La ville caserne et pénitentiaire s’enorgueillit de faciliter la reconstruction de l’UEHC un nouvel établissement judiciaire pour les moins de 18 ans dans le même quartier, chemin de la forêt, que le centre pénitentiaire.. Cet établissement s’inscrit dans la réforme de la loi 1945( justice des mineurs)
Ukraine : Perquisitions et arrestations contre des anarchistes
[Nous publions cette traduction à titre contre-informatif]
Le 6 décembre, la police et les Forces de Sécurité Ukrainienne ont arrêté et perquisitionné des anarchistes à Kyiv, Lviv and Dnipro.
A Kiev, la police a perquisitionné le domicile de Sergueï Kovalenko (nom et prénom ont été changés). Sergueï n’était pas chez lui à ce moment-là. Les forces de l’ordre ont demandé à la mère du militant de reconnaître son fils sur la vidéo où on le verrait en train de frapper Dmytriy Verbych, un membre du groupe néonazi C14, le 2 mai dernier. Auparavant, en avril 2018, Sergueï et sa femme Svetlana (son nom a aussi été changé) ont été arrêtés durant une action de solidarité avec les ouvrier.e.s de l’usine du chantier naval de Mikolaiv. En outre, la police a interrogé Anna Luhova (nom modifié) et fouillé son domicile, connue pour ses engagements éco-activistes et en faveur de la libération animale. Anna s’est vue menacée par l’ouverture d’une affaire criminelle à son encontre (296, 187, 263 du code pénal ukrainien) – hooliganisme, brigandage et détention illégale d’armes), si elle refusait de donner des informations sur des membres du mouvement anarchiste en Ukraine.
A Lviv, les Forces de Sécurité Ukrainienne et la police ont perquisitionné les appartements de Taras Bohay et d’Oleh Kordiaka, membres des organisations de Plate-forme Écologique et Drapeau Noir. Les forces de l’ordre ont confisqué leurs gadgets et quelques autocollants. La police s’est mêlée de l’enregistrement vidéo et a interdit à l’avocat d’entrer dans la pièce. Les flics ont affirmé qu’ils étaient à la recherche des enregistrements vidéo de l’origine de l’agression de Dmytriy Verbych.
A Dnipro, la police a arrêté trois éco-activistes qui ont participé au camp d’été des écologistes « Huha », organisé par Plate-forme Écologique (Lviv) et Action Écologique (Kharkiv). Le 3 août, à 7h du matin, quatre agents de police et six hommes non identifiés en tenue militaire sont entrés sur le site du camping. Les policiers ont filmé des participants et recueilli des infos personnelles sur des activistes, prétextant une fausse enquête pour meurtre commis dans un village voisin. Au cours de l’interrogatoire, les militants ont été interrogés sur l’agression de D. Verbych et leur participation au camp d’été écologique.
Tous les anarchistes ont été interrogés au sujet de Serguei Kovalenko et l’ex-condamné politique Alexander Frantskevitch.
Les agissements du système répressif ukrainien démontrent que les autorités sont prêtes à poursuivre toute personne active socialement. Les policiers et les forces de sécurité ukrainienne ignorent et dissimulent à de multiples reprises de nombreuses agressions perpétrées par des groupes néonazis contre des anarchistes, des militants sociaux, des féministes, des militants LGBTQ et des militants des droits humains. En revanche, ils utilisent une attaque contre Dmytriy Verbych comme prétexte officiel pour réprimer anarchistes et activistes sociaux qui se soucient des problèmes environnementaux et sociaux des travailleurs.
ABC Ukraine.
[Traduit de l’anglais de 325]
Et Nous Serons Toujours Prêts à nous Emparer Encore Une Fois Du Ciel – Contre l’Amnistie
- Mais quelle guerre est finie ?
- De quel échec parlent-ils ?
- Vers quelle victoire allaient-ils ?
- On invoque la critique que l’on n’a jamais su (…)
- La lutte intermédiaire des révolutionnaires
- La misérable perspective du néo-collaborationnisme
- Leur raison est entrée en crise
- Ce qu’ils n’ont jamais compris
- Le mouvement réel n’est pas dans les prisons
- Il ne peut y avoir crise de l’imagination pour (…)
- Le stéréotype du parti armé
- Guerre de classe et centralisme léniniste
- La marginalité des partis armés au regard de la (…)
- Ce qu’ils peuvent rejeter
- Ce qu’ils peuvent prévoir pour le futur
- Instrument dans les mains du mouvement (…)
- Très peu de copains
- Au-delà du parti
- Le projet anarchiste
- La solution insurrectionnelle
- Le développement du mouvement réel est dans la (…)
- La valeur éthique de la violence
- Le projet simplificateur du parti
- De quelle communication parlent-ils ?
- Le rapport anarchiste entre minorité agissante (…)
- L’idéologie de la reddition séparée
- La « mise entre parenthèses » comme trahison
- Tous les rats retournent tôt ou tard sur le (…)
- Les vieilles cariatides et les vieux discours
- Théorie de la fuite et théorie de la résistance
- Une nouvelle garantie comme imbroglio
- Les soit disant repentis
- Se dissocier de qui et de quoi ?
- …notre concept de justice prolétarienne
- …1e droit de se rappeler des traîtres
- …nos thèses sur la créativité, la subversion, (…)
Il n’est plus possible de continuer à faire l’autruche en ce qui concerne le
problème de la prison et du « que faire ? » par rapport à ce problème.
Les initiatives de soutien et de contre-information sont toutes très valables, spécialement celles qui ont l’intention d’entraîner les diverses composantes du
mouvement anarchiste, mais elles ne peuvent pas ne pas admettre qu’elles concernent seulement le début du problème.
Arrivés à ce point, il me semble que des réflexions s’imposent, celles-ci pourront je l’espère intéresser les copains anarchistes et ceux qui sont proches de la mouvance libertaire et peut être aussi les copains qui en sont plus éloignés, mais désormais suffisamment conscients des contradictions et des ambiguïtés qui circulent sans arrêt.
Je répète : cet écrit valide l’action de la contre-information sur la répression, prend part aux buts et méthodes de réalisation, mais il s’interroge sur ce qu’il nous reste à faire de plus. Les copains sont en prison, le front carcéral est divisé en « politique » et « non politique » ; parmi les dénommés politiques il existe les traditionnelles divisions qui menacent de devenir non pas des parcours de conscience, mais des sentiers sanguinaires de suspicion.
A l’extérieur quelques copains ont refusé une sorte de chantage moral qui venait des prisons et, avec ça, ont rejeté tout en bloc, l’eau du bain et le bébé. Dans les discours ils confirment la globalité de leur intervention (prison comprise), dans les faits ils opèrent des sectorialisations toujours plus évidentes et aussi plus faciles.
Par contre, d’autres copains qui recueillent aussi les soupirs de la prison, se font écho des états d’âme des prisonniers en les présentant comme des analyses politiques et ne peuvent ainsi que contribuer à la confusion et à l’incompréhension.
Il faut dire, sans garder sa langue dans sa poche, ce qu’il est possible de faire, ce qui devient désormais inutile de rêver de faire et ce qu’on ne veut pas faire parce que réputé d’un effet contraire.
Il me semble que désormais le moment est arrivé que quelque uns soulèvent cette pierre sous laquelle peut déjà s’être formé une dangereuse verminière.
Il existe beaucoup de moyens pour sortir de prison. Beaucoup d’autres pour y
entrer. Dans l’affrontement révolutionnaire, la prison est une composante essentielle ; elle ne peut pas être considérée comme une variable externe. Quand elle s’y insère, contraignant à la solitude et au silence des milliers de copains, le cercle peut se refermer ou peut être brisé. Il ne faut pas s’imaginer que ceux qui détiennent les clés pour le compte du pouvoir vont les jeter dans le fossé après avoir ouvert les portes Aucun d’eux n’est disposé à faire cela pour rien. L’amnistie ils ne nous la donneront pas. Nous devront la payer.
La note que présentent ces messieurs est trop salé. En ce moment nous
constituons un poids, [n]ous ne sommes pas encore une menace. Nous n’avons pas de capacités de négociation basées sur la force, nos pouvons seulement faire levier sur la pitié, sur leur sens de l’ordre démocratique offensé par un si grand nombre de prisonniers politiques, sur le fait qu’ils ont, d’abord eux-mêmes, la nécessité d’affirmer que la « guerre est finie » pour exorciser la marque de monstre, de celui qui a voulu être différent, qui a rêvé le monde totalement « ici et maintenant ».
Aujourd’hui ils nous veulent à genoux. Après les jours de Canossa [1], dans le froid et la boue, ils veulent avoir le plaisir de nous « donner » la liberté.
Leurs lois ne suppriment des condamnations à perpétuité qu’afin de libérer des
gens infâmes et louches au service de la trahison. Ces mêmes lois devront sanctionner l’amnistie. Tous dehors. Le jeu est fini. Continuez la lutte avec d’autres moyens. Ceux que vous avez utilisés jusqu’à présent sont trop bruyants. Ayez la bonté d’être silencieux. Mettez « entre parenthèses » la lutte de classes. Oubliez la révolution.
Mais quelle guerre est finie ?
Pour celui qui s’était imaginé une guerre frontale, un engagement de mini armées et des campagnes d’automne et de printemps microscopiques, la guerre est finie. Mais la représentation sur le petit théâtre du politique ne ressemble en rien à la réalité. Le grand sacrifice de sang qui est demandé à la classe prolétarienne continue sans interruption. Les massacreurs officiels tuent systématiquement. Leurs bourreaux tirent dans la rue. Quand ils revêtent la toge, ils additionnent des milliers de siècles sur les frêles épaules des prolétaires responsables d’avoir touché le droit sacré de la propriété.
Le bien pensant néo-gibelin [2] sourit sceptique envers ces considérations et nous invite à réfléchir sur la bonté du nouveau prince, sur son élargissement du bien être, sur la fin de la réalité de la misère.
Mais la guerre sociale continue, au-delà des intrigues idéologiques de cette nouvelle race de récupérateurs, il sera toujours possible demain de retourner à l’attaque du ciel, encore une fois.
De quel échec parlent-ils ?
De leur façon de concevoir la lutte. Obtuse et répétitive, mécanique, déterministe, incapable d’une perspective critique. Leur manière de concevoir n’était pas un rêve, mais bien un calcul. Les comptes ont mal tourné. L’histoire ne se répète jamais de la même façon. Les modèles du passé – lointain ou récent – ne peuvent être superposés selon le plaisir. Mais l’absence de fantaisie a besoin de modèles, elle jure sur eux, elle vit seulement à travers eux.
L’engagement frontal a été battu. L’engagement qui entendait mesurer la force
entre deux armées en guerre. Mais leur guerre n’était pas la guerre sociale. Deux rackets qui se tirent dessus ne sont pas nécessairement une coupure véritable de toute la société, ils en cueillent seulement une partie, souvent la plus marginale et exacerbée.
Chez beaucoup d’autres c’était la bonne foi, et c’est pour cela que nous avons
attendu le miracle des marguerites. Au fond la poule aveugle finit aussi par picorer son petit grain. Mais la cécité était trop généralisée.
La pesanteur idéologique couvrait tout avec un épais brouillard. L’insolence et la
mesquinerie mentale allait de pair avec la prétention ridicule à la représentation de la totalité.
Vers quelle victoire allaient-ils ?
Vers la conquête du pouvoir. La dictature du prolétariat. La formation de l’Etat prolétarien. Et d’autres. D’autres fantasmagories non moins dangereuses se trouvaient dans leur gibecière.
Nous leur avons donné de l’espace et de la crédibilité critique parce que nous
avons été toujours certains de la possibilité d’un accident de parcours. Même les copains lancés dans une perspective aussi éloignée de la nôtre, lorsqu’ils attaquent doivent être soutenus. C’est sûr, nous ne pouvons les soutenir maintenant qu’ils s’apprêtent à trahir.
Une évaluation correcte de ce qu’ils appellent un échec devrait passer par une
critique des positions de départ, de ce qu’ils croyaient être la guerre de classes, de l’usage qu’ils ont fait de l’instrument de la lutte armée, de la manière dont ils conçu les rapports avec la réalité dont ils cherchaient la transformation.
Au lieu de tout cela on préfère admettre simplement qu’on a été battu, que les
choses étaient correctement préparées, mais que la chance n’a pas été du bon côté, qu’elle a préféré embrasser le pouvoir sur le front.
Et lorsqu’une voix se lève, ouvrant un discours critique, on bat la cloche de
l’exception du moment ; quatre mille copains prisonniers politiques et voilà que ce fait devient prioritaire. La reconnaissance de la défaite, en effet, est la première chose à faire pour qui veut négocier la capitulation.
Nous avons toujours dit que même en cas de victoire pour nous, la guerre
continuerait ; pour cette raison, maintenant leur défaite partout étalée ne nous intéresse pas. Ce sont les calculs de Pouvoir. Rappelons nous que lorsque Togliatti [3] promulgua l’amnistie pour faire sortir de prison les fascistes, tout de suite après nos copains commencèrent à y entrer. Le pouvoir se met toujours d’accord avec le contre-pouvoir qui n’a pas réussi un processus d’alternance, mais ne peut jamais instaurer un dialogue avec les révolutionnaires. Il n’y a pas moyen de s’entendre.
On invoque la critique que l’on n’a jamais su employer
Les mêmes analystes des desseins historiques du prolétariat, hautains et bombant le torse, sont maintenant en plein dans les affres de la critique. Eux qui avaient opté avec tant de sûreté pour la « critique des armes » [4] et n’admettaient pas qu’on discute de l’usage stratégique correct d’un instrument qui était et reste valide (la lutte armée) semblent maintenant en proie au délire des larmes.
Dans la fougue destructrice de ce qu’ils avaient –y compris sans le vouloir– construit ; dans la hâte d’apparaître différents de ce qu’ils ont été au fond ; rejetant tout : les choses positives et les autres, négatives.
On sent qu’ils sont gênés dans leur nouvelle veste critique et que leur manière de s’accrocher à ce que leur passé récent et moins récent a produit n’a pas de sens et démontre l’inconsistance réelle de leur préoccupations théoriques.
Adroits dans le maniement des mots, ils pourraient peut-être embrouiller quelque compagnon plus ingénu, mais je ne pense pas qu’ils réussissent à convaincre ceux qui se rendent compte de la volte-face acrobatique qu’ils sont en train d’effectuer. Souples dans leur mode d’élaborer les mots, ils sont à présent également humbles et circonspects dans leurs propositions d’hypothèses : ces mêmes gens qui, il n’y a pas si longtemps, tiraient à vue contre quiconque hasardait une hypothèse différente de la leur en le condamnant comme provocateur.
La structure centrale de cette soi-disant critique vise à démontrer qu’au fond leur action n’a pas eu lieu, et que si ce fut le cas elle s’est limitée à bien peu, et que ce peu a été un abus causé par de mauvaises leçons, par la manie collective de la violence, par les illusions dérivant du vieux 68, etc.
