Archives mensuelles : mars 2015

[Publication] Zo d’Axa : « De Mazas à Jérusalem »

« Plus  rien ne nous attache au passé, mais l’avenir ne se précise pas encore. Et forcément nous allons mal compris comme des étrangers. Et c’est ici et c’est là, c’est partout que nous sommes étrangers. »

En 1895 sortait à quelques mois d’intervalle à Bruxelles et Paris sous deux titres différents un même récit des pérégrinations de Zo d’Axa, notamment traqué par la police pour « provocation au meurtre » de magistrats suite à plusieurs articles parus dans L’Endehors, qui allaient le mener de Paris à Jérusalem, en passant par Londres, Rotterdam, l’Allemagne, Milan, Turin, Trieste, Patras, Constantinople et jusqu’à Jaffa en Palestine.

A l’occasion d’une coédition, Tumult (Bruxelles) & Mutines Séditions (Paris) viennent de réimprimer ce livre, complété d’une préface et d’une longue note biographique : Zo d’Axa, De Mazas à Jérusalem, mars 2015, 224 pages, 6 euros en distro et 8 euros en librairies (format 13×19).

Pour la Belgique, on peut d’ores et déjà le commander à la Bibliothèque Acrata – 32 rue de la Grande Ile – 1000 Bruxelles (ou sur http://tumult.noblogs.org).

Et pour la France à la Bibliothèque Libertad – 19, rue Burnouf – 75019 Paris (Chèque à l’ordre de : Ce)… avant de le retrouver dans les librairies habituelles. La liste est disponible sur leur site, http://mutineseditions.free.fr


Et pour vous donner une idée, voici un extrait de la préface :

La révolte de l’individu désorientait et désoriente encore aujourd’hui les révolutionnaires qui n’ont d’oreille que pour les masses qui traînent les pieds. Si on parcourt la grande majorité de la littérature anarchiste actuelle, on ressent toujours cette même gêne, cet embarras quand leurs auteurs parlent de la fin du 19e siècle. Attentats à la bombe, meurtres, violence… les « années folles de l’anarchie ». Ils se livrent alors à d’invraisemblables tours acrobatiques afin de minimiser ces déflagrations et de les faire passer comme de simples maladies infantiles de l’anarchisme. Pourtant, c’est peut-être bien le coeur même de l’anarchisme qui caractérisait cette époque : pensée et dynamite, idée et action, main dans la main. L’imagination et la créativité dans sa propre vie et son propre combat, la liberté qui déploie ses ailes, l’individu qui commence son voyage.

Comme les Argonautes, Zo d’Axa savait que la joie réside dans les aventures qu’offre le voyage – quelles qu’elles soient – et non pas dans la découverte finale de la Toison d’Or. « Un sûr moyen de cueillir la joie tout de suite : détruire passionnément », c’est comme cela qu’il chantait le plaisir de la révolte. S’il était un ennemi de l’Autorité, c’est parce que ce n’est que dans le combat contre cette dernière que le voyage individuel est possible. C’est pour cela qu’il refusait de faire miroiter des lendemains qui chantent aux yeux avides et tristes des exploités et des opprimés, qu’il passait au crible leur crédulité et leur docilité, et qu’avec plus de fougue encore, il les exhortait toujours et à tout moment à s’insurger.

Quand un enfant erre dans le noir, il commence souvent à chanter fort pour s’encourager. De la même façon, nombre d’aspirants-subversifs ont pris l’habitude de bâtir des constructions théoriques pour faire face à la panique qui les saisit d’un coup à la seule pensée d’une existence sans certitudes, y compris lorsque ces certitudes sont l’oppression et l’absence de signification. Zo d’Axa préférait volontiers ne pas se plonger dans toutes ces analyses socio-économiques tant appréciées par un certain type de propagande révolutionnaire avide de confirmations objectives, de propositions réalistes et de résultats mesurables.

Une hérésie donc, hérésie contre les certitudes, y compris celles des mouvements révolutionnaires.

La révolte contre l’Autorité commence par le choix de l’individu, un choix qui échappe à la catégorisation en « rationnel » ou « passionnel », un choix qui ne peut pas être reconduit à des « conditions objectives » ou à des programmes idéologiques. Zo d’Axa a vécu une époque où, malgré la répression sanglante et l’exploitation féroce, idée et action s’embrassaient intimement dans la vie de certains individus, où des histoires de voyages commençaient, parfois courtes, parfois longues, parfois tristes, parfois joyeuses, mais toujours intenses et intempestives. Au-delà des époques et des distances, de telles aventures sont encore à saisir aujourd’hui. Peu importe où tu te trouves, d’où tu viens, l’âge que tu as.

Nous vivons dans un monde où toute sensibilité est engloutie par la marchandise, où l’obéissance et la docilité éradiquent progressivement tout sens, toute imagination, où l’Autorité commet toutes les atrocités imaginables et transforme la planète en cimetière. Alors te voilà seul devant toi-même et ce désir de vivre qui jaillit malgré tout. A toi le choix, mais n’attends pas trop longtemps.

copié et lu sur cet Brèves du Désordre

Mentoulles/Cuneo (Italie) : perquisitions de compagnons pour « association subversive »

 

lu sur Brèves du Désordre

jeudi  matin, à la demande des habituels procureurs Rinaudo et Padalino, les ROS [section spéciale anti-criminalité des carabiniers] ont perquisitionné les domiciles de trois compagnons et les locaux du Cercle culturel Barbarià et de la bibliothèque populaire Rebeldies.

Le mandat de perquisition fait référence à une enquête pénale basée sur l’article 270bis (association à finalité terroriste ou de subversion de l’ordre démocratique) : le classique théorème du « double niveau » selon lequel les accusés soutiendraient des initiatives « de poids », dont la publication de la revue Nunatak et les activités de la Caisse Antirépression des Alpes occidentales, des actions directes et des actes de sabotage « avec une attention particulière à ceux menés contre le chantier du TAV ».

Les perquisitions ont conduit, en plus des tentatives maladroites de placer des micros et autres, à la saisie de matériel informatique et du contenu de la boîte mail de Nunatak, de la Caisse AntiRep et de la mailing-list Alpi ribelli.

Dans une soupe qui va de messages et communiqués qui ont circulé sur la mailing-list à la solidarité anticarcérale avec les anarchistes condamnés pour la jambisation du responsable d’Ansaldo Nucleare Adinolfi, le tout assaisonné avec une attaque non précisée contre le chantier de Chiomonte [en Val Susa], la tentative manifeste du parquet serait de criminaliser la solidarité révolutionnaire et l’auto-organisation sur le territoire alpin.

Nous continuons d’avancer sur notre propre chemin.
Contre l’Etat et ses prisons ! Mille modes, un seul horizon : la liberté !

Les compagnons  perquisitionnés

[Traduit de l’italien de informa-azione, Ven, 20/03/2015 – 16:10]

[Grèce] Les prisonniers en grève de la faim. Complicité avec la lutte

Cette grève de la fam dans les prisons grecques montre que ce n’est pas un  gouvernement d’extrême gauche du capital qui  améliore les condition de détention.Ce sera la lutte des prisonniers  d’une façon autonome .  A l’extérieur  des murs les revendications des prisonniers peuvent être  diffusées . La lutte de solidarité   prendra  le relais

rappel des revendications:

Tout se conquiert par la lutte. Si en prison aujourd’hui nous pouvons avoir des livres, une télévision, des communications téléphoniques libres, des permissions, des suspensions de peine, si les matons ne nous frappent pas, nous le devons aux mutineries sanglantes et aux grèves de la faim d’anciens prisonniers.Depuis le 2 Mars nous sommes en grève ce que nous pouvons revendiquer aux patrons et à leur Etat ,avec le coût relatif que nous leur présenterons, est qu’ils battent en retraite en abolissant :
L’article 187.
L’article 187Α.
La circonstance aggravante pour un acte commis avec le visage dissimulé (« loi anti-cagoule »).
Le cadre de loi qui définit le fonctionnement des prisons de type C.

