:on cete adresse a été publié sur le blog du laboratoire et on peut trouver une [Chronologie établie à partir de la presse italienne,
et de Terra Selvaggia n°12, mars 2003] ici et aussi cette information le procés de Billy, Costa et Silvia continue à Turin après l’audience du 13 janvier,une semaine d’action contre les technosciences et les nanobiotechnologie et les neurosciences est prévu dans toute l’italie du 22 au 28 février.. La prochaine audience du procès sera le 2 Mars
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Marco Camenisch emprisonné en Italie et en Suisse depuis 1991 et dont la peine devrait se terminer au plus tard en 2018 a été transféré dans une « prison ouverte » (où des congés pénitentiaires peuvent être octroyés).

Qui veut penser a un cerveau, qui veut comprendre, comprend le langage de l’humanité et de la vie. Les cadavres vivants comprennent uniquement la langue de l’argent, de la richesse, du pouvoir, de la loi. À ceux-là, je ne peux que dire : en considérant que vous n’écoutez que les canons, que vous ne comprenez pas d’autres langues, nous avons décidé qu’il faut tourner les canons contre vous.

Marco, après une expérience de vie à l’alpage, développe la conscience de l’impossibilité de vivre l’illusion de l’ “île paradisiaque” : sa place est dans les luttes qui, dans les années ’70, enflammèrent l’Europe. La conviction que combattre les projets de dévastation de l’industrie nucléaire et hydroélectrique soit un engagement de lutte incontournable mûrit en lui. En novembre 1979, un pylône à haute tension de la NOK est endommagé à l’explosif, en décembre de la même année, les transformateurs de la centrale hydroélectrique Sarelli subissent le même sort. Les autorités grisonnes mettent une récompense de 10’000 francs suisses sur la tête des personnes ayant perpétré les attentats. A cause d’un délateur, en janvier 1980, Marco Camenisch et René Moser sont arrêtés, et en un mois, ils sont les deux condamnés pour les sabotages à respectivement 10 et 7 ans de prison ferme.

Le rêve de chaque détenu est celui de sortir de prison : il y a ceux qui attendent la fin de la peine et ceux qui, par contre, décident de sauter le mur d’enceinte. Après les premiers jours d’enfermement passés à l’isolement, Marco essaie par deux fois de reconquérir la liberté : en comptant sur la facilité plus grande de fuir des secteurs hospitaliers, une première fois, il simule une crise nerveuse, et la deuxième fois, il s’automutile. Les deux tentatives échouent à cause de la surveillance particulière qui lui est appliquée. Deux années plus tard, le 17 décembre 1981, il réussit à s’évader de la prison
de Regensdorf avec cinq autres détenus. Un coup de spray aveuglant à la face d’un garde, un pied pour tenir la porte ouverte en attendant ses compagnons, un échelle appuyée sur le mur de l’enceinte, et c’est parti pour la liberté… C’est le début d’une longue période de clandestinité, entre nuits sous les étoiles, sentiers de lutte et nouveaux liens qui se tissent…

Après dix années de cavale, la liberté de Marco a été interrompue par un banal contrôle des carabiniers dans une localité aux alentours de Massa (Toscane). A la demande de ses papiers, Marco extrait un semi-automatique ; dans la fusillade qui suit, touché aux deux jambes, il est contraint de se rendre. Un carabinier est blessé. Martino, c’est comme ça que Marco se fait appeler en Italie, est arrêté avec un compagnon qui était avec lui cet après-midi là. L’identité de Marco reste inconnue pendant plusieurs jours. Dans la tentative de l’identifier, des interrogatoires brutaux ont lieu afin d’extorquer par la force cette information. Pendant l’été 1992, le procès se déroule au tribunal de Massa : à Marco sont imputés d’une part la blessure au carabinier et d’autre part divers sabotages sur des pylônes à haute tension ayant eu lieu en Toscane, avant et après son arrestation… La condamnation à 12 années est « exemplaire » : un signal des autorités face à la multiplication des sabotages contre des usines nocives en elles-mêmes ainsi que pour le modèle de vie qu’elles alimentent.

Pendant ses près de douze années de réclusion en Italie, Marco a connu différentes prisons et secteurs spéciaux comme ceux de Novara et Biella aménagés spécifiquement dans une démarche de casser l’activité et la résistance des prisonniers politiques révolutionnaires. Les transferts fréquents sont une des méthodes utilisées par la répression pour épuiser les prisonniers et entraver les rapports avec la famille et les personnes solidaires. Les années de privations, les quartiers de haute sécurité, les tortures n’ont pour autant pas étouffé son esprit rebelle et de lutte. Cela n’a pas non plus coupé ce lien qui unit – dans la tension pour la liberté – les insoumis d’un côté et de l’autre des barreaux et des murs des prisons. Au contraire, depuis l’intérieur de la prison, Marco a toujours été un stimulant très important pour le développement des luttes radicales contre les injustices et les venins de cette société.
Depuis dehors, au cours des années, les actions de solidarité, faites de rassemblement et de sabotages, tractages et incendies, ont été innombrables.

Chronologie

21 JANVIER 1952
Marco Camenisch naît en Suisse à Sichers, un village des Alpes rhétiques situé
dans le canton des Grisons.

13 NOVEMBRE 1979
Un pylône de haute tension de l’entreprise NOK est saboté par Marco Camenisch et René Moser.

25 DÉCEMBRE 1979
Marco et René s’en prennent à la centrale hydroélectrique Sarelli, en détruisant un pylône en ciment et les transformateurs.

8 JANVIER 1980
Marco et René sont arrêtés dans le canton de St-Gall.

30 JANVIER 1981.
Le tribunal de Coire condamne René à sept ans et demi et Marco à dix.

17 DÉCEMBRE 1981
Évasion rocambolesque de la prison de Regensdorf dans la région de Zurich. Marco escalade le mur avec un groupe de détenus du milieu criminel de Bergamo. Un échange de coups de feu a lieu entre un prisonnier en fugue et les matons. Un maton meurt et un autre est blessé. Bien que Marco n’est pas armé, il est reconnu responsable du meurtre. Commence alors la longue cavale sous la marque de danger public.

3 DÉCEMBRE 1989
A Brusio, dans la vallée Poschiavo (GR), Marco, suite à une visite discrète sur la tombe de son père, mort deux mois auparavant, est contraint à une fugue précipitée en Italie.
Durant la matinée, Kurt Moser, un garde frontière suisse, est tué à coups de pistolets. Les gendarmes distribuent aux habitants de la zone des photos de Marco signalement et intimident sa mère et son frère.

5 NOVEMBRE 1991
Après dix ans de liberté, la course de Marco se termine. Lors d’un banal
contrôle d’identité dans la commune de Montignoso (Toscane), au pied des Alpes apuanes, la patrouille de carabiniers est sommée de s’arrêter sous la menace d’un revolver dégainé pour assurer sa fugue. La réaction d’un des deux militaires déclenche toutefois une fusillade qui se conclu avec une blessure au bras d’un carabinier et aux jambes de Marco qui est alors arrêté.

12 JUIN 1992
Solidaires à Marco, de nombreux-euses compagnons se rassemblent au tribunal de
Massa (Toscane) à l’occasion du procès. Dans les mois qui suivent, en Toscane, le nombre de pylônes et de systèmes de communication abattus augmentent vertigineusement. La solidarité envers Marco est constante dans les revendications qui accompagnent les actes de sabotage. En octobre, accusés de certains de ces attentats, 6 anars sont arrêtés et successivement relâchés.

FÉVRIER 1993
Marco fait une grève de la faim dans la prison de San Vittore (Milan).

AVRIL 1993
Il entame encore 40 jours de grève de la faim pour obtenir son transfert dans une
autre prison.

OCTOBRE 1993
Grève du plateau et du travail conduite collectivement par les détenus de la zone
spéciale de Novara (Piémont).

26 NOVEMBRE 1993
Sentence de la Cour d’Appel de Gênes : les 12 ans de condamnation sont confirmés pour délits à l’explosif, lésions simples, recel et falsification de documents.

JANVIER 1996
Prison de Novara : 18 jours de grève de la faim pour protester contre les
conditions d’enfermement.

17 SEPTEMBRE 1996
Les carabiniers du ROS [Regroupement opératif spécial, ce sont les flics politiques de l’armée] notifient à Marco, à la prison de Novara, un ordre de mesures de précaution pour l’enquête contre le mouvement anarchiste amenée par le procureur Marini. Pendant le procès il sera acquitté.

25 JUILLET 1999
Manifestation de solidarité à Novara devant la prison.

25 JUIN 2001
Environ 150 compagnons participent à un rassemblement solidaire devant la prison
de Biella.

18 AVRIL 2002
Extradition : Marco est transféré de la prison de Côme (Lombardie) à celle de Pfäffikon, près de Zurich, où il lui est imposé l’isolement total sans parloir.

1 JUIN 2002
Rassemblement solidaire devant la prison de Pfäffikon.

AOÛT 2002
Manifestations de solidarité pour Marco en Suède et en Belgique.

13 SEPTEMBRE 2002
Journée de mobilisation internationale avec des rassemblements solidaires.
En Italie, Suisse et dans d’autres pays : nombreuses initiatives d’agitation et de sabotage en soutien à Marco. Des actions et des manifestations en tous genres se déroulent aussi pendant les semaines précédentes et les suivantes.

DÉCEMBRE 2002
La revendication de l’envoi d’un colis avec des projectiles à l’ambassadeur
suisse à Rome est transmise à la presse anarchiste. L’action réclame la liberté pour Marco et revendique, dans le même document, l’incendie d’un magasin Benetton à Rome en solidarité avec le peuple Mapuche.

12 DÉCEMBRE 2002
Marco est transferé à la sombre prison-forteresse de Thorberg. L’intention d’anéantissement de la part des autorités helvétiques est claire. Marco entreprend une longue grève de la faim contre les insoutenables conditions d’enfermement.

16 DÉCEMBRE 2002
Manifestation de solidarité devant la prison de Thorberg (Canton de Berne).

JANVIER 2003
Les autorités desserrent l’étau, d’un côté par crainte que Marco puisse mener jusqu’au bout sa grève de la faim, de l’autre à cause des nombreuses actions de solidarité dans tout le monde qui brisent le silence de l’isolement. Actions qui culminent avec l’incendie de la télécabine à l’Abetone. Marco est transféré à Pfäffikon.

4 FÉVRIER 2003
Transfert à Coire. Après plus de vingts ans, Marco retourne dans les Alpes
rhétiques, prisonnier dans ces montagnes qui ont vu naître et grandir sa vie rebelle.

9 FÉVRIER 2003
Rassemblement devant la prison de Coire.

FÉVRIER 2003
Les attaques incendiaires en solidarité à Marco continuent dans plusieurs localités
italiennes.

24 SEPTEMBRE 2003
Opération « Black Out » du Parquet de Gênes et des ROS de Florence et de Livorno : 50 perquisitions et 12 avis d’ouverture d’enquête pour association de malfaiteurs. Marco est parmi les personnes sous enquêtes et sa cellule est fouillée grâce à une commission rogatoire internationale. Il sera finalement acquitté tout comme les autres prévenus.

29 OCTOBRE 2003
Marco est transféré à la prison de Kloten, près de l’aéroport international de Zurich.

2 NOVEMBRE 2003
Rassemblement devant la prison de Kloten.

NOVEMBRE 2003
Paris, Istanbul, Bruxelles : encore des initiatives d’agitation en solidarité avec Marco et les prisonniers en lutte.

AVRIL 2004
Prison de Kloten : grève de la faim en vue du début du procès.

8 MAI 2004
Cortège international non autorisé dans les rues de Zurich. Beaucoup d’interpellations
et quelques arrestations pour résistance.

10 MAI 2004
L’Etat suisse présente l’addition : le procès contre Marco débute à Zurich. L’accusation la plus grave est celle du meurtre du garde-frontière Kurt Moser. Après quelques jours la cour sanctionne Marco à une condamnation à dix-sept ans.

10 MAI 2004
Pendant le procès de Marco, la présence bruyante de compagnons solidaires
provoque l’évacuation forcée de la salle. Bagarres.

25 MAI 2004
À Zurich, la tour principale de la télévision SF DRS est incendiée. Les transmissions
restent interrompues pendant quelques heures et les journaux locaux relatent que l’action est en soutien à Marco, en procès les mêmes jours à Zurich.
En Italie aussi, les jours du procès sont marqués par quelques attaques incendiaires.

11 JUIN 2004
Une nouvelle boucle se boucle pour Marco, à savoir le retour à Regensdorf, la
prison de la grande fugue.

ÉTÉ 2004
Inlande, Zurich et encore Italie : sabotages contre les nuisances et la répression en solidarité avec Marco.

11 JANVIER 2005
Des maisons secrètes dans la campagne où s’entraînent les forces de l’ordre sont brûlées. Il s’agit des lieux d’entraînements des flics engagés contre les mobilisations à Davos, pendant la manifestation pour Marco réprimée durement en mai 2004 ainsi que pour les cortèges du premier mai.

22 MAI 2005
Manifestation internationale devant la prison de Regensdorf.

JUILLET 2006
14 jours de grève de la faim à Regensdorf en solidarité avec les compagnons turcs
touchés par la répression. La mobilisation en soutien à la grève de la faim s’exprimera dans plusieurs localités suisses avec des dégâts et de la peinture contre des cibles financières et institutionnelles suisses et turques. Ces actions continuèrent plusieurs mois et, en octobre, le même sort touchera aussi le consulat suisse de Salonique en Grèce.

JANVIER 2007
Actions à Berne et à Zurich encore en soutien à la grève de la faim de Marco et
d’Erdogan (un prisonnier turc dans les prisons suisses qui risque l’extradition) et contre le Forum Économique Mondial (WEF) de Davos.

12 MARS 2007
Le commando « Marco libre » revendique l’attaque à la BKW Énergie à Berne.

13 MARS 2007
La Cour d’appel du tribunal de Zurich réduit la peine de Marco de dix-sept à huit
ans. La requête du procureur d’une expertise psychiatrique dans la volonté persecutive d’obtenir. l’internement à vie de Marco est réjétée.

19 SEPTEMBRE 2007
Radio Lora à Zurich est occupée en solidarité à Marco qui est en grève de
la faim.

DÉCEMBRE 2007
Prison de Regensdorf : grève de la faim symbolique de 3 jours en soutien aux
prisonniers turcs.

FÉVRIER 2008
Marco participe à la grève de la faim internationale en soutien aux prisonniers
mapuche et turcs.

AOÛT 2008
Toujours à Regensdorf, une semaine de grève de la faim en soutien aux prisonniers
allemands. Depuis le Canada la grève est saluée avec l’incendie de deux véhicules de la police.

SEPTEMBRE 2008
La multinationale MAN, fournisseur de véhicules militaires à différentes
armées, est enflammée à Regensdorf. L’action est en solidarité à Marco et à d’autres prisonniers révolutionnaires en Allemagne et en Italie.

DÉCEMBRE 2008
Encore 21 jours de grève de la faim dans la prison de Regensdorf.

AUTOMNE 2009
Mobilisation anarchiste internationale en solidarité à plusieurs prisonniers
politiques : Marco contribue avec deux semaines de grève de la faim. De nombreuses attaques indiciaires et à l’explosif au Mexique et au Chili lui sont dédiées ainsi qu’à d’autres révolutionnaires prisonniers.

10 MARS 2010
Neuquen (Argentine), attaque à l’explosif contre le bureau d’une organisation
privée pour l’exploitation du gaz et du pétrole. Action revendiquée par la Cellule Armée pour la Défense de la Patchamama « Marco Camenisch ». Pendant le printemps, les sabotages en solidarité à Marco continuent aussi au Mexique et au Chili.

23 JUIN 2010
Suisse : sabotage d’un champ OGM en solidarité à Marco, Costa, Silvia et Billy.

SEPTEMBRE 2010
Grève de la faim collective de Silvia, Costa, Billy et Marco.

18-19 SEPTEMBRE 2010
Journée d’action internationale en solidarité à Marco.

24 SEPTEMBRE 2010
Manifestation devant la prison de Berne en solidarité avec Costa, Silvia, Billy et Marco.

28 SEPTEMBRE 2010
Madrid : sabotages en solidarité avec les compagnons anarchistes détenus au Chili et en Suisse.

4 OCTOBRE 2010
Rome, action contre l’Ambassade suisse en solidarité avec Costa, Billy, Silvia et Marco.

10 OCTOBRE 2010
Transfert de Marco à la prison de Bochuz (Orbe).

6 NOVEMBRE 2010
Manifestation anti-carcérale à Bochuz où Marco a été transféré.

DÉCEMBRE 2010
Sabotages dans différentes villes italiennes en solidarité avec Marco, Billy, Costa, Silvia, et des autres prisonniers. À Lisbonne (Portugal) l’entrée de l’Ambassade suisse est
scellée.

FÉVRIER 2011
Attaques dans plusieurs villes italiennes contre les intérêts du colosse énergétique. Dans les revendications les pensées vont souvent aux anars prisonniers en Suisse et à d’autres prisonniers.

AVRIL 2011
Madrid (Espagne) : dégâts matériels et attaque incendiaire contre les nuisances et en solidarité avec les prisonniers anars.

MAI 2011
Grève de la faim en relais (7 jours chacun) de Marco, Costa, Billy et Silvia.

MAI 2011
Encore à Madrid et en Italie, actions en solidarité avec les prisonniers en grève de la
faim dans les taules suisses.

AOÛT-NOVEMBRE 2011
Sabotages et incendies en solidarité avec les compagnons dans les prisons suisses, au détriment des véhicules de certaines grandes entreprises de l’énergie et du ciment en Italie et à Madrid.