Tout ceci porte une part de vérité mais, comme d’habitude, tend à rejeter l’aspect négatif en même temps que les choses positives. Un rejet global de ce type n’est pas une critique, c’est la plaidoirie d’un avocat, le verbiage d’un individu en difficulté qui veut à tout prix s’en tirer.
Et bien, que ce soit dit ainsi avec clarté, alors, et qu’on ne cherche pas à masquer son propre « désistement » derrière une « analyse critique » complexe.
Qu’on nous dise si certains aspects de la critique, comme par exemple la pesanteur unidimensionnelle du modèle armé, ont été emprunté à nos positions ; les autres aspects ne sont rien d’autre que l’inversion tragique de ceux qui finissent par dire aujourd’hui le contraire de ce qu’ils disaient avant, et ce sans en justifier les raisons de manière critique. Lorsque ces gens s’autoaccusent d’avoir trop « simplifié » la complexité sociale, ils ne disent rien en pratique, ils renient et basta. Ils n’expliquent pas – et ne peuvent expliquer – quel projet « non simplifié » ils proposent à présent pour l’action future.
Lorsqu’ils parlent d’une « crise » de la vulgate marxiste et tiers-mondiste, ils ne disent pas à quel autre outillage théorique ils se référeront demain, lorsque se terminera cette parenthèse des années de plomb, lorsqu’ils obtiendront, d’une manière ou d’une autre, ce « tous à la maison ». Peut-être à l’idéologie bien-pensante de Popper et de Feyerabend ? Peut-être à la critique de l’existant de Husserl ? Incapables de critique depuis toujours, ils sont à présent seulement en mesure de crier à la « nécessité » d’une critique, poussés par l’urgence de la partie adverse, mais ce qui en sort est un rejet en bloc, irrationnel et couru d’avance : un vomissement sur soi qui ne prélude rien de bon.
La lutte intermédiaire des révolutionnaires
En niant la faisabilité de l’amnistie, nous n’affirmons pas un vague maximalisme en dehors de la réalité mais, au contraire, nous cherchons à ramener la lutte actuelle aux termes de ses possibilités effectives.
Il a été affirmé que chaque instant passé en prison est un instant perdu de sa vie. Cela est vrai, comme le savent malheureusement par expérience ceux qui ont été incarcérés en risquant la perpétuité. Mais on doit ajouter qu’il faut s’imposer un dépassement de ce premier niveau de considérations. Dans le cas contraire, on ne comprendrait pas bien ce que nous attendions de la part de l’Etat lorsque nous lui avons crié en face – tous ensemble – ses quatre vérités ? Un poste de travail au cadastre ?
Ainsi, face à la plus que prévisible répression, chacun a fait ses comptes. Nous n’avons jamais été de ces aventuriers du flingue, fascinés par la violence pour la violence, entraînés dans un processus qui dans le nombre voyait la force et dans la force l’inéluctabilité de la victoire. Dans notre rébellion, il y a toujours eu une base de maturité révolutionnaire. En chacun de nous, pris singulièrement.
Ceci ne change rien au fait que nous devons trouver le chemin pour réduire le temps d’incarcération des camarades qui sont en prison. Il faut donc s’entendre sur les chemins qui sont praticables et ceux qui ne le sont pas, parce qu’ils requièrent un coût trop élevé, beaucoup plus élevé que la prison même.
Les véritables révolutionnaires n’ont jamais été opposés par principe aux luttes intermédiaires. Ils savent que ces luttes sont indispensables pour rapprocher le projet des conditions sociales qui le mettront en oeuvre. Il n’est pas possible de proposer un développement directement révolutionnaire à une situation de conflit social qui ne laisse entrevoir que certains aspects des contradictions qui le caractérisent, tandis que d’autres aspects, peut-être les plus importants, restent cachés. C’est pour cela que nous participons aux manifestations, à la contre-information, aux luttes dans les usines, les écoles, les quartiers. Pour chercher, d’une fois à l’autre, à les pousser vers des objectifs bien plus vastes que la simple revendication, l’information, le dissensus.
Pour nous, les luttes intermédiaires ne sont pas un but, il s’agit d’un moyen dont nous usons (parfois souvent) pour rejoindre un autre objectif : pousser à la rébellion. Ceci dit, nous n’admettons pas qu’on puisse en venir à pactiser avec le pouvoir. Fixer une négociation, marchander en bloc la liberté des compagnons en taule.
Nous ne sommes pas d’accord, parce qu’une telle contradiction ne serait pas une lutte intermédiaire, mais serait le début de la fin, serait sa propre fin en soi : la liberté des camarades payée par la liberté des camarades. Tous (ou quasi tous) dehors, mais dépouillés de tout, en premier chef de leur propre affirmation comme révolutionnaires, de leur dignité, de leur valeur humaine.
Il est faux d’affirmer – comme on l’a entendu – que la négociation d’aujourd’hui serait le prélude à la continuation des luttes de demain. Acceptant la négociation aujourd’hui, on pourrait demain au maximum lutter à l’intérieur du ghetto que le
pouvoir nous assignera. Le ghetto des anciens combattants d’une faillite, d’une défaite, d’une reddition.
Il est faux d’affirmer – comme on l’a entendu – que si on ne négocie pas immédiatement cette reddition, les luttes de demain seraient condamnées à la répétition maniaque du schéma déjà vu de la lutte armée. A qui peut bien venir à l’esprit une telle balourdise ?
Les luttes du futur seront bien diverses si on tient compte des erreurs et des points positifs. Dans le cas où nous devions tout perdre en une reddition sans conditions, notre passé n’existera plus, sinon sur les photos à usage et consommation des frissons de salon de la bourgeoisie de la prochaine fin de siècle.
La misérable perspective du néo-collaborationnisme
Ils nous appellent à la raison et à la réflexion. Ils nous invitent à ne pas être les
mauvais garçons de toujours, à comprendre comment vont les choses. Ils nous invitent à la collaboration.
D’un côté (celui du pouvoir), les bras sont ouverts, même si le prix initial de la
négociation reste encore exorbitant. D’un autre côté (celui de l’ex contre-pouvoir imaginaire) les bras sont non moins ouverts et on ne cherche même pas à nous faire une réduction.
L’urgence biologique devient un fait prioritaire. La solitude physique et morale de 4.000 camarades signifie une montagne sur nos épaules, mais ne peut pourtant nous faire bouger d’un millimètre. Nous ne sommes pas des irréductibles de l’erreur, mais de l’évaluation critique.
Nous ne voulons pas collaborer parce que nous croyons en nos idées et en notre capacité à transformer la réalité, ce n’est pas parce que nous croyons en ce que nous avons été que nous pensons qu’une modification n’est pas possible. Nous ne sommes pas des adorateurs imbéciles d’un modèle considéré comme une vérité. Mais nous ne sommes pas non plus des collabos qui basent leur conviction sur une critique élaborée dans les bureaux du ministère de l’Intérieur.
En collaborant, on nous consigne en bloc à l’ennemi, on ne propose pas une alternative pour répandre la lutte ailleurs. Il n’y aura jamais un « ailleurs » pour les collabos. Ils porteront toujours avec eux leur propre passé, emballé dans la merde de leur présent.
Leur raison est entrée en crise
Rationalistes féroces, maintenant ils sont entrés en crise. Il ne leur suffirait pas la liste que le staliniste Luckas avait produite (condamnation de Nietzsche, condamnation de Stirner) pour mettre son coeur en paix avec la philosophie. Maintenant ils sont retournés dans les bras de Spinoza, et encore plus bas, dans les bras d’Husserl.
Curés pratiquement de toujours. Ils ont maintenant le comportement radical et
possibiliste de celui qui a découvert la crise comme l’autre face (apparemment
monolithique) de la conscience. Ils se jettent tête baissée dans la perplexité comme d’autres fois ils se jetaient tête baissée dans la certitude.
Maintenant ils veulent « utiliser » la politique. D’autres fois ils se laissaient utiliser par elle. Pour eux la crise est venue après une défaite militaire. Comme un bon comptable qui ne sait plus cadrer ses comptes parce que quelqu’un a soustrait – manu fortis – ses registres.
De cette façon la crise devient un alibi, non pas une occasion. Camouflage des tumeurs de la propre imbécillité et non pas ouverture au divers, au créatif. Ainsi, ils s’agitent tels des chats poursuivant leur propre queue, autour du problème du pourquoi de la crise et de celui de comment en sortir. Ils ne s’aperçoivent pas qu’ils ne sont jamais entrés en crise ; ils se sont seulement regardés au fur et à mesure, dans différents miroirs déformants : hier ils s’imaginaient beaux et forts, aujourd’hui ils s’imaginent abrutis et faibles, pleurnichards et abattus.
Ce qu’ils n’ont jamais compris
Ils n’ont jamais eu de l’imagination. Le cadre de leur existence était étroit et circonscrit. Mémoire répétée à l’infini. Lieux communs des pulsations de la victoire et de la défaite. Socialisme réel contre communisme et liberté. Le profond destin de l’ignominie transformé dans le signe radieux de la gloire. Non pas confusion, mais tristesse et ordre policier.
Ils n’ont pas compris tout ce qu’il pouvait y avoir de libérateur dans l’attaque, et l’ont répétée comme un morceau classique, sous les yeux des metteurs en scène sévères et respectueux de la formalité.
La subversion passe apparemment par les mêmes chemins, quelque fois elle choisit les mêmes objectifs, mais se développe et s’ouvre vers des horizons divers. Elle ne cherche pas son expansion à travers la magie des organes d’information. Elle est elle-même expansion. Elle croît avec la croissance du fait subversif, dans le cas contraire, elle se réduit, rentre en elle-même, projette d’autres interventions. Elle ne crie pas au scandale de l’histoire, ne s’étale pas soumise aux pieds de l’oppresseur, ne parle pas de crise, ne fait pas de clins d’œil à la collaboration.
Ils n’ont pas compris que la critique se fait aux moment où l’on avance, où l’on attaque, aux moments de croissance et de développement. Si dans cette phase on nourrit seulement des illusions, dans la phase suivante, lorsqu’on paye les erreurs commises, on n’est plus en mesure de faire « une critique », au plus on peut réciter un « mea culpa ».
Le mouvement réel n’est pas dans les prisons
Ils ont toujours commis l’erreur de chercher l’interlocuteur privilégié dans telle ou telle partie de la réalité. Aujourd’hui le sous-prolétariat, hier l’ouvrier d’usine, entre aujourd’hui et hier l’ouvrier-masse, demain le prisonnier politique.
Encore une fois leur myopie les met hors de jeu. Elle les coupe de la réalité. Et alors ce n’est pas la peine d’être plus cruel, plus irréductible, plus massacreurs de cadavres et de proclamations que ne l’ont été d’autres dans l’histoire. La nuit des temps est pleine de ces choses là.
Les copains détenus ne peuvent constituer un point de référence privilégié. Ils ne peuvent fournir l’indication la plus avancée de la lutte. Ils sont dans un espace sacrifié, dans un état de continuelle torture physique et psychologique. Ils sont le symbole de l’affrontement de classes. Ils ne sont pas cet affrontement lui-même.
Nous ne sommes pas chrétiens. Le témoignage de quelques-uns d’entre nous, même de ces copains qui sont tombés, ne nous porte pas à des considérations différentes de celles qui sont symboliques. Nous ne souffrons pour cela, ni de carences affectives envers ces copains, ni de crises de l’attachement à un symbole. Toutes ces choses-là sont des faux problèmes.
Nous avons notre bannière, mais nous ne lui prêtons pas serment. Nous avons notre parole, mais nous ne la drapons pas d’une bannière. Nous avons notre amour propre, mais nous ne l’objectivons pas à l’usage et consommation des autres. Nous avons nos rêves, nos espoirs, nos désirs, nos amours, mais nous ne les conditionnons pas tous dans une vision unilatérale de la vie. Avec tout cela, nous ne sommes pas pour autant éclectiques ou possibiliste. Notre rigueur émerge de la raison et du coeur. Parfois prévalent pour nous les raisons du coeur, d’autres fois celles de la raison, mais ceci n’est pas un motif pour nous sentir coupables ou croire nous être trahis nous-mêmes et nos principes.
L’affectivité pour les copains emprisonnés ne peut nous faire fermer les yeux
devant la réalité qu’ils sont, en effet, des copains en prison. Des copains vivant des conditions de privations et d’isolement.
Si nous voulons les libérer nous devons partir de quelque chose de différent ; du mouvement réel. Si nous partons d’eux, de leur spécificité, nous serons en train de les clouer – d’une manière ou d’une autre – à leur situation carcérale, juste soit la réussite de notre initiative (même celle d’une possible libération).
Ce qui produira leur libération sera le mouvement réel qui est dehors, l’effort de lutte que nous, en tant que mouvement spécifique, serons capable de développer, en raccordant les milliers (ou les centaines, ou même quelques dizaines) de fils qui lient mouvement spécifique et mouvement réel.
Dans le cas contraire ce seront des milliers d’années de solitude pour tous.
Il ne peut y avoir crise de l’imagination pour qui n’a jamais eu d’imagination
Seulement maintenant il est venu une atroce suspicion : qu’entre la culture dont ils se faisaient les porteurs et la pratique qu’ils étaient en train de réaliser, il n’y avait pas de comptabilité. D’un côté le rêve de quelque chose, de l’autre côté quelque chose sans le rêve. Le saut devait être accompli avec l’imagination, le saut vers le ciel de l’impossible, de l’extraordinairement autre, chose qui de toutes façons leur a toujours été fermée.
Néanmoins, maintenant ils s’aperçoivent qu’au contraire, la compatibilité existait effectivement et que c’était simplement atroce. Chacun choisit ses moyens et ceux-là leur vont comme un gant, il appartient à leur capacité inventive de trouver les cohabitations et les modes d’emploi, les perspectives et les orientations vers des fins toujours diverses. L’étouffement des moyens est une des morts les plus horribles.
Pour le commis voyageur de la mort sont admises seulement les vacances de fin d’année (ou de fin de « campagne »). En règle générale il doit faire marcher la guillotine. Le bruit de la lame qui tombe finit par scander les moments de sa journée. Après un certain temps on ne peut pas faire à moins.
Le projet est achevé. Le commencement rejoint la fin. Un nouveau commencement
et une nouvelle fin se profilent : toujours identiques et répétitifs. La culture qu’il a promue est à son tour promue à un fait promotionnel.
Où trouver le cadavre de l’imagination ? Ici n’a pas même existé le rêve de quelque
chose d’imaginatif.
Le stéréotype du parti armé
Le parti sert de courroie de transmission à l’initiative de la minorité organisé vers le
prolétariat désorganisé. Dans la perspective scatologique des événements, les petits faits destructifs d’aujourd’hui miment l’apocalypse.
Le parti projette, codifie, exécute, transforme, répète. La dernière phase de cette
répétition se représente toujours pareille.
Le parti est le projet unidimensionnel le plus organique que l’on peut connaître.