Et circonscrire l’analyse et l’utilisation du matériel génétique. Plus spécifiquement nous exigeons :
L’abolition de l’ordonnance du procureur qui impose le prélèvement violent de l’ADN.
L’accès et l’analyse du matériel génétique par un expert biologiste ayant la confiance de l’accusé, si ce dernier le souhaite.
La suppression de l’analyse d’échantillons composés d’un mélange de matériaux génétique de plus de deux individus.

Nous exigeons de plus :
La libération immédiate de Savvas Xiros afin qu’il puisse recevoir les soins dont il abesoin.

Athéne manifestation  du 17 mars:

 

retrouvé plus de photo  ici

Le mardi soir, le 17 Mars, une démonstration de solidarité avec les grévistes de la faim dans les prisons grecques a eu lieu au centre-ville d’Athènes. Quinze cent – deux milles   personnes ont commencé  de la place Monastiraki, passé par les rues, Athinas et Stadiou,  la place Syntagma et s’est terminée à Propylées. Après la fin de la démo des barricadesont été  érigées autour d’Exarchia,  et des affrontements ont éclaté

deux prisonniers ont été trasféré à l’hopital nouvel trouvé sur contra info






 

Que crève le citoyennisme – plateforme des mouvements contre les grands projets inutiles

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 luet coié sur sous la cendre

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A l’heure où le zadisme, sorte d’idéologie citoyenniste radical, se développe, d’autres se font porte-parole des mouvements et s’empressent de se faire conseiller du prince pour tempérer les ardeurs conflictuels et se présenter comme des gens responsables… C’est en effet devant une commission du Conseil national de la transition énergétique et sous la direction de Ségolène Royal, ministre de l’environnement, que quelques personnes autoproclamées représentantes des mouvements ont fait part de leur appétit participatif. On y reproduit les mêmes finalités pacificatrices et le même langage technocratique. Rien n’y manque, et c’est le citoyen qui est appelé à se transformer en expert, à établir de la « prospective territoriale » et à trouver des solutions alternatives plus crédibles. Et gratuitement en plus. On demande à chacun et chacune de participer à sa propre domination, plutôt que de se révolter. On met de l’huile dans les rouages de la domination, en gardant sa bonne conscience, puisqu’on dit ne pas vraiment y croire. L’Etat et les industriels se frottent les mains, trop contents de trouver des idiots pour leur trouver des bons tuyaux et leur redonner un peu de légitimité…

Les porte-paroles autoproclamés sont notamment :

Françoise Verchère, conseillère générale Loire-Atlantique, co-présidente du Cédpa (Collectif d’élus doutant de la pertinence du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, brrrr, attention vous risquez de montrer que vous êtes presque sur une voie où possiblement vous allez vous énerver mais pas trop quand même…) et ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure (c’est elle qui se présente comme ça, pensant sans doute que le préciser lui donne un peu plus de poids que les gens ordinaires, reproduisant ainsi le même mépris de classes de ceux et celles auxquels elle s’adresse – oui, parce qu’elle ne lutte pas contre eux, elle s’adresse à eux…),

Daniel Ibanez, économiste spécialisé en redressement et liquidation judiciaire, dirigeant d’un cabinet conseil, auteur de « Trafics en tout genre » au sujet de la ligne ferroviaire Lyon-Turin, et intronisé « lanceur d’alerte » (on se doutait qu’il ne lançait pas de projectiles…),

Jean-Pierre Chauffier, passé par ATTAC, tantôt délégué d’un comité de solidarité avec la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, tantôt défenseur de la ligne POLLT en lieu et place de la LGV Limoges-Poitiers (quelqu’un qui a compris qu’il fallait proposer des plans alternatifs donc…), et interviewé professionnel (en mal apparemment de notoriété…),

Corinne François, porte-parole de Bure stop 55, membre du Conseil d’administration du Comité Local d’Information et de Suivi de Bure (et donc déjà experte en dialogue avec les industriels et l’Etat).

http://www.politis.fr/La-plate-forme-des-mouvements,30424.html

https://tantquilyauradesbouilles.files.wordpress.com/2015/03/plateforme-finale-16-03.pdf

Les Indigènes de la République réussissent leur examen d’entrée dans l’extrême droite gauloise

miseau point du laboratoire anarchiste.

lu et copié sur non fides

 

Dans une allocution à la Maison de la Littérature à Oslo, le 3 mars 2015, lors d’une conférence sur le thème « Minorités, nationalisme et États-Nations », allocution intitulée « Racisme(s) et philosémitisme d’Etat ou comment politiser l’antiracisme en France », Mme Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des Indigènes de la République, a récemment dénoncé le prétendu « philosémitisme » des gouvernements français et les Juifs qui joueraient le rôle de « bonne conscience blanche ». En effet, selon elle, « les Juifs » occulteraient « la mémoire de la traite négrière », la mémoire du colonialisme « blanc », mais aussi « la mémoire du génocide des Tziganes » – ce qui expliquerait l’hostilité « de la part des sujets post-coloniaux envers les Juifs » qui les voient comme les « enfants chéris de la République ». Selon Mme Bouteldja, les Juifs seraient aussi les « porte-paroles de l’Occident ou plus exactement ses goumiers notamment par le biais d’un autre État-Nation colonial : Israël ».

Croyant sans doute innover en dénonçant le « philosémitisme d’Etat » [1], Mme Bouteldja rejoint ainsi une vieille tradition de l’extrême droite gauloise antisémite qui va d’Edouard Drumont à Alain Soral….

En effet, dans ses polémiques contre les partisans de l’innocence du capitaine Dreyfus, l’écrivain antisémite Edouard Drumont dénonçait déjà ceux qu’il appelait les « philosémites », qui, pour lui, étaient des traîtres, des individus en voie de devenir « juifs ». Dès la première page de La Libre parole il dénonce « le philosémite Leroy-Beaulieu ».

Dans un article de Jean-Paul Honoré (« Le vocabulaire de l’antisémitisme en France pendant l’affaire Dreyfus », Mots, mars 1981, n° 2, pp. 73-92), on découvre que la notion de « philosémitisme » est utilisée depuis longtemps comme un euphémisme pour dénoncer ceux qui luttent contre l’antisémitisme… d’Etat ou populaire. A l’époque, le concept de « politiquement correct » n’avait pas encore été inventé, mais l’extrême droite antisémite française dénonçait déjà le « philosémitisme » et les « compromissions philosémites ».

On m’objectera que le terme de philosémitisme est employé dans les milieux universitaires et intellos et qu’elle n’est pas seulement péjorative. C’est ainsi, par exemple,qu’un journaliste du quotidien « Haaretz », Yitzhak Laor, a publié un livre, cité d’ailleurs par Mme Bouteldja dans son allocution d’Oslo, ouvrage intitulé « Le nouveau philosémitisme européen ».