JANVIER 2012
10 jours de grève de la faim de Marco comme contribution sociale aux protestations contre le Forum Économique Mondial de Davos.

FÉVRIER 2012
Deux antennes de téléphonie mobile sont brûlées au sud de Moscou. Dans la révendication l’action est dédiée à Marco et à d’autres prisonniers anars.

MAI 2012
Grève de la faim collective de 5 jours en soutien aux mobilisations pour le premier mai.

13 JUIN 2012
Italie : représailles des carabiniers contre les anars. Avec l’accusation d’être en lien avec la Fédération Anarchiste Informelle – Front Révolutionnaire International, 8 compagnons en Italie sont arrêtés. L’ordre de garde à vue concerne aussi Marco et Gabriel Pombo Da Silva (anar prisonnier en Allemagne).

2012 – à aujourd’hui
De nombreuses actions de solidarités ont eu lieu et ont toujours lieu, un peu partout, un peu tout le temps.

Nous sommes encore nombreux aux côtés de Marco Camenisch, comme nous l’avons été pendant toutes ces années d’emprisonnement, de lutte et de solidarité. Car choisir de quel côté on est, veut aussi dire, nécessairement, ne pas abandonner nos propres compagnons. Dans le contexte des luttes, cet engagement se traduit aussi dans le fait de ne pas oublier ceux qui, en luttant, finissent enchaînés.
Dans son parcours caractérisé par une cohérence constante entre les idées et la vie vécue, Marco a été parmi les premiers à reconnaître l’ennemi, non seulement dans l’Etat et ses émanations, mais aussi dans les projets du progrès. Ce dernier est affiché comme une libération, mais il est en réalité porteur de nouvelles formes d’esclavage, du productivisme qui consume les êtres vivants et les territoires, de la technologie. Les tentacules mortifères du progrès enferment les consciences et la planète entière. Marco a su identifier et combattre tout cela dans l’optique d’une transformation concrète et radicale de l’existant. Le fait de ne pas se plier à survivre passivement à la prison, d’être présent dans les luttes, et ses nombreuses suggestions que le mouvement révolutionnaire international a faites siennes, c’est cela, la vie de Marco. Et cela fait aussi partie de la notre et de celle de tous ceux qui sentent l’appel de la rébellion et de la liberté.
Libération anticipée

Jusqu’à il y a une dizaine d’années, la procédure pénitentiaire suisse prévoyait la possibilité pour le détenu de sortir une fois les deux tiers de la peine effectuée. L’octroi de cette réduction était presqueautomatique, tant qu’il n’y avait pas de signalement de « mauvaise conduite » du détenu de la part des autorités pénitentiaires.
Progressivement, l’application de cette libération anticipée est devenue de plus en plus restrictive, spécialement suite à l’introduction d’une commission spécifique qui évalue si le détenu a été suffisamment « rééduqué ». Les critères décisionnels ne se basent pas exclusivement sur l’absence d’infractions au règlement carcéral, mais vont jusqu’au point de mettre en examen l’individu, aussi dans sa sphère plus intime, en lui imposant par exemple une expertise psychiatrique.
Naturellement, dans le cas de Marco, le « repentir » comprend la renonciation à son identité politique de révolutionnaire prisonnier.
La fin de la peine est prévue pour mai 2018, la libération anticipée aurait donc été possible en mai 2012.
En janvier 2012, l’annonce du rejet de sa demande est tombée.

Voici sa nouvelle adresse pour lui écrire :

Marco Camenisch
PF 1
CH – 9466 Sennwald
(Switzerland)

P.-S.

À qui ne me connaît pas directement, un petit avertissement à prendre avec un sourire bienveillant mais aussi au sérieux : ne vous faites pas ensorceler par ce que je représente comme figure. J’ai aussi essayé, à ma propre mesure, d’aller jusqu’au bout en me mettant en jeux. Chose que, pourtant, on ne devrait pas considérer comme exceptionnelle, mais comme une normalité si on se mesure de manière terre à terre à ce qu’on sait, veut, devons être.
Marco Camenisch
prison de Lenzburg, 10 avril 2012

Dans le ventre de l’ogre

Procès de la destruction de la maquette de la maxi-prison de haren.

Vendredi 22 janvier 2016, arrivée au palais de justice, ça commence.

Deux camionnettes de keufs sont stationnés sur l’esplanade. Entrée. Premier contrôle des affaires, puis faut se retaper une prise d’identité à l’entrée de la salle et un scan au détecteur. Une personne venue pour le procès sera d’ailleurs arrêtée et enfermée durant toute l’audience sous prétexte d’un défaut de pièce d’identité. Ficher, faire chier, c’est pour ça qu’ils sont là.

On rentre dans la salle. tout le beau monde est en place. Une vice présidente, deux juges, la procureure et les avocatEs. Faut ajouter à ça, les 4 flics en civil et deux autres en uniformes qui sont rester au fond de la salle pendant l’audience. Il ne manquaient que les deux journalistes de télébruxelles pour compléter le tableaux. Alors qu’on leur rappelle qu’elles ne sont pas les bienvenues, que personne ne veut être ni filmé ni leur parler, elles décident de rester et invoque la « liberté de la presse ». Liberté de raconter de la merde ! Les vautours ont filmé des gens rentrer et pris des images par l’entrebâillement de la porte, mais malgré leur insistance, personne ne leur a parlé. Elles avaient l’air de s’en offusquer, peut être pas l’habitude d’être remballée.

Du haut de leur toute puissance, le cerveau en manque d’oxygène, les médias n’arrivent pas à comprendre qu’on ne veut pas faire partie de leur jeu. Toujours à cracher sur les indésirables, leur spectacle est toujours complaisant avec ceux qui s’en mettent plein les poches. Chien de garde ou plutôt toutou à leur mai-maitres, ils savent ce qu’il faut dire ou pas pour garder les relations privilégiées qui leur garantiront une place dans les salles du pouvoir. Gardant précautionneusement le silence sur les causes profondes des événement qu’ils mettent en avant.

Retour dans la salle. Le protocole se met en route. C’est comme à l’école, faut se lever quand les juges rentrent dans la classe, faut se taire pendant qu’ils racontent leur conneries. La juge se met à poser des questions, elle refait le déroulé de l’action, en choisissant bien sûr la version des flics pour décrire les choses. Ne semblant même plus s’en rendre compte, elle se vexe quand son parti pris est relevé. Elle espérait peut être faire croire à une quelconque objectivité des faits ? La blague. Elle parle aussi des « statuts » (travail, situation). Les échanges sont assez court.

Ca continue avec la procureure qui commence par préciser qu’il ne s’agit pas d’un procès politique, et qu’elle ne veut surtout pas que la cour croit qu’il s’agit de condamner des idées. oui oui bien sûr. C’est vrai qu’en démocratie on respecte la contestation tout ça tout ça. Tant que c’est fait dans leur règle, tant que ça ne bouscule pas leur pouvoir, tant qu’on utilise les outils qu’ils nous mettent gentiment entre les mains, on peut toujours crier sagement et la paix sociale sera bien gardée. D’ailleurs pour la défense c’est pareil. Si tu cherches à ne pas être condamné faudra passé par leur code, leur vocabulaire et trouver l’argent pour les avocats. Autant de moyens pour nous dépossédés de nos vies et nous mettre à leur merci. Ils peuvent bien s’étouffer avec leur hypocrisie et sois disant impartialité ! Rien n’est neutre, tout est chargé. Pas dupe, on se regarde en chien de faïence et croire qu’on cherche à leur plaire serait la thèse la plus erronée, comme dirait l’autre.

Ensuite elle rentre dans le vif. Elle raconte n’importe quoi, se contredit en utilisant le témoignage du vigile, seul témoin de leur côté, et le surinterprète aussi. Pas étonnant. c’est qu’il s’agit de faire passer l’idée que le groupe avait une attitude menaçante qui a favorisé la destruction de la maquette. En vrai, elles n’ont rien mais faut quand même trouver quelque chose pour pouvoir condamner. alors la « complicité » et « l’incitation à » quand on a pas de preuve matérielle semble devenir monnaie courante. Au moment de parler des peines, elle argumente qu’il ne faudrait pas donner du ferme mais ironise sur le fait qu’un séjour dans les prisons insalubres de st gilles ou de forest permettrait pourtant de faire constater la nécessité de nouvelles taules. Elle veut mettre 150 heures de travaux d’intérêt généraux dans une institution style la régie des bâtiments histoire de faire comprendre l’utilité du système carcéral, réparer le préjudice et permettre ainsi de réintégrer cette « vénérable société ». Trop sympa, bon sauf que personne à envie de travailler pour eux. C’est l’acquittement qui est plaidé, au pire une suspension du prononcé, même si au final, elles trancheront.

Le verdict pour le volet pénal se fait le 19 février. Et le volet civil (les dédommagements pour la maquette) n’aura lieu que plus tard étant donné que l’avocat de la régie des bâtiments a demander un report d’audience. Le temps, probablement, de faire apparaître le fameux contrat de construction de la maxi-prison, toujours invisible pour le moment. Ce contrat étant censé prouver que la régie est propriétaire de la maquette détruite.

La séance se clôture et tout ça n’est rien à côté de toutes les vies brisées par cette justice qui condamne à tout va. Tapant sur ceux qu’elle fout déjà dans la merde au quotidien. Tellement déconnecté, ils ne captent pas l’absurdité de leur logique comme quand, pendant un procès, ils reprochent à un sans papiers de travailler au noir, ou à un jeune racisé de dealer pour se faire des thunes. Faut respecter leur règle : « les sans papiers c’est dehors », et l’argent ça se gagne dans le cadre de l’esclavage légal. Humiliant et discriminant les gens coincés dans leur filet, ils aiment à rappeler aux indésirables qu’ils peuvent réduire leur vies au périmètre d’une cellule, ou les enchaîner au travail pour payer les quelconques dédommagement ou peines. Faudrait pas qu’ils s’étonnent ensuite quand les coups de bâton se retournent contre eux.

Que crève leur justice, leurs prisons et le monde qu’elles protègent !
Force et courage à touTEs les révoltéEs, dedans comme dehors, battons nous contre le monde qu’ils essayent de nous imposer.

[Repris de Indymedia Bruxelles, http://bxl.indymedia.org/spip.php?article9990&lang=fr]

a lire aussi à la cavale avec beaucoup de textes contre toutes les prisons et ce dispositif* et le monde qui va avec
* note– pourquoi ce mot: »J’appelle dispositif tout ce qui a, d’une manière ou d’une autre, la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants ». Giorgio Agamben

Nantes & Rennes] Tags et attaques de la mairie suite à la décision d’expulser les habitant-es de la ZAD – 25 janvier 2016

lu sur indymedia nantes
Nous étions plus ou moins 200 (à la louche) présentes à lav fac suite à la décision de la justice permettant l’expulsion des paysan.nes et habitant.es historiques de la Zad. Après un courte assemblé nous sommes partis en manif vers le centre ville.

L’ambiance était plutôt détendus. Le bruit des bombes de peintures a été, durant toute la durée du défilé, accompagné par les slogans, les discutions entre ami.es, les chants, et le son du ukulélé. On y à croisé une bonne part de ce qui fait la diversité du mouvement pour la Zad et contre le monde de l’aéroport: un bon nombre de jeunes, des étudiant.es, des membres de partis qui nous on fait le plaisir de ranger leurs drapeaux, des cheveux gris, de joyeuses bandes d’ami.es vetus de noir et tapant dans leur mains en chantant, des paysan.es déterminé, un acharné du mégaphone, quelques vélos et quelques passant.es attiré par cet petite foule diverses et déterminé.

Le commissariat de la rue de Penhoët à été redécoré une nouvelle fois, la caméras qui venait juste d’être changé à parait-il été de nouveaux neutralisé.

Après un petit tours par les halles Martenots, le cortège à poursuivis jusqu’à la rue des fosses ou il à été bloqué par l’équipé des bleus qui protégeais la préfecture de région.
Ayant mieux à faire que de se battre à ce moment contre un tel adversaire, la manifestation s’en est retourné vers la mairie ou au moins deux extincteurs de peintures sont venus donner un peut de couleur à ce bâtiment où quelques mois avant Natalie Appéré avais réaffirmé son soutien au projet.

Tout ceci aurais pus en rester là, mais des robocops ont déboulé du haut de la place de la maire pointant à auteur de visage flashball et lanceurs de lacrymogènes. La petite foule s’est donc empressé de rejoindre le bas de la place ou l’attendais les armes à la main des membres de la BAC bien décidé à s’en servir.

Et pour tout dire la suite à plutôt été une grosse débandade. Si les premières personnes on pus atteindre la rue de Coëtquen sans trop de soucis malgré les chaînes présentes dans ce coin de la place et le décrochage de plus ou moins un mètre selon les endroit. Les dernier.es n’ont pas eut cette chance.

De nombreuses personnes ont pris des coups de tonfas, on a vus plusieurs personnes à terre ratonné par la BAC et plusieurs personnes on été touchés par des tires de flashball.

Je n’ai pas connaissance d’arrestations à cet heure, mais on compte plusieurs blessés dont des hématomes dus au tonfas et aux matraques télescopiques, une personne ayant eu la jambe ouverte une personne blessé à la main par un tire de flashball alors qu’elle tentais de venir en aide à une personne à terre.

Ceci n’est qu’un premier retour n’hésitez pas à compléter.

On vois dans cette opération policières la même logique de vengeance d’État que lors de nombreuses autres manifestations par le passé.
Cette charge qui arrive alors que le groupe est sur le point de se disperser n’avais pas tant pour objectif de mètre fin au rassemblement que de nous punir de manière extra judiciaire. On tape dans le tas sur tout.es ce.lles qui passe à porté afin de marquer les esprits durablement. Voila leur discourt: l’État est plus fort que vous, nos cerbères peuvent vous blesser vous mutiler, alors rentrez chez vous et si vous n’êtes pas content.es soulagez vous dans l’isoloir, mais surtout n’allez pas vous organiser par et pour vous mêmes.

Le mouvement vas devoir se poser la question de la réponse à envisager contre cette stratégie de terreur qui marque aussi bien les individu.es dans leur chaire que le corps collectif. De nombreuses formes ont étés tentés par le passé et je ne doute pas que d’autres encore seront imaginés à l’avenir.

La lutte seras dure. Continuons à nous organiser pour que nos espoirs et nos colères soit plus fortes que les matraques du capital.

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Commentaire(s)
> sans aucun doute

Comment Publié: le mardi 26 janvier 2016 à 05:58 par vio vio

La mairie (ou la police) va faire tout un plat de combien coûte le nettoyage de toute cette peinture et de tous ces tags (ma bonne dame … hastag #larme à l’œil #rennesvandales #zadist #teroristes #khmers verts) , campagne qui sera reprise et diffusée par les journa-flics de ouest torch et par aussi des militant-e-s des partis de gogoche

Ceci passera sous silence l’ultra violence habituelle des forces du désordre bourgeois

DE L’UTILITE’ DU TERRORISME Considérée par rapport à l’usage qu’on en fait

Chômage et précarité

                                                                                                                                                                                                                                                                                                

Gianfranco Sanguinetti

 

DE L’UTILITE’ DU TERRORISME Considérée par rapport à l’usage qu’on en fait

 

Il est bien triste, de notre temps, de voir l’avancée de la barbarie dans les mœurs sociales, ainsi que l’abêtissement moral des individus, lesquels ne s’épargnent aucune bassesse : dans ce nouvel univers éthique, la concurrence n’est plus attisée par l’excellence et l’émulation, mais bien par l’abaissement et le dénigrement systématique des autres, et on n’a plus de scrupules à atteindre sa cible par la calomnie et l’ingratitude. D’autant que cette attitude calomniatrice, cette cynique ingratitude qui frappe ceux envers qui on se sent obligés, ne se limite plus seulement aux autres individus, mais elle s’étend aujourd’hui même aux choses, et finalement aussi jusqu’aux mots eux-mêmes qui désignent les choses. Or, je ne veux pas prétendre que les mots soient forcément innocents : mais j’invoque pour eux aussi un juste procès avant de les condamner comme coupables.

 

Prenons le cas du mot « terrorisme », inventé d’ailleurs par les Français en 1793. Si nous le considérons sans préjugés, nous sommes contraints de dénoncer aujourd’hui un paradoxe indéniable : le terrorisme est calomnié quotidiennement par tous les bénéficiaires de la chose même, bien plus qu’il n’est critiqué par ceux qui le subissent ; et d’une manière encore plus virulente par ceux-là mêmes qui le commanditent, en profitent, le dirigent et l’imposent aux populations victimes. Bien injustement, disons-nous, car c’est grâce au terrorisme que ces démiurges gouvernent aujourd’hui le monde, légifèrent, torturent, exécutent, s’enrichissent et prospèrent en extorquant la licence la plus effrénée dans le commandement du monde, licence dont ils ne pourraient pas jouir sans lui.

 

Il est aussi triste de constater l’ingratitude, où qu’elle apparaisse ; mais plus triste encore est de la voir à l’œuvre lorsque les ingrats persévèrent de manière effrontée à tirer de si grands bénéfices de la chose calomniée. Pour peu qu’on considère les choses avec un esprit un tant soit peu équitable et impartial, on admettra que jamais le faible Président français, avec son indigent gouvernement, n’aurait pu imposer à la France toutes les mesures anticonstitutionnelles et extra juridiques qu’il a pu adopter grâce à l’opération Charlie et au 13.11 – mesures toujours difficiles à imposer, mais réclamées par ceux auxquels Hollande doit obéir. Grâce à cela, le plus faible et impopulaire gouvernement que la France ait peut-être jamais connu, peut déclencher impunément des guerres et des coups d’Etat à l’extérieur, à l’intérieur instaurer l’état d’urgence, soit la suspension des libertés civiles, ce qui constitue le rêve secret de la plupart des gouvernements du monde.