Rien n’échappe à son organigramme, tout peut être, au fur et à mesure inclus. Cette extrême « compétence » le fait apparaître comme un mini Etat en formation. Actuelle tumeur de cette grande et diffuse maladie qu’est la politique des Etats.
Guerre de classe et centralisme léniniste
L’orientation donnée aux événements de classe (dans l’imaginaire codifié) impose à
l’affrontement l’aspect d’une guerre militaire. Les événements infiniment complexes du conflit social sont ainsi réduits et simplifiés, et se trouvent complètement enfouis dans les faits d’armes.
Le spontanéisme périphérique, nécessaire au début dans une armée qui d’une manière ou d’une autre est recrutée et qui ne reçoit pas régulièrement ses moyens de quelque source d’approvisionnement que ce soit, le fait même d’avoir à « s’arranger » pour se procurer des armes, devient une limite négative à dépasser au plus vite. La progression dans ce sens est nécessairement rapide. Celui qui se renferme est perdu. L’ennemi s’équipe et se prépare pour l’antiguérilla. Le « guérillero » en s’équipant à son tour doit se transformer en soldat.
L’orientation des interventions, le jugement politique, les campagnes périodiques,
les objectifs, les conséquences possibles, et tant d’autres choses, sont filtrées et fournies à des niveaux divers par la structure centralisée. Les discussions de base, les débats, les propositions, les analyses, sont sélectionnées pour arriver jusqu’au sommet sous une forme simplifiée, prête à être transformée en nouvelle proposition pour l’action dont le développement se fait toujours à partir du centre. Après tout il s’agit d’une armée démocratique.
La réduction de la guerre de classe à un simple affrontement militaire porte en soi
la conclusion logique que si sur ce terrain on subit une défaite, la guerre de classe cesse d’exister comme telle.
On arrive par là à l’absurde, non seulement théorique, mais pratique qu’aujourd’hui en Italie, après la défaite des organisations combattantes, il ne s’agit plus d’une guerre de classe en actes et que donc, il y a intérêt pour tous (et en premier lieu l’Etat) à négocier une reddition pour éviter que se développe, ou continue à se développer, un processus conflictuel absolument fictif et complètement inutile autant que nuisible pour chacun.
La marginalité des partis armés au regard de la guerre de classe
Il est facile de constater que les structures armées, spécialement celles qui prennent
la forme d’un parti sont toujours marginales à la guerre de classe. Non pas qu’elles soient étrangères, elles sont simplement marginales.
La marche de l’affrontement de classe à des conséquences sur eux, elle les pousse
à se renfermer ou à s’ouvrir selon la plus ou moins grande tension sociale. Mais tout cela dans des limites très restreintes. Le rapport de représentativité ne s’instaure jamais, si ce n’est pour de très petites minorités marginales ou pour des groupes à très haute sensibilité politique.
Il est clair que ces phénomènes sont de grande importance, et il est aussi clair que
l’Etat fait tout son possible pour les récupérer à l’intérieur d’une logique « terroriste » qui les présente comme phénomène et faits exceptionnels, accomplis par des fous, des criminels exaltés ou des agents des services secrets.
Le chemin à prendre dans ce cas est celui qui descend vers la sensibilité populaire
en produisant des actions et des clarifications qui concernent et incluent les gens sans les immobiliser dans une fixité spectaculaire.
Or, le parti de par sa nature, se présent comme un filtre qui repousse les gens en les isolant dans un amorphe et rigide statut social : ouvrier, femme de maison, employé, cadre moyen, étudiant, etc. Il est comme une passoire qui absorbe une partie de ces gens seulement après une acceptation initiatique de type idéologique. La politique est un instrument de sélection. De cette manière une voie de croissance quantitative n’est praticable qu’à travers l’organigramme du parti. L’action et la clarification passent à un second plan et sont confiées à des mécanismes pédagogiques qui sont pensés à tort comme automatiques. L’Etat détruit après avec soin même les petits réflexes d’un mécanisme de ce genre (lorsqu’il existe).
Ce qu’ils peuvent rejeter
C’est le réflexe conditionné chez les gens. La sympathie induite. Tout ce qui est
passé par le filet serré de la censure étatique. Le soutien que l’on donne à celui qui a conduit une bataille au fond juste, même si cela a été avec des méthodes que tout le monde ne partage pas.
Très peu de choses, pour avoir un poids dans et sur le processus révolutionnaire en
cours. Le mouvement réel – qui ne perds jamais rien – pourrait s’en affirmer, mais ce « peu de choses » doit être mis à contribution, inséré de manière critique, consolidé au-delà de l’énorme rideau noir que le pouvoir a su mettre devant le regard critique des gens. A commencer par le mot « terrorisme ».
Ce qui ce fait contre. On se pense au centre d’une expérience qui [est] très différente
de tout ce qui a été écrit dans les journaux ou affirmé dans les palais de justice. On donne comme déjà connue la vérité officielle.. On déclare que la guerre est finie.
De cette manière on extirpe même ce petit peu qui est resté de positif et de révolutionnaire.
Ce qu’ils peuvent prévoir pour le futur
Absolument rien. L’irréversible processus du mouvement réel les éjectera décidément comme collaborationnistes. Aucune intention dialectique ne peut donner crédibilité à leur décision d’aujourd’hui, à leur néo-contractualisme qui apparaît de mille manières derrières les analyses compliquées de ces faiseurs de mots.
Ils pourront retourner à leur canevas usagé. Dans ces temps que nous souhaitons meilleurs, ils pourront jouer encore le vieux et maigre quiproquo des gardiens du temple, des calculateurs de la mémoire prolétarienne.
La chose a été faite dans le passé, certainement elle sera faite encore dans le futur. Il y a toujours tellement de braves gens qui n’attendent rien d’autre que de croire en quelque chose.
Mais tout cela a bien peu à voir avec la révolution.
Instrument dans les mains du mouvement réel
Au fond chacun de nous agit et vit sur la base de convictions- – justes ou erronées -, mais la plupart du temps on n’est pas en mesure de s’apercevoir des conséquences réelles de ses propres actions et de sa propre vie. Dans ce sens, même les prêcheurs de psaumes partitistes ont eu leur part. Un bagage de lutte et d’expérience s’est accumulé disponible pour être utilisé ou dispersé. Il n’y a pas moyen de le garder dans les coffre-forts de l’histoire. Nous devons maintenant et vite le porter à ses extrêmes conséquences. Dans le cas contraire, même les instruments conscients de la révolution finiront par se rouiller.
Cela prouve, par ailleurs, l’inutilité des décisions comme celles qui aujourd’hui ont été prises avec tant d’assurance : la collaboration est toujours le fait d’une partie ou plutôt du parti. La réalité des luttes ne collabore pas. Elle peut instrumentaliser des hommes et des méthodes pour après les rejeter et les mettre en marge, dans les lieux de la solitude et des réflexions sans pitié. Mais tout cela ne déplace pas d’un millimètre le parcours de l’affrontement social.
Ce sont d’autres choses qui mettent en jeu le résultat, d’autres niveaux de
conscience, d’autres participations et modifications objectives. Et dans la vérification de ces « autres choses », même les premières, l’insignifiance des instruments désormais rouillés cessera, malgré eux, d’être telle.
Très peu de copains
Ceux qui seront présents au carrefour des décisions seront peu nombreux. Non par
leur refus de la collaboration, mais par leur critique des erreurs et des limites des actions passées. La construction est un fait relationnel, elle n’admet pas des opérations d’addition ou de soustraction. Les bilans sont affaire de comptable.
Celui qui s’est illusionné dans la possibilité de supprimer par décision militaire –
sur le champ – l’exploitation capitaliste, maintenant doit se rendre à l’évidence qu’une
mythologie de ce genre peut se réaliser seulement si elle se concrétise dans une
véritable et propre généralisation de l’affrontement. La prairie brûle en totalité si le vent
souffle du bon côté, et le vent n’est pas toujours à la merci de notre volonté. Or celui
qui ne comprend pas cela peut très bien ne pas collaborer, mais il restera à l’extérieur
des luttes de demain ; une cariatide fixe et à sa place, un auto-éloge de l’immuabilité
dans le bien comme dans le mal.
Au-delà du parti
Au-delà du parti, la lutte armée libertaire, anarchique, insurrectionnelle. Au moment
de le reculade, lorsque déjà maintenant ils s’apprêtent à rendre armes et bagages à ceux qu’ils reconnaissent comme vainqueurs, voici qu’ils affirment fermement l’impossibilité de ce type de lutte.
Il est vrai que ceux qui ont vécu l’expérience de la lutte armée à l’intérieur d’un parti combattant ne se rendent pas compte de cette possibilité. Mais il est aussi vrai que les motifs initiaux qui ont empêché, dans son temps, une recherche opérationnelle dans ce sens, ont été de nature idéologique et non pas stratégique ou tactique. C’était l’âme du bolchevisme veille école qu’imposait le schéma de l’« Iskra » et du palais d’hiver. Non pas certitude prouvée de l’impossibilité d’une méthode différente de guérilla libertaire.
Maintenant, au moment de la collaboration de l’assiette de lentilles, il est dépourvu
de sens d’attendre une réflexion critique. Chez eux il s’agit peut être même d’un reste
de bonne foi que de vouloir faire voir comme seule possibilité la solution de la défaite.
Comment recommencer ? Sur quelles bases ? Sur la base d’un programme et une
méthode encore inconnus ? Plus souvent abhorrés ou bafoués ? Aller à la rencontre de
quelles perspectives ? Avec quelle crédibilité ? Admettre la défaite non pas d’un projet
militaire (ce serait une tautologie banale), mais d’un projet politique ? Mieux encore, se
décider à collaborer pour sauver ce qui peut l’être et recommencer au début demain, et si possible en répétant le même parcours.
Le projet anarchiste
Nous avons plusieurs fois parlé de la façon dont les anarchistes considèrent la lutte
armée. Nous l’avons fait dans ces temps non suspects, lorsque tous marchaient dans
l’espace précuit des grandes actions spectaculaires, systématiquement mâchées par les
moyens d’information pour la consommation de la plèbe.
Le refus des structures verticales, la collaboration sectorielle (non coordonnée), le
contrôle dans les limites de la sécurité, l’autosuffisance des groupes, le choix d’objectifs
minimum, la signification accessible de ces objectifs, la continuité de l’intervention, la
radicalisation progressive dans les secteurs sociaux, l’auto-information, l’activité de
propagande, la clarification critique, la circulation des idées à l’intérieur du mouvement,
la préparation des situations de propagande, les luttes intermédiaires, la liaison entre
cette phase et la phase suivante insurrectionnelle, les tentatives et les résultats des
actions singulières liées par un fil logique privé de sauts incompréhensibles, la parité de
tous les niveaux de lutte, la multiplicité des aspects de la dimension strictement
militaire, les aspects bipolaires des structures organisatrices, la capacité à se
déstructurer avec facilité à n’importe quel moment, la critique du professionnalisme, la
critique de la superficialité, de l’efficientisme, de l’économisme technique, la critique
des armes.
La solution insurrectionnelle
Participer ensemble avec les gens, avec les exploités en général, aux lutte
intermédiaires : pour le logement, contre la guerre, contre les missiles, contre les
centrales nucléaires, pour l’emploi, pour la défense du salaire, pour le droit à la santé,
contre la répression, contre la prison, etc.
Et puis employer notre force organisationnelle pour pousser graduellement ces
luttes toujours plus loin, vers un possible débouché insurrectionnel.
Le développement du mouvement réel est dans la pratique un processus de transformation violent de l’affrontement de classe
Il n’est pas vrai qu’au travers des luttes intermédiaires le mouvement réel puisse croître à l’infini. Le contraire voudrait dire que l’anarcho-syndicalisme serait la meilleure solution vu qu’il prévoit et une transposition des structures de lutte dans la société de demain et sa propre transformation en structure constitutive de la nouvelle organisation sociale.
L’important est que les luttes intermédiaires doivent trouver une conclusion
violente, un point de rupture, une ligne de force au-delà de laquelle la récupération ne soit plus possible que dans des proportions minimes et donc, insignifiantes. Mais pour
arriver à ce résultat le processus de transformation violente doit être le plus généralisé possible. Non pas dans le sens qu’il doive forcément partir d’un large mouvement de masse, violent et négateur des résultats immédiats et tangibles, mais dans le sens où il doit contenir, même lorsqu’il a une dimension minime au départ, l’idée et l’intention de se développer en tant que violence de masse. Dans le cas contraire le rôle de mouvement spécifique devient purement symbolique, renfermé en soi-même, capable de donner satisfaction (jusqu’à un certain point) seulement aux composantes de cette minorité (ou, si l’on préfère, du racket).
La valeur éthique de la violence
De ce seul point de vue les discours sur la violence ont un sens. Certes non pas dans l’étroitesse et l’abstraction de celui qui parle comme d’une valeur de la vie en absolu. A mon sens la vie des exploiteurs et de leurs serviteurs ne vaut pas un centime. Et aller faire des différences – comme il a été fait – entre la fin d’un Moro et celle d’un Ramelli [5], me semble être le prélude trompeur à un discours exsangue.
Une adéquation de la violence émancipatrice aux conditions du conflit n’est jamais possible. Le processus de libération est de par sa nature excessif. Dans le sens de la surabondance ou dans celui de manque ? Où a-t-on jamais vu que l’insurrectionpopulaire fasse mouche, distinguant nettement les ennemis à abattre. C’est un coup de griffe du tigre qui lacère et ne distingue pas.
Certes une minorité organisée n’est pas le peuple insurgé. Donc, elle distingue. Elle doit distinguer. Mais même dans la prudence nécessaire qu’elle impose, elle y trouve à la fois et sa propre limite et l’orientation d’une possible ouverture. Dans ce sens c’est révolutionnaire, elle est une expérience « in vitro », et peut donc, se transformer en risible tempête dans un verre d’eau.
Mais la distinction ne doit pas être faite en fonction de la déchiffrabilité de l’action, mais en fonction de sa reproductibilité. Les deux choses, si l’on veut, ne sont pas séparées, mais sont différentes. La déchiffrabilité de l’action est différente de ce que la minorité elle même peut réaliser, puisqu’elle reste liée à l’intervention des grands moyens d’information et donc, aux distorsions du pouvoir. La reproductibilité est un fait intrinsèque à l’action même. Le pouvoir pour la défigurer doit la passer sous silence, parce que même dans le plus hasardeux des commentaires, le fait même – nu et cru – ne peut être mis en doute.
Ce difficile problème se résout comme il suit. L’attaque contre l’ennemi de classe
est toujours justifiée. La vie de celui qui opprime et empêche de vivre ne vaut pas un centime. Cette attaque peut être réalisée de manière généralisée donc, avec une intervention massive des gens, et alors elle n’est pas mesurables aux conditions réelles de l’affrontement : elle reste toujours non harmonieuse, excessive ou réductrice. C’est celle-ci la dimension maximale de la violence révolutionnaire, simultanément créative et destructrice. Par contre, dans une dimension minoritaire on cherche toujours à mesurer le coup, à le régler par rapport aux réelles limitations de l’affrontement. Chacun de nous croit avoir une idée précise sur le niveau du conflit de classes et donc, suggère des solutions et en dessine des limites. Mais en pratique c’est la déchiffrabilité qui nous guide. Nous sommes des pédagogues à la recherche de disciples. Alors que c’est la reproductibilité qui devrait être la critère pour mesurer la violence minoritaire, afin que justement de minorité elle devienne un fait généralisé.