A propos du terme « philosémitisme », on pourra lire l’article de Catherine Poujol publié dans la revue Archives juives (2007, 1, vol. 40, http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=AJ_401_0014) « Oscar de Férenzy ou les limites du philosémitisme dans l’entre-deux-guerres ». L’auteure conclut ainsi son article : « Je partage en cela la définition que Pierre Pierrard donne du “philosémitisme” : “un contre-courant formé soit par humanisme, soit par conviction religieuse, né après la Shoah, grâce à Jules Isaac en France et au concile Vatican II ; courant qui a fait alors un grand bond en avant”. Je crois, en effet, que ce contre-courant chrétien a été une conséquence de la tentative génocidaire qu’a vécu le peuple juif, dans la mesure où des chrétiens se sont alors posés, sans aucun prosélytisme, comme gardiens d’Israël aussi bien d’un point de vue territorial (approbation de la création de l’État et défense de cette existence) que catéchétique (enseignement de l’estime et épuration des manuels et de la liturgie). »

Mais l’auteure de l’article remarque quand même, à propos de la presse chrétienne des années 30 qui se prétendait « philosémite » : « Ces philosémites-là font la distinction entre les valeurs judéo-chrétiennes que le peuple juif véhicule et auxquelles ils adhèrent, et leur aversion traditionnelle pour le rôle supposé néfaste des Juifs dans le monde politique et dans l’économie, pour eux indiscutable. »

Pour ma part, je me méfierai donc toujours des « philosémites », chrétiens ou athées, de droite ou de gauche, mais pas du tout pour les raisons avancées par l’extrême droite complotiste et Mme Bouteldja du PIR. Tout simplement parce que des gens qui se prétendent « philosémites » ne défendent ni un point de vue de classe, ni une position anti-étatique ou anti-nationaliste….

Le site qui a pris le nom de « philosémitisme » est d’ailleurs aujourd’hui un site favorable à l’extrême droite pro-israélienne (Rioufol, Goldnagel, etc.), et c’est donc effectivement un terme à proscrire, surtout si l’on est un adversaire résolu de l’antisémitisme, d’où qu’il vienne, des gouvernants ou des exploités, des athées ou des croyants, de la droite ou de la gauche.

Aujourd’hui, au XXIe siècle, le terme de « philosémite » n’est pas simplement utilisé par des intellectuels pour discuter en petit comité, ou par des militants de l’extrême droite sioniste-raciste, il fait aussi partie du langage codé que pratiquent les internautes antisémites de base car il est inséparable de tout un raisonnement complotiste selon lequel les gouvernements du monde (et notamment ceux des Etats-Unis et de la France) seraient contrôlés par « les Juifs ».

Dans le langage politique courant, « philosémite » est clairement une insulte utilisée par les Gaulois d’extrême droite depuis un siècle pour désigner les « souchiens » qui prennent le parti des Juifs et des juifs…..

Et cela, Mme Bouteldja ne peut l’ignorer, pas plus qu’elle ne peut ignorer qu’en dénonçant un « philosémitisme d’Etat » et en employant sans cesse l’expression « les Juifs », elle participe à une racialisation politique négative des 600 000 juifs ou Juifs français qui sont aussi divers politiquement et socialement que les « musulmans » ou les « sujets post-coloniaux » dont cette dame prétend se faire le porte-parole.

Pour illustrer l’ignominie de sa démarche, je prendrai quelques exemples de l’usage actuel de l’expression « philosémitisme » dans les milieux d’extrême droite gaulois, composés d’individus peut-être « blancs » mais certainement aussi réactionnaires que Mme Boutelja.

Tout d’abord cette citation d’une crapule qui a choisi le pseudonyme caractéristique de « Bonsens66 », dans la rubrique commentaires de l’hebdomadaire réac « Le Point » :

« Chacun sait qu’en France ces fameuses élites, celles qui « font le politiquement correct » sont philosémites. Le monde agricole, ouvrier, employé ou marginal (l’énorme majorité de l’opinion publique) n’a pas les mêmes intérêts à se montrer favorable à ceux qui se sont réservés les métiers, les fonctions qui écrèment l’économie nationale. »

Cette prose date de 2012 et elle n’est pas du tout l’expression d’un seul allumé du clavier.

C’est ainsi que Pierre Driancourt, dans un numéro de National-Hebdo de 1991 écrit à propos du groupuscule fasciste antisémite L’Oeuvre française : « Ainsi, le philosémitisme et le sionisme en vogue jadis dans le camp national tendent aujourd’hui à disparaître, de même qu’une certaine propension à cautionner une politique atlantiste ou libéraliste. »

Le site fasciste « Le bréviaire des patriotes » présente de façon élogieuse un livre de Bernard Lazare (« L’antisémitisme, son histoire et ses causes », réédité par le fasciste Alain Soral) parce qu’il balaie les arguments des « philosémites qui eux voyaient dans les Juifs un peuple maltraité parce que différent, parce qu’unique, jalousé et persécuté en conséquence par toutes les sociétés du monde ».

Un certain « Nico » qui se dit d’ailleurs « philosémite » ( ?!) écrit dans la rubrique commentaires du journal (de gauche ?) CQFD, sans que ses propos soient censurés ou fassent même l’objet de critiques : « J e constate que de plus en plus de postes de pouvoirs et stratégiques de mon pays sont occupés par des français-juifs ! »

Ces différents individus qui défendent des idées d’extrême droite rejoignent ainsi tout à fait les propos de Mme Bouteldja nous incitant à dénoncer le « philosémitisme [2] d’Etat » qui régnerait selon elle en France depuis 1945 et ferait des Juifs les supplétifs de l’impérialisme français et du néocolonialisme « blanc ».

Le PIR mérite bien son nom : il est devenu un courant parfaitement autochtone, qui a totalement intégré le logiciel nationaliste français.

Bienvenue au club, mesdames et messieurs les Indigènes de la République !

Y.C., Ni patrie ni frontières, 14 mars 2015.

Notes

[1Elle est en effet d’une ignorance abyssale comme en témoignent ses références au prétendu antisémitisme « progressif » – sic ! – , totalement imaginaire, du trotskiste puis panafricaniste C.L.R. James, cf. notre article http://mondialisme.org/spip.php?article2089.

[2On remarquera que les analyses de Mme Bouteldja rejoignent tout à fait celles de l’écrivain mythomane, complotiste, négationniste et antisémite Israël Shamir dans son article « Le philosémitisme, c’est du racisme » ou du fasciste Alain Soral qui voit des Juifs et des « philosémites » partout.

 

[Italie] Sole et Baleno 1998- 2015

ll y a 17  ans Baleno et Sole mouraient Ils avaient choisi de lancer leur vie dans l’ouragan de la guerre sociale, avec l’imprudence typique des amants. Ils l’ont fait jusqu’au
dernier souffle. Ils n’avaient pas le temps d’attendre, et le mirage de
la société future n’a pas calmé leur urgence de vie. Ils ont choisi
d’aller chercher l’ennemi, de le débusquer. Ils l’ont attendu sur les
bords obscurs de la route, comme des voleurs de la nuit.

Ceci nous porte à l’intérieur d’eux.