 

Force est de constater que le Président français, ainsi que ceux auxquels il doit rendre compte, ont une dette de reconnaissance infinie envers le terrorisme, qu’ils n’arrêtent pas de si injustement calomnier comme s’il était l’origine de tous les maux, alors que, bien au contraire, il est la source de tout le pouvoir excédentaire et extraordinaire qu’ils viennent de s’arroger contre la société, et ce sans opposition.

Il est donc consternant de voir l’ingratitude avoir la hardiesse de se transformer en pure hypocrisie, et l’hypocrisie en pouvoir constitué.

 

Considérons maintenant sans préjugés les autres avantages que le terrorisme procure à ceux qui le condamnent hypocritement.

Face au terrorisme, il n’y a plus de risque de révolte dans les banlieues françaises, bien que les raisons de se révolter soient  encore plus aigues, eu égard aux soulèvements qui, voici dix ans, ont tant préoccupé les responsables politiques. Mais il y a d’autres avantages.

Face au terrorisme, les luttes des classes et les grèves deviennent autant d’actes d’insubordination, que l’on peut mater sur le champ, sans d’autres formalités, et ainsi aisément imposer une sorte de paix sociale, une paix armée – d’accord – mais armée d’un seul côté.

Grâce au terrorisme on peut contraindre quiconque à s’enfermer chez soi, criminaliser toute situation, inculper et condamner arbitrairement toute personne, fouiller où l’on veut et quand on veut, maisons et Internet, tuer à volonté, torturer, assigner à résidence, imposer une censure stricte, sans risque de soulever l’indignation, les critiques, ou l’opposition.

Grâce au terrorisme, l’Etat, et ses bénéficiaires politiques, deviennent comme par enchantement « bons », car, après avoir sacrifié une petite portion de la population, ils peuvent s’ériger fièrement et vertueusement en protecteurs de la population restante. Le terrorisme devient ainsi la pierre philosophale enfin trouvée qui sanctifie le pouvoir, édifie les politiciens et blanchit légalement la protection mafieuse des sujets à laquelle tout Etat aspire.

 

Avec la paix sociale acquise à l’intérieur grâce au terrorisme, l’économie redémarre, ainsi que les profits, et on peut faire de succulentes affaires à l’étranger, en vendant par exemple des avions Rafale, autrement invendables, aux grands bailleurs de fonds pour le terrorisme. Ainsi que le proclama angéliquement et rondement le PDG de Dassault, après l’opération Charlie, « Les astres étant plutôt bien alignés maintenant, on va essayer de pousser l’avantage pour essayer d’avoir un quatrième contrat avant la fin de  l’année[1] ». Mais les avantages du terrorisme pour l’économie sont multiples et ils ne s’arrêtent pas là. A l’extérieur, grâce aux armées terroristes mises en place (Boko Haram, Al Queda, E.I.), l’Occident remporte grand profit dans le pillage du Tiers Monde.

 

Un philosophe produit des idées, un poète des poèmes, un prêtre des sermons, un professeur des traités, etc. Le terrorisme produit des attentats. Si l’on regarde de plus près le rapport de cette dernière branche de la production à l’ensemble de la société, on reviendra de bien de préjugés. Le terrorisme ne produit pas seulement des attentats, mais aussi toute la législation antiterroriste, des juristes pour écrire les lois, des journalistes pour intoxiquer l’opinion publique, des programmes de télévision, des films, des magistrats spécialisés, des policiers expérimentés dans la répression du terrorisme, des professeurs qui donnent des cours universitaires et publient les inévitables traités, des psychologues, des romans sur la soumission, et ces livres et films, etc., sont jetés comme marchandises sur le marché général. Il se produit de la sorte une augmentation de la richesse nationale.

 

Le terrorisme produit d’autre part tout l’antiterrorisme, la justice criminelle, les sbires, prisons,  juges, bourreaux, jurés, et toute une branche de l’industrie et des services sécuritaires. Et tous ces différents corps de métiers, qui constituent autant de catégories de la division sociale du travail, développent des capacités différentes de l’esprit humain, créent des nouveaux besoins et, corrélativement, des nouveaux modes de satisfaction. Ainsi la torture a donné lieu aux inventions mécaniques les plus fécondes, et elle a occupé nombre d’honnêtes artisans dans la production de ces instruments.

 

Le terrorisme produit un effet tantôt moral, tantôt tragique, c’est selon ; ainsi rend-il service aux sentiments moraux et esthétiques du public et de la classe politique, à laquelle il fournit toujours l’occasion de se déchaîner contre quelque chose de plus évidemment immoral qu’elle-même.

Le terrorisme rompt la monotonie et la sécurité quotidienne et banale de la vie bourgeoise. Il empêche la stagnation et suscite cette tension et cette mobilité inquiètes, sans lesquelles l’aiguillon de la concurrence lui-même s’émousserait. Il stimule ainsi les forces productives, fait bouger les finances, électrise la Bourse.

 

Alors que le terrorisme, lorsqu’il est pratiqué à grande échelle, élimine une partie excédentaire de la population du marché du travail, diminuant en conséquence la concurrence parmi les travailleurs, il empêche en même temps, lorsqu’il fait beaucoup de dégâts et de victimes, le salaire de tomber au-dessous du minimum, pendant que la lutte contre le terrorisme absorbe une autre partie de cette même population, réduisant ainsi le chômage. En tous cas le terrorisme, étant toujours la mise en scène d’une guerre civile afin de l’éviter, ilépargne en tous cas, par rapport à celle-ci, beaucoup de morts.

 

Le terrorisme n’est pas seulement utile, mais il est aussi nécessaire, comme le mal. On sait que ce que nous appelons le mal c’est le grand principe qui fait de nous des êtres sociaux, c’est la base, la vie et le point d’appui de toutes les occupations sans exception ; c’est ici qu’il faut chercher la véritable origine de tous les arts et de toutes les sciences ; et, du moment où le mal n’existerait plus, la société serait condamnée au déclin, sinon à périr totalement.

 

Le terrorisme, se présentant ainsi comme le mal et l’horreur extrême, la quintessence d’une horreur mystérieuse, cruelle, énigmatique et inexplicable, qui frappe aveuglément et particulièrement les innocents, prétend concentrer en soi-même tout le mal. Et, attirant tous les regards sur soi, il a l’avantage extraordinaire de distraire l’attention du public de toutes les autres horreurs, qu’il éclipse, qu’il relativise et rend moins inacceptables, vis-à-vis de la peur qu’il distribue à tout va et inspire. Grâce à cette peur, il devient facile et « justifiable » pour tout gouvernement d’introduire et d’imposer des lois exceptionnelles, qui limitent et anéantissent toute liberté précédemment donnée pour acquise aux  citoyens, et ce « pour leur bien ». Inversement, les Etats, qui se servent du terrorisme, et s’en font un paravent octroient aux gouvernants  l’optimum de liberté, tandis que la société devient malléable et se soumet à un nouveau système institutionnel, formellement identique, mais en réalité complètement bouleversé et corrompu. Ceci correspond à l’imposition et à la généralisation en Occident, dans l’indifférence universelle, de régimes post constitutionnels.

 

Les véritables motivations et les buts de tout terrorisme, son utilité, se retrouvent toujours dans ses résultats. Parmi ceux-ci, toutefois, il n’est pas prévu que les peuples le percent à jour et se révoltent face à la tromperie et à l’imposture des narrations officielles des crimes de l’Etat.

 

Raison pour laquelle le premier ministre britannique a demandé officiellement, dans la 69ème Assemblée Générale des Nations Unies le 24 septembre 2014, qu’on poursuive, au même titre que les terroristes, les « extrémistes non violents » qui mettent en question la version officielle des attentats du 11.9 aux U.S.A. et du 7.7 à Londres, en tant que responsables de la corruption de « jeunes esprits ». On introduit ainsi officiellement, pour la première fois dans l’histoire, le fameux psycho-crime (thoughtcrime ou crimethink) orwellien qui permet aux Etats d’arrêter, torturer et éliminer quiconque met en doute sa narration des massacres terroristes.

 

Pour conclure, j’ajouterai seulement que l’utilité du terrorisme, pour tous les Etats qui en tirent parti, le pratiquent et le couvrent solidairement, ressort si clairement de ce qui précède qu’elle n’a plus besoin de démonstration ultérieure. Inversement, comme preuve a contrario, on pourrait se demander pourquoi les Etats ont recours au terrorisme s’il ne leur était pas si utile ?

 

Le 8 décembre 2015.

 

Modifié le 22 janvier 2016

Adresse aux défenseurs du projet de construction d’un Center Parcs à Roybon suite aux violences commises en leur nom

note: Aa lafin de ce long copié collé le texte complet de l’adresse en PDF

Adresse à ceux qui soutiennent le projet de
construction du Center Parcs de Roybon et
qui sauraient encore entendre raison

Avant de formuler mes griefs contre ce projet que vous défendez, et de vous faire part de
mes plus profondes inquiétudes à votre égard, étant donné le climat de violence auquel
certains d’entre vous participent concrètement, il me paraît vraiment important de
rappeler la nature des problèmes auxquels notre époque se trouve confrontée, et de
situer le contexte dans lequel ce projet est porté. « 700 emplois » peuvent paraître une
aubaine si notre attention s’y attache de manière exclusive empéchant de considérer ce
que nous ne voyons plus ; un peu comme lorsque notre regard se concentre sur la tache
qui trône au milieu du pare-brise et qui nous masque la route qui défile et la succession
de zones industrielles, commerciales et d’habitations en tout genre traversées.
Dans quel genre de monde vivons-nous ?
Dans son œuvre principale de 1776 Recherches sur la nature et les causes de la richesse
des nations, Adam Smith disait : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du
marchand de bière et du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du
soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité,
mais à leur égoïsme ; et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est
toujours de leur avantage. »
Près de 250 ans plus tard, la puissance productive développée de cette façon,
socialement et techniquement séparée des individus, affecte tous les aspects de la vie. Le
monde qui se trouve aujourd’hui dans l’obligation de créer des emplois – non pour
satisfaire impérativement nos besoins, mais pour maintenir les rapports sociaux
capitalistes – a engendré maints dommages et catastrophes environnementaux et
humains au cours des 60 dernières années. 1 Sans oublier le mal-être général de nos
Comme à Kyshtym et Windscale (rebaptisée Sellafield) en 1957, Three Mile Island en 1979, Tchernobyl en 1986 et Fukushima en 2011. Comme avec le Torrey Canyon en 1967, l’Amoco Cadiz en 1978, l’Exxon Valdez en 1989, l’Erika en 1999, le Prestige en 2002 ou l’explosion de la plate-forme de forage Deepwater
Horizon en 2010. Comme aussi à Flixborough en 1974, à Seveso en 1976, à Bhopal en 1984, à Channelview en 1990 et à Toulouse en 2001.
Comme avec les affaires de la vache folle, de l’hormone de croissance, de l’amiante et de la dioxine. Ou encore les pluies acides, la modification du climat due aux gaz à effets de serre qui se traduit par une augmentation de la fréquence des sécheresses, des inondations, des ouragans partout dans le monde ; l’augmentation du nombre des cancers (et notamment des cancers professionnels), de nouvelles maladies ; la baisse de la qualité du sperme, le nombre d’allergies qui a doublé en quinze ans et les épidémies à bactéries résistantes aux antibiotiques… les contemporains qui se trouvent dépossédés par l’organisation et la complexité de notre
société qui délabrent la vie sociale et aussi intellectuelle.
En effet, nos capacités à appréhender et comprendre la vie qu’on nous dit devoir mener
sont affectées, et encore plus dans le contexte de crise actuel. C’est centralement notre
bon sens qui est mis à mal. Voyons-nous que cette économie présente ses fondements
comme indiscutables, comme si elle était régie par des lois naturelles ? Qu’elle nous
propose invariablement comme solution à la crise qu’elle a engendrée de continuer à
produire sans discernement et valoriser tout ce qui existe ? Qu’elle impose ses seuls
critères de fonctionnement pour remédier à un mal dont elle est la cause ?
En réalité la production ne sert qu’en partie à la satisfaction des besoins primordiaux
des hommes qu’elle tente de convaincre de mille manières de consommer des quantités
colossales de marchandises à partir de la création de pseudo besoins. Elle a
fondamentalement pour seul but de transformer cent euros en cent-dix, et ensuite en
cent-vingt, etc., c’est-à-dire de passer de l’argent à davantage d’argent, de produire de la
valeur à partir du travail humain transformé en simple quantité indifférenciée. Et, à une
échelle toujours plus large depuis plus de quarante ans, ce processus est mû par un
dynamisme aveugle qui consomme les énergies humaines et les ressources naturelles
jusqu’à plus soif. Où sont désormais les limites ? Qui contrôle ce mécanisme
autoréférentiel qui sacrifie le monde concret à une abstraction fétichisée ?
C’est la marchandisation des nerfs, des muscles et du cerveau des hommes qui engendre
toutes les autres, et bientôt celle de l’air que nous respirons. On veut bien entendre que
l’économie des hommes dévaste le monde physique, peut-être irrémédiablement, et que
les lois du marché qui entretiennent les inégalités sociales sont parfois scandaleuses ;
mais on ne veut pas voir que le fondement du marché repose sur la vente et l’achat de
notre force de travail, cette première occurrence de la marchandisation des rapports
sociaux, et que c’est de là qu’il faut partir pour se dégager du chantage qu’on exerce sur
les chômeurs. L’obligation de travailler – et par conséquent de trouver un emploi à tout
prix, sans discuter de sa nature et de ses conséquences – taraude l’esprit de nos
contemporains qui ne font pas la relation entre la fonction du travail en société
capitaliste, le chantage qui est exercé à partir de lui quand cette marchandise-là vient à
manquer, et les dégradations environnementales, sociales et humaines.
Ainsi, les problèmes liés à l’urbanisation galopante (78 000 ha par an aujourd’hui dans
notre pays contre 40 000 dans les années soixante), à la déforestation, au déclin des
populations des espèces sauvages (52% entre 1970 et 2010 dans le monde), à
l’augmentation du nombre d’espèces disparaissant chaque année, ou encore aux graves
pénuries d’eau que connaît un tiers de la population mondiale (2,7 milliards de
personnes pendant au moins un mois par an) paraissent bien loin des emplois envisagés
qui justifieraient à eux seuls, selon votre avis, la construction du Center Parcs.
2Le malheur n’est pas seulement dans la disparition du bois des Avenières ni dans tous
les problèmes environnementaux qui y sont liés ; il est aussi dans le fait que la société
puisse accepter ou imaginer une aberration de plus sans se poser la question de son
utilité sociale. Comment peut-on imaginer de réaliser un centre commercial à 29°C toute
l’année avec ses parkings totalisant 2300 places, loin de toute urbanisation, en pleine
forêt, sur une zone humide, en tête de bassin versant alors qu’aucune demande sociale
réelle n’avait été formulée par les habitants auparavant ? La construction du Center
Parcs avec ses 1023 bungalows et sa bulle tropicale a-t-elle une autre utilité sociale pour
les riverains que de répondre aux besoins de créer des emplois ? Devrions-nous alors
continuer à faire creuser inutilement des trous dans le sol pour ensuite les remplir, pour
uniquement faire travailler, non pas « ceux qui ont envie de travailler », mais plutôt
ceux qui ont besoin d’un salaire pour survivre ? La voie désastreuse de l’économisme
marchand qui ravage notre environnement, détériore aussi les conditions sociales, broie
des vies et crée du chômage. Mais le besoin de survivre est bien évidemment essentiel
pour le chômeur. Paradoxalement ce n’est pas lui qu’on entend le plus défendre le projet
de construction du Center Parcs de Roybon
De la déraison touristique
L’association de soutien au projet qui s’est constituée officiellement en mai 2012 à
Roybon comptait essentiellement des artisans et des commerçants. Mais le chef
d’orchestre est ailleurs ! Cette association et les intérêts qu’elle défend ne sont que la
partie visible de l’iceberg.Ses adhérents ne sont que des petites mains au service des intérêts de la grande industrie
et de l’État qui garantit la « paix sociale » indispensable à la bonne marche du montage
économique mis en route dans les Chambarans. Quels sont donc les acteurs de la grande
industrie qui agissent pour ce qui nous concerne ?
En 2008, Christine Lagarde, alors ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, et
Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la Consommation et du Tourisme, ont réuni un
groupe de travail constitué de « chefs d’entreprise de dimension internationale et de
personnalités qualifiées en matière de tourisme et d’attractivité du territoire »
pour réaliser une étude prospective sur le tourisme en France dans le cadre du plan
stratégique « Destination France 2020 ». Cette étude devait couvrir l’ensemble du
secteur du tourisme et des voyages, sur l’ensemble de la chaîne du tourisme : transport,
hébergement, loisirs, restauration etc. La mission globale avait pour objectif de
répondre à trois questions précises : « Quel sera le touriste de 2020 ? Quelle France
veut-on lui vendre ? Comment adapter l’outil existant pour y parvenir ? » 2 Parmi
http://www.tourmag.com/Destination-France-2020-C-Lagarde-et-L-Chatel-reunissent-un-groupe-de-Travail_a24240.html