Le reste n’est que bavardage de curé.
Le projet simplificateur du parti
Entre autres choses il y a cette illusion que le parti puisse simplifier le modèle employé pour construire l’action. La déchiffrabilité est alors confiée aux organes de propagande qui distillent d’horribles pacotilles que l’on appelle proclamation, programme ou communiqué. Le langage se standardise aussi bien que l’action. Tout se répète. Tout devient familier à tous (sauf aux gens). La familiarité, la grande masse l’acquiert à travers les interprétations du pouvoir. Le résultat ce sont des modèles préfabriqués d’actions. Les autres assistent et se contentent des frissons du risque à crédit. Le modèle trouve son succès à la manière des séries noires ou des films d’horreurs. Mais personne n’a l’idée de mettre un homme en morceaux dans sa propre baignoire pour voir comment cela se fait. On préfère le voir faire au cinéma.
Il n’est pas vrai qu’il s’agisse de peur face à l’expérimentation. Bien des gens courent des risques de loin supérieurs avec une voiture ou une seringue à la main. Il s’agit d’éloignement. De déformation romantique de la réalité. De sacralisation bien construite autour des pratiques émancipatrices qui n’ont rien d’exceptionnel. Des forclusions souvent d’origine religieuse que l’on [ne] dépasse peut-être jamais complètement.
Le parti prétend clarifier tout cela de l’extérieur, construire un modèle précuit de
reproductibilité. Il ne s’aperçoit pas que par là il fait le même travail que l’Etat. Proposer de faux désirs. Dans l’éloignement par rapport à la portée réelle de la violence libératoire, les deux pôles se rejoignent. Pouvoir et contre-pouvoir marchent parallèlement et se soutiennent réciproquement.
De quelle communication parlent-ils ?
Par un phénomène de diffusion aurait dû se propager l’effet incendiaire de l’exemple. Mais l’action restait indéchiffrable. Peu d’initiative dans ce sens. Le reste devait être fait par les grands moyens d’information.
Mais qu’est-ce qu’ils peuvent bien communiquer ces relais de l’idéologie du
pouvoir en formation ? Justement ce que veut le pouvoir. Mais le parti, ce n’est pas lui-même un mini-pouvoir en formation ? Et, de fait, au moins au début, ce raisonnement a marché. Le pouvoir lui-même donnait une image agrandie (donc, déformée) de l’attaque réelle contre l’ennemi. Mais cela était propre au but de creuser un fossé toujours plus profond, de transformer la minuscule réalité en formation dans un général et illusoire théâtre de la mort, avec ses spectateurs à leur place payante, avec l’opportune atmosphère de silence et d’insécurité, enfin tous les éléments du drame bourgeois. Lorsque désormais la distance fut devenue énorme, la fermeture devint totale, puis l’interruption. Dans la fantaisie sans frein le fait mystérieux se prolongeait démesurément. Quelque chose entre la bande à Bonnot et Jack l’éventreur.
Et les timides tentatives de généralisation ? L’illégalisme de masse qui balbutiait ici et là ? Les petites pratiques de sabotage ? Les milles incendies, les centaines de « jambisés » anonymes, les vitrines cassées, les saccages réellement prolétariens ? Tout cela est balayé. De petites choses pour dames de charité. Jouets pour enfants déviants. Petites scènes périphériques. Au centre (mais quel centre ?) on répète la grande scène maîtresse dont la co-production est due à l’Etat et au contre-Etat.
Nonobstant, dans cette grande mise en scène, avec toutes ses limitations, il y avait et les germes de la dégénérescence la plus absurde et les germes d’une dissémination dans tout le territoire. Il aurait fallu faire taire le toujours plus encombrant militarisme, le discours terrifiant d’avant et qui maintenant a été transféré dans les non moins terrifiantes illusions des actions éclatantes.
Mais pour faire cela il fallait une critique réelle, non pas une critique seulement sur les mots. Une épreuve sur le champs, non pas sur les tables des instituts d’anatomie. Un mort est un mort d’où qu’on le regarde. Il faut arriver avant, construire parallèlement, faire voir ; ne pas se limiter seulement à indiquer les fissures que dans la pratique personne ne veut admettre.
Le rapport anarchiste entre minorité agissante et mouvement réel
Ni point de référence, ni coffre-fort d’une mémoire que le mouvement gère très bien lui-même. Ni élaborateurs de stratégies et de méthodes, ni centrale de recyclage. Néanmoins, inéliminable condition du projet révolutionnaire. Dans l’intervention magique de mille conditions l’attente devient insupportable et souvent inutile.
Il faut pousser, créer les conditions minimum pour que l’événement se vérifie, pour que la magie d’un fait se généralise, se répande comme une onde dans l’eau. Mais avec le cerveau et les yeux bien ouverts. Avec un projet. Avec les moyens indispensables.
Mais, il faut aussi que projet et moyens ne deviennent pas la chose la plus importante, l’unique chose pour laquelle on lutte. Son essentialité ne peut jamais se transformer en exclusivité. Il faut même savoir envoyer tout au diable. Non pas d’abord, en attendant que l’événement se soit vérifié, mais après, si les conditions nécessaires (certainement minimum), indispensables ne se donnent pas. Non pas s’auto-reproduire à cause du fait qu’il faut continuer à vivre. Nous sommes différents de cette histoire là. Nous allons beaucoup plus loin c’est pourquoi nous pouvons toujours recommencer.
Eux sont exclusivement ceci. Un théorème qui pousse sur lui même. Un
monstrueux et compliqué imbroglio de tautologies.
L’idéologie de la reddition séparée
Et les autres ? De ceux proches et de ceux plus éloignés. De ce sous-prolétariat qui a inspiré tant de stridences, proche, dans la même cage, mais lointain de mille miles à cause de ses propres motivations réelles de contestation. Au prolétariat en général, celui mythique, mais aussi celui réel, celui qui se lève tôt le matin, qui produit, qui se fait massacrer avec la régularité d’un chronomètre, celui qui a reçu le moins des sérénades, mais tellement plus de théories, de toutes façons également inutiles. Rien à faire. La reddition est séparée.
Cela importe peu que l’on doive porter la lutte tous ensemble en avant. Maintenant les avant-gardes ont été capturées par l’ennemi. On peut dire qu’au moins le gros de l’armée prolétarienne s’est épargné un tel événement. Elle ferme sa gueule et continue à se faire exploiter. Donc, envoyons-le au diable. Envoyons-y aussi ces autres qui prétendent construire leur racket, qui se déclarent prêts à un discours politique, mais qui après se montrent inconstants, n’acceptent pas des ordres, ne digèrent pas la théorie. Alliances transitoires mais au fond peu de choses. Et maintenant marchons seuls, mettons nous d’accord avec l’Etat et laissons les autres dans leur galère (ou dans l’usine) tant qu’ils le voudront. Mille ans de solitude, mais seulement pour eux. Après tout ce sont des ingrats.
L’enfer est pavé de ce genre de raisonnement. Tous prêts et disposés à se sacrifier, mais ils prétendent tous à une rétribution. A partir de Saint Paul la condition est posée clairement : rétribution et servage. Dans ce prétendu raisonnement s’occulte l’idée secrète que le prolétariat (sous ou sur) doit servir de masse de manoeuvre, de force de choc guidée et illuminés par le parti combattant. A crever de rire.
Néanmoins lorsque cette histoire ils l’ont vécue dans le passé c’était plutôt quelque
chose de sérieux, de tristement désarmant.
Pour eux le niveau d’affrontement est déterminé par la grandeur de la puissance de feu qu’ils ont réussi à mettre en jeu. Ils ne s’aperçoivent pas que si le prolétariat les a laissé seuls lorsqu’ils ont attaqué Moro et son escorte (et comment pouvait-il jamais intervenir ?), c’est que eux même ont laissé seul le prolétariat dans ses milles petites actions de chaque jour. Dans son affrontement continuel. Dans sa souffrance. Dans la chute de ses rêves et de ses espoirs. Dans la tragique comédie qu’il est contraint à voir répéter inlassablement de la part de divers syndicalistes, hommes de parti, patrons et serviteurs des patrons, etc.
Si on arrive à la conclusion de la difficulté d’être ensemble avec le prolétariat dans cette série infinie d’affrontements armés (et pourquoi toujours les armes devraient être seulement ces choses fabriquées par les industries comme la Breda ?), on doit forcément conclure que le parti armé devait être nécessairement seul dans ses attaques contre un ou cent responsables de l’exploitation. Non seulement dans le sens physique, parce que cela est secondaire, mais dans le sens politique, dans le sens révolutionnaire, dans le sens du projet de transformation du monde.
Voilà que la solitude du passé réapparaît maintenant dans l’idéologie de la reddition. Chacun s’arrête de ramer. Le prolétariat s’est arrêté depuis longtemps. Pour quoi aurait-il dû se faire embarquer dans un projet absolument inexistant ? Eux ils s’arrêtent de ramer maintenant. L’Etat se trouve au milieu, juge très partial et intéressé.
La « mise entre parenthèses » comme trahison
Arrêtons-nous un moment à réfléchir. Chacun avec les idées d’alors mais dans les conditions d’aujourd’hui. Pour résoudre le problème il faut mettre entre parenthèses l’affrontement de classe, faire l’hypothèse qu’un moment de suspension idyllique est possible. Nous dedans, les autres ailleurs, dans un lieu qui n’en est pas un.
Nouveaux mots pour un comportement vieux comme le monde : trahison. On n’est pas traître parce qu’on veut lumière critique, approfondissement des erreurs, correcte reposition des actions futures. On est traître lorsque l’on se renferme dans une prison beaucoup plus froide et terrifiante que la pire des prisons benthamiennes. On est traître lorsque l’on met des barrières entre nous et celui qui a vécu notre même expérience, a mangé le même pain, a commis les mêmes erreurs. Lorsqu’on s’éloigne de l’objectif que l’on s’était fixé, le laissant arrêté et immuable, lorsqu’on cherche une bassine pour se laver les mains.
Le traître d’un soir donnait un baiser sur la joue. Celui d’aujourd’hui a lu Lakatos et joue pour sa remise sur l’équivoque des mots. Il sait qu’Husserl a parlé d’une « suspension de jugement » comme démarche méthodologique pour connaître la réalité. Mais, ce froid réalisme n’est même pas celui de l’Est qui a une lourdeur paysanne et rustraude, mais celui de l’Ouest qui est raffiné puisqu’ ayant vécu à Louvain. Allons donc, dans la trahison le professeur allemand et le paysan russe se ressemblent beaucoup lorsque tous deux ont fait carrière dans le parti. Chacun utilise les moyens qui lui sont congénitaux, le résultat est le même.
Il y a ceux qui prennent des chemins de traverse : ils chantent vite et négocient directement à la source. Ils y en a d’autres qui se font plus lents et longs, incommodent des concepts compliqués pour finalement se mettre d’accord par personne interposée. La saloperie est la même.
Tous les rats retournent tôt ou tard sur le bateau politique
Un pas en arrière est toujours une pactisation politique. Un pas en avant peut
même être erroné, mais influe sur le social. Des fois, marginalement ou dans une
moindre mesure, mais ce qui compte est l’orientation, le sens de la marche. Les rats
peuvent se jeter à la mer pour se noyer, mais sous peu ils retrouvent l’escalier du
bateau. Leur instinct les sauve.
La négociation est un moment politique, elle est comme une guerre dans un verre d’eau. Comme le cessez le feu. Comme l’engagement frontal et l’appauvrissement du conflit de classe. La politique est aussi cela. L’art de s’arranger en attendant que d’autres fassent ce que nous aurions dû faire nous mêmes. C’est pour cela que les rats ne sont pas des taupes.
Réduisant la demande à son minimum réaliste on se présente comme porteurs d’une alternative : faire sortir quatre mille copains de prison. L’importance du résultat pousse à couvrir la tortuosité de la démarche. La lutte ne peut être que politique. Une plate-forme de revendications, rien d’inacceptable, un processus de libération circonscrit que l’on fait passer comme la seule solution possible au problème plus complexe du processus de libération. Au fond il s’agit du jeu habituel des politiciens super-réalistes. Les réformes sont immédiatement réalisables, la révolution non. L’utopie dérange les rêves des seigneurs et le dialogue réformiste le concilie. Leur angoisse actuelle consiste dans l’existence de quatre mille prisonniers politiques en Italie, plus ou moins en contact avec une masse de 35.000 prisonniers appelés communs. Peut être que mis dehors les premiers, on ne puisse pas organiser des écoles de rééducation sociale satisfaisantes pour les deuxièmes, une sorte de post-prison à mi-temps. Utopie pour utopie, une chose vaut bien l’autre. Dans la fantaisie du « petit à petit » il n’y a pas de limites.
Lorsque dans le temps ces rats criaient comme des aigles, un discours de ce genre aurait été passé par les armes. Mais c’était d’autres temps. Maintenant une fois finie la chandelle on a aussi perdu le candélabre.
Même pas un signal. Cesse le feu et basta ! Nous devons tous retourner chez nous parce que la guerre est finie.
Mais qui et quoi a été battu ? Certainement pas le mouvement réel qui continue sa
marche souterraine. Certainement pas une méthode qui ne peut subir ni défaite ni victoire. Une mentalité oui : celle-là a été battue.
Et non seulement sur le terrain de la lutte armée.
Mais à l’égard de cette mentalité les critiques sont superficielles et isolées. Contre
le militarisme monolithique ils ont très peu de choses à dire.
Les vieilles cariatides et les vieux discours
Voilà pourquoi il existe toujours le risque de la réapparition des vieux discours. De préférence avec de nouveaux habits.
Aujourd’hui nous assistons à divers travestissements du vieux discours réformiste, une sorte d’appel à tous ceux qui veulent faire respirer à nouveau le mouvement. Demain nous assisterons à une réédition du vieux centralisme léniniste. L’indiscrétion n’a pas de limites.
Théorie de la fuite et théorie de la résistance
Sur le plan de la critique révolutionnaire l’abandon et l’ultra-irréductibilité s’équivalent.
Cette affirmation ne doit pas étonner. Nous sommes là pour approfondir des problèmes douloureux et difficiles, non pas pour redorer des lieux communs. Ce dont on a besoin n’est pas d’un romantisme de forme, d’une fidélité aux propres choix stratégiques. Nous avons besoin d’aller de l’avant. Pour cela nous ne voulons pas fuir. Non pas parce que nous pensons que tout a été fait comme il devait l’être et que tout va bien dans le meilleur des mondes.