Assez de pleurnicheries. Nous n’avalerons pas une autre peur. Assez avec les
«victimes de la répression». Nous n’en pouvons plus. Sole et Edo ne
sont pas des «victimes de quelque chose de plus grand qu’eux», pas plus
que nous ne le sommes tous. Si Baleno, comme Sole, a choisi s’échapper
de cette manière, ne leur ôtons pas non plus la dignité de ce choix,
aussi tragique puisse-t-il sembler. Aussi mal que cela fasse. Et aussi
peur. Déjà, parce que dans un monde où tout est prévu d’avance, ce
choix nous rend à chaque instant, face à la chance ou au malheur,
toujours et quoi qu’il en soit maîtres absolus de notre vie. Et la
liberté fait peur…

Dix sept ans sont passés… Nous avons pleuré. C’est vrai. Trop. Nous n’avons plus
de larme. Ce qu’ils nous ont enlevé c’est plus que la perte de deux
amis et compagnons. Ils nous ont ôté la capacité d’un sourire
insouciant. Ils nous ont offert l’ombre de la mort qui ne nous
abandonne jamais. Merci. Nous sommes devenus plus impitoyables. Mais
que les gardiens de l’ordre public ne se réjouissent pas. La désolation
qu’ils installent dans le cœur des humains retournera. Les blessures
inaltérables à la nature, tourneront. Tout revient. Plus croît le
désert, plus s’endurcissent les cœurs, plus la révolte aura les traits
peureux d’une apocalypse.
Baleno et Sole sont morts comme ils ont vécu. Sans médiation.Imprévisibles, ils ont défié la médiocrité de leur époque.

EdoardoMassari, dit Baleno, a été retrouvé pendu dans sa cellule de la prison
de la Vallette, à Turin, le 28 mars 1998. Maria Soledad Rosas, appelée
Sole, s’est pendue dans la maison où elle était assignée à résidence,
le 11 juillet de la même année. Tous les deux étaient accusés — par les
juges turinois Laudi et Tattangelo — d’appartenir à une association
subversive et à une bande armée qui dans les années 90 ils  auraient réalisées
plusieurs sabotages en Val de Susa, en particulier contre des infracstruures du capitalisme technologique
et des chantiers de la Haute Vitesse (ils ont été finalement tous
absous ; seulement le troisième inculpé, Silvano, a été condamné
. Depuis lors, les tentatives de construire le TGV
(TAV) au Val Susa ont trouvé l’opposition d’une population insurgée
pour la défense de sa terre. La combativité des Valsusains et de tous
les rebelles qui luttent contre cette nocivité et d’autres est le
meilleur cadeau à l’amour de la terre, les montagnes et la liberté qui
animait Edoardo et Soledad.

Cette année Le 27 mars  à Ivrea et le 28 mars à  Brosso -canavese nous nous se retrouvons ces jour là….

 

 

 

 

[Grèce ]: Déclaration de début de grève de la faim du Réseau de Prisonniers en Lutte

 lu sur non fides


 

Nous commençons par un constat qui ne devons jamais oublier. Tout se conquiert par la lutte. Si en prison aujourd’hui nous pouvons avoir des livres, une télévision, des communications téléphoniques libres, des permissions, des suspensions de peine, si les matons ne nous frappent pas, nous le devons aux mutineries sanglantes et aux grèves de la faim d’anciens prisonniers.

 

Aujourd’hui, notre tour est venu de lutter et de gagner. L’heure est venue pour que diminuent les peines folles qu’ils distribuent abondamment, que soient données les permissions et les remises de peines selon les règles, que la perpétuité soit ramenée à 12 années de peine obligatoire avec 4 années de travail [1], que les libérations sous conditions soient données après en avoir fait les 2/5 [2], que la durée de détention provisoire passe à 12 mois [3], qu’existe la possibilité d’utiliser internet, que les parloirs deviennent plus libres, que les parloirs conjugaux soient garantis [4].

Qu’ils ne construisent plus de quartiers d’isolement sensoriel comme ceux de Malandrino, Trikala, Grevena, Domokos, Chania, Nigrita, Drama, où les détenus n’ont aucun contact avec le monde extérieur et voient le ciel seulement à travers des barbelés. Ces quartiers déjà existants doivent être transformés architecturalement et il faut qu’ils cessent de prendre au sérieux uniquement la seule prévention des révoltes et des évasions et reléguant au second plan les conditions de vie.
 
Les camps de concentration pour immigrés doivent fermer. Tout cela sont des points que nous tous les prisonniers devons revendiquer et gagner. Nous les mettons en exergue à l’occasion de la lutte que nous commençons et nous demandons à tous les détenus de toutes les prisons d’en tenir compte pour les nouvelles batailles qui s’annoncent.

La prison, et la répression plus généralement, constitue un des piliers de base du système capitaliste. Dans le modèle néolibéral de gestion capitaliste qui prévaut aujourd’hui, la répression se centralise toujours plus comme choix de l’Etat et s’exprime de manière condensée à travers le dogme Loi et Ordre. L’abandon de l’ancien modèle d’Etat-providence keynésien a conduit à la paupérisation d’une majorité de personnes tant dans les métropoles occidentales que dans la périphérie capitaliste. À partir du moment où une large part de la population ne peut être absorbée par le processus de production et de consommation, sa gestion ne peut être autre que répressive.
 
Une gestion répressive efficace qui a imposé la création de régimes d’exception spéciaux en circonscrivant des pratiques illégales au sein d’un cadre législatif spécial. Des pratiques auxquelles ils ne font pas face en fonction de leur gravité pénale spécifique mais en fonction de leur dangerosité pour le fonctionnement sans accroc du régime…

Ce régime d’état d’urgence inclut le combat l’ennemi intérieur (avec l’application de la « loi antiterroriste » pour les personnes accusées de lutte armée et de la « loi anti-cagoule » [5] pour tous ceux arrêtés après des affrontements en manifestations), au dit « crime organisé » ou encore mieux au fonctionnement capitaliste « au noir », aux immigrés qui sont désormais détenus sans avoir commis de délit mais seulement en raison de leur existence, aux hooligans poursuivis selon des lois sportives spéciales, aux femmes stigmatisées comme un fléau pour la société et la liste peut continuer. On fait face à tout ce qui peut potentiellement provoquer une instabilité dans le fonctionnement systémique efficace par une quelconque réglementation spéciale.

Dans la réalité grecque, ce processus a commencé au début des années 2000 et évolue sans cesse depuis, législativement parlant. En 2001, l’Etat grec a voté l’article 187 sur l’entreprise à caractère criminel à l’unisson avec ce qu’on a nommé alors la « guerre contre le terrorisme » qui avait intensifié au niveau mondial la guerre contre l’ennemi intérieur. En 2004, l’article 187a sur l’entreprise à caractère terroriste est voté.
 
Durant la même période, la première prison de haute sécurité est construite à Malandrino où sont transférés les prisonniers les plus insoumis qui vivront un régime pénitentiaire spécial avec isolement sensoriel, détention dans des quartiers réduits et des difficultés quant aux permissions et aux remises de peine.
 
En 2002, les prisonniers de l’affaire du 17 Novembre [6] sont détenus dans les sous-sols de la prison pour femmes de Korydallos, également dans des conditions d’isolement physique et sensoriel. La construction de la prison de Malandrino et des cellules au sous-sol à Korydallos pour des prisonniers de droit commun et politiques respectivement, constitue la première mise en application des conditions spéciales de détention en Grèce dans la période post-Junte.
 
Les articles de loi 187 et 187a élargissent les cas d’application afin d’y inclure plus de pratiques et le degré de punition augmente. Le fonctionnement de ces législations comprend des magistrats spéciaux, des salles d’audience spéciales, l’absence de jurés, des peines plus lourdes pour chaque délit et enfin l’accusation d’intention de commettre un délit. Il s’agit très clairement d’une législation vindicative qui vise à exterminer les prisonniers.

Un cas à part ici est celui du résistant polytraumatisé Savvas Xiros [7] qui fait face depuis 13 années à une mort lente en prison.
 