les chefs de dimension internationale qui composaient ce groupe de travail, Gérard
Brémond, le Président du groupe Pierre & Vacances – Center Parcs, proposait très
sérieusement à une journaliste du Dauphiné Libéré cette piste de réflexion : « Il s’agit de
définir des objectifs d’évolution de l’offre touristique par rapport à la concurrence
mondiale. Des rénovations, des adaptations sont nécessaires. En termes
d’aménagement du territoire d’abord, car aujourd’hui 20% du territoire
hexagonal accueille 80% des touristes. Ce qui veut dire qu’il y a un or vert :
l’intérieur du territoire offre des potentialités énormes. »
Une France à vendre au chaland, 80 % du territoire avec des potentialités énormes
restant à exploiter, un or vert pour faire rêver le boutiquier. Les ambitions sont claires et
à la hauteur d’un Brémond qui s’est ensuite donné les moyens de les concrétiser !
Aujourd’hui les projets de Center Parcs font florès en France. Après le cinquième Center
Parcs qui ouvrira ses portes cette année 2015 dans la Vienne, plusieurs projets sont en
cours : à Roybon bien sûr, dans le Jura, en Saône-et-Loire ou encore dans le Lot-et-
Garonne. À ces nombreux projets que le promoteur espère ajouter aux 300 sites existant
déjà en Europe et en Méditerranée, nous devons aussi ajouter le chantier titanesque du
« Villages Nature » qui vient de commencer en Seine-et-Marne où Pierre & Vacances –
Center Parcs, en partenariat avec Euro Disney, espère construire l’un des plus gros sites
touristiques de France. Ce projet prévoit de construire d’ici une dizaine d’années jusqu’à
5500 appartements et cottages, et 150.000 m 2 d’équipements sur 500 hectares, une
surface grande comme deux fois et demi le Center Parcs prévu à Roybon. 4
Selon l’OMT (Organisation mondiale du tourisme), le tourisme est devenu la première
activité économique mondiale devant les industries pétrolières et automobiles. Il
emploie 200 millions de personnes, soit 8 % de l’emploi mondial qui a engendré, en
2006, 733 milliards de dollars US.
Secteur-clé aussi de l’économie française, le tourisme pesait 7,4% du PIB français en
2013 et représentait un solde excédentaire de 10,3 milliards d’euros dans la balance des
paiements. En 2013, le président François Hollande nous dit même que « le tourisme
doit être érigé en grande cause nationale , ce qui suppose d’améliorer l’accueil
dans les aéroports, de renforcer la sécurité, de relever le niveau des équipements
comme celui des prestations ». 5
Alors qu’il est numéro un en nombre de touristes internationaux accueillis (84,7
millions en 2013), le pays affiche « seulement » 42,2 milliards d’euros de recettes
touristiques, ce qui ne le place qu’au 3 e rang mondial, derrière les États-Unis et
3
Interview de Gérard Brémond par la rédaction du Dauphiné Libéré, le 6 mars 2008
(http://chambarans.unblog.fr/2009/09/19/gerard-bremond-il-y-a-un-or-vert-80-du-territoire-reste-inexploite/)
4 Le côté très naturel et énergie « propre » vanté par les promoteurs du projet consiste à chauffer un lagon
extérieur à plus de 30 degrés grâce à de l’eau chaude puisée à 1,8 km sous terre.
(http://lci.tf1.fr/politique/villages-nature-ce-projet-immobilier-conteste-sera-t-il-un-nouveau-8531523.html)
5 http://www.atout-france.fr/actualite/tourisme-doit-devenir-grande-cause-nationale-selon-francois-hollande
4l’Espagne. Cela est visiblement considéré comme inadmissible, et c’est pourquoi il
devient si urgent et primordial d’imposer un contexte favorable et compétitif au
développement du tourisme, et de persuader la société tout entière de cette nécessité.
Le ministre des Affaires étrangères et du Développement international, Laurent Fabius –
le créateur de la notion de diplomatie économique – qui a, par conséquent, endossé le
rôle de promoteur du tourisme, veut que la France accueille 100 millions de touristes
d’ici 2020. Lors de son discours concernant les « contrats de destination » du 16
décembre 2014, il déclarait : « Je commencerai par deux évidences. Premièrement,
le tourisme est un atout majeur pour notre pays – j’emploie souvent le terme de
«trésor national» –, à la fois pour notre redressement économique et pour notre
rayonnement international. Deuxièmement, la France est en matière touristique
un peu comme un élève surdoué qui ne donne pas encore sa pleine mesure : je
suis persuadé que notre pays « peut encore mieux faire » dans ce domaine.
Comment ? En s’organisant davantage et en mettant en commun tous les efforts.
C’est le sens de notre réunion d’aujourd’hui. »
Au nom de cette « compétitivité » du tourisme français sur le plan international et de
« l’attractivité », le projet de loi Macron prévoit la création de « zones touristiques
internationales dans lesquelles le travail le dimanche et en soirée sera possible
toute l’année ». Et le directeur général de l’Alliance 46.2, Frédéric Pierret, déclarait :
« C’est un formidable signal qui est envoyé : la France veut être plus attractive et
accepte de s’ouvrir au monde et au temps des touristes qu’elle accueille ». En
vacances, le touriste serait roi et l’employé, son porteur de valises corvéable à merci
pour que le pays devienne compétitif et attractif, et atteigne le chiffre fatidique des 100
millions de touristes internationaux accueillis, mais aussi pour qu’il gagne la première
place dans le chiffre des recettes touristiques, devant les États-Unis et l’Espagne.
L’employé doit endosser ce merveilleux challenge : tout le monde est d’accord, c’est
important pour le pays, il faut savoir se sacrifier ! 7
L’Alliance 46.2 réunit les grands groupes français soucieux d’attirer davantage de
touristes dans l’Hexagone. 8 La présidence de cette Alliance est assurée par Gérard
Brémond, président de Pierre & Vacances.
http://basedoc.diplomatie.gouv.fr/vues/Kiosque/FranceDiplomatie/kiosque.php?fichier=bafr2014-12-16.html#Chapitre8
http://www.veilleinfotourisme.fr/en-reaction-au-projet-de-loi-macron-presente-ce-mercredi-alliance-46-2-et-l-omt-interroges-par-l-afp-considerent-le-shopping-dominical-comme-un-argument-de-poids-dans-la-bataille-du-tourisme-en-europe–134637.kjsp
Accor (Sofitel, Pullman, MGallery, Grand Mercure, Novotel, Suite Novotel, Mercure, Adagio, ibis, ibis Styles,
ibis budget et hotel F1), la SNCF (gestion et valorisation des gares en France), la Caisse des dépôts (groupe
public au service de l’intérêt général et du développement économique du pays), la BNP Paribas (banque
leader de la zone euro), Yelloh ! village (camping-villages, hôtellerie de plein air, Aéroports de Paris), Elior
(restauration, boutiques et services dans les aéroports, gares, aires d’autoroutes, musées, sites de prestiges et
parcs d’exposition ou de loisirs), Homair Vacances (aménagement de terrains sportifs et de loisirs (golfs) pour
le compte des collectivités locales, aménagement et gestion de campings en Délégation de Service Public,

Cette association s’est créée en février 2014 « pour que la France renforce son
leadership d’attractivité à l’international » 9 . Elle propose « de partager avec les
autorités publiques [sa] capacité de vision stratégique et d’action afin d’intensifier
la croissance du tourisme français pour optimiser ses impacts économiques et
sociaux ». Elle souhaite aussi « constituer une force de réflexion, de propositions et
d’actions pour stimuler la création d’emplois par les activités liées au tourisme et
pour que, dans le débat public, les moyens dédiés à la croissance du tourisme
soient retenus comme une priorité nationale ». Et pour cela bien sûr,
« l’extraordinaire potentiel dont bénéficie notre pays peut contribuer de façon
décisive à la croissance et la création d’emplois s’il parvient à desserrer les freins
qui entravent son développement » 10 [c’est moi qui souligne].
Les défenseurs du projet du Center Parcs de Roybon comprendront mieux pourquoi le
projet de loi Macron espère aujourd’hui un certain « assouplissement » pour obtenir
l’autorisation du travail en soirée et le dimanche. Le promoteur du projet et président de
Pierre & Vacances, Brémond-les-dents-longues, s’intéresse de près à l’assujetissement
des travailleurs en général et plus particulièrement à celui de ses employés. Les 700
emplois proposés par le projet de Roybon feraient travailler les petites mains de
l’orpailleur.
Vous qui soutenez son projet de construction de la bulle à 29 °C, vous serez son commis
tandis que le touriste ne serait plus qu’un lécheur de vitrines faisant du shopping. Dans
le journal très libéral l’Opinion, qui consacrait le 9 décembre 2014 un article à la loi
Macron et le travail du dimanche, Frédéric Pierret, directeur général de l’association
Alliance 46.2 soutenait ceci : « Depuis 20 ans est apparue une nouvelle forme de
tourisme dite tourisme de shopping. Autrefois, les touristes consommaient, mais
mobil-homes), la Compagnie des Alpes (leader de l’industrie des loisirs ; à la tête de 11 domaines skiables
parmi les plus prisés du monde, et de 15 parcs de loisirs renommés), l’APST (Association Professionnelle de
Solidarité du Tourisme : Agences de Voyages Distributrices, Tour Opérateurs, Agences de Voyages Réceptives,
Agences de Voyages Tourisme d’Affaires, Agences de Voyages de Groupes et d’incentives, Offices de Tourisme,
Comités Régionaux et Départementaux de Tourisme, Syndicats d’Initiative, Croisiéristes, Hôteliers,
Autocaristes…) les Galeries Lafayette (leader du commerce de centre-ville et spécialiste de la mode), Lagardère
(2 700 magasins au sein de plus de 140 aéroports et de 700 gares ; commerces pour les voyageurs: duty free et
luxe, essentiels du voyage (Relay) et restauration), le groupe Flo (restauration à thème (Hippopotamus, Bistro
romain, Tablapizza, Taverne maître kanter) et grandes brasseries parisiennes (La Coupole, Bofinger, le Bœuf sur
le Toit, Le Vaudeville), le groupe Lucien Barrière (hôtels de luxe et Casinos), Kering (leader mondial de
l’habillement et des accessoires de luxe (Gucci, Bottega Veneta, Saint Laurent, Alexander McQueen,
Balenciaga, etc.) et de sport (Puma, Volcom, Cobra, Electric et Tretorn)), GL Events (événement, congrés,
salons, expositions, manifestation culturels, sportifs ou politiques), Euro Disney (Disneyland® Paris), le groupe
CityVision (excursions pour découvrir, avec ou sans guides, les plus grands sites touristiques français), Viparis
(filiale d’Unibail –Rodamco et de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris fédérant les principaux sites
d’accueil à Paris pour les salons, les congrès, les événements d’entreprises et les spectacles) le Club
Méditerranée (leader mondial des vacances Tout Compris), et bien sûr l’incontournable Pierre et Vacances –
Center Parcs (Pierre & Vacances et ses labels premium et villages clubs, Maeva, Center Parcs, Sunparks,
Aparthotels Adagio et sa gamme Access).
9 http://www.tourmag.com/Alliance-46-2-19-entreprises-du-tourisme-s-associent-pour-renforcer-l-attractivite-de-la-France_a64688.html
10 http://www.alliance462.org/vision.html
6il s’agissait surtout d’achats d’opportunité. Désormais, pour certaines clientèles,
le shopping est un but de voyage en lui-même. Dans un séjour, la majorité des
touristes se réservent une demi-journée voire une journée pour visiter des
boutiques, même s’ils n’achètent pas forcément dans chacune d’entre elles. Le
shopping est, en soi, une activité touristique ». C’est une manière de dire que le
commerce et le tourisme sont intimement liés et qu’il sera essentiel de « desserrer les
freins » qui empêchent les commerces d’ouvrir en soirée et les dimanches et leurs
employés d’y travailler.
Avec Pierret, Gérard Brémond voudrait attirer le client pour qu’il fasse du shopping et le
faire venir de loin. De très loin. Pierre & Vacances espère même conclure avec le groupe
chinois Beijing Capital Land (BCL) spécialisé dans l’immobilier « un partenariat à long
terme pour développer en Chine et en France des sites touristiques inspirés du
concept Center Parcs ». Mais ce partenariat de Pierre & Vacances avec le groupe
chinois « compte aussi tirer les bénéfices de ce rapprochement sur ses marchés
français et européens. BCL aura pour tâche, aussi, d’envoyer des milliers de
touristes chinois vers les Center Parcs en France et en Europe. » 11 Ceux qui
pensaient encore qu’il s’agissait d’un tourisme de proximité soucieux de
l’environnement comme le martèlent inlassablement certains promoteurs du projet de
Roybon, se sentiront-ils trahis au point de ne plus leur faire confiance ?
36 métiers, 40 misères
Le tourisme et les services qu’il propose – dépendants de l’accès aux nouveaux
territoires à aménager : Brémond laisse entendre qu’il resterait 80 % du territoire
national à exploiter – sont avec les nouvelles technologies et les énergies, les nouveaux
gisements de valeur ajoutée dont on doit tirer profit dans les prochaines décennies. Mais
pour cela, les employés devront participer à cette concurrence redoutable : si on ne veut
pas se faire bouffer par le plombier et le transporteur polonais ni par les Chinois, nous
devons admettre qu’il est essentiel d’accepter la flexibilité au travail et de bas salaires.
C’est probablement la raison pour laquelle les conditions de travail dans les Center Parcs
sont terribles ; et depuis que le projet de Roybon a été rendu public, de nombreuses
grèves dans les différents « Domaines » déjà ouverts dans le pays ont eu lieu.
Tout d’abord dans le Domaine du Lac d’Ailette à Chamouille, près de Laon dans l’Aisne,
qui a essuyé depuis 2008 pas moins de quatre mouvements de grèves liés notamment à
de mauvaises conditions de travail ou à des méthodes employées par la direction qui
seraient selon le délégué syndical CFDT « d’un autre âge ». Il ajoute à propos de la
http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/12/05/bientot-des-center-parcs-en-chine_4534808_3234.html
11
7dernière grève organisée le 10 octobre 2014 que « [la direction] profite de détails
pour licencier ou pousser certains employés à la dépression ». 12
Auparavant, au cours de la grève du vendredi 13 juillet 2012, une soixantaine de
salariés ont distribué des tracts à l’entrée de ce même Center Parcs pour dénoncer des
salaires trop bas, un manque de personnel, une surcharge de travail, un manque de
moyens et une injustice entre les dirigeants et les salariés de base. 13
Le lundi 3 août 2009, une quinzaine de personnes étaient venues sur leur lieu de travail
pour dénoncer les « salaires bas, la surcharge de travail et le manque de personnel
». Les plus déterminés se sont retrouvés sur le site : « Tous les services étaient
représentés, mais une quarantaine de collègues sont restés chez eux. […] Ils nous
ont assuré de leur soutien » 14 . Le porte-parole de la CGT ajoutait : « Les pressions à
Center Parcs sont constantes et énormes ». Il disait aussi : « Nous travaillons
presque tous les week-ends sans aucune compensation, avec des horaires pas
faciles pour la vie de famille. Nous sommes actuellement plus de 280 salariés alors
que nous avons été plus de 300 l’année passée pour autant de travail si ce n’est
plus. Le parc de L’Ailette a pour particularité de ne pas avoir le nettoyage intégré
dans les effectifs. Nous avons une société de nettoyage. Les salariés de cette boîte
trinquent encore plus que nous (c’est peu dire. Nombre d’entre eux sont
actuellement en procédure aux Prud’hommes)».
Soixante-dix employées de cette société de nettoyage (du Groupe K) dont nous parlait ce
délégué CGT avaient en effet manifesté le 9 mai 2008 devant le Center Parcs du Lac
d’Ailette contre certains cadres aux méthodes jugées dégradantes et insultantes : «
Pourquoi nous fouille-t-on systématiquement dès que nous sortons du Parc ? ». Et
aussi : « On nous humilie, on nous rabaisse, on nous insulte plus bas que terre».
Sans oublier la question des cadences : « 118 minutes pour nettoyer une maison
pour 8 personnes, c’est intenable ! » et des « retards dans le versement des
salaires et des absences de régularisation pour des heures effectuées en
supplément ou les jours fériés » 16 …
En Moselle dans le Domaine des Trois Forêts à Hattigny près de Sarrebourg, une
cinquantaine de salariés s’étaient mis en grève le 14 novembre 2011. Comme pour le
Center Parcs du Lac d’Ailette, les salariés se plaignaient ici du manque de
reconnaissance et des conditions de travail : « On est des esclaves, souffle une
Http://www.lunion.com/region/mouvement-de-greve-a-center-parcs-de-chamouille-ia3b26n421223
http://mncp71.fr/mouvement-de-greve-a-center-parcs/
14 : http://chambarans.unblog.fr/2009/08/08/greve-dune-partie-du-personnel-du-center-parcs-de-
laisne-pour-denoncer-les-salaires-bas-la-surcharge-de-travail-et-le-manque-de-personnel/comment-
page-1/
15 http://chambarans.unblog.fr/2009/08/08/greve-dune-partie-du-personnel-du-center-parcs-de-laisne-
pour-denoncer-les-salaires-bas-la-surcharge-de-travail-et-le-manque-de-personnel/comment-page-1/
16 http://chambarans.unblog.fr/2009/08/09/une-entreprise-de-nettoyage-peu-scrupuleuse-du-droit-pour-le-center-parcs-de-laisne/