Fuir signifie se réfugier dans des territoires d’arrière-garde dans lesquels la
révolution se trouve niée non seulement dans les mots, mais combattue dans les faits. L’alternative de la désobéissance civile, du réformisme, du pacifisme, de la démonstration qui trouve sa fin en elle-même, n’est autre chose qu’abandon, dissociation, aliénation, refus de continuer la lutte. Faire appel aux lois, au parlement, aux intermédiaires du trafic politique dont la signification est désormais archiconnue, signifie retourner sa veste, trahir.
Mais s’arrêter aux vieux choix, réaffirmer l’indiscutable validité de la méthode du
parti armé, la pérennité de la croyance dans le militarisme minoritaire, est aussi une fuite, précisément une fuite devant les propres responsabilités critiques. Peut-être cette dernière voie est-elle plus sympathique, fait-elle moins dégueuler, suscite-t-elle de sincères expressions de solidarité, mais ce n’est pas avec des états d’âme que l’on construit les conditions révolutionnaires.
Nous avons donc besoin d’une critique. Ce qu’il nous faut ce sont des méthode
d’implications à l’intérieur desquelles pouvoir mettre à profit nos expériences des luttes passées. De cette manière il est possible de comprendre la lutte armée des années à venir. Comme projet en soi achevé d’une organisation spécifique, la lutte armée n’a même plus cette minime possibilité propulsive que l’expérience à ses débuts – dans les conditions du capitalisme avancé – pouvait laisser prévoir.
Nous devons aller de l’avant. L’organisation spécifique c’est bien. Elle n’est pas un
instrument qui puisse être substitué, puisqu’il est l’expression directe du mouvement
spécifique ; ce qu’une objectivation de la conscience révolutionnaire réussit à donner
d’immédiatement opérationnel. Mais elle doit être exclusivement orientée au service de
l’engagement. Se trouver exactement un pas en avant par rapport au degré de
combativité des masses, sur les terrains spécifiques dans lesquels cette combativité se
manifeste, même dans une moindre dimension, et limiter la propre action à cette
capacité des masses. Ne pas se mettre en avant tous azimuts, assumant par là et sur
soi des significations et des rôles qui ne sont pas pertinents à l’organisation spécifique.
Dans ce sens il y a encore beaucoup à faire. Il faut lutter, de fait, sur deux fronts.
D’un côté contre la mentalité militariste qui ne peut pas concevoir une organisation spécifique aussi circonscrite et limitée. De l’autre, contre une mentalité réformiste qui voit avec méfiance même ce petit pas en avant que l’organisation spécifique doit accomplir, en l’interprétant en termes de prévarication et d’avant-gardisme.
Dans la tentative pour clarifier ces problèmes nous avons parlé d’insurrection.
Il n’existe pas une solution du problème à l’intérieur de la structure capitaliste. Les prisons doivent disparaître de manière totale et définitive. Nous ne pouvons pas traiter une libération partielle.
Certes, nous pouvons imposer des conditions d’intolérabilité pour l’Etat, de telle sorte que – lui seul – arrive à la réalisation d’une solution partielle du problème. Mais celle-ci n’est pas le résultat d’un traitement post-révolutionnaire, mais un moment du conflit. La reddition doit venir de la part de l’Etat. Nous ne nous illusionnons pas sur le fait qu’elle puisse être une reddition totale, elle est ou sera au plus une manière quelconque de conclure un pacte. Cela oui. Cela est possible. Et imposer ce pacte doit être le fait du mouvement réel, l’affrontement de classe n’est pas le fait d’une décision de la minorité qui s’accroche à cette frange réformiste qui veut exploiter quelque occasion que se soit afin de se perpétuer dans sa stratégie de pouvoir.
Nous ne devons, ni [n’]avons, à demander l’amnistie pour les quatre mille prisonniers politiques. Nous devons demander (ou imposer ?) l’abolition de la prison pour tous, la fin définitive du concept d’« homme prisonnier ». C’est dans le processus de lutte pour imposer cette méthode du « tout et tout de suite » que l’Etat peut arriver à décider un pacte, à concéder une quelconque trouvaille légale que l’on peut appeler amnistie, travail social, ou n’importe quoi d’autre. A nous il nous appartiendra après – sur la base d’une évaluation des conditions du conflit – d’accepter ou non.
Voilà pourquoi dans la proposition nue et crue de l’amnistie il se trouve sous- jacent le désir de ne pas aller de l’avant.
L’énorme pression morale des quatre mille corps qui sont pratiquement en train
de mourir dans la solitude, ne peut nous faire fermer les yeux devant l’évidence. Choisissant la voie du pacte, de la négociation avec l’Etat nous ne réussirons jamais à les tirer réellement de là. Nous mettrions dehors quatre mille simulacres de femmes et d’hommes qui tomberaient dans une dimension où ils ne feraient que retrouver les barreaux d’une autre prison : la prison de la propre inutilité, du propre abattement, se sentant constamment « ailleurs », dans ce lieu où ils ont consigné la propre identité de révolutionnaires.
Il faut retourner l’ignoble thèse qui a été proposée : négocier la libération des
copains pour reprendre la lutte ; par l’affirmation beaucoup plus logique et conséquente : reprendre la lutte pour pouvoir imposer la libération des copains. Mais cette reprise ne doit pas être la répétition maladive des modèles monolithiques du parti armé, mais un développement critique dans une autre direction.
Reculer pour mieux sauter est un vieux proverbe français qui ne s’adapte pas à l’affrontement de classe. Qui recule est perdu. L’Etat n’admet pas de tâtonnements. La répression ne diminue pas lorsque l’action révolutionnaire se ralentit, elle se transforme tout simplement. Elle devient plus prévenante et pénétrante. Elle s’infiltre de manière social-démocrate, fait prévaloir la recherche du consensus à la matraque du flic. Elle rétablit les formalités de l’Etat de droit. Après tout, celui qui fait les lois les manie toujours selon sa propre volonté.
En hésitant sur la conduite à avoir, nous faisons un cadeau à la répression. Nous lui concédons un souffle inespéré. Aucun moyen oppressif ne peut durer très
longtemps. Aucune loi spéciale ne peut s’institutionnaliser à l’infini. Tôt ou tard le
consensus s’en ressent. Il faut alors retourner à la normalité. L’Etat est par avance conscient de cette nécessité. Et il s’adresse aux plus raisonnables d’entre nous. Entame un discours persuasif. Ne promet rien mais ne dissuade pas non plus. Il laisse entrevoir. Entre temps il change l’orientation de la répression. Elle s’insinue par les soins mis dans l’assistance, dans les promesses de travail, dans les projets réformistes.
Il n’est pas possible de réduire l’Etat à son coefficient répressif minimum. On peut
démanteler l’attaque de classe et donc permettre à l’organisme répressif de se donner une façade social-démocrate, nous pouvons faire autant de pas en arrière que [le pouvoir donne] de coups de pinceaux pour blanchir et rétablir sa crédibilité.
Eux, ils veulent obtenir un espace d’action à l’intérieur de l’Etat, constituer avec lui un ghetto plus important en compensation du petit ghetto actuel. Dans ce sens ils prétendent représenter non pas un projet – ce qui serait vraiment incroyable vu sa macroscopique irrelevance -, mais une illusion, un mirage qui n’a rien à voir avec l’état du mouvement réel. Certes, l’affirmation se fait prudente, mais elle recèle également la prétention d’être un progrès, même si elle revêt l’apparence ambiguë d’une hypothèse de travail. La substance ne change pas : un patrimoine est vendu aux enchères, Nous entendons continuer à empêcher cette liquidation. Non pas parce que nous pensions que ce patrimoine soit absolument indispensable pour le développement du mouvement réel, mais parce que en premier lieu sa vente ne produirait pas « libération », puis, parce qu’il faut examiner sous une lumière critique ce patrimoine même et, en le vendant en bloc, toute critique ultérieure n’aurait pas de sens, serait seulement le résumé d’un testament, d’un dérisoire fétiche.
Celui qui n’est jamais sorti de sa carapace politique prétend maintenant entreprendre un long voyage. Il abandonne une vieille mentalité et en acquiert une nouvelle. On veut tout changer parce que tout est resté comme avant. Si la guerre était la continuation de la politique avec d’autres moyens (mais quels moyens ?) ; maintenant la politique devrait être la continuation de la guerre avec d’autres moyens. Combien de gens tomberont dans cet imbroglio ? Au fond la naïveté humaine n’a pas de limites. Chacun se croit toujours plus avisé que les autres, et c’est pour cela que systématiquement nous donnons de la tête dans toutes les directions.
Eux, ils ont toujours été des hommes politiques. Ils ont déclaré vouloir porter la
guerre au « coeur » de l’Etat, maintenant ils veulent négocier la paix et la reddition. Tout cela est plus que normal.
Mais les milliers de copains qui ont participé à la lutte, ces milliers par lesquels la
lutte a existé avec toutes ses erreurs et ses limitations, cet énorme battement de l’espoir, des rêves, de joie, des désirs non satisfaits, ce monstre à mille têtes et mille bras qui pouvait vraiment faire trembler l’obscène univers des patrons ; tout cela a été encapsulé dans un projet ; néanmoins avec quelques variantes, mais projet unique ettragiquement erroné.
Maintenant une grande partie de ce merveilleux battement se trouve enchaîné. Si
nous voulons construire ensemble le projet pour demain nous devons créer la possibilité d’un mouvement spécifique qui soit capable de fixer des rencontres communes avec le mouvement réel, dans les lieux et selon les sentiments dans lesquels le battement de ce dernier devient perceptible au battement du premier.
Selon vous est-il jamais possible qu’une chose de ce genre soit le produit d’une
négociation avec l’Etat ?
Une nouvelle garantie comme imbroglio
On demande à l’Etat un espace où déployer la substance de ce qui reste. Le mécanisme répressif et reproductif devrait concéder une suspension égale et inverse à celle de celui qui – par généreuse concession se trouve le cul par terre et – est disposé à la concéder à l’Etat.
Dans cet espace devrait renaître le mouvement spécifique avec l’apport
fondamental des copains sortis de taule.
L’Etat devrait développer donc une nouvelle tâche d’assistance : fournir au
mouvement sorti des prisons une hallucination d’un genre nouveau : la possibilité de construire dans le fictif. Celui qui s’est habitué aux plus incroyables mystifications du parti armé, de la dictature proche du prolétariat, de la mémoire que l’on doit assurer, etc. peut peut-être considérer comme acceptable cette dernière fable du pays des merveilles. Nous espérons qu’Alice soit devenue perspicace.
Essayons de suivre un raisonnement plausible. L’Etat est un régulateur de
contradictions. Il résous celle fondamentale du Capital : la concurrence, mais ne la résous pas jusqu’au fond. Il résout toute une autre série de contradictions : culturelles, physiques, logiques, mystiques ; mais ne les supprime pas. Maintenant il devra aussi résoudre la contradiction existante entre mouvement spécifique des prisonniers et l’esprit de celui-ci qui cherche – justement – à fuir entre les tranchées et les fils barbelés. Mais « l’Etat social » exige son prix au capital et aux individus qui se font embarquer dans des solution illusoires (de l’emploi au cadastre aux espaces autogérés à la T.V.), la même chose arriverait pour ce qui est du mouvement spécifique.
Te souviens-tu de la vieille et misérable perspective des petites activités
autogérées du type artisanat de bijoux, de cuir, de bagatelles orientales, du mysticisme de pacotille ? Voilà, quelque chose dans le genre. L’Etat qui retrouve et retire une utilité (en termes de production de paix sociale) de la reddition définitive du mouvement spécifique, pourquoi ne pourrait-il pas prendre en charge financièrement des initiatives de ce genre ? Après tout, pourquoi ne pas donner une bonne situation (ou presque) à un repenti ; lui refaire la façade et lui donner une identité, lui accorder une pension, ça coûte des milliards ; pourquoi on ne trouverait pas un parlementaire (ou cent) disposé à faire une proposition de loi dans ce sens ?
On dirait qu’au fond de l’esprit de beaucoup d’ultra-terribles se cachet le triste
sentiment cumulatif de l’épicier.
On ne demande pas de l’argent à l’Etat, mais une garantie. La délimitation d’un espace à l’intérieur duquel pouvoir redonner vie au mouvement sur la base d’un autre projet.
Cet espace, à bien regarder, n’est-il pas en tout semblable à la prison ? N’y aurait-
il pas seulement des fantasmes sans nom ni identité, des fantasmes qui s’agiteraient dans la confusion en proie à des problèmes de survie dans l’univers des bijoux, des sacs de cuir et des samovars fabriqués à Gallarate ?
Décidément non. Eux ils ont une idée beaucoup plus large de ce ghetto. Il ne
s’agit pas d’un nouveau type de mentalité commerciale, mais d’une autogestion
politique des espaces dans lesquels pouvoir rendre possible la croissance quantitative du mouvement spécifique ou de la liaison avec le mouvement réel. Une ramification infrastructurelle subtile et ingénieuse qui ressemblerait à du rôti de porc bien ficelé.
Evidemment tout cela devrait faire ressortir l’esprit de parti. Rien de dangereux,
naturellement, autrement le commanditaire finirait par se fâcher. Un petit jeu simple et loyal, une sorte de nouveau type de « ossimoro », disons une verticalisation de l’horizontale.
Mais en négociant et obtenant cet espace de misère et de survie, que
deviendraient les autres ? Ceux qui ne sont pas d’accord ? Et d’autres qui sont encore plus loin mais toujours sur le même bateau que les prolétaires ? Et aussi les détenus dits de droit commun ?
La centralité de quelque chose est pour eux indispensable. Hier la classe ouvrière.
Aujourd’hui eux mêmes. Non pas comme classe, évidemment, mais comme interlocuteurs privilégiés de l’Etat, pour réduire au silence tout ce qui peut rester de contradiction révolutionnaire, par une entente extérieure, suspendue dans le vide de l’inter-classisme. Au fond même lorsqu’ils étaient hyper-classistes ils avaient un esprit inter-classiste. Le centre était le guide, l’élément de la coagulation. L’on pouvait faire à l’infini des hypothèses sur un progressif passage à la globalisation de la classe, sur la croissance quantitative sans limites. Au fur et à mesure, jusqu’à arriver à un noyau restreint de réfractaires à la grégarité, définis – à priori – comme contre-révolutionnaires. Certes, la violence était un élément discriminatoire, mais accidentel, instrument pédagogique, moyen de communication. Comprises de la sorte, les choses pouvaient aller à leur but toutes seules. Un coup de brosse et ça y est. Porter le coup au coeur de l’Etat.
La lutte de classe a toujours été vue par eux comme un projet à moitié, quelque
chose à résoudre entre une campagne d’automne et une de printemps. En cela
consistait leur inter-classisme. L’impuissance à comprendre les innombrables et subtiles contradictions du classisme réel, de la guerre sociale. Les mille petits ruisseau dont se compose le front de classe. L’impossibilité de mettre d’un côté les bons et de l’autre les mauvais.