La dernière mis en application de cet état d’urgence est la construction des prisons de type C. De par le renforcement du cadre législatif qui les définit, la durée d’accomplissement des peines de tous ceux qui s’y trouvent est démesurément rallongée. Et cela en plus de l’isolement physique et sensoriel qu’implique l’enfermement dans les prisons de type C.

Une caractéristique particulière de l’état d’urgence est sa mise en place expérimentale en premier lieu et son élargissement continu par la suite. L’application de l’article 187 qui concernait quelques dizaines de détenus initialement, pour désormais environ 30 % de la population totale des enfermés accusés dans ce cadre, en est un exemple.

La mise en place des prisons de type C est un autre exemple où, en-dehors de tous ceux qui sont initialement considérés comme prisonniers de type C (les accusés sous les articles 187 et 187a), n’importe quel prisonnier insoumis peut être considéré dangereux et y être transféré.
 
Au-delà de la législation, l’état d’urgence se cristallise aussi dans le champ de l’enquête-preuve. L’apparition de l’analyse ADN a créé un nouveau type d’approche policière-judiciaire qui présente ses conclusions d’enquête comme des vérités incontestables.

De par sa nature, le matériel génétique constitue une preuve particulièrement dangereuse quant aux conclusions que peut en tirer quelqu’un en l’analysant. Sa transmission aisée d’un individu à un autre ou à un objet ou encore son association laissent offertes tant de possibilités et de conclusions à quiconque veut en tirer en l’utilisant comme un moyen de preuve.

Si tout cela est pleinement connu autant des scientifiques qui suivent la question que des mécanismes répressifs qui l’utilisent, la collecte, l’analyse et le recensement du matériel génétique constituent la nouvelle super-arme répressive légiférée justement à cause de cette ambiguïté qu’elle implique.
 
La déficience de cette méthode est démontrée par l’absence retentissante de policiers biologistes aux procès en vue de soutenir leurs analyses, contrairement aux policiers qui ont effectué l’arrestation, le dossier d’instruction, des artificiers et autres spécialistes.

L’importance qu’accorde la pratique répressive à l’analyse ADN est prouvée par son utilisation en constante augmentation dans les salles d’audience. Des individus ont été accusés pour diverses infractions sur la seule base d’un mélange de matériaux génétiques trouvé non loin de la zone d’enquête. Bien que la méthode scientifique internationale considère précaire l’analyse de tels mélanges, il existe plusieurs condamnations sur la seule preuve d’un mélange découvert.

En outre, l’acharnement de la police à prélever l’ADN, chose non seulement permise mais imposée et qui transforme toute la procédure en une torture, est une preuve de plus de l’importance qu’a pour le régime la création de bases de données génétiques.

C’est pour toutes ces raisons que nous pensons qu’il est temps de faire obstacle à la manière dont est évalué le matériel génétique.

Aucune remise en doute n’est possible quant au fait que l’Etat utilise tous les moyens permis par chaque rapport social pour préserver la domination de classe. Il serait par conséquent stupide d’attendre de tous ceux à qui nuit la lutte subversive de ne pas prendre des mesures. Ce que nous pouvons revendiquer aux patrons et à leur Etat avec le coût relatif que nous leur présenterons est qu’ils battent en retraite en abolissant :

L’article 187.
L’article 187Α.
La circonstance aggravante pour un acte commis avec le visage dissimulé (« loi anti-cagoule »).
Le cadre de loi qui définit le fonctionnement des prisons de type C.
 
Et circonscrire l’analyse et l’utilisation du matériel génétique. Plus spécifiquement nous exigeons :

L’abolition de l’ordonnance du procureur qui impose le prélèvement violent de l’ADN.
L’accès et l’analyse du matériel génétique par un expert biologiste ayant la confiance de l’accusé, si ce dernier le souhaite.
La suppression de l’analyse d’échantillons composés d’un mélange de matériaux génétique de plus de deux individus.
 
Nous exigeons de plus :
 
La libération immédiate de Savvas Xiros afin qu’il puisse recevoir les soins dont il a besoin.

Nous ne faisons aucune confiance aux paroles de tout gouvernement et nous n’oublions pas que tout se conquiert par la lutte. Pour cette raison, nous commençons une grève de la faim à partir du 2 mars exigeant la satisfaction de nos revendications.

Réseau de Prisonniers en Lutte

Commencent à partir d’aujourd’hui [le lundi 2 mars] la grève de la faim les compagnons participants au Réseau de Prisonniers en Lutte Antonis Staboulos, Tasos Theofilou, Fivos Charisis, Argyris Dalios et Giorgos Karagiannidis avec les camarades Dimitris Koufoudinas, Nikos Maziotis et Kostas Gournas. Les autres compagnons participants au Réseau suivront ultérieurement.

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[Traduit du grec par nos soins de Indymedia Athènes.]

Notes

[1Les condamnés à perpétuité doivent actuellement purger 16 ans au minimum avec 4 années de travail en prison pour demander une remise en liberté. Notes des traducteurs

[2En Grèce, tout prisonnier peut actuellement demander sa remise en liberté après avoir effectué 3/5 de sa peine. En cas de libération, les 2/5 restants sont suspendus. Par exemple, une personne condamné à 10 ans peut sortir au bout de 6 années de prison et sera sous liberté conditionnelle les 4 années restantes. Si durant ces 4 années de nouvelles poursuites judiciaires sont lancées, la personne devra purger ces 4 ans en plus d’une nouvelle peine.

[3Au lieu de 18 mois aujourd’hui.

[4Les parloirs conjugaux ont été introduits dans la dernière réforme du code pénitentiaire mais n’existent pas dans la réalité à cause d’un manque de place.

[5La loi anti-cagoule fait que se masquer dans une manifestation est un crime en Grèce.

[6Groupe de lutte armée anti-impérialiste et communiste né peu après la chute de la junte qui mènera des actions jusqu’en 2002, année où ses membres seront arrêtés et jugés en vue des Jeux Olympiques de 2004.

[7Savvas Xiros est un ancien membre du 17 novembre. Blessé en 2002 par l’explosion d’une bombe, il est atteint par de sérieux problèmes de santé et demande depuis des années sa remise en liberté pour cette raison.


lu sur  brèves du désordre : Grèves de la faim dans les prisons grecques – brève chronique des derniers jours

, d

Tandis que la société grecque avale presque sans broncher les contes post-électoraux du gouvernement SYRIZA-ANEL, des anarchistes incarcéré-e-s et des prisonnier-e-s combatif-ves dans les geôles de la démocratie grecque décident de se confronter de nouveau au Pouvoir et à ses lois, utilisant comme moyen de lutte la grève de la faim et le refus de la nourriture de prison.

Le 27 février 2015, le prisonnier de droit commun Giorgos Sofianidis, enfermé dans le module E1 des prisons de haute sécurité de Domokos, commence une grève de la faim en exigeant d’être retransféré dans les prisons de Koridallos, où il purgeait sa peine jusqu’au Jour de l’An, afin de pouvoir continuer ses études au sein de l’Institut d’Education Technologique du Pirée et de l’Institut d’Enseignement Professionnel des prisons de Koridallos. Dans le même temps, avec les autres prisonniers du module spécial E1, il revendique l’abolition définitive des prisons de type C.
Ce même jour commencent à refuser la nourriture de prison tous les autres prisonniers du module, à savoir les anarchistes Nikos Maziotis, Kostas Gournas, Yannis Naxakis, le communiste Dimitris Koufontinas et les prisonniers sociaux Alexandros Meletis, Konstantinos Meletis, Vasilis Varelas, Mohamed-Said Elchibah et Alexandros Makadasidis, en affirmant qu’ils continueront leur mobilisation. Il nous faut rappeler ici qu’une autre protestation avait déjà eu lieu à l’intérieur des prisons de Domokos au début du mois de février suite à la mort d’un prisonnier du fait d’une négligence médicale.