une manifestante. On travaille trois week-ends par mois et on n’a aucune
reconnaissance. » Les femmes de ménage dénonçaient : « On commence à la piscine à
5 h jusqu’à 9 h 30. De 10 h à 15 h, on est dans les cottages. Certains sont propres,
d’autres très sales. Les temps qui nous sont donnés pour nettoyer les chalets sont
trop courts. Pour que les clients aient leur logement à 15 h nous sommes obligées,
la plupart du temps, de ne pas prendre notre pause de 12 h à 12 h 30. Je touche
270 € par mois pour deux jours de travail par semaine, témoigne un agent
technique de nettoyage. Si on rajoute la mutuelle « obligatoire » de 30 €, il ne
reste plus grand-chose à la fin du mois. » 17
Un an après l’ouverture du Domaine des Trois Forêts, « près de 30 % des employés
initialement embauchés par Center Parcs ont déjà quitté leur emploi, pour
diverses raisons. […] “[ Bruno Guth, manager cleaning des Trois-Forêts affirmait
qu’] un tel turn-over durant la première année est tout à fait normal. Nous avons
observé le même phénomène sur tous les sites. ”» 18
Florence Aubenas décrit très bien les conditions épouvantables (au travail et dans la vie
quotidienne) des femmes de ménage à temps partiel dans son récit autobiographique Le
Quai de Ouistreham 19 . Elle décrit un travail très dur et très physique où il faut un grand
courage au quotidien, où l’on passe parfois autant de temps à se déplacer qu’à travailler,
où on est humilié, où on se trouve en concurrence entre collègues, où l’on est ballotté
d’un temps partiel à un autre quand on n’est pas à la recherche de quelques heures à
faire pour compléter ses revenus. C’est le genre d’emploi où l’on gagne de l’argent sans
vraiment gagner sa vie (on n’a pas vraiment un travail, mais seulement des heures).
C’est le genre de travail qu’on accepte en se disant que ce n’est que provisoire ; c’est le
genre d’emploi que l’on ne cherche pas vraiment mais que l’on se voit contraint de faire,
à défaut.
Selon une étude publiée par l’INSEE concernant le Domaine des Trois Forêts, « Les
femmes sont très fortement surreprésentées dans les diverses boutiques (86%) et
les activités de nettoyage (87%). Mais ces dernières ne leur procurent la plupart
du temps que 36 heures de travail par mois (soit 9 heures par semaine) et un
cinquième seulement des salariés occupés à ces tâches y travaillent plus de 100
heures par mois. […] Les 632 postes de travail créés par le Center Parcs mosellan
correspondent à plus de 470 emplois en équivalent temps plein et les deux tiers
sont en contrat à durée indéterminée. […] Reste que si le nombre d’emplois créés
est particulièrement important, un sur quatre est en contrat à durée déterminée
et surtout, les salaires offerts sont faibles. […] Parmi les 304 salariés de Pierre &
http://www.republicain-lorrain.fr/moselle/2011/11/15/la-frustration-grandissante-des-travailleurs
repris ici : http://chambarans.unblog.fr/2011/11/22/greve-a-center-parcs-on-est-des-esclaves-souffle-
une-manifestante/
18 http://www.republicain-lorrain.fr/actualite/2010/09/08/90-des-clients-veulent-revenir-a-center-parcs
19 Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham, Éditions de l’Olivier, 2010.
17
Vacances, 60% touchent le Smic horaire, dont près de la moitié seulement 319
euros par mois du fait d’un contrat de travail hebdomadaire de 9 heures en tant
qu’agent technique de nettoyage. Le salaire brut horaire moyen appliqué par
Center Parcs se situe ainsi près de 1,50 euro en dessous de celui pratiqué dans
l’hôtellerie-restauration du bassin d’emploi, et près de 2 euros en dessous de celui
relevé dans le département dans le même secteur d’activité. »
Un autre article, celui-ci publié le 28 mai 2009 par le Républicain Lorrain, exprimait
quelques craintes sur ces « temps-partiels [qui] constituent un appel d’air pour les
demandes d’allocation RSA. Soit une ponction supplémentaire des finances
publiques qui cadrerait mal avec les substantiels bénéfices dégagés par le groupe
de Gérard Brémond. » 21
En Normandie, les salariés du Domaine des Bois Francs à Verneuil-sur-Havre se sont mis
en grève le lundi 21 et le jeudi 24 décembre 2009 en demandant une augmentation
de salaire de 4%. La direction leur a seulement proposé une augmentation de 1,3%. Les
salariés qui gagnaient environ 1000 euros par mois, pour ceux qui travaillaient à temps
plein, auraient donc bénéficié d’une augmentation de… 13 euros seulement. 22
En Sologne, dans le Domaine des Hauts de Bruyères, le personnel du Center Parcs de
Chaumont-sur-Tharonne s’est mis en grève contre une procédure de licenciement
économique collectif en décembre 2009 parce que la Société Pierre & Vacances avait
décidé de délocaliser en Hollande le service comptabilité ( onze personnes de Chaumont
et quatre de Paris). Elles avaient écrit une lettre assez saisissante signée « Les
naufragés de la bulle » envoyée aux maires, à leur député et aux journaux. Elles
disaient dans cette lettre de détresse combien elles étaient surprises de voir l’entreprise
faire des bénéfices en France, et déplacer leurs emplois en Hollande. Elles disaient aussi
combien elles se sentaient isolées, se posant même la question : « Faudra-t-il faire la
Une des journaux avec “ Premier suicide chez Center Parcs ” pour que cesse cette
course infernale lancée par des financiers peu intéressés du sort de ces salariés
qu’ils jettent à la rue avec des indemnités dérisoires, alors qu’eux seront
grassement récompensés par une prime d’objectif atteint ? » 23
Le fanatisme économique
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=17266&reg_id=17
http://chambarans.unblog.fr/2009/05/28/center-parcs-le-defi-de-lemploi/
22 http://www.humanite.fr/node/429975
23 http://www.humanite.fr/node/429975 et
http://chambarans.unblog.fr/2009/11/02/les-naufrages-de-la-bulle-appel-de-salaries-de-center-parcs-
vises-par-une-procedure-de-licenciement-economique-collectif/

Les promesses d’emplois sont avancées par les défenseurs du projet du Center Parcs de
Roybon comme des arguments indiscutables. Il serait justifié de privatiser un bien
commun, d’abattre une partie de la forêt des Chambarans, de bouleverser sa vie sauvage
mais aussi la vie locale des habitants. L’industriel avec son éloquence du bonimenteur et
ses soutiens inconditionnels 24 auraient-ils réussi à retourner une partie de la population
contre ses intérêts ? L’expansion économique tant attendue, malgré toutes les
conséquences déplorables, n’est-elle pas qu’un miroir aux alouettes ?
Les élus, quant à eux, obéissent aux intérêts des entreprises qui contenteraient les
administrés, par ricochet. Vallini, Monsieur « 700 emplois », alors président du Conseil
général de l’Isère disait à la tribune lors d’un rassemblement des défenseurs du projet le
29 juin 2012 : « Les entreprises de bâtiment ont des problèmes en ce moment de
carnets de commandes, nous faisons ce que nous pouvons au Conseil général,
pour les travaux publics avec les routes, pour le bâtiment avec les collèges » 25 . On
ne se soucie guère ici de répondre à une nécessité, on cherche seulement à satisfaire les
entreprises du BTP. La sortie de crise passerait nécessairement par là.
Pour Vallini, sortir de crise impliquerait de s’affranchir de la complexité de la
réglementation relative aux problèmes environnementaux, qui contredit la raison
économique, et entrave la réalisation de chaque nouveau projet d’aménagement du
territoire ou de construction. En Isère « […] Á l’occasion de l’inauguration du
nouveau collège à l’Isle d’Abeau, […] André Vallini [alors président du Conseil
général] s’est lancé dans une diatribe contre les tritons. Plusieurs spécimens de
cette espèce protégée ont en effet été repérés lors de la construction du nouvel
établissement scolaire. Il a fallu les déplacer dans une mare écologique. Ce qui a
eu pour effet de retarder de trois mois le chantier. “Nous avons eu le même
problème lors de la construction d’un pont à St-Quentin-Fallavier, et dans les
Chambarans, pour le projet de Center Parcs. L’accumulation de réglementations,
comme la loi sur l’eau, paralyse l’action publique. Cela ne peut plus continuer. ” »
(Le Dauphiné Libéré, 13/10/2012) 26
Visiblement toute considération ralentissant l’action publique et les travaux en cours
exaspèrent les professionnels et la plupart des élus. Ainsi nous avons pu les voir
manifester publiquement contre le blocage de différents chantiers comme à Nantes le 14
novembre 2014 où s’était formé « un cortège de plus d’une centaine de véhicules […]
pour rejoindre le centre-ville où [étaient] attendus un millier de participants. Une
délégation [a été] reçue en préfecture et [a remis] une motion dans laquelle il
[était] notamment demandé le lancement rapide des travaux du futur aéroport de
La Chambre de Commerce et de l’Industrie de l’Isère, le MEDEF, des chefs d’entreprises en général, de la
grande majorité des élus UDI-UMP-PS-PC-FN et même un syndicat de salariés (la CFDT Isère a signé un
communiqué de soutien au projet de Center Parcs proposé par le MEDEF :
http://grenoble.indymedia.org/img/pdf/communique_du_medef_sur_cp.pdf)
25 http://bienvenue-au-center-parcs-des-chambarans.over-blog.com/article-le-film-de-notre-rassemblement-du-29-juin-2012-107831804.html
26 http://www.ledauphine.com/isere-nord/2012/10/12/andre-vallini-s-attaque-aux-tritons
24
11Notre-Dame-des-Landes. Il y [était] également question du projet d’autoroute
A831 entre Fontenay-le-Comte (Vendée) et Rochefort (Charente-Maritime) et plus
globalement de tous les investissements prévus par l’État dans l’Ouest » 27 .
À Albi, le 15 novembre 2014 « Les agriculteurs du syndicat majoritaire FNSEA,
rejoints par la Coordination rurale, ont obtenu le soutien de nombreux élus
locaux, du PS à l’UMP, pour la première grande manifestation en faveur du projet
de retenue d’eau, vivement contesté depuis des mois. Les manifestants ont défilé
derrière une banderole résumant leur principale revendication: “Laissez-nous
décider de l’avenir de nos terres” » 28 . Auparavant, le 5 novembre – quelques jours
après la mort de Rémi Fraisse dont l’État porte l’entière responsabilité – « dans un
climat tendu par la crise du barrage de Sivens, les agriculteurs ont manifesté un
peu partout en France contre ce qu’ils estiment être un trop-plein de
réglementation » 29 . C’est durant ces manifestations organisées par la FNSEA, qu’eut
lieu celle qui alimenta la polémique sur les ragondins : « Lors d’un rassemblement
organisé à Nantes […], des ragondins acheminés dans un chariot sont pris comme
boucs émissaires. Les manifestants les aspergent de peinture, leur assènent des
coups de pied, l’un d’eux finit même écrasé par un tracteur » 30 . À l’appel de la
Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA ) et des Jeunes
Agriculteurs (JA) du Tarn, du 28 février au 6 mars 2015, durant la semaine précédant
l’évacuation des occupants de la ZAD par les forces de l’ordre, de véritables milices se
sont constituées non seulement pour assiéger les occupants du chantier, les empéchant
de se ravitailler, mais aussi semer la terreur en détruisant leur vehicules, le chapiteau et
en saccageant leur cabane radio.
À Roybon, les manifestations des 7 et 14 décembre s’inscrivent dans ce mouvement que
l’on pourrait qualifier de néo-populiste où certains « citoyens » se retrouvent à
revendiquer ce que le MEDEF, la Chambre de Commerce et de l’Industrie, la Chambre
des Métiers et de l’Artisanat, les syndicats professionnels des PME et des BTP, etc.
partagent comme valeurs à défendre : une croissance et une production sans entrave
parce que c’est bon pour l’entreprise et pour l’emploi !
http://www.courrierdelouest.fr/actualite/grand-ouest-les-entreprises-du-btp-manifestent-a-nantes-
en-direct-14-11-2014-193987
28 http://www.20minutes.fr/societe/1481186-20141115-sivens-manifestations-pro-barrage-anti-
zadistes-albi
29 http://tempsreel.nouvelobs.com/social/20141105.OBS4098/les-agriculteurs-crient-leur-ras-le-bol-partout-en-france.html
30 http://www.terraeco.net/Ragondins-comment-les-agriculteurs,57255.html
31 La préfecture déclarait à propos des tensions entre pro et anti barrage : « Les forces de l’ordre n’ont
pas une mission offensive mais d’interposition » (http://www.sudouest.fr/2015/03/05/barrage-de-
sivens-extreme-tension-et-situation-explosive-1849717-706.php). Après le meurtre de Rémi Fraisse, cette
nouvelle stratégie des casques bleus de l’intérieur donnera probablement une image honnorable des
forces de l’ordre. L’État aura-t-il réussi, en instrumentalisant ce genre de milices et en les « neutralisant »
avec sa « mission d’interposition », à résoudre les conflits sur les ZAD ?