C’était l’hérédité de la volonté de simplification propre à la Troisième Internationale. C’est le même processus qui est maintenant retourné pour maintenir intacte la foi dans cette méthode politique. Les nuances ne sont relevées que dans l’abstrait, dans le monde de la négociation avec le pouvoir, dans le réformisme de la communauté autogérée, sortie non pas de la lutte, mais de la compromission. Dans ce sens ils sont tous très hautement pénétrants, découvrent des liens et font l’exégèse des rapports que personne d’autre ne pourrait découvrir. Dans le sens véritable de l’approfondissement révolutionnaire, ils sont grossiers et superficiels. Ils répètent toujours la même chose : la défaite et la capitulation, la fuite et l’inéluctabilité de devoir se déclarer vaincus.
Ils sont des fabiens a la vieille manière, mais néanmoins modernes dans le
langage. Néo-socialistes du contrat social, ils n’ont même pas l’aspect d’anges tombés du ciel. Dans ce sens ils n’ont jamais fait une tentative. Leur vol a toujours été maladroit et sans horizon. Un vrai sautillement derrière des occasions manquées.
Au moins sur une chose on est d’accord : il n’est pas possible de se déclarer innocent. Techniquement ce ne l’est pas, d’un point de vue révolutionnaire non plus.
Si l’on exclue les cas limites où un fait précis se trouve contesté parce qu’il est
possible de démontrer la fausseté au delà de tout doute ; dans la plupart des cas se déclarer innocent, conduit à la séparation d’avec les autres copains, à la misère de se déclarer ailleurs.
Et c’est rejoindre la mesquinerie dans laquelle est tombé celui qui a eu recours à cette tentative de réification : le refus non pas tant de sa propre responsabilité, mais bien plutôt de son propre parcours révolutionnaire, de ses propres idées. Les bras vers le ciel en signe de joie émancipatrice, ou bien en signe de capitulation inconditionnée.
La tristesse s’accroît face à cette misère lorsque on voit avec quel esprit
pointilleux, celui qui a fait de l’innocence totale un passeport pour sortir des murs de la prison, s’attelle à démontrer l’indémontrable. A quelles tournures justificatrices et verbalisantes il s’agrippe.
Et puis du plus profond de la misère d’une telle position on ne peut pas dire que
le résultat soit garanti. Le parcours d’une négation individuelle de quelque rapport que ce soit ne convainc même pas le plus superficiel des inquisiteurs.
Et puis, nous sommes tous responsables de notre rêve d’escalader le ciel. Nous ne
pouvons pas maintenant nous transformer en nains, après avoir rêvé, coude à coude, chacun sentant battre le coeur des autres, d’attaquer et d’abattre les dieux. C’est ce rêve qui fait peur au pouvoir. Le nier c’est nier la communauté de suaves sentiments qui nous liaient lorsque nous avons décidé l’escalade, même si lointains entre nous, même si ignorants de nous mêmes, même si – et à la limite – avec de forts préjugés critiques. Le nier est tout simplement une bassesse.
D’un autre côté se prévaloir d’innocence est une reconnaissance de l’Etat ;
négociation, à la manière même de celui qui recherche une voie pour l’amnistie des prisonniers politiques. Le soi innocent est culpabilisation de l’autre, l’idée qu’on était autrement et non pas que tel ou tel fait ne s’est pas réalisé de la manière que l’on prétendait imposer, mais comme étrangeté et abjuration.
Personne ne peut être neutre, nous sommes coupables de la gestion et de
l’élaboration de ce climat qui alors nous enthousiasma et nous entraîna. Même les plus critiques parmi nous ne peuvent prétendre à une innocence originelle. Aux yeux de l’Etat c’est justement ce climat qui est coupable. Et cela nous devons le revendiquer. Nos luttes contre la répression, les prisons, l’exploitation nous ne les avons pas rêvées. Le pouvoir ça il le sait. Ses sbires nous connaissent parfaitement. C’est celle-ci la grande dénonciation qui nous met tous en commun.
Puis ceci signifie une reconnaissance du mécanisme répressif : le tribunal en
premier lieu. C’est vrai que le vieux processus revendicatif a été mis de côté et, par ailleurs, il appartenait à l’arsenal de la perspective militariste de la lutte armée. Mais de là à admettre la légitimité de la justice qu’administrent les tribunaux il y a un pas notoire.
L’Etat n’a jamais eu une crédibilité légale. Les normes de sa légitimité sont celles arrachées par la force. Dans ce sens la réalité des tribunaux est une farce ridicule à laquelle on ne devrait pas s’intéresser. L’équilibre des forces – si nous sommes capables – se reconstitue ailleurs. Dans le mouvement réel. Dans le cas contraire, quelque discours que ce soit est perdant du début à la fin.
Il y a évidemment des cas limites dans lesquels il est possible de démontrer de
manière précise la fausseté. Ceux-ci doivent être exploités jusqu’au fond, obligeant le pouvoir au respect de ses propres règles en y dénonçant l’inobservance, souvent cette tactique fonctionne, d’autre fois elle ne fonctionne pas. De toutes façons il vaut la peine de la tenter.
Après, c’est à la propagande générale, de démontrer directement l’incroyable contradiction que l’on peut saisir entre ce qui est dicté par les lois et son application répressive et inquisitoriale. Aussi cela est profitable. Le bourgeois progressiste sent monter sa rage lorsqu’il s’aperçoit des choses de ce genre. Le bruit et l’agitation dans cette matière ne font jamais mal.
Mais nous ne devons pas nous illusionner entre nous. Nous savons parfaitement qu’aussi bien les règles des lois que la colère des bien-pensants radicaux sont des faits relatifs. La justice est toujours gérée par les mains des plus forts.
Les soit disant repentis
L’Etat s’est mis d’accord avec une poignée de pauvres saltimbanques de la mitrailleuse se trouvant par hasard dans un groupe de tir constitué par des copains. Malheurs du recrutement indiscriminé ? Défaut du mythe du quantitatif ? Distorsion de la logique militaire ? Qu’est-ce qu’il importe de préciser ? Au moment opportun nous réglerons nos comptes avec ces gens.
Pour le moment il faut comprendre que l’Etat n’a manqué à aucun principe légal
en se mettant d’accord avec les repentis, en négociant des condamnations à perpétuité contre les copains. C’est quelque chose de tout à fait normal. Pour celui qui ne le saurait pas, tous les Etats ont un organisme spécial constitué d’espions (le service secret), et à l’occasion tout bon policier est un bon espion. Le fait que maintenant le nombre de ces braves gens ait augmenté ne constitue aucune surprise.
La surprise est celle de celui qui a l’illusion de l’existence d’un Etat de « droit »,
contrepartie idéelle de la marchandise que l’on veut vendre. C’est le cas justement de ceux qui gueulent le plus contre le fait que l’Etat mette dehors les repentis, lesquels ont avoué des dizaines d’homicides, et maintiennent en prison les copains qui n’ont rien avoué. Mais pourquoi sont-ils surpris ? A cause du simple fait qu’il est moins embarrassant de penser se mettre d’accord avec qui ne respecte même pas ses propres règles. Qu’arriverait-il si après les tentatives néo-contractualistes et les promesses plus ou moins légalisées, les pactes n’étaient pas respectés ?
La chose la plus comique de tout contrat est son aspect synallagmatique. Il faut
être deux pour pouvoir parler d’un accord contractuel. Mais il faut aussi qu’aucun des deux ne soit un tricheur professionnel.
On rétorquera que néanmoins l’Etat a respecté le pacte avec les repentis. Oui mais il n’a pas respecté ses propres lois selon lesquelles un chat est un chat et ne peut jamais devenir un lapin. Mais les lois se changent elles-mêmes. Les contrats aussi.
L’Etat respectera les accords avec les nouveaux entrepreneurs de l’auto-
ghettoïsation sociale, seulement si ces accords correspondent à un effectif abaissement du niveau de l’affrontement. La nouvelle infrastructure qui se profile devra produire la paix sociale. Pensez à la manière avec laquelle assume aujourd’hui un travail de ce genre celui qui hier marchait en première ligne dans les manifestations et relisait les actions les plus avancées (de son point de vue). Pensez à ce que disent et font aujourd’hui certains personnages qui hier théorisaient la violence émancipatrice du prolétariat. Ils siègent dans la plus obscène des scènes, momies à côté d’autres momies, se parlant par dessus l’épaule de paix comme d’autres parlent de guerre. Ceux-là sont très utiles à l’Etat. Mais le sont ils à la révolution ? Certainement pas.
Attention camarades. Le repentir a de multiples chemins. Certains notoirement
rebutants, d’autres plus tolérables, arrangés à la sauce du réformisme salutaire, pleins de paroles dénuées de sens, capable seulement de mettre une feuille de vigne sur leur propre honte.
Au moins les véritables repentis, ceux qui ont vendu en bloc des dizaines de
copains, savent ce qui les attend : aujourd’hui une fausse liberté, un passeport tout autant faux, une fausse identité ; demain une balle en plein front. Les néo-
contractualistes ne savent pas ce qui les attend : ni du côté des rapports avec l’Etat, ni du côté des rapports avec les copains.
Se dissocier de qui et de quoi ?
Abandonner a un sens lorsqu’il y a un projet en cours de réalisation. On peut-être plus ou moins d’accord avec ce projet. On peut voir dans la marche des choses un fait différent de celui qui initialement avait poussé à l’action. Et dans ce contexte on se désiste et on se dispose à la critique. On approfondit les motifs du dissentiment. On le mesure avec les copains dans la réalité des perspectives révolutionnaires, on décide des choix.
Mais lorsque c’est l’Etat qui t’invite à te désister, qui t’offre un beau prix pour ton abandon, alors le discours est différent. On ne te demande pas une critique, on te demande une abjuration. Il n’y a rien par rapport à quoi prendre les distances, aussi parce que sur le plan opérationnel il n’y a pas des conséquences pour le projet du parti armé. Il pourrait exister des développements futurs en sens différent, dans le sens d’une construction d’un modèle libertaire d’affrontement armé. Et c’est à cause de cette possibilité que l’on t’invite à te désister.
Voilà la dangerosité de la demande. Beaucoup de copains pensent que la défense acritique d’un modèle d’irréductibilité sur la base des positions que la réalité a montrées comme anachroniques, est une folie. Et leur pensée est juste et raisonnable. Mais elle ne reflète pas le fait que l’abandon est demandé par rapport aux possibles débouchés futurs et non pas au niveau de l’actuel blocage d’une manière de concevoir l’affrontement de classe.
On ne peut pas revendiquer donc, un comportement autonome dans l’abandon. La seule perspective est la critique. Peu importe que celle-ci trouve adulation ou indifférence de la part des organes étatiques, et peu importe que celle-ci soit liée à une irréductibilité qui même si elle n’a plus de fondement révolutionnaire, contenait néanmoins une clarté morale.
Un projet inexistant n’admet pas dissociation ou abandon. Nous pouvons seulement développer un autre projet, critique par rapport au premier et propositif en soi même. Mais ce développement ne peut pas partir d’une réification qui a comme invité l’Etat, il doit partir d’une analyse de l’actuel niveau de l’affrontement de classe. La solidarité révolutionnaire est, sans plus, le fait d’un grand moment moral, mais ne peut pas constituer la base qualitative d’un projet pour le développement futur du mouvement spécifique. Encore moins la désolidarisation.
Il ne s’agit pas d’une question de distance. Il s’agit d’une question de parcours. Nous allons vers l’affrontement de classe. Dans l’autre sens il y a des gens qui s’en éloignent. Celui qui veut continuer la lutte doit grandir. Et tout d’abord critiquement. Il doit donc isoler l’irréductibilité en tant que mécanisme pervers d’une reproduction de l’inexistant. Il doit isoler aussi le néo-contractualisme, comme mécanisme, tout aussi pervers, de mévente et de résignation. Ces deux chemins ne produisent pas la libération. Ces deux chemins conduisent seulement à Rome.
Dans cette époque de liquidation et de mévente nous réaffirmons que notre lutte est une lutte pour la libération totale, maintenant et tout de suite. C’est pourquoi nous avons soutenu même cet hyperbolique projet qui déclarait à priori ne pas comprendre la libération dans le même sens que nous. Parce qu’il existait la possibilité d’une erreur de parcours, d’une transformation en sens négatif pour eux et positif pour nous. La transformation ne s’est pas produite, mais ce n’est pas nous qui avons été les oiseaux de mauvais augure. D’autres ont lancé de faciles anathèmes à priori, des critiques faciles en face des fusils en laiton. Nous avons bien vu. L’erreur ne se trouvait pas dans l’inadéquation des moyens, mais dans l’impossibilité de la méthode.
Et la critique nous l’avons menée à l’intérieur du projet organisationnel. Ne nous
arrêtant pas aux mots comme les amateurs de la plume qui produisent des analyses comme la Fiat produit des automobiles. De l’intérieur, les erreurs des autres ont fait même briller une lumière sans pitié sur nos propres erreurs, et nous avons eu aussi des moments statiques, de l’amour propre, d’esprit de bannière, de défense des principes. Mais c’était peu de chose face à l’obstination envahissante d’une part, et les acquiescements pathétiques d’autre part qui se transformaient en critique facile et superficielle.
Il est temps maintenant d’entreprendre un autre chemin. Celui qui a demandé une
mise entre parenthèses pour soi-même, sans par ailleurs avoir le courage de la dicter comme attitude partageable avec d’autres, qu’il reste donc, dans ses pantoufles à se réchauffer auprès du feu. Nous insistons sur la nécessité de sortir dehors, parmi le brouillard et le froid. Dehors, là où il n’est plus possible de dire avec certitude ce qu’il faut faire et vers où il faut marcher.
Dans des époques comme celle-ci, lorsque les oiseaux volent à ras de terre, ils
sont peu nombreux ceux qui continuent à penser à la révolution comme quelque chose de possible. Il est toujours facile de trouver quelqu’âme sélecte qui « parle » de révolution, néanmoins ils sont peu nombreux ceux qui cherchent à faire concrètement quelque chose dans le sens juste.
Tant que l’on ne fait que bavarder, on peut être plus ou moins tous d’accord.
Lorsqu’après il s’agit de passer à l’action, même minime, périphérique, microscopique, alors commencent les différences. Il faut attendre qu’il se passe toujours quelque chose d’autre. Que de quelque part arrive le signal de la maturité des temps. Et anxieusement on interroge les cieux et l’on ouvre le ventre des oiseaux, mais leur tripes ne se prononcent jamais.
Nous réaffirmons avec insistance notre conviction que l’usage de la violence
organisée contre les exploiteurs, même lorsqu’elle prend l’aspect de l’action minoritaire et circonscrite, est un instrument indispensable de la lutte anarchiste contre l’exploitation.
…notre concept de justice prolétarienne
Dans ce sens, même là où prévaut une attitude critique ou sceptique, et lorsque la constatation amère (mais pour qui ?) du fait qu’il n’y a pas de « justice » entre les pattes de l’Etat s’y réfléchit, l’on est arrivé à la conclusion qu’il n’existe pas et que l’on n’a pas intérêt qu’il existe une justice prolétarienne.