Le 2 mars, une grève de la faim de prisonniers commence sur la base d’un ensemble de revendications communes//cadre politique commun, se référant surtout à l’abolition des lois antiterroristes de 2001 et de 2004, des articles 187 et 187A du code pénal, de la « loi de la cagoule », de la législation sur les prisons de type C, de l’ordonnance du parquet en ce qui concerne la prise violente de traces ADN, en plus de la demande de libération de Savvas Xiros, membre condamné pour son appartenance à l’organisation 17 Novembre, pour des raisons de santé. Kostas Gournas et Dimitris Koufontinas (respectivement membres de Lutte Révolutionnaire et de 17 Novembre) annoncent leur participation par un communiqué en commun, ainsi que Nikos Maziotis (tous trois depuis les prisons de Domokos), et 5 compagnons du Réseau de Combattants Prisonniers (dont les initiales en grec sont DAK) : Antonis Stamboulos (prisons de Larisa), Tasos Theofilou (prisons de Domokos), Fivos Harisis, Argyris Ntalios et Giorgos Karagiannidis (prisons de Koridallos). Les autres participants de la DAK rejoindront la mobilisation plus tard. Depuis le 2 mars, le prisonnier Mohamed-Said Elchibah entre lui aussi en grève de la faim dans les prisons de Domokos. Deux jours plus tard, 2 prisonnières du module des femmes des prisons masculines de Neapoli, à Lasithi en Crète, commencent à refuser la nourriture de prison, comme marque de solidarité avec les prisonniers politiques en grève de la faim.

Au même moment, la police a arrêté à partir du 28 février plusieurs personnes dans l’affaire de la tentative d’évasion ratée de la Conspiration des Cellules de Feu des prisons de Koridallos : Christos Rodopoulos, l’anarchiste alors en cavale Angeliki Spyroupoulou, Athina Tsakalou (mère des frères Tsakalos) et une amie à elle, un ami du frère de Girogos Polidoros, ainsi que l’épouse de Gerasimos Tsakalos. Le 2 mars, les 10 membres prisonnier-e-s de la CCF Olga Ekonomidou, Michalis Nikolopoulos, Giorgos Nikolopoulos, Haris Hadjimihelakis, Gerasimos Tsakalos, Christos Tsakalos, Giorgos Polidoros, Panagiotis Argirou, Damiano Bolano et Theofilos Mavropoulos annoncent qu’ils rentrent en grève de la faim jusqu’à la mort ou jusqu’à ce que soient libéré-e-s leurs proches et ami-e-s. Angeliki Spyropoulou entre à son tour en grève de la faim depuis les cachots de la police, avec les mêmes revendications.

Le 4 mars, l’anarchiste Panagiotis Michalakoglou, en prison préventive dans les prisons de Nigrita, à Serres, commence à refuser la nourriture de prison en solidarité avec les membres de la CCF. Entretemps deux personnes de l’entourage amical des familles de la CCF sont « libérées », mais les tortionnaires Nikopoulos et Asprogerakas, juges spéciaux d’instruction, ordonnent la prison préventice pour la gréviste de la faim Angeliki Spyropoulou (prisons de Koridallos) et Christos Rodopoulos (prisons de Domokos).
De plus, le 6 mars, Christos Polidoros (frère du membre de la CCF) est arrêté et remis aux services antiterroristes.

Le 4 mars, Giorgos Polidoros et Christos Tsakalos annoncent que la CCF soutient la grève de la faim collective qui est menée en parallèle de la leur, en soulignant que les nouvelles machinations des services antiterroristes contre leurs familles sont une conséquence extrême de la loi antiterroriste. Le 5 mars, Nikos Maziotis, membre de Lutte Révolutionnaire, déclare, indépendamment des différents contextes de ces grèves de la faim en termes de revendications, qu’il soutient la lutte des prisonnier-e-s de la CCF.

Face à ces évènements très importants et à l’attente de nouvelles, nous, celles et ceux qui sont dehors, à lutter pour l’abolition de la société carcérale dans toutes ses expressions et l’abattage de tout Pouvoir, avons pour responsabilité de soutenir tou-te-s les prisonnier-e-s en lutte, sans exceptions, et leurs mobilisations pour la satisfaction immédiate de leurs revendications, tout en continuant à travailler pour la déstabilisation complète du système de domination. Il ne faut pas oublier que ce pour quoi nous luttons est la démolition totale de l’État/Capital et que les luttes partiales revendicatives sont des outils de déstabilisation dans ce sens, et non des fins en soi. Dans le cas contraire, on court toujours le risque de l’assimilation par le réformisme. Multiplions les actions d’agitation et d’attaque contre les institutions, les personnes et les symboles de la démocratie grecque à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. Que la solidarité soit pratique !

[Contrainfo, March 8th, 2015]

 

Espagne : Accusations contre les compagnon-ne-s inculpé-e-s dans l’opération Pandora

                                                                                                                                     

La police politique du régime a lancé une campagne répressive qui s’est concrétisée le 16 décembre 2014 où 11 compagnon-ne-s ont été accusé-e-s de diverses attaques et d’« appartenance à une organisation criminelle à finalité terroriste ».
Après environ un mois de détention préventive, 7 compagnon-ne-s ont pu être libéré-e-s, bien qu’avec un procès en cours.

 

La police avance que la supposée organisation terroriste serait « le groupe criminel GAC (Groupes Anarchistes Coordonnés), affilié aux principes de l’organisation terroriste FAI/FRI ». Un nouveau mensonge et une falsification de la réalité par les éternels réprimeurs.

Pour poursuivre, passons au détail des 9 attaques composant l’accusation contre les compagnon-ne-s. Il faut souligner que parmi ces attaques se trouve celles dont sont accusés les compagnon-ne-s Monica et Francisco.

* 21 décembre 2012. Trois attaques coordonnés, un contre l’agence bancaire de Caixabank (Barcelone) en plus de l’envoi de deux colis piégés, l’un à l’archevêque de Pamplona et l’autre à un membre de la congrégation des Légionnaires du Christ de Madrid. Ils ont été revendiqués par le Club d’artisans du café pour de nouvelles utilisations (occasionnellement spectaculaires) – FAI/FRI, et le Groupe anticlérical pour la promotion de l’usage du sex-toy – FAI/FRI.

* 7 février 2013. Attaque contre la cathédrale d’Almudena à Madrid, attribué au Commando insurrectionnaliste Mateo Morral.

* 10 avril 2013. Deux tentatives simultanées contre une agence de la Caixabank du quartier de Sarrià à Barcelone et contre un établissement bancaire de la BBVA (Banco Bilbao Vizcaya Argentaria) à Madrid.

* 6 septembre 2013. Deux colis piégés envoyés à des entreprises italiennes en Catalogne + un faux engin envoyé à une entreprise italienne à Valence.

* 2 octobre 2013. Attaque contre la basilique del Pilar à Zaragosa, action revendiquée par le Commando Insurrectionnel Mateo Morral (pour laquelle les compagnon-ne-s Monica et Francisco sont en prison).