Une grande majorité d’élus de la région soutient cette même idée. Il faut dire que
Brémond, « le fondateur et président de Pierre et Vacances », en bon représentant de
commerce, leur avait expliqué auparavant, dans une lettre adressée à tous les conseillers
généraux de l’Isère, combien les profits de son projet seraient grands pour les
collectivités locales. 32 Ses explications n’ayant bien évidemment jamais abordé la
question de la baisse du cours du salarié ou plus généralement celui de l’être humain. De
toute manière le Conseil général de l’Isère s’était déjà positionné sur cette question :
n’avait-il pas sacrifié 150 postes en 2014, et augmenté le temps de travail des pompiers
qui durant le conflit avaient été très sévèrement réprimés au point que deux d’entre eux
avaient été grièvement blessés lors d’une manifestation dont l’un a perdu un œil ? 33
Les élus ont ainsi pris fait et cause pour cette entreprise et son projet. Aux alentours du
chantier, les communes ont affiché ostensiblement leur soutien sur des banderoles
proposées et financées par le Conseil général. Aucun projet et aucune entreprise
n’avaient jusque-là autant bénéficié d’honneurs et de considération par autant d’élus et
leurs institutions. Le Dauphiné Libéré du 9 novembre 2014 publiait un communiqué de
presse dans lequel les signataires (des parlementaires, des conseillers généraux de
droite comme de gauche y compris les communistes, ainsi que les deux secrétaires
d’État du département : Fioraso 34 et l’incontournable Vallini) affirmaient leur « soutien
ferme et définitif à la réalisation du Center Parcs Isère ». En se drapant du voile des
« défenseurs de la démocratie », ils dénonçaient des minorités qui « imposent leur
refus à des majorités élues, interrompent et bloquent des projets élaborés,
décidés et votés par une large majorité d’élus locaux, départementaux et
régionaux, l’État de droit est en cause ». 35 Le personnel politique, élu sur de vagues
promesses, ne tolère pas que soient mis en cause son omnipotence et son infaillibilité.
N’y a-t-il pas eu depuis une suspension des travaux ordonnée par le tribunal
administratif ? Il laisse entendre que l’État de droit mis en avant par ces soi-disant
démocrates n’était pas observé, non pas par cette « minorité bruyante voir violente »,
mais plutôt par le passage en force d’un arrêté signé à la hâte par le préfet de l’Isère qui
« Center Parcs : une lettre pour expliquer le projet aux élus », article du Dauphiné Libéré du 5 novembre
2014.
33 Dans un tract de l’Union départementale de la CGT Isère, « Dividendes formidables, salaires minables »
du 21 janvier 2014, où il est question du conflit qui opposait le Conseil Général et les salariés, on pouvait
lire : « Le Conseil général subventionne des grands projets : [15] millions au Center Parcs en forêts
des Chambarans, 25 millions pour NANO 2017… Pour ne pas augmenter les impôts, il faut sacrifier
les missions de service public. »
34 Geneviève Fioraso qui était alors secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la
recherche, a présenté depuis sa démission pour raisons de santé.
35
Ce communiqué a été publié intégralement au mois de décembre dans la revue du Conseil général Isère
Magazine tirée à 490 000 exemplaires, et distribuée dans toutes les boîtes aux lettres du département. Ce
communiqué accompagnait un article de quatre pages qui prétendait répondre aux arguments des
opposants se résumant curieusement en huit points non développés. C’est probablement cette forme de
démocratie que les élus de gauche, de droite et d’ailleurs confondus, défendaient avec beaucoup d’entrain
dans ce communiqué de presse … Vous pourrez trouver à l’adresse suivant une réponse aux arguments de
propagande du Conseil général : http://www.pcscp.org/Center-Parcs-de-Roybon-Reponse-a-Isere-Magazine.html32
13autorisait le début des travaux sans tenir véritablement compte de l’avis défavorable de
la commission d’enquête concernant la loi sur l’eau.
Le projet de loi Macron prévoit des dérogations qui régulariseraient les coups de forces
qui ont été tentés à Notre-Dame-des-Landes, à Sivens et à Roybon. Plusieurs articles du
projet de loi ont pour but d’ « accélérer les grands projets pour favoriser le retour
de la croissance ». Parmi les objectifs fixés par le gouvernement, il y a notamment celui
de pouvoir délivrer les permis de construire en cinq mois, de soutenir la filière du BTP en
pleine crise, et de sécuriser les projets : « Le projet de loi prévoit d’étendre
l’expérimentation de l’autorisation unique en matières d’installations classées
(ICPE) [Installations Classées pour la Protection de l’Environnement qui sont des
installations et des usines susceptibles de générer des risques ou des dangers,
soumises à une législation et une réglementation particulières] aux projets
d’intérêt économique majeur sur l’ensemble du territoire. Il habilite également le
Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure permettant de pérenniser
cette expérimentation, de même que celle de l’autorisation unique pour les
installations relevant de la loi sur l’eau. […] Le texte habilite par ailleurs le
Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures législatives visant à
réformer l’étude d’impact et l’enquête publique. » 37 Cette simplification de la
réglementation n’envisage à aucun moment de bloquer ou d’abandonner les projets
non-conformes à la réglementation environnementale et destructeurs de territoires qui
avaient été jusque-là épargnés, mais seulement de les adopter et de les réaliser bien plus
rapidement.
Le Dauphiné Libéré du dimanche 4 janvier 2015 consacrait une pleine page à une
interview de Vallini sur « Ce que les zadistes doivent savoir… ». Dans cette interview
Vallini confirme ce que la loi Macron envisage : « En France, des réglementations trop
lourdes et des procédures trop longues permettent d’entraver des projets portés
par des élus du suffrage universel. C’est pourquoi le gouvernement a lancé un
grand chantier de simplification dont nous sommes chargés avec Thierry Mandon,
lui pour l’État et moi pour les collectivités locales. » Il enfonce le clou un peu plus
loin : « Pour que la France reste la France, nous devons continuer à construire des
aéroports, des barrages, des autoroutes, des lignes de TGV, des équipements de
tourisme. » Les tritons sont maintenant prévenus : la politique de protection
environnementale entrave le bon déroulement des affaires !
À la question posée sur les zadistes de Roybon, notre secrétaire d’État est d’une
intransigeance sans appel, digne d’un Machiavel sachant recourir à la violence pour
36
Cf. le texte « Center Parcs, l’administration du désastre généralisé et la soumission durable au monde
économique » (http://grenoble.indymedia.org/IMG/pdf/Center_Parcs_l_administration_du_de_sastre.pdf)
37
http://www.actu-environnement.com/ae/news/loi-macron-reforme-droit-environnement-accelerer-grands-projets-23465.php4
continuer à gouverner : « Ils doivent savoir que l’État prendra, le moment venu, les
dispositions nécessaires pour faire cesser cette illégalité ».
Les élites incitent à la violence
Après le meurtre de Rémi Fraisse, l’État a été qualifié de brutal et de violent, et les
zadistes et opposants au projet de barrage apparaissaient alors comme des victimes. À
Roybon, depuis des années, les élus ont soutenu un discours visant à criminaliser les
opposants et à attiser les tensions et les propos haineux. Le 29 juin 2012, lors du
rassemblement des défenseurs du projet dans le stade de Roybon, André Vallini,
menaçait les opposants à la tribune : « Moi, j’ai dit souvent aux écologistes, pour ne
pas les nommer – à ceux qui s’opposent en tout cas à Center Parcs – [ que ] je ne
voudrais pas pour eux qu’ils aient toujours à s’expliquer devant le peuple si
Center Parcs venait à échouer parce qu’il y aurait trop de familles déçues, de gens
qui attendent un emploi » 38 … Le ton est donné !
Depuis on a pu entendre son remplaçant, monsieur Cottalorda président du Conseil
général, du Parti Socialiste aussi, dénoncer « les extérieurs qui décident pour un
territoire qu’ils n’habitent pas » 39 . Les relents haineux et xénophobes sont relayés par
l’organisateur des manifestations des défenseurs du projet – Christian Lucciani,
président de l’association « Vivre en Chambaran », qui qualifie les occupants de « gens
qui sont sur notre territoire, qui ne sont pas chez eux et qui viennent bloquer les
projets sans même les connaître » 40 .
Une habitante de Roybon, opposante au Center Parcs, qui avait voté aux dernières
élections municipales pour Serge Perraud, déclare à ce dernier sa déception, et dénonce
les injures xénophobes qu’il a proférées, dans une lettre qu’elle lui a envoyée avant de la
rendre publique. 41 À Roybon des banderoles témoignent de ce climat xénophobe où on
peut lire des slogans nauséabonds tels que « Zadistes dehors » ou encore « Libérer
mon village » qui recouvre la statue de la liberté sur la place principale du village.
Lors du rassemblement du 8 décembre 2014 à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs qui
réunissait plus de 800 élus et citoyens favorables à l’implantation du Center Parcs, le
maire de Roybon, Serge Perraud chauffait la foule contre les occupants de la maison
Forestière de la Marquise : « Pourquoi la décision n’est pas prise d’évacuer ces gens-
là ? ». Ces propos soutenaient ceux de la fédération départementale du BTP tenus
quelques jours plus tôt et qui envisageait « d’envoyer ses adhérents assurer eux-
http://bienvenue-au-center-parcs-des-chambarans.over-blog.com/article-le-film-de-notre-
rassemblement-du-29-juin-2012-107831804.html
39 Dauphiné Libéré du 15 octobre 2014.
40 https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=1K7jKoitXYE
41 http://chambarans.unblog.fr/2014/12/17/a-serge-perraud-maire-de-roybon/
38
15mêmes leur protection » 42 . Monsieur Perraud adhère-t-il à cette volonté de créer des
milices patronales contre des opposants à un chantier qui n’aurait jamais dû
commencer, selon l’avis même du Tribunal administratif qui l’a suspendu une semaine
plus tard ?
Toujours à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, le socialiste Alain Cottalorda enfonçait le clou
en comparant les actions des zadistes à du « terrorisme ». Au cours de la manifestation
de soutien au projet du Center Parcs du 7 décembre, devant la caméra de BFMTV, Serge
Perraud parlait des occupants de la Maquizad, 43 dans les mêmes termes : « Il est bien
temps que le gouvernement prenne ses dispositions pour chasser de notre
territoire ces terroristes » 44 . Ce n’est quand même pas rien de parler de terrorisme et
de terroristes, comme d’autres ont parlé de « djihadistes verts ». Après ce qui s’est
passé dans les locaux de Charlie Hebdo puis à la Porte de Vincennes et à Dammartin-en-
Goële début janvier, on pourrait espérer que ces propos ne soient plus utilisés à tort et à
travers. Á moins que l’on ne cherche à souffler sur les braises… N’oublions jamais que
c’est un des opposants au barrage qui est mort à Sivens !
L’inflation verbale des responsables d’associations, des patrons du BTP et des élus de
droite comme de gauche – qui ont accepté que l’élue du Front National manifeste le 7
décembre avec eux – émet des relents puants. Nous constatons que cette stratégie visant
à dresser une partie de la population contre les opposants est bien reçue par certains
d’entre vous qui profèrent sur le net des propos abjects et des menaces de mort, dignes
de ce qu’on pouvait entendre au Café du Commerce en d’autres temps, lors de périodes
que nous pensions révolues. 45 Ces propos ne sont pas restés lettre morte. Après
l’intervention de Jean-Pierre Barbier député de l’UMP à l’Assemblée Nationale, le 3
février 2015, lors de la séance des questions au gouvernement pour lui demander de
faire évacuer la ZAD de Roybon et d’interdire une manifestation des opposants 46 , la
guérite d’accueil de la ZAD de Roybon a été incendiée le 5 février volontairement par
plusieurs cocktails Molotov. « Cette attaque n’est pas un simple acte de destruction
et fait suite à une série de jet de projectiles sur cette même installation, servant
chaque nuit d’habitation, depuis le 30 novembre dernier. Cet incendie criminel
visant à détruire cette habitation et à atteindre l’intégrité physique de tiers de
manière volontaire, est ni plus ni moins qu’une tentative d’homicide. » 47
http://vivreenchambaran.fr/public/Pdf/OPINION-Notre-Dame-des-Landes-S.rreur-verte-_-
LOpinion2.pdf
43 Nom donné à la maison forestière de la Marquise par ses occupants.
44 http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/center-parcs-a-roybon-la-majorite-silencieuse-manifeste-
pour-defendre-le-projet-367427.html
45
Cf. le texte « Center Parcs : menaces violentes venant de certains « pro » + propos diffamatoires d’élus » :
http://grenoble.indymedia.org/2015-01-22-Center-Parcs-menaces-violentes
46 https://www.youtube.com/watch?v=8faR34jcIaA
47 Communiqué de presse des occupants de la ZAD, du 05/02/15, suite à l’incendie volontaire de la guérite
d’accueil de la ZAD de Roybon. https://zadroybon.wordpress.com/2015/02/06/urgence-info-zad-roybon-communique-de-presse-050215/42
16Deux jours plus tard, le rassemblement « Open Barrikad » organisé par les occupants
du bois des Avenières pour construire de nouvelles cabanes habitables a essuyé
plusieurs agressions. Il y a eu bien sûr les barrages que vous avez mis en place
empêchant les véhicules de monter les matériaux sur le site. Mais il y a eu aussi
l’agissement de certains nervis de votre camp qui voulaient en découdre. Après les
insultes et les menaces, la tension jusqu’à l’inacceptable : intimidations à la
tronçonneuse devant une barricade, plusieurs pneus de voitures d’opposants à Center
Parcs dégonflés et crevés, deux voitures brûlées, 4×4 poursuivant des manifestants (l’un
s’est retrouvé sur le capot du véhicule) et plusieurs agressions violentes sur des
personnes. 48
Dans cette situation, nous retournons les propos de Vallini contre lui-même et ceux qui
ont choisi la haine et la xénophobie pour soutenir ce monde que nous dénonçons. Les
Barbier, Cottalorda et autres élus 49 qui se sont manifesté de cette manière, comme les
Luciani et autres responsables d’association et de syndicats patronaux auront à
répondre de leur façon de souffler sur les braises et de ses conséquences.
Les occupants du chantier n’ont aucun intérêt économique
dans l’affaire
Dans le défouloir du net, et notamment sur les réseaux sociaux et les forums, certains
qualifient les occupants de la maison forestière de la Marquise, de « branleurs » qui
« ne bossent pas », tandis que les entrepreneurs chargés du défrichement se plaignent
de ne plus pouvoir travailler. Pour tous les défenseurs du projet, le travail est toujours
présenté comme l’argument indiscutable. Mais qu’entendez-vous par « bosser » ? Est-ce
avoir une activité qui répond à un besoin ressenti et formulé par une collectivité ? Ou
bien un travail à fournir contre un salaire pour une entreprise qui calcule pouvoir
gagner plus d’argent qu’elle en aura dépensé pour l’acquérir ? De leur côté, les occupants
de la Marquise sont très actifs puisqu’ils ont non seulement protégé le bois des
Avenières de l’appétit des puissants, mais aussi organisé des débats, des rencontres, des
concerts ou encore créé des blogs, écrit des textes et des communiqués et construit des
barricades et des cabanes. On ne peut donc pas dénoncer leur paresse ! Mais peut-être
était-ce le fait que leurs activités n’aient pas de contrepartie pécuniaire qui dérange
certains d’entre vous – remettant en question cette valeur indiscutable qu’est le travail
rémunéré ? Il s’agirait ainsi pour vous de défendre l’activité rémunérée le (travail et le
http://zadroybon.noblogs.org/post/2015/02/09/communique-du-09-fevrier-2015-special-open-
barrikad/
49 Manuel Valls avait déclaré à Villeneuve-le-Comte, jeudi 11 décembre 2014, lors de l’ouverture du
chantier de « Villages nature » : « Il n’est pas acceptable que certains projets (…) puissent être pris en
otage par des opposants dont certains utilisent la violence pour se faire entendre, qui ne
respectent pas le choix légitime qui est celui des élus ». Cette déclaration a été faite 12 jours avant que
le Tribunal administratif ne reconnaisse le bien-fondé du recours au titre de la loi sur l’eau remettant en
cause l’arrêté du préfet qui autorisait le début du chantier.
48
17salariat) qui répond exclusivement aux besoins de l’économie marchande. Et puisqu’il
vous paraît inconcevable que les occupants de la Maquizad puissent survivre sans
vendre leur force de travail, les rumeurs les plus incroyables ont fusé.
On peut lire sur le net que ces « zadistes » profitent du système car ils toucheraient le
RSA. Il y a probablement des occupants qui touchent le RSA. Le RSA est accordé par
l’État aussi pour maintenir la paix sociale dans la mesure où l’économie capitaliste
détruit plus d’emplois qu’elle n’en crée dans sa course folle à l’innovation et à la
concurrence. Mais Pierre & Vacances aussi profite indirectement de ce RSA, puisque la
société propose des emplois de 9 heures par semaine seulement, ce qui obligera le
Conseil général, pour soutenir celles et ceux qui perçoivent un salaire mensuel aussi bas,
à verser un complément pour atteindre le revenu garanti par le droit au RSA.
Parmi les rumeurs des plus extravagantes, il y a celle qui consiste à faire croire que la
FRAPNA et les Verts rémunèrent les zadistes de Roybon à hauteur de 90 euros par jour
pour occuper le site. Le Canard enchaîné a mené son enquête et parvient à découvrir que
certains élus entretiennent cette rumeur. Pour Serge Perraud le Front de gauche
participerait peut-être aussi à cette rémunération. Tandis que Jean-Pierre Barbier nous
dit : « Effectivement, on peut se poser la question de savoir qui les finance, parce
qu’ils ont des moyens de subsistance. C’est une mouvance très organisée, avec des
ordinateurs. » 50
Le bois des Avenières était pour moi jusque-là un endroit où j’aimais simplement me
promener ou encore méditer. Henry David Thoreau, l’auteur de La Désobéissance civile
disait dans un autre texte La Vie sans principe 51 : « Si un homme marche dans la forêt
par amour pour elle la moitié du jour, il risque fort d’être considéré comme un
tire-au-flanc ; mais s’il passe toute sa journée à spéculer, à raser cette forêt et à
rendre la terre chauve avant l’heure, on le tiendra pour un citoyen industrieux et
entreprenant
».
Apparemment les choses n’ont pas beaucoup évolué depuis ce constat. Bien au
contraire l’homme moderne brille aujourd’hui davantage en participant activement à
modeler les choses et le monde en décrochant des records ; la compétition et
l’économisme ont beaucoup en commun. Nos contemporains reçoivent les honneurs
lorsqu’ils conquièrent et participent à des exploits et des aventures contrairement à
ceux qui contemplent et méditent. Le merveilleux des lutins et des hamadryades 52
résulte bien modeste face à notre époque blasée et revenue de ces puérilités.
Les bois et les forêts étaient des lieux magiques où l’imaginaire régnait. Il n’y a encore
pas très longtemps, ils représentaient un refuge, un asile, un repaire où la poésie
trouvait encore sa place, loin des excès de notre monde si agité. La forêt restait un lieu
Cf. l’article du Professeur Canardeau « Les zadistes sont pleins aux as ! » publié dans le Canard
enchaîné du 11 février 2015.
51 Paru pour la première fois dans la revue Atlantic Monthly n°12, en 1863.
52 Dans la mytologie grecque, une hamadryades est une nymphe des bois identifiée à un arbre qu’elle était
censée habiter, naissant et mourant avec lui. (définition du Nouveau Petit Robert)

non chosifié et quantifié par les obsessionnels de la rentabilité et du développement. Et
lorsque je me trouvais dans le bois des Avenières, je n’étais pas dans le bois de la
Marquise, même si j’adorais aussi m’y promener. J’essaie de vous faire comprendre
pourquoi un hectare de forêt ici ou là ne sont pas équivalents…
Il y a 150 ans, Thoreau espérait faire prendre conscience à ses contemporains que la
valeur d’une chose n’est pas l’équivalent de l’argent qu’on peut en retirer sur le marché.
Depuis, l’argent et la marchandisation ont colonisé 53 presque toute l’activité humaine, et
celui ou celle qui cherche à gagner cet argent se tamponne totalement des conséquences
sociales et environnementales ; d’autant plus que les lois sont bien plus conciliantes avec
les préoccupations pécuniaires immédiates : la société demeure une société capitaliste
avant tout ! Savez-vous que monsieur Brémond a réussi à obtenir de ses relations au
Parlement des décrets qui lui sont favorables, décrets baptisés dans les couloirs de
l’assemblée « les amendements Brémond » 54 ? Ainsi, les investisseurs ont-ils pu
bénéficier de la loi Perissol de 1996 à 1999, de la loi Demessine jusqu’en janvier 2011 et
de la loi Censi-Bouvard – qui devait être abandonnée fin 2012 et que Jérôme Cahuzac,
alors ministre de l’Économie et des finances, a prolongé de quatre ans, sur les conseils
de Gérard Brémond.
Conclusions