Ici aussi nous ne sommes pas d’accord. Nous pensons qu’il est juste de se
rappeler des exploiteurs et de leurs serviteurs. S’en rappeler lorsque viendra le moment opportun, lorsqu’il sera possible de discuter en termes de destruction de la justice bourgeoise et de construction de la justice prolétarienne. Non pas pour faire renaître sous des formes différentes les salles des tribunaux et installer de nouveaux juges, de nouvelles prisons, de nouveaux ministères publiques, mais simplement pour régler leur compte aux responsables. Et régler les comptes signifie ici leur tirer simplement une balle entre les deux yeux.
Si quelqu’âme candide trouve excessif ce programme, qu’elle cherche de temps à
autre à sortir les pieds de l’eau, elle pourrait attraper un refroidissement. Nous disons ces choses aujourd’hui, dans des temps qui sont – par ailleurs – non suspects, non pas pour vouloir figurer dans la liste des extrémistes qui osent dire la chose la plus avancée, mais parce que nous sommes fermement convaincus de la nécessité d’une procédure de ce genre.
Lorsque la révolution s’est réveillée en Russie en 1917, les anarchistes organisèrent l’exécution systématique de tous les chefs de gare de la ligne Petersbourg – Moscou parce que responsables des dénonciations de 1905 qui avaient envoyé en prison des milliers de cheminots anarchistes. Ces camarades ne voulaient appliquer aucune théorie pédagogique ni rien apprendre aux autres chefs de gare ou aux gens en général, ni moins encore s’habiller de l’immonde toge de juge d’un quelconque tribunal de justice prolétarienne : ils avaient seulement le but modeste et circonscrit de fusiller sur place tous les chefs de gare responsables des dénonciations. Rien de plus, rien de moins.
C’est cela que nous entendons par justice prolétarienne.
…1e droit de se rappeler des traîtres
Aussi ceci. Que personne ne vienne après avec quelque histoire tordue, avec la
justification qu’un certain comportement a été dicté par la nécessité. On ne sait jamais, parce que même parmi nous il y a toujours quelque théoricien de l’éthique qui met en avant le doute quant au droit de mettre dehors les traîtres. Et la discussion commence toujours avec le bavardage coutumier sur la peine de mort.
On se demande maintenant souvent si l’Etat a le droit de condamner à mort un
individu qui selon lui est responsable de certains délits. Et nous nous battons contre la peine de mort. Lutte très juste qui entend limiter l’action répressive des Etats. Mais cela ne sigfie pas qu’un Etat qui a aboli la peine de mort soit un « Etat de droit ». Un Etat de ce genre n’existe pas. C’est une fantaisie juridique, rien de plus. Il y a des Etats qui mettent en jeu un équilibre des forces différent, comme par exemple, celui soit disant démocratique, et dont justement l’équilibre peut ou doit se passer du recours à la peine de mort. Quelques fois cet espace (de la peine de mort) c’est nous mêmes qui tendons à le réduire avec nos luttes garantistes et réformistes, et il est bon que ce soit comme cela parce que ainsi nous repoussons la velléité dictatoriale et répressive. Mais cela ne change pas d’un centimètre le fait que l’Etat fonde ses lois sur la force et non sur le droit.
Au moment opportun, au cours de la révolution, et même aux premiers signes de celle-ci, nous ne prétendrons pas substituer notre propre force à celle de l’Etat, ni donc construire des organismes de contre-pouvoir qui imposeraient leur propre vision du droit pour régler les comptes aux traîtres. Nous voulons seulement réaliser ce processus de justice prolétarienne sans avoir, pour sa justification, à développer une théorie du droit révolutionnaire. Nous n’en aurons pas besoin. Ce seront les faits commis par ces gens qui parleront d’eux mêmes, non pas les lois à priori que nous nous aurons données pour frapper en général des faits semblables. Ces lois là nous ne les ferons pas (nous ne ferons pas de lois et basta !), ces lois sont dans le coeurs des hommes depuis des millénaires, et on y lit que les traîtres doivent être éliminés.
Nous ne les avons pas commis de « bonne foi ». Nous ne savons pas ce qu’est la
bonne foi. Nous les avons commis avec la pleine conscience de les commettre, mais parce que pensant qu’il est opportun, à un certain moment, de choisir plutôt une erreur qu’une vérité abstraite fondée seulement dans une critique à priori.
Tous les anarchistes connaissent par expérience de longue date l’erreur du parti et
de la conception léniniste. Mais notre critique, devant l’émergence concrète de ce type d’expériences, n’a jamais été conduite dans l’abstraction des principes. Nous avons préféré la conduire à travers la concrétion des actions, dans la difficulté même de l’organisation spécifique, nous inscrivant pleinement dans les contradictions de l’agir. Et dans cette terre balayée par les vents, nous avons rencontré des copains d’un courage et d’un coeur grands, capables d’envisager la lutte avec sérénité, même lorsque le résultat était plus qu’incertain et les moyens à disposition plus qu’hasardeux. Et cela parce qu’on avait confiance dans les autres copains, dans la possibilité qu’une erreur de parcours puisse se transformer sans plus de préambules en une critique de fait, capable de mettre en question plans et doctrines, de brûler momies et programmes. Cela n’a pas été. Est-ce qu’il en aurait peut être été différemment si nous avions aussi enfilé l’habit sévère du censeur politique ? Si nous avions développé une critique de l’idéologie de l’efficacité et de la pensée doctrinaire ?
…nos thèses sur la créativité, la subversion, la joie
Néanmoins, dans l’indication de la bonne direction, nous avons pendant
longtemps, très longtemps, développé différentes critiques et projets. Nous avons fait
remarquer comment la joie ne se trouvait pas au fond de ce qu’ils faisaient et non plus
au fond d’autres activités qu’en se réfléchissant dans le climat général, finissaient par
être fortement conditionnées dans le sens imposé par eux à la lutte. Et en n’y trouvant
pas la joie, il venait, pour nous, à manquer le fondement premier de la lutte même ; la
créativité de notre intervention, la substance subversive du projet dont on se faisait les
porteurs.
Même au niveau macroscopique cet élément devait se trouver dans notre travail
révolutionnaire ; autrement on était obligé d’accepter ce que nous faisions seulement à cause du fait que c’était nous qui le faisions. La chose ne pouvait pas fonctionner. Et
elle n’a pas fonctionné.
Dans ce sens et par l’expérience des limitations passées, nous sommes prêts à
reprendre les choses du début.
Plus nous réfléchissons aux conditions passées de l’affrontement, plus nous voyons à quel point la situation actuelle est le produit des erreurs du passé et présente seulement une possible ouverture à condition de pouvoir y inclure une critique opératrice ; plus aussi on s’aperçoit qu’il n’y a pas de solution séparée au problème des copains incarcérés.
En acceptant une mercantilisation comme celle proposée par les néo-
contractualistes (amnistie, un nombre d’années de prison égal pour tous, une période de travail social à l’extérieur, etc.) il faudrait la payer en mettant dans la balance tout son passé. Ceci signifierait un refus de la révolution, refus de l’anarchie, refus de la propre identité de femme et d’homme, refus de son propre futur.
La seule solution donc, est la continuation de la lutte. De manière critique,
certainement, avec des objectifs différents et des méthodes plus appropriées à la situation actuelle, mais continuation de la lutte.
Le démontage de la sectorialisation doit correspondre à une capacité de
proposition des mots d’ordre de lutte, autrement il devient une banale formule méthodologique. Si nous nous limitons à « informer » les gens de la méchanceté du pouvoir, nous ne pourrons faire de tous les arbres une forêt et serons immédiatement amenés à graduer les pires méfaits afin d’apparaître plus spécifiques et donc plus incisifs. Si nous parlons du nucléaire aux gens, nous pouvons certainement y faire entrer le problème des copains emprisonnés, mais nous ne le faisons pas toujours : on prévoit mort et destruction, pollution atomique, fin de la vie sur terre, guerre et conflit apocalyptique. Les gens restent plus impressionnés et nous nous laissons fasciner par le fait que nous réussissons à impressionner les gens.
La contre-information a comme destin propre de finir toujours sectorialisée.
Aujourd’hui cela, demain ceci. A la fin on devient des spécialistes en antimilitarisme, en problèmes du monde du travail, en problèmes de la prison, en féminisme, en mouvement de lutte pour le loyer, etc.
Nous devons donc avoir deux niveaux de clarté :
a) Une contre-information omnicompréhensive n’est pas possible.
b) Nous ne pouvons « entasser » des problèmes différents sans finir par ne plus se
faire comprendre des gens.
Néanmoins, il y a une autre manière de voir les choses. En focalisant un problème (mettons, celui des quartiers, par exemple) et en reliant autour de lui des problèmes qui lui sont plus proches. On s’apercevra alors que sans vouloir faire, au fur et à mesure, un traité argumenté, nous réussissons à y inclure même le problème des copains incarcérés. Néanmoins, seulement à condition de ne pas se renfermer dans la simple contre-information. Si nous nous limitons à ce premier stade d’intervention révolutionnaire, le problème des prisons se trouvera introduit de l’extérieur dans la réalité où nous serons en train d’intervenir.
Posons autrement le discours avec un projet différent. Nous passons de la simple
phase de contre-information à une deuxième phase que nous pouvons définir d’engagement. Nous proposons une structure organisationnelle qui s’occupe d’un problème spécifique (retournons à l’exemple des quartiers) et qui permet l’inclusion du problème de la prison et des copains incarcérés.
Etablissons un rapport entre cette structure organisationnelle (externe au
mouvement spécifique) et le mouvement spécifique même. De la réponse en termes opérationnels que ce rapport nous donnera, nous aurons une image suffisamment claire de l’état du mouvement réel. Sur la base de cette image nous pourrons construire nos interventions en tant que mouvement spécifique (à l’extérieur et même indépendamment de la structure organisationnelle d’engagement) et dans cette phase donc, être beaucoup plus exhaustifs sur le problème des copains emprisonnés.
Elimination des lois spéciales, du régime différencié, des prisons spéciales, de
l’article 90. Réduction de la détention préventive. Abolition de la perpétuité, des longues peines, des procès spéciaux, des traitements spéciaux. Ceci évidemment pour tous et non seulement pour les copains.
Cette perspective de lutte doit chercher à engager les gens. et doit avoir aussi une autonomie propre d’action. De la manière dont les gens s’engageront et de la manière dont s’harmonisera l’autonomie d’action, avec ce que l’on réussira à faire en dehors du mouvement spécifique, dépendra la capacité à mesurer les résultats. Seulement sur la base de ces résultats on pourra imposer une solution au problème des copains emprisonnés.
N’oublions pas que notre chemin porte beaucoup plus loin que celui de ceux qui
aujourd’hui s’apprêtent à collaborer. Le chemin du pouvoir, par contre, tourne toujours autour de nous.
Au fond nous sommes tous dans la mire du fusil répressif. Nous devons
développer notre lutte. Si nous ne sommes pas capables ils nous détruiront tous : dans la prison et en dehors des prisons.
Avec la montée du niveau de l’affrontement, avec l’élargissement des objectifs, la répression frappera encore. Personne n’est ici un train de garantir une voie sans danger pour sortir des prisons. Nous tous, lorsque nous avons été envoyés en taule, l’avons été parce que convaincus de la validité de notre action révolutionnaire, non pas à cause d’une fatalité accidentelle. Certes, objectivement il y a toujours quelque chose de ce genre ; l’initiative d’un sbire, quelque chose qui n’a pas bien marché, une interprétation répressive d’un fait en soi plus que légitime. Mais le véritable motif de nos emprisonnements a toujours été le fait d’être anarchistes, notre foi dans la révolution. La taule pour un anarchiste est une composante constante de son activité révolutionnaire.
Notre problème d’aujourd’hui, problème central, est celui de faire sortir les
copains. Nous pouvons résoudre ce grave problème seulement en intensifiant les luttes dans les divers secteurs d’intervention et en liant ces luttes à une perspective réelle de développement insurrectionnel ; en ne se limitant pas à de platoniques dissentiments ou à de belles déclarations de liberté pour tous qui servent seulement à réduire au silence notre conscience, pour après venir exprimer un facile désaccord avec celui qui veut au contraire faire quelque chose de concret.
Seulement de cette manière nous pourrons obliger l’Etat à résoudre ce qui
deviendra un (son) problème des (nôtres) copains en taule. Tant que cela restera notre problème nous ne pourrons le résoudre qu’en louant et consignant dans les mains de la répression tout notre futur.
Nous ne croyons pas qu’il puisse exister un doute sur la voie à prendre.
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[Titre original : E noi saremo sempre pronti a impadronirci un’altra volta del cielo. Contro l’amnistia. Anarchismo n°42, mars 1984.
Texte édité intégralement en 1984 en français par les Publications Révolte et
Liberté. Réédité en 2011 sous forme de brochure (téléchargeable ci-dessus), par les Éditions Gaston Lagaffe]
[1] Château d’Italie où l’Empereur Henri IV s’humilia devant le pape Grégoire VII en 1077.
[2] Les gibelins étaient les partisans des Empereurs d’Allemagne en Italie, opposés aux guelfes qui soutenaient la papauté.
[3] Palmiro Togliatti (1893-1964), membre dirigeant du Parti communiste italien, se réfugie à Moscou en 1926 devant le fascisme. Il intègre l’exécutif de l’Internationale Communiste (IC) dont il est délégué pour l’Espagne en 1937 avant de défendre le pacte germano-soviétique. Revenu en Italie en 1944 une fois les Alliés débarqués, il devient plusieurs fois ministre, dont ministre de la Justice et des Grâces de juin 1945 à juillet 1946. Il propose et fait appliquer l’amnistie du 22 juin 1946 qui fait sortir 7 000 fascistes incarcérés (dont d’ex-ministres et nombre de bourreaux et responsables notoires). A l’inverse, les anarchistes et autres partisans dissidents du PCI effectueront jusqu’à 30 ans de prison pour des « délits » commis contre des fascistes.
[4] Cette citation est une référence à Marx : « Il est évident que l’arme de la critique ne saurait remplacer la critique des armes ; la force matérielle ne peut être abattue que par la force matérielle ; mais la théorie se change, elle aussi, en force matérielle, dés qu’elle pénètre les masses. » (Karl Marx, Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel, 1843)
[5] Jeune militant néo-fasciste, Sergio Ramelli fut mortellement blessé à coup de clefs anglaise le 13 mars 1975 par des membres du service d’ordre d’Avanguardia operaia (groupe léniniste fortement présent à Milan et centré sur les luttes syndicales).
Mouvement des « Gilets jaunes » : Saisir l’occasion
Plus d’une centaine de milliers de personnes en colère qui occupent depuis bientôt quatre semaines ronds-points et péages, qui tentent de bloquer et ralentir le fonctionnement des plate-formes logistiques de supermarchés, de dépôts pétroliers ou à l’occasion d’usines, qui se rassemblent tous les samedis dans les villes moyennes comme dans les métropoles pour prendre d’assaut préfectures et mairies, ou tout simplement détruire et piller ce qui les environne, voilà que l’automne accouche à l’improviste d’un énième mouvement social. De quoi faire accourir tous ceux qui aiment l’odeur des troupeaux, pour tenter de le chevaucher ou simplement être là où ça se passe en suivant l’odeur des lacrymos. Comme lors du mouvement syndical contre la Loi Travail de 2016 (mars-septembre) et ses suites contre les ordonnances en 2017 (septembre-novembre), ou celui contre la réforme de la SNCF cette année (avril-juin) en somme. Sauf que ça ne s’est pas tout à fait passé comme cela.