L’affaire judiciaire contre les compagnon-ne-s continue à l’Audiencia Nacional [1], sans échéance définie et pleine de fantasmes et de conceptions absurdes pour ajuster les faits aux intérêts « antiterroristes ». On voit donc que l’obsession de relier les GAC à la FAI-FRI se place dans une décision du Conseil de l’Union Européenne prononcée en juin 2009 où la FAI/FRI est classée comme organisation terroriste. Ainsi, l’objectif de l’Etat espagnol est de se baser sur ces accords supranationaux pour qualifier les GAC de terroristes.

Au delà des frontières : Solidarité avec les compagnon-ne-s inculpé-e-s !!

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[Traduit de l’espagnol par nos soins de Publicación Refractario.]

P.-S.

Plus d’infos sur l’opération Pandora ici

Notes

[1Tribunal espagnol siégeant à Madrid spécialisé pour les affaires importantes et crimes graves, par exemple relevant de la loi antiterroriste. NdT.

[lu sur non fides et copié]

 

Besançon : Sortie du premier numéro de Séditions

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Voici le premier numéro du journal apériodique anarchiste Séditions. Il est présenté sous forme de dépliant 4 pages et est disponible, hormis lors de diffusions occasionnelles, à plusieurs endroits à Besançon : à la librairie L’Autodidacte (place Marulaz), au bar Ze Music All (rue Rivotte), à la SPAM (place Marulaz). Ci-dessous l’éditorial publié à l’occasion de la sortie du premier numéro :

 

Le journal ’Séditions’ part avec l’idée de renouer avec l’agitation urbaine dans une perspective anarchiste. Il n’a pas vocation à promouvoir une quelconque organisation, qu’elle soit formelle ou informelle, fusse-t-elle anarchiste. Il ne rentre pas non plus dans la démarche qui consiste à créer des alternatives au sein d’un monde qui nous écrase sous son autorité. Nous luttons pour la liberté totale de tous les individus et donc en dehors du champ de la politique ; nous ne cherchons pas à rendre ce système de fric et d’autorité plus juste.

La ville change. Promoteurs immobiliers, entreprises du BTP, architectes et mairie investissent les quartiers dans l’intérêt des riches et de l’Etat.

Le besoin se faisait ressentir de mettre au centre des discussions les restructurations de l’Etat et du capitalisme qui, jour après jour, modifient notre environnement, nos lieux de vie et d’errance, nos trajets quotidiens en déployant sans cesse plus de moyens de contrôle et de surveillance sur chacun d’entre nous, tout en cherchant à diviser les exploités et dominés en catégories et à les monter les uns contre les autres (communautarismes religieux, ethniques et patriotisme,..)

Cette publication propose d’apporter des textes et des critiques pour passer à l’action contre cette ville qui est en phase de devenir une gigantesque prison à ciel ouvert.

Pour contribuer au journal, envoyer un article, une brève… : seditions@riseup.net

 lu sur non fides]

 

Fukushima : cogérer l’agonie

Il est indispensable dans ce sud est  de la france de  lutter pied à pied contre cette chaîne humaine du réseau  sortir du nucléaire qui avec l’aide des pouvoirs publics faite année après année . Cette année c’était à partir du 14 Mars au tricastin et à Marcoule ( 100 personnes étaient présentes.)

le texte de  Thierry Ribault  qui est à la table de presse antinucléaire du laboratoire anarchiste  il nous semble utile de reiayer ce texte ci dessous

Fukushima_nuclear
Fukushima : cogérer l’agonie  lu sur sous la cendre

En ce 11 mars 2015, quatre ans après l’inachevable désastre nucléaire de Fukushima, on  peut, bien  entendu, établir  un bilan officiel : 87 enfants  atteints  d’un  cancer  de  la thyroïde, 23 autres suspectés  de l’être, 120.000 «réfugiés», 50.000 liquidateurs mobilisés au  seuil  sacrificiel  dûment  relevé, des  piscines  remplies  de  combustibles  prêtes  à  nous exploser au nez, des rejets massifs et réguliers d’eau contaminée dans l’océan, pas moins de 30 millions de m3 de déchets radio actifs à stocker pour l’éternité.