Le développement industriel a totalement bouleversé le monde. L’eau, l’air, la terre et la
vie ont continué, malgré toutes les « précautions » qui ont été prises, à être empoisonnés
au nom de la liberté d’entreprendre.
Nous sommes contemporains de l’effondrement du marché du travail et de la généralisation
d’une économie informelle basée sur une haute valeur ajoutée (électronique, finance,
armement, énergies…) dont sera exclue – ici comme dans le monde entier – une grande
partie des travailleurs non qualifiés. À ces hommes « en trop » sont proposés (au plus) des
emplois de merde, un peu à la façon dont on jetait naguère des verroteries aux « sauvages ».
Pensez-vous vraiment que les travaux d’infrastructures industrielles et d’aménagements de
territoires forestiers réduiront le chômage ? Une population qui garde les yeux rivés sur la
Le président du comité « Vivre en Chambaran », Christian Luciani, évoquait dans un appel à une
réunion du 3 février visant à ne pas laisser le champ libre aux opposants que les défenseurs du projet « ne
laisseront pas ces marginaux coloniser [leur] territoire ». Le sens que l’on donne aux mots permet
dans un conflit de désamorcer et de détourner les idées de l’adversaire. Ici comme lorsqu’ils drapent la
statue de la liberté du slogan « Libérer mon village », les défenseurs du projet se présentent comme
étant les victimes d’une occupation colonisatrice. Mais une colonisation s’opère toujours dans un but de
profit, de domination et avec une préoccupation mercantile sous un prétexte idéologique que les colonisés
admettront comme vérité. L’habit de colon est bien trop grand pour « ces marginaux » mais va par contre
comme un gant à la société Pierre & Vacances qui s’est appropriée 200 ha de forêt et compte exploiter une
main d’œuvre corvéable à merci sous prétexte de créer des emplois…
54 Cf. article paru dans le journal Les Echos du 1/02/2007
http://archives.lesechos.fr/archives/2007/Enjeux/00232-041-ENJ.htm?texte=Bremond
53
1courbe du chômage abdique son libre-arbitre.
Parmi les jeunes opposants au Center parcs, beaucoup sont diplômés et refusent de faire
carrière : malgré les emplois bien payés qu’on leur propose, ils font le choix conscient de ne
pas participer – via le travail – à des rapports sociaux hantés par le chantage permanent et la
destruction de ce qui donne du goût à la vie. Les jeunes « zadistes » ont la seule prétention
de savoir regarder ce qui se passe et de vouloir avec la folle générosité de leur jeunesse : la
fuite en avant suicidaire de la compétition économique.
Les 700 emplois ne sont qu’une manière pour Pierre & Vacances d’avoir le soutien des
élus et les aides financières. Pierre & Vacances s’est installé à Roybon parce que le
président du Conseil général Vallini s’était engagé à mettre la plus grosse somme
d’argent sur la table (30 millions d’euros au départ : 15 du Conseil général plus 15 de la
Région que Queyranne, le président de la Région a ensuite réduit à 7 millions) 55 . Il a
proposé d’acheter le terrain à 0,10 euro/m 2 pour généreusement en donner 0,30
euro/m 2 ensuite. Les conditions de travail dans les Center Parcs sont ignobles ; les
témoignages ne manquent pas. Les engagements environnementalistes de Pierre &
Vacances sont du même niveau qualitatif que les emplois proposés. Alors que l’avis
défavorable de la commission d’enquête au titre de la loi sur l’eau était sans équivoque,
l’arrêté du Préfet autorise le début des travaux : d’un bout à l’autre, toute cette affaire
repose sur la fraude, l’escroquerie, et le passage en force.
Et maintenant, allez-vous rester sourds et aveugles vis-à-vis de la violence de ces nervis
qui œuvrent pour Pierre & Vacances satisfait de voir que certains exécutent de basses
œuvres pour soutenir son projet. Les gros bras ne liront probablement pas ces quelques
lignes qui suivent. Alors, à vous qui me lisez, je dis que l’expression même de la passion
mauvaise à coup de bouteilles incendiaires et de poêle à frire 56 indique que tous nos
arguments contre le projet de Center Parcs ont porté :
Ne supportant pas que les leurs soient réduits à peu de choses, et ayant perdu leur
capacité à se rebeller contre les conditions d’existence qui leur sont faites, les nervis
vont à ce qui leur semble le plus facile : aller casser du zadiste ou assimilé en bande de
mecs (comme d’autres, il n’y a pas si longtemps, allaient casser du « bougnoule »).
Certes les pompiers, maire et gendarmes et autres détenteurs de l’autorité leur laissent
pour le moment pratiquer leur terrorisme de proximité, mais qu’ils ne croient pas que
Cf. article du Dauphiné Libéré paru dans l’édition 38B du 17/06/2009
http://chambarans.unblog.fr/2009/06/29/chambarans-center-parc-les-collectivites-paieront-
davantage/
et article paru dans l’édition 38H du 20/06/2009
http://chambarans.unblog.fr/2009/06/29/le-soutien-au-projet-de-center-parc-de-roybon-divise-la-
majorite-regionale/
56 Lors d’une agression, un occupant s’est pris un coup de poêle à frire sur sa figure qui lui a fait perdre connaissance.
55
cette impunité durera toujours. Rien de plus facile que de tuer ou de blesser gravement
quelqu’un, même quand on ne l’a pas forcément voulu. Et si cela arrivait, ils finiraient en
taule car l’instrumentalisation du ressentiment des hommes se conclut toujours par le
sacrifice des exécuteurs des sales besognes, vaincus et cocus de l’histoire.
Sont-ils vraiment prêts à tuer quelqu’un pour gagner le droit de récurer des chiottes à
319 euros par mois ?
À bon entendeur, salut !
Henri Mora, le 15 février 2015
note:

texte en pdf

WEEK-END ANTI THT 29 – 31 janvier Salle des fêtes, Eygliers

Vendredi 29

19h30 Rencontres & Échanges
avec des personnes ayant participées à la lutte anti-tht 2005-2014 du Cotentin au Maine autour
d’extraits du recueil sonore « Ça va scier »

21h30 Concerts
◊ Les derniers sur le rap
textes locaux versus contrebasse et beatbox, Grenoble
◊ Arché Cassé
synthé pop qui déchire, Grenoble
◊ Dj In Kumbia we trust
Cumbia électro, Gap

Dimanche 31
12h30 Pique nique
14h Assemblée des vallées

http://notht05.noblogs.org
notht05@riseup.net

Rennes : Blocage contre l’aéroport et son monde, sa LGV et sa taule.

repris du blog attaque//

Ce vendredi 22 janvier à l’aube, des personnes ont décidé de bloquer la route qui passe au milieu du chantier de la nouvelle gare Eurorennes et devant l’entrée principale de la prison des femmes.
Des poubelles ont été renversées, de l’huile déversée et le texte qui suit, placardé sur les murs de la taule et les palissades du chantier.

***

Ce matin, nous bloquons cette route à l’aide de quelques poubelles renversées et d’huile déversée…

Parce que, coincée entre le chantier mégalo de quartier d’affaires qu’est Euro-Rennes, sa future LGV et la plus grande prison des femmes d’europe, elle représente à elle seule, la « ville de demain » qui se rêve dans les bureaux de Rennes Métropole.
Parce que nous n’avons pas les mêmes rêves.

Parce que quelques minutes d’embouteillages seront toujours dérisoires comparées aux heures, aux mois et aux années passées dans des cages. Que ces quelques minutes peuvent permettre de lever la tête de son quotidien et de le réaliser.

Parce que nous, ça nous fait marrer d’imaginer un maton qui galère à rentrer chez lui après avoir passé sa nuit à enfermer des gens, comme un cadre dynamique qui rate son TGV à 120€ pour sa réunion d’entreprise sur Paris.

Parce que, de l’autre côté de cette route, Euro-Rennes vire les pauvres pour y construire hôtels, bureaux, cinémas alterno, lofts et bars branchés.
Que les images de synthèse, qui fleurissent sur les panneaux géants du quartier donnent une idée de la population draguée : des jeunes cravateux et tailleurs, bien blancs, bien riches et marchant d’un pas pressé sur les esplanades lisses.
Parce qu’ils souhaitent que toute la ville ressemble à ça et que nous, ça nous fait gerber.

Ce matin, nous bloquons cette route.

Parce qu’à quelques kilomètres d’ici, à Notre Dame des Landes, l’Etat et Vinci veulent construire un aéroport.
Qu’ils ont décidé d’expulser celles et ceux qui s’y opposent aujourd’hui comme ils comptent expulser, demain, par leurs avions et leurs pistes, celles et ceux qui n’ont pas les bons papiers.

Parce que l’Etat impose partout ses projets à coup de fric, à coup de flics et de propagande médiatique en écrasant toujours la gueule des plus pauvres et des indésirables au passage.
Qu’avec l’etat d’urgence, il se donne les moyens de se lâcher encore un peu plus.

Parce qu’en ce moment, des tas de personnes se mobilisent contre l’aéroport et son monde, multiplient les actions, et que nous voulons y contribuer. Qu’il est possible de lutter, partout et directement, de différentes manières, à quelques unes comme à plein, contre ces structures institutionnelles et ces entreprises qui nous pourrissent la vie.

Parce que ce monde qu’ils construisent n’est pas le notre et que nous ne comptons pas les laisser faire.
Parce que nous y sommes incompatibles, que nos désirs y font désordre et qu’on ne lâchera rien !

Que nous préférons mille fois un quartier vivant où on se rencontre, on s’file des coups de mains et on s’engueule entre voisins sur un bout de friche sauvage le temps d’un barbec’ ; à un défilé de valises à roulettes traînant leurs costards sur le macadam vidéosurveillé.
Que nous préférons mille fois des espaces où s’expérimentent des façons de vivre, d’habiter, de se nourrir, de lutter et de relationner différement ; à la perspective de tours de contrôle et de vastes hangars éco-labellisés et leurs portiques vigi-pirates.

Contre l’aéroport et son monde, sa LGV et sa taule.

ARGENT, SEXE ET POUVOIR : A PROPOS D’UNE FAUSSE BIOGRAPHIE DE GUY DEBORD

15 janv. 2016 Par lechatetlasouris Blog : Le blog de lechatetlasouris

Il faut détruire tout vrai opposant dont il est nécessaire de salir la mémoire et prévenir toute éventuelle émulation. Il faut pousser tous les Walter Benjamin au suicide. « Debord Le Naufrageur » de Jean-Marie Apostolidès répond à cela. L’auteur, animé par ce que Spinoza appelait «les passions tristes», est en accord avec les temps néocons : c’est pour eux que ce livre a été écrit, pas pour durer.

Notre époque est la première dans l’histoire universelle qui prétend avoir seulement les ennemis qu’elle se fabrique elle-même, à sa mesure et pour son usage spectaculaire. Ce nouveau siècle, en projetant dans ces simulacres d’ennemis toutes ses propres infamies et cruautés particulières, il fait semblant de s’y opposer résolument : il feint même de les combattre avec les armes, aussi longtemps qu’il lui est nécessaire pour en convaincre les électeurs, pour enfin faire triompher ses « bonnes » qualités sur ces « ennemis », aussi méchants que faux, au visage de Ben Laden ou de l’Etat Islamique.

Pour n’avoir à combattre que les ennemis artificiels qu’il met en scène, notre monde doit s’appliquer aussi à faire disparaître et à détruire à jamais jusqu’à la mémoire de ses vrais et anciens ennemis déclarés, afin d’éviter au nouveau siècle tout risque de contage non désiré. L’état d’urgence permanent oblige : cet état d’urgence, déclaré contre la société, a la prétention de l’être contre ce nouvel ennemi obscur et indéterminé que le spectacle s’est lui-même façonné, le terrorisme artificiel. Il a été créé et mis en scène pour nous convaincre que les Etats combattent le « mal » pour notre « bien », et pour nous persuader que celui qui combat le « mal » absolu est donc déjà le « bien » absolu. Le Ministère de la Vérité surveille au jour le jour la « correction de l’histoire », qu’il s’agisse de celle du Bataclan ou d’autres, mises à jour chaque semaine avec plus de détails, sans se soucier d’éventuelles contradictions, car au lendemain on corrigera à nouveau.

Pour en finir avec tout résidu d’opposition réelle, il faut donc à la domination présente donner des exemples, brûler des sorcières, exécuter, même en effigie, tout ennemi différent de celui officiel, qu’on désigne au jour le jour. Il faut non seulement détruire tout vrai opposant, mais même tous ceux qu’avaient pu exister auparavant, dont il est nécessaire effacer, démolir ou salir la mémoire et le modèle. Il faut désespérer et abattre toute aspiration à la révolte et au changement chez les jeunes générations, étouffer les précédents et le souvenir même. Il faut prévenir toute éventuelle émulation. Il faut pousser tous les Walter Benjamin au suicide. Dresser des listes de proscription. Les vraies révoltes, ainsi que les vrais révoltés, doivent être anéantis à jamais, éliminés, censurés, calomniés, mis au pilori, face à la nécessité impérative de mettre en scène seulement les faux ennemis fétiche qu’on a bien voulu fabriquer.

C’est à cette nécessité incontournable et urgente que répond précisément le dernier travail de Jean-Marie Apostolidès, lequel vient de paraître chez Flammarion : un volume de plus que 500 pages, plus 90 de notes, presqu ‘un Kilo , 28 €, au titre Debord Le Naufrageur, dans une collection qui s’auto définit Grandes Biographies.

Il convient de dire tout de suite que ce livre, en plus d’être d’un ennui mortel, n’est pas une biographie, comme je vais le montrer, et que je ne lui ai accordé que trois heures de lecture – car on conviendra qu’il n’est pas nécessaire de boire 500 litres de vin pour décider s’il est bon ou mauvais, ou pour établir qu’il ne s’agit même pas de vin, comme c’est le cas.

La tâche que l’auteur nous déclare rondement s’être donnée, est celle de « Mettre au jour une image différente, ‘négative’, de Debord », pour après nous assurer orgueilleusement que ce « n’est pas une entreprise qui va de soi »[1].

Qu’elle « aille de soi » ou non, j’affirme que jamais n’a existé de vraie biographie qui se soit donnée pour tâche et pour but de mettre au jour une image « négative », ou « positive », de la vie de la personne dont il s’agit, celle ci étant la tâche de la propagande. Le négatif chez cet auteur n’a aucune noble connotation dialectique : pour lui négatif signifie vulgairement : infamant, moralement déshonorant. Aussi banal que cela. Voilà tout.

Une biographie est un travail d’archiviste, de philologue, d’érudit et d’historien, et elle n’est jamais un travail de supporter, qu’il soit favorable ou hostile. Ce n’est pas un match de football. Encore moins un travail de psychanalyste, toujours arbitraire. Depuis la Renaissance on avait établi les termes à l’aide desquels on présente l’histoire d’un homme : qu’a-t-il dit ? Qu’a-t-il fait ?[2]

Le prince des biographes modernes, Roberto Ridolfi, qui nous a laissé des chef d’œuvre définitifs sur la vie de Machiavel, Guicciardini et Savonarola, avait même établi que certainement « l’amour et les affinités aident à entendre… S’il devait être promulguée (espérons que non) une constitution de la république littéraire, elle devrait faire une obligation aux biographes de faire le portrait seulement d’hommes qui leur sont en partie similaires et congénères : on éviterait ainsi une quantité de livres mous, médiocres et faux ».[3]

Or, avec l’ouvrage d’Apostolidès, nous nous trouvons face au paradigme même d’un mauvais travail, « mou, médiocre et faux », et je précise : mauvais dans l’intention, mauvais dans la méthode et donc très mauvais dans le résultat.

Dans l’intention il est mauvais, car ce n’est point une biographie de Debord, mais bien un morceau prolixe de journalisme d’investigation contre Debord, où ne sont rapportés que des « témoignages » à charge, où on ne dit rien de son œuvre, de son art et de son temps, de son cinéma, de son courage, à son époque presque solitaire. Donc ce livre n’a aucune valeur pour les historiens, il n’est surtout pas un document. Et l’usage des documents fait par son auteur est parfaitement malhonnête, car il ne choisit que ce qui pourrait être à charge. Ici le vrai devient immédiatement un moment du faux, comme pour prouver une fois encore ce que Debord a dit à ceux qui savaient l’entendre. Sans parler de la lâcheté de s’essayer si maladroitement à assassiner un homme déjà mort. Les cadavres attirent, on le sait, les vautours. Et ce livre pue donc la mort. L’auteur est animé par ce que Spinoza appelait « les passions tristes », et en ceci il est parfaitement en accord avec les temps néocons qui courent, lesquels d’ailleurs semblent lui convenir parfaitement : c’est en fait pour eux que ce livre a été écrit, pas pour durer. Il sera vite oublié.

Dans la méthode le travail est très mauvais, car il juge d’une période passée avec les yeux et les « valeurs » d’aujourd’hui. Alors que le premier devoir d’un biographe est celui de se caler complètement dans le contexte historique, et de saisir les ressorts, les dynamiques et les problématiques conflictuelles qui ont poussé les protagonistes à l’action : par exemple je n’ai rien trouvé qui démontre la vaillance et la bravoure des situationnistes en général, et de Debord en particulier, qui ont été seuls, en leur temps, à combattre le spectacle dominant des mensonges opposés de gauche et de droite, de la « liberté » occidentale en même temps que celui de « l’égalité » orientale, alors qu’à cette époque tous les Apostolidès allaient à tour de rôle faire leur révérence au pape, à Lénine, à Trotsky, à Mao ou Castro.

Le travail d’archives ici est parfaitement abusif et tendancieux, celui philologique relève plutôt d’une enquête policière, l’érudition est partisane et courte, l’historiographie et l’honnêteté sont absentes.

Je n’aurais voulu parler ici que de l’œuvre, et pas de son auteur : mais il m’est impossible, car c’est son œuvre qui ne nous parle que de lui, de l’esprit, de l’intention et du but avec lesquels il a fait son travail, pendant dix ans, après quarante ans de lectures, nous assure-t-il.

Dans le résultat ce livre est donc très mauvais, car le personnage qui s’en dégage ne ressemble en rien à Debord, qu’on peut bien dire que j’ai bien connu. Cette prétendue biographie nous éclaire en fait bien plus sur les obsessions, les petitesses et les bassesses de son auteur lui-même que sur celles qu’il prétend découvrir chez Debord . Au delà il ne voit ni cherche rien, et en deçà on ne voit que sa lamentable malveillance, son ressentiment et son animosité bavarde. Laquelle lit mal, à travers les lunettes idéologiques, déformées et acritiques, de notre temps ignorant, les vicissitudes, le sens, les enjeux et les valeurs de l’époque en question, valeurs que d’autre part nous refusions. C’est bien anti historique que de juger à la lumière sinistre du « politically correct » ou de la « gender theory » le siècle précédent, ou la position radicalement conflictuelle qui nous animait. Si Apostolidès lisait la riche correspondance de Machiavel, où il est lourdement question de femmes et de pédérastes, de pédophiles et de prostituées, etc., de la vie telle quelle en fait, il serait bien scandalisé, et il écrirait un gros tome pour nous avertir que Machiavel n’était pas « un grand homme ». On le laisse volontiers à ses opinions adipeuses et poisseuses, mais elles ne nous instruisent que sur lui-même.

Il faut donner à César ce qui est à César, et à Brutus ce qui est à Brutus : il faut reconnaître que sans la théorie du spectacle élaborée par Debord ce monde resterait parfaitement incompréhensible et incertain, comme ceux qui le dominent voudraient qu’il soit, et comme il le reste effectivement pour Apostolidès. Mais non pour ceux qui y portent des responsabilités lourdes militaires ou économiques. Si un chef d’Etat Major ne comprend pas vite qui se cache derrière l’Etat Islamique, cela a des conséquences plus lourdes que si c’est un professeur d’Université à se tromper. Et pour le comprendre il est utile, voire essentiel, de connaître la théorie du spectacle. Après cinquante ans, la théorie du spectacle reste la Pierre de Rosette indispensable à décoder les hiéroglyphes du monde actuel. Mais cela dépasse les intérêts du professeur.

La Société du Spectacle est l’un des trois livres du XXème siècle, avec 1984 de George Orwell et Brave New World d’Aldous Huxley, qui reste essentiel à la compréhension du XXIème.

A propos de choses qui intéressent le professeur, par contre, il y a dans ce livre des falsifications factuelles qui sautent aux yeux : par exemple c’est tout à fait faux que Debord ait jamais violé sa sœur : ils s’aimaient et basta, voilà le crime ! Et alors ? La poussière et les toiles d’araignée qui enveloppent la tête et l’âme obsédée de l’auteur, l’emprisonnent dans un moralisme hypocrite et dans une malhonnêteté politiquement correcte qui s’éparpillent tout au long du livre. Je ne compte pas, car je ne les ai pas toutes repérées, mais j’en ai assez vues, toutes les falsifications, erreurs factuelles, d’herméneutique, et même de dates, ni le grand arbitraire interprétatif, imprégné de la sauce psychanalytique dans laquelle l’auteur mouille son discours ennuyeux, répétitif, fautif, assaisonné du déodorant pseudo neutre de recherche universitaire.

Cette soi-disant biographie nous renseigne en fait principalement sur ce que le mythographe conteur trouve notable en Debord, et justement il ne nous parle que des vétilles utiles à démontrer sa thèse préconçue. Toute la pensée, l’œuvre et l’action de Debord, et des groupes qu’il a animé, aussi bien que le contexte historique général dans lequel et contre lequel on agissait, tout cela disparaît complètement. Il ignore jusqu’au Scandale de Strasbourg et son influence cruciale dans le déclenchement de Mai ’68. La lutte, et ses enjeux, son sérieux, sont absents de ce livre. L’auteur ignore aussi parfaitement le rayonnement et les suites des théories et pratiques situationnistes : la première œuvre de street art et de guérilla art fut notre installation de la statue de Charles Fourier, Place Clichy, en 1969 ; il ignore les créations de situations magnifiquement réussies des Yesmen ; le groupes russes de Voina et des Pussy Riot, qui faisaient référence à Debord et aux situationnistes, le groupe tchèque de Stohoven, Banksy, la Kommunikation guerilla, les Hacktivistes et mille autres variations, que je ne cite pas ici, de la mise en pratique de cet héritage. Sans compter le rayonnement dans certaines formes de détournement et de luttes de classes et de sabotage pratiquées dans les usines, en Italie et ailleurs. Voilà en quoi l’I.S. fut une avant-garde. Tout cela, pour le professeur, n’existe pas : où est-elle son érudition ?

Enfin, d’après l’auteur, tout ce qu’a fait Debord c’est parce qu’il n’a pas eu de présence virile, à cause de la perte du père, auquel se confronter : ce qui l’a empêché, d’après lui, de devenir un homme. Il est toujours resté immature, il n’est jamais sorti de l’enfance. Voilà tout, et voilà la thèse centrale du livre. A ce compte là Debord se trouve orphelin en bonne compagnie, entre autres avec Nietzsche, Platon, Aristote, Schopenhauer, Rimbaud, Baudelaire, Dostoïevski, Swift et moi même, si parva licet componere magnis : Leopardi en rajoutait encore, observant que « lorsque, parcourant les vies des hommes illustres, on s’arrête à ceux qui ne doivent ce titre qu’à leurs actes et non à leurs écrits, il est bien difficile de trouver un personnage doté d’une vraie grandeur qui n’ait été privé dans son enfance de la présence du père »[4].

A maintes reprises Hegel s’est moqué royalement de ce qu’il appelle « la mesquinerie psychologique » ou « le pédantisme psychologique, cette soi-disant considération psychologique qui sait expliquer toutes les actions » : « la vue psychologique de l’histoire, qui s’entend à diminuer et à dégrader la grandeur des actes des individus… Elle méconnaît l’aspect substantiel des individus. C’est le point de vue des valets de chambre psychologiques, pour qui il n’y a pas de héros, non parce que ceux-ci ne soient pas des héros, mais parce que ceux-là ne sont que des valets de chambre ». Et encore : «Quel instituteur d’école n’a pas démontré, à propos d’Alexandre le Grand et de Jules César, qu’ils agirent poussées par les passions, et que à cause de cela ils furent des hommes immoraux ? D’où il s’ensuit que lui, l’instituteur d’école, est un homme meilleur que ceux-là… Les personnages historiques servis dans l’historiographie par des tels valets de chambres psychologiques, en sortent mal : ils en sont nivelés, et posés sur le même plan de moralité ; voire quelques degrés plus bas que ces subtils connaisseurs d’hommes. » « Cette conscience jugeante est donc à son tour basse… En outre, elle est hypocrisie… »[5].

Il est ici à noter que le même auteur s’était déjà produit en un livre élogieux, quoique fautif, au titre Les Tombeaux de Guy Debord, dès 1999.

Le parcours obligé de ces petits esprits, invariablement intellectuels, est toujours le même – il est pour ainsi dire écrit dans leur DNA, et il est facile à percer à jour. Il fonctionne ainsi : 1) ils commencent par la célébration et l’adulation éhontée ; 2) ils se fabriquent un roi mythologique ; 3) ils essayent de se placer dans sa cour ou à sa suite ; 4) à la fin, lorsque le risque diminue, ils veulent tuer leur roi, mettent en fonction leur guillotine et ils commettent le régicide, pour effacer leurs bassesses et leur ignominie de courtisans ou de parasites. Avec Debord ce fut de même. Il est significatif aujourd’hui le silence des apologistes d’hier : où se sont-ils cachés ? Ça leur a suffi d’un Apostolidès pour la leur boucler et les faire fondre comme neige au soleil ? Voici, finalement, un avantage qui nous vient de ce livre. Mieux vaut leur disparition silencieuse que leur bruit précédent. Il est vrai que le vent a changé : le temps de la Terreur a commencé. Et celui de la lâcheté, pour eux, ne finira jamais.

Ainsi qu’on l’a déjà noté, dans le livre dont il s’agit sont parfaitement absentes les grandes aventures, les passions et les amitiés fortes, la générosité virile, les persécutions, le mépris des risques, l’art, le jeu, la poésie, les aléas courus, le courage, l’invention, la création, le divertissement et la fantaisie. Bref, tout ce qui manque au professeur dans sa vie, manque aussi dans son livre, comme il est normal. Voilà une preuve de plus que cet ouvrage est une projection, un portrait de l’auteur, de ses problèmes avec les femmes, l’argent et le pouvoir, de ses multiples humiliations et rancunes, de son petit désir de revanche, et il n’est donc en rien le portrait de Debord. Cet auteur se scandalise en notant que Gérard Lebovici et moi même, outre bien sûr Michèle Bernstein, ayons soutenu financièrement Debord : d’après lui Debord nous aurait arnaqués. Sa petitesse l’empêche de concevoir des raisons plus hautes : à ce compte là il pourrait accuser tous les grands artistes d’avoir escroqué tous leurs mécènes. Il ne considère pas que ces grands ont donné à l’humanité infiniment plus qu’ils n’ont pris, et que c’est l’humanité entière à être en dette avec eux. La seule vraie escroquerie concrète que je vois ici c’est bien ce livre d’Apostolidès.

Puisque l’auteur nous fait la grâce de ne jamais nous cacher, en aucune page de son livre, son intention de dénigrer – seul moment dans lequel je reconnais qu’il est rigoureux et sincère –, il réduit tout ce qu’il touche à la vulgarité, et cela encore nous en dit long sur lui-même : n’importe où que l’on regarde dans cet ouvrage, on ne voit que des choses profondément sordides, mesquines, obscènes. Henry Miller avait percé à jour ce type d’esprit : « l’obscénité n’existe que dans l’esprit qui la déteste et la rejette sur les autres »[6].

Il n’y a donc pour l’auteur que des questions d’argent, de sexe et de pouvoir les trois grandes questions qui l’obsèdent, ainsi qu’elles obsèdent nos contemporains parce qu’ils en sont privés.

A notre époque ces choses existaient, bien sûr, mais elles n’étaient pas séparées de la vie, comme actuellement. On les vivait directement. Et Debord disait qu’on ne peut admettre d’autre problème d’argent en dehors de son éventuel manque. Il y avait solidarité et on se secourait : autre chose inconcevable pour ce professeur. Lequel est si obsédé qu’il nous considère comme des violeurs de filles, puisque, étant donné qu’on était les monstres qu’il peint, quelle autre manière aurions nous eu pour en séduire tant ? Bizarre qu’aucune ne s’en soit plainte : ont-elles toutes attendu patiemment que le professeur justicier leur rende justice ?

Ce professeur, s’il devait parler de l’Odyssée, n’y verrait que des poux sur la tête d’Ulysse : car il ne voit pas les choses de dimension supérieure à la sienne, et il réduit tout à sa mesure. Je crois qu’un tel professeur, s’il pouvait, il voudrait à lui seul ruiner la réputation de Stanford : il démontre en fait ici tout son cynisme destructeur de tout ce qu’il avait autrefois respecté : il semble affligé par un complexe de Thersite. En nous rappelant toujours là où il enseigne – comme si cela était une autorisation et un laissez-passer pour tous ses abus – il ne se fait pas de scrupules à traîner dans son cupio dissolvi aussi l’Université qui lui donne à manger. Son cynisme ne s’embarrasse pas non plus de tromper son public et ses étudiants : si c’était en son pouvoir il aurait voulu tromper toute la postérité, de laquelle il s’attend aveuglément la gloire, sinon pour le reste, au moins pour ce livre. Voilà un vrai naufrageur.

Comme s’il écrivait sur Wikipédia, le professeur rajoute, avec pédantisme et de façon pointilleuse, des notes avec les références, pour donner un semblant de sérieux à son portrait arbitraire et à ses vomissements acides. Mais ses notes ne lui servent qu’à démontrer fallacieusement ses hypothèses abusives, et tout le reste lui échappe. Avec des références soigneusement choisies, on le sait, on peut démontrer tout et le contraire de tout, et rendre le faux vraisemblable. Il semblerait que le but de l’auteur soit le renversement de l’ancienne règle : « Omnes homines honorare ». Il paraît comme poussé par une force irrésistible à déshonorer tous ceux, et ce, dont il parle à bâtons rompus, pour les salir de sa langue infecte. Croit-il de s’élever en essayant d’abaisser les autres ? Là aussi, il échoue, parce que la fable qu’il nous raconte ne nous parle que de lui et de son malheur.

Il s’agit en fait d’un livre proprement pornographique, d’une pornographie pas chère, digne d’une revue à sensations, mais d’une pornographie qui n’aurait pas de place dans ma collection d’art érotique, qui pourtant contient aussi pas mal de pièces de très belle pornographie. C’est un livre fabriqué dans l’esprit morbide d’une page de Facebook : voilà sa « modernité ». Avec son œil de valet, il regarde à travers le trou de la serrure de la maison des maîtres. Mes archives de Yale deviennent, pour ce nouveau Erostrate, rien de plus que l’un des trous de la serrure à travers lequel regarder, avec un œil de policier, car il n’y voit que ce qu’il y cherche, tout le reste lui échappe, et ce qu’il cherche n’a rien à voir avec la liberté, la critique, la lutte, ni la poésie, ni rien d’autre que sa petite furie infamante.

J’avais déjà eu occasion de citer ce même Apostolidès, dans une lettre à Mustapha Khayati du 10 décembre 2012, depuis publiée sur internet par d’autres. Voici :

« …Parmi ces apologistes [de Debord] on trouve de vraies perles, par exemple dans un certain Apostolidès, lequel, dans la furie de me faire disparaître, touche des sommets philologiques jamais atteints même par le KGB : pour achever la

« démonstration » que Censor n’est pas Sanguinetti, mais bien Debord, après avoir établi que la version française est plus « élégante » que l’italienne (!?), il nous enlève tout doute avec la savante leçon suivante : « On remarquera les affinités entre les deux noms, Censor et Debord : ils possèdent chacun deux syllabes, des voyelles identiques et un même nombre de lettres ».

L’ « affinité » pour laquelle j’avais choisi le pseudonyme de Censor est par contre celle avec Bancor, la devise supranationale inventée par Keynes, mais aussi nom de plume du gouverneur de la Banque d’Italie à l’époque, Guido Carli. On est bien loin de la furieuse finesse démonstrative d’un Apostolidès, orphelin malheureux du pape Pie XII, de Mao et de Lénine qui ne démontre que sa recherche spasmodique d’un culte spectaculaire de la personnalité. »

Et j’ajoutais :

« Cette première vague d’ « historiens » improvisés s’est allègrement brûlée et sacrifiée sur l’autel de la louange courtisane, laquelle – ainsi que Guy se plaisait à rappeler, citant Swift – est la fille du pouvoir en place. S’il avait eu vent de ces tombeaux, je crois qu’il aurait plutôt conclu, avec Schopenhauer : ‘Que d’ici peu les vers rongent mon corps, c’est une pensée que je peux tolérer, mais que les professeurs le fassent avec ma philosophie, cela me fait horreur’».

Ces gens-là ont beau enseigner dans une Université renommée, ils sont incapables de concevoir une vraie, rigoureuse et sérieuse analyse historico-critique : pour eux il n’y a que la louange courtisane ou le lâche outrage. Ce professeur restera en tout cas un exemple lumineux de tout ce qu’un chercheur honnête et rigoureux devrait éviter, exemple concret s’il en fut, à indiquer à tout étudiant, de la réunion malheureuse de ces deux malhonnêtetés s’étalant ici sans honte, dans une pièce de chronique policière, qui voudrait se déguiser en œuvre d’histoire. On peut se demander aussi ce qu’est devenue, avec des tels professeurs, l’Université aujourd’hui ? Une sale affaire comme tant d’autres, pour obliger les étudiants à s’endetter et les rendre esclaves et soumis dès le commencement de leur vie adulte. Ou, aux Etats Unis, à s’engager dans l’armée pour pouvoir payer leurs études.

Ce livre est un travail qui manque irrémédiablement de conviction et de force, donc d’énergie et de fraîcheur. Il ressemble plutôt à un travail salarié, sur commission, un essai raté de mettre Guy Debord et tout un mouvement au pilori, chose bien différente d’une loyale, légitime et honnête critique. Cela me rassure en tout cas, car il signifie que les situationnistes, malgré tous leurs défauts, continuent à être un exemple d’insoumission et un cauchemar qui trouble encore le sommeil d’une époque bien successive à la leur, qui ne supporte plus d’avoir d’autres ennemis que ceux qu’elle se fabrique.

Ce qui est regrettable, car j’aime la loi du contrapasso de Dante, c’est que ce professeur est trop insignifiant pour que la postérité s’occupe de lui, mais si jamais il trouvait un biographe, je lui souhaiterai qu’il soit tout simplement honnête, pour nous raconter toute la médiocrité et le dérisoire de son sujet d’étude. Mais qui s’intéresserait à une telle biographie ? Comme dit Virgile à Dante (Enfer, III, 47-51), à propos des Esprits mous et lâches,

« … leur vie aveugle est si basse

que tout autre sort leur fait envie.

Le monde ne laisse pas de renommée pour eux,

miséricorde et justice les méprisent :

ne parlons pas d’eux, mais regarde et passe. [7]»

Par un soucis d’équité, je reconnais enfin, tout de même, avoir apprécié dans ce livre une petite note où l’auteur regrette que je lui aie refusé la permission de publier mes photos, ce qui est vrai, et je m’en réjouis, car j’aurais honte d’être remercié par un tel homme dans une telle œuvre.

J’y vois par contre des remerciements complètement abusifs et perfides adressés par l’auteur à quelques amis à moi qui n’ont en rien cautionné, ni aidé, l’auteur de cet ouvrage, et n’en sont en rien responsables. Cela démontre encore une fois la désinvolture de l’auteur à tromper sans scrupules son public par tous les moyens.

Il y a quarante ans précis, Debord m’avait indiqué avec amusement ce passage des Mémoires d’Outre-Tombe, lequel reste très actuel : « Il y a des temps dans lesquels il faut dépenser le mépris avec économie, à cause du grand nombre de nécessiteux. »

Cela en guise de justification de ma parcimonie ici.

Prague, le 31 Décembre 2015

Gianfranco Sanguinetti

[1]http://next.liberation.fr/livres/2015/12/23/guy-debord-n-a-pas-ete-capable-d-appliquer-dans-sa-vie-les-principes-qu-il-revendiquait-en-theorie_1422482

[2] Cf. Francesco Guicciardini, Benedetto Varchi, Giorgio Vasari, Ludovico Ariosto et cent autres.

[3] Roberto Ridolfi, Vita di Francesco Guicciardini, Belardetti, Rome 1960.

[4] Giacomo Leopardi, Pensées, II, Allia, Paris, 1992.

[5] G.W.F. Hegel, Philosophie du Droit, § 124 ; Phénomenologie de l’Esprit, II, C, 2, c, III, p.195 trad. Jean Hyppolite ; La Raison dans l’Histoire, trad. par K. Papaioannou, chap. II, p. 127 ; Lezioni sulla Filosofia della Storia, I, II, 2, d, pp. 94-95. La Nuova Italia, Firenze, 1972.

[6] Henry Miller, Obscenity and the Law of Reflection, 1945.

[7] Traduction de Jacqueline Risset.