***
Pour une fois, un mouvement a éclaté de façon auto-organisée hors des partis et des syndicats, pour une fois il s’est d’emblée fixé ses propres échéances tant au niveau local que national –des échéances souvent quotidiennes et non pas au rythme hebdomadaire ou mensuel de grandes journées orchestrées par des chefs de troupe et cadrées d’avance avec la police–, définissant même ses propres lieux et parcours d’affrontements et de blocages en refusant obstinément de quémander une autorisation préfectorale préalable. Bref, un peu d’air frais pour tous les militants qui n’attendent rien moins qu’un grand mouvement collectif pour ressortir de chez eux. Et pourtant ! Alors que les miettes réclamées par n’importe quel collectif citoyenniste, syndicaliste ou victimiste à l’aide d’un rapport de force dans la rue pour aider ses représentants à mieux négocier avec le pouvoir n’a jamais empêché grand monde de participer, voici que les braves militants anti-autoritaires se mettent à disséquer celles qui ont fait déborder le vase des gilets jaunes. Ah, mais c’est bien trop réactionnaire de se mettre en colère contre le prix de l’essence ou les taxes. Ah, mais c’est qu’ils voudraient dans leur consultation virtuelle à la fois que le SMIC ou que les retraites augmentent de 40% et une baisse des charges pour les patrons, moins d’élus et que le pouvoir les écoute par référendum, augmenter le nombre de flics et de juges ou remettre hôpitaux, trains et Poste dans les villages, interdire le glyphosate et remettre des usines partout, intégrer les immigrés dociles et virer les nombreux réfugiés déboutés de l’asile, rétablir l’ISF et que les banques cessent de racketer les commerçants. Bref, plus il y a de monde qui rejoint ce mouvement, et plus les cahiers de doléance s’allongent, en un fourre-tout hétéroclite de lieux communs et de réformettes de droite comme de gauche, qui sont la marque d’esclaves tentant de ripoliner leur cage. Rien d’étonnant à demander du changement pour que surtout rien ne change, après plusieurs décennies de dépossession, de restructuration productive et de domestication technologique depuis la dernière tentative d’assaut du ciel des années 70. Rien d’étonnant, mais un jeu plus ouvert qu’il ne l’a été au cours de cette dernière décennie, un jeu seulement donné d’avance pour les météorologistes effrayés qui préféreront toujours le statu quo démocrate et bien huilé aux possibilités de bouleversement en tous sens, à moins bien sûr que la fameuse rupture ne se produise d’un seul coup, magique et pure, bienveillante et sans processus ni dépassements.
Mais voilà, le militant anti-autoritaire pourtant rompu à tout avaler en matière de revendications réformistes pour se mêler aux mouvements de lutte, n’y retrouve cette fois-ci pas assez de lieux communs connus. Le refus des licenciements ou de la fermeture d’une usine qui broie des vies et empoisonne, passe encore, c’est la lutte de claaasse, voyez-vous. Des HLM et autres cages administrées dans des centres dédiés (pour SDF, d’asile, etc.) passe encore, c’est l’urgence de sortir des miséreux de la rue, voyez-vous. Un procès et des expertises équitables avec en sus des flics en prison, passe encore, tant que c’est dit autrement et porté par des familles. Le refus du tri à l’entrée de la machine à former les futurs dirigeants passe encore, c’est l’occasion de rater des cours sans toucher à la hiérarchie sociale. Le refus d’une nuisance parce que trop ceci ou pas assez cela passe encore, tant que le et son monde ne vient pas briser la belle composition citoyenne avec les aménageurs de l’existant.
A toutes ces occasions et dans bien d’autres, du militant qui tracte son programme à celui qui brise des vitrines ciblées, on prend généralement bien soin de défendre son activité en distinguant le sommet et la base du mouvement, les tristes revendications des organisateurs et la colère des présents, on s’évertue à mettre en balance le prétexte initial pour relever la tête et les possibilités de rompre la routine de l’exploitation, on soupèse les ingrédients du bordel pour faire grossir sa chapelle. Bref, on fait de la politique dans une dialectique avec la gôche : on conscientise, on radicalise, on socialise, on déborde, on recrute et on fait le vilain petit canard de la grande famille progressiste. On rêve même parfois de destituer le Président afin de pouvoir se passer d’une rupture révolutionnaire violente. Mais que faire quand il n’y a plus ni base ni sommet et pas même de revendications polies et unitaires, mais une prolifération de colères diffuses (des retraités aux lycéens, des bloqueurs du jour aux émeutiers du soir) ? Quand il n’y a pas de sujet politique à soutenir ou sur lequel s’appuyer ? Quand Facebook devient un ersatz d’assemblée et que le cortège de tête n’a plus le monopole de l’affrontement en manif ? Quand les mots qui sortent sont plus grossiers, les arguments plus confus et les symboles plus rudes ?
Car tout d’un coup, avec le mouvement des gilets jaunes, voilà que le militant anti-autoritaire redécouvre le monde qui l’entourait ! Lui qui s’était extasié hier devant le dit Printemps arabe sans que l’abus « interclassiste » du mot « peuple » (« le peuple veut la chute du régime » était un slogan très présent) et la foison de drapeaux nationaux ne soit un irrémédiable frein, est aujourd’hui dégoûté des mêmes limites de son côté à lui de la Méditerranée. Lui qui hier s’était émeuté contre la Loi Travail ou lors du 1er Mai dernier sans trouver sa présence incompatible avec celle de drapeaux floqués de la faucille et du marteau, ou avec celle de banderoles de tête parisiennes parfois douteuses (taguées de punchlines de rappeurs réactionnaires en tout point) reste aujourd’hui frappé de stupeur par des drapeaux tricolores et des slogans populistes.
Volontairement aveugle, il n’avait jamais remarqué les centaines de drapeaux tricolores dans les rassemblements de la France Insoumise lors de la dernière élection (place de la Bastille à Paris le 18 mars 2017 ou sur le Vieux Port de Marseille le 9 avril 2017), pas plus que ceux déployés par centaines de milliers dans les rues lors de l’épopée victorieuse du spectacle footballistique de juillet 2018 (arborés à l’unisson par de jeunes pauvres des cités et par de vieux riches racistes). Non, le militant est une personne aussi simple que son idéologie de supermarché bio. Un immonde emblème=un facho, point barre. Oui à la casse militante lors de manifestations cadrées, au coude à coude au sein de blacks blocs avec des staliniens, des maoïstes ou des néo-blanquistes organisés, non à celle lors de rassemblements dispersés sans organisateurs ni parcours définis, mais où logiquement des fascistes organisés peuvent aussi être présents. Pour ces militants qui ont plus d’allergie pour les fascistes organisés que pour les staliniens organisés, pour les partis que pour les syndicats, la démangeaison semble plutôt en mode courant alternatif, à moins de réviser le concept de perspectives anti-autoritaires, bien entendu.
A bout d’arguments pour tenir ce mouvement incontrôlé à distance, il n’est même plus surprenant que certains limitants en soient venus à balbutier, comme des girouettes déboussolées, la ritournelle classique du pouvoir : quand il vient, lui, se mêler par réflexe conditionné au bordel dans un mouvement syndical ou de gôche, il peste contre ceux qui l’accusent de « récupérer le mouvement », d’être « un élément extérieur ». Ben non, lui il apporte simplement sa propre contribution émeutière. Mais que des lycéens, des anarchistes ou des voyous s’avisent de se pointer dans le bordel en cours initié par les gilets jaunes pour agir à leur manière et comme bon leur semble, et voilà qu’il reprend à son tour l’antienne sur les pseudo-récupérateurs d’un « mouvement intrinsèquement proto-fasciste ». Dans la course aux catégories du pouvoir, les chasseurs-cueilleurs (oups, les « casseurs-pilleurs »), c’est forcément autre chose ! Et nous qui croyions naïvement qu’un mouvement était d’abord ce que chacun en faisait et ce qui s’y passe réellement, au-delà de ses représentations et sujets politiques fantasmés.
***
Finalement, pour nombre d’anti-autoritaires, il a semblé pendant une semaine ou deux plus prudent de rester en territoire connu, en mouche du coche du fameux camp du progrès social, fût-il syndicaliste tendance CGT-matons ou SUD-Intérieur, patriotard tendance 6e République ou politicien tendance Indigènes, plutôt que d’affronter l’imprévu d’une contestation ouverte sans dirigeants ni cadre fixé a priori. Avant bien sûr de se jeter dedans, mais de la même manière qu’il le faisait auparavant, en ajoutant une pierre à pierre, un tag à un tag, et ainsi de suite. Et alors très vite est apparu ce mot magique, « situation pré-insurrectionnelle », justifiant à lui tout seul d’avoir sauté le pas, même en se pinçant un peu le nez. Se noyer avec délice dans le troupeau rouge ou plonger avec réticence dans le troupeau jaune, participer pour influencer ou rester spectateur pour garder les mains propres, voilà un bon exemple de fausses dichotomies, parce que les termes mêmes de la question sont biaisés. A notre avis, la question n’est en effet jamais de participer ou pas à un mouvement, d’en être acteur ou spectateur, mais uniquement d’agir pour détruire l’existant en toute circonstance, avec ou sans contexte de lutte particulier, que les autres se meuvent pour telle ou telle miette initiale plus ou moins (in)intéressante, tant qu’on le fait avec nos propres idées, pratiques et perspectives. Dedans, dehors ou à côté d’un mouvement, en rapport avec lui ou bien au large. Seul ou à plusieurs. De jour comme de nuit.
Quant à la question insurrectionnelle, il est vrai que si on veut abattre l’État et détruire toute autorité, elle semble un préalable indispensable, qui ne sera de toute façon pas le seul fait des anarchistes et des révolutionnaires (c’est d’ailleurs pour cela que les autoritaires néo-blanquistes passent leur temps à tenter de chevaucher luttes et mouvements, pour trouver une masse à manœuvrer, ou que d’autres tentent sans cesse d’y recruter des adeptes). Les révoltes et les insurrections éclatent déjà sans nous, et lorsqu’on a ni désir de diriger ces mouvements ni mépris envers les esclaves qui se révoltent pour leurs propres raisons, la question intéressante à se poser devient plutôt : qu’est-ce que nous voulons faire, nous ? Agir déjà sans attendre personne, ici et maintenant, n’exclut en effet pas la possibilité de le faire a fortiori quand éclate une situation de bordel chaotique, En tout cas pas quand on a déjà réfléchi un minimum à nos propres perspectives. Quand on est alors capables en toute autonomie de saisir les occasions qui se présentent pour tenter de réaliser nos propres projets subversifs.
Quant à la révolution, nous rejoignons ce que des anarchistes italiens viennent d’écrire dans un texte ayant trait à ce qui se passe en France (Di che colore è la tua Mesa?), dont nous reprenons ici un des développements :Pour ceux qui caressent encore ce désir, comment imagine-t-on que la révolution puisse éclater ? Pense-t-on vraiment que ce sera l’œuvre d’une convergence de mouvements sociaux, tous dotés de leur juste revendication, mus par des décisions prises à l’unanimité au cours d’assemblées où l’idée la plus radicale emportera le morceau ? Et donc avec un scénario de ce genre : naît un mouvement à la cause impeccable, à sa tête se trouvent les militants les plus illuminés qui le guident de bataille en bataille en obtenant des victoires enthousiasmantes, ses rangs grossissent, sa réputation s’accroît, son exemple se diffuse de manière contagieuse, d’autres mouvements similaires surgissent, leur puissance se rencontre, ils s’alimentent et se multiplient réciproquement, jusqu’à arriver à l’affrontement final au cours duquel l’État est enfin abattu… Quel beau récit ! Qui l’a produit, Netflix ? A quel épisode on en est ? Si on ne veut pas en rire, on peut toujours rester sérieux. Mieux, on peut même analyser scientifiquement. Comme ces visionnaires bordiguistes qui dès août 1936 savaient qu’il n’y avait aucune révolution en cours en Espagne. La raison était évidente, une évidence sous les yeux de tous, c’est même embarrassant de le rappeler : sans théorie révolutionnaire pas de révolution, sans parti révolutionnaire pas de théorie révolutionnaire. En Espagne y avait-il le parti révolutionnaire (le leur, évidemment) ? Non ? Et alors, de quoi pouvait-on parler ?
Parce qu’au cours de l’histoire, l’étincelle des émeutes, insurrections et révolutions a presque toujours surgi non pas de profondes raisons mais de simples prétextes (par exemple : le déplacement d’une batterie de canons a déclenché la Commune de Paris, une protestation contre le rata de la marine militaire a allumé la révolution spartakiste, le suicide d’un vendeur à la sauvette a lancé le dit Printemps arabe, l’abattage de quelques arbres a entraîné la révolte du Parc Gezi en Turquie), nous trouvons vraiment embarrassant ceux qui face à ce qui se passe avec les gilets jaunes (ou hier en Espagne avec les autonomistes catalans) n’acèrent leur regard que pour y trouver des traces du programme communiste, ou de la pensée anarchiste, ou de la théorie radicale, ou de la critique anti-industrielle, ou… Après quoi, suite à la déception de ne pas avoir discerné dans la rue de contenus suffisamment subversifs, de ne pas avoir compté de masses suffisamment nombreuses, de ne pas avoir remarqué des origines suffisamment prolétariennes, de ne pas avoir constaté de présences féminines suffisamment paritaires, de ne pas avoir entendu un langage suffisamment correct –on pourrait allonger la liste à l’infini– il ne reste qu’à s’horrifier et demander à qui peut bien profiter toute cette agitation sociale. Cui prodest ?
Si certains attribuent les émeutes qui ont secoué le pays en novembre 2005 à une manœuvre pré-électorale de Sarkozy, qui aurait intentionnellement répandu de l’essence sur une petite flamme facile à allumer puis à éteindre (une des nombreuses bavures de la police) pour être ensuite remercié en tant que chef des pompiers efficace, de la même manière il serait aujourd’hui facile de voir la patte de Le Pen derrière la demande populaire de démission de Macron. A présent que souffle fort à travers toute l’Europe un vent favorable à la droite, pourquoi attendre la prochaine échéance électorale quand il est possible de l’anticiper avec un petit coup d’épaule ? Il s’agit d’une hypothèse complotiste qui, y compris dans son caractère logique, est surtout complètement idiote à formuler. Mais bien sûr que Sarkozy-le-dompteur ou que Le Pen-l’aspirante-directrice-du-cirque pourraient avoir libéré en cachette les fauves pour semer la panique et, après la fin de l’urgence, être appelés pour remplacer