Ce bilan existe. Nous vous y renvoyons.
L’État fait des habitants de Fukushima des cogestionnaires du désastre
Une fois ce «bilan» dressé, une fois les victimes et les inquiétudes considérées avec respect, il s’agit de tirer les conclusions qui s’imposent. L’une d’entre elles est la suivante : au fur et à mesure que se mettait en place l’aide fournie par des groupes citoyens, des ONG, des  structures  plus  ou  moins  indépendantes,  l’État faisait des  habitants  de  Fukushima, indéniablement  et  sous  couvert  de  «participation  citoyenne», des cogestionnaires du désastre. On pourra nous opposer que cet élan civique a relevé de la spontanéité, voire de l’amour du prochain, que l’État n’a donné aucun ordre allant dans ce sens, que chacun était, et reste, libre de «s’engager» dans de tels mouvements, certes ! Cependant, beaucoup des hommes et des femmes qui l’ont fait, même si c’est inconsciemment, ont fait le jeu de l’État.
Voilà ce que nous avons constaté.
La  plupart  de  ses  groupes  citoyens,  ces  ONG,  ces  structures  plus  ou  moins indépendantes  ont  appelé  les  habitants  à  s’équiper  de  dosimètres,  les  ont  aidé  à  s’en procurer  ou  à  s’en  fabriquer  sur  le  mode do‐it‐yourself,  les  ont  assistés  dans  la  tâche pharaonique  d’une  impossible  décontamination,  ont  réuni  des  fonds  aux  sommes  parfois colossales  pour  acheter  des  équipements  permettant  d’effectuer  des anthropogammamétries, y ont fait asseoir leurs congénères pour leur asséner des chiffres dont ils ne savaient que faire, ont élaboré des cartes des retombées radioactives au mètre près, ont ouvert des dispensaires dédiés à l’évaluation des doses reçues et au suivi sanitaire des populations. Ces «initiatives citoyennes» ont visé à rendre compte d’une réalité dont les protagonistes estimaient qu’elle était niée par les autorités. Ce faisant, plutôt que de les mener à «sauver leur vie», autrement dit prendre leurs jambes à leur cou (comme l’ont fait certaines  structures,  dans  le  Yamanashi  par  exemple,  aidant  les  gens  à  refaire  leur  vie ailleurs), la plupart d’entre elles ont aidé les gens à rester sur place, ce qui a fait le jeu d’un État  qui  n’avait  d’autre  objectif,  dès  le  début  des  évènements,  que  de maintenir  les populations en place. Ce faisant, plutôt que de remettre en question la thanato‐politique de folles sociétés humaines bâties sur le danger et le gouvernement par la mort, ces structures ont appris aux gens à vivre avec, attendu que les dosimètres créeraient le miracle.
De  Tchernobyl  à  Fukushima,  la  cogestion  a  fait  faire  un bond  qualitatif  à l’administration du désastre
: travaillant à la grande inversion du désastre en remède, elle a porté à un degré de perfection jamais atteint jusqu’à présent la responsabilisation de chacun dans sa propre destruction et la nationalisation du peuple qui la fonde.
Groupes indépendants… intégrés
Prenons  deux  exemples  qui  montrent  comment,  un  jour  ou  l’autre, ces  structures plus  ou  moins  indépendantes  l’ont  été  de  moins  en  moins  et  se  sont,  avec  plus  ou  moins d’état d’âme, ralliées aux structures étatiques.
Premier exemple : Ethos, programme développé en Biélorussie dans les années 1990 pour  «améliorer  les  conditions  de  vie  dans  les  zones  contaminées»,  soutenu  par  la commission  européenne,  dont  le  leader  était  notamment  directeur  du  CEPN, Centre d’études  sur  l’évaluation  de  la  protection  dans  le  domaine  nucléaire,  association  financée par EDF, le CEA, la Cogema et l’IRSN. Un clone de ce programme, Ethos in Fukushima, est né au Japon six mois après le 11 mars 2011, à l’initiative d’une ONG locale visant à soutenir le moral  des troupes  contaminées  à  travers  des  réunions  d’information  où  sont  prônées l’entraide entre les habitants et des mesures illusoires de protection contre la radioactivité. Le mot d’ordre de l’ONG, dont la foi, logiquement, renverse les montagnes, est : « Malgré tout, vivre ici,c’est merveilleux, et nous pouvons transmettre un avenir meilleur ». L’élève ayant rapidement dépassé le maître, cette initiative a fait l’objet d’une prise en main de la Commission Internationale de Protection Radiologique(CIPR), qui a mené à la mise en place de  «Dialogues».  Ces  séminaires  participatifs  ont  alors  rassemblé  des  élus,  des  experts scientifiques  et  des  groupes  de  citoyens  soucieux  de  «revitaliser»  les  zones  contaminées qui en avaient bien besoin, afin d’inculquer une «culture pratique radiologique» et d’aider chacun à «optimiser les doses».
Deuxième  exemple : Safecast, « réseau  global  de  capteurs  qui  recueille  et  partage des mesures de radiation afin d’habiliter les gens à gérer la situation grâce à des données relatives  à  leur  environnement.» Suite  à  leur  participation  à  une  conférence  de  l’AIEA  en février 2014 à Vienne, le leader de Safecast définit ses membres comme «des hackers, mais pas de ceux qui dévalisent les banques (sic), de ceux qui sont les moteurs de l’innovation», et  montre  clairement  le  cap,  considérant  «avoir modifié  avec  succès  les  présupposés qu’avait l’AIEA par rapport à ce que les groupes indépendants sont capables de faire (…) afin de fournir des sources alternatives d’information», se déclarant avec une fierté affligeante «certain que cela fera son chemin dans la prochaine révision des directives de réponse au désastre que prépare l’AIEA.» La déléguée norvégienne à l’AIEA, qui a saisi tout l’intérêt des «capteurs citoyens», a immédiatement vu en Safecast « des gens créatifs et innovants qui développent des solutions efficaces par eux‐mêmes, et en cas d’accident dans votre propre pays, vous serez bien contents d’avoir des gens comme eux. En fait, vous devriez même, dès maintenant, chercher des gens comme eux».
Se  félicitant  de  ce  que cette  déclaration  ait  été  suivie  d’applaudissements,  les responsables faussement naïfs de Safecast précisent : «Le consensus dans la salle a tourné (…), la CIPR nous a proposé de trouver des financements, le ministère de l’énergie américain veut  intégrer  nos  inputs  dans  leur  nouveau  système  d’information  d’urgence,  l’IRSN  veut que nous les aidions dans un de leurs projets, la Commission de régulation nucléaire discute avec nous pour voir comment faire au mieux pour intégrer la mesure citoyenne dans leurs plans de catastrophe ».
Les «capteurs‐citoyens » de Fukushima : des citoyens captifs
La cogestion des dégâts fonde le consensus : saluée par tous au nom de la nécessité à dépasser  la  situation,  elle  est irréversiblement  souhaitée  et s’inscrit dans  une  stratégie fondée  sur  cet  art  d’accommoder  les  restes  qu’est  la résilience.  Approche  prisée  des pronucléaires, elle s’intègre également, pour nombre d’antinucléaires, à une mise en œuvre de la participation citoyenne qu’ils appellent ‐ ne reculant devant aucun paradoxe ‐ de tous leurs vœux, achoppant alors de manière redoutable devant la remise en cause du recours à l’énergie nucléaire censée fonder leur lutte, et de la société industrielle qui rend ce recours indispensable. Au final, l’objet de la cogestion, au nom de la démocratie, est l’État lui‐même. En faisant de chacun un contre‐expert qu’il faut éduquer, informer, équiper, pour faire de lui un  mesureur  performant,  pour  qu’il  se  soumette  par  avance  à  l’autorité  scientifique  qui édictera les nouvelles normes nécessaires au bon fonctionnement de la machine sociale, la cogestion  s’affiche  pour  ce  qu’elle  est :  l’art  de  répandre  des métastases étatiques,  pour reprendre la limpide formule de Jaime Semprun et de René Riesel.
Certains sociologues du gyrophare, qui ne manquent jamais une occasion de louer les «lanceurs  d’alerte», ont  persisté  à  vanter les  mérites des  «réseaux  de  capteurs‐citoyens qui participent  à  la  construction  d’une  intelligence collective  instrumentée et confèrent une capacité active aux citoyens pour interpréter leur environnement, le capter et le mesurer et in fine agir sur lui». De la sorte, les alertologues se sont refusés à voir la réalitéde  ce  devant  quoi  ils  s’ébahissaient :  bien  des  «capteurs‐citoyens »  de  Fukushima étaient bel et bien devenus des citoyens captifs.
Cogérer, consentir, obéir
Cogérer les  dégâts  du  désastre  nucléaire aide  à  franchir  la  distance  qui  séparait  le terrible de  l’acquiescement  au  terrible.  Cogérer  les  dégâts  du  désastre  nucléaire  amène  à prendre  part  au  dispositif  permettant  de consentir  à  la  contamination,  à  apprendre  aux hommes à vivre dans de mauvaises conditions d’existence et à faire pénétrer celle‐ci dans la culture de masse. Cogérer les dégâts du désastre nucléaire, c’est s’inscrire dans le paradigme de l’ordre, non dans celui de la transformation. C’est accompagner l’agonie au quotidien des corps et celle, aussi grave, des esprits et de leur éventuelle pensée contraire. Passé maître dans l’art de mépriser ses adversaires que sont les individus conscients d’eux‐mêmes, l’État cogéré, désiré par tous, n’a plus que de faux ennemis dans la main desquels il a su glisser la sienne. L’identification  à  celui  que  l’on  craint  joue  ici  d’autant  plus  fortement  que  la cogestion tend vers l’autogestion, qui est au désastre nucléaire ce que l’autocritique fût au stalinisme : une technique d’intériorisation de la culpabilité et, ce faisant, de la domination, car la cogestion est une congestion de la liberté et du refus d’en être privé. Il s’agit alors de se  trouver  une  cause  commune  pour  éviter  de  s’affronter  à  son  propre  sauvetage  par  le refus. Or les causes communes abondent à Fukushima : tirer partie d’une expérience unique, apprendre à  faire  face  au  prochain  désastre,  restaurer  la  communauté,  redynamiser  les forces économiques, faire renaître l’emploi des jeunes, inciter les populations à un «retour au pays  natal»…  Des menaces  de  non  remboursement  des  frais  de  santé  aux coupons  de réduction  pour les touristes,  du redéveloppement  de  l’industrie  des  loisirs  (stades  de baseball,  musées) à  la  construction  de supérettes  avec  terrasses  «plus  conviviales»…  à Fukushima, nul doute: l’inventivité morbide fait fureur. Assurément, en prétendant sauver d’un côté ce que l’on détruit de l’autre, on ne fait que répéter l’obéissance au pouvoir.
11 mars 2015
Nadine et Thierry Ribault
Auteurs de
Les sanctuaires de l’abîme – Chronique du désastre de Fukushima,
Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, Paris, 2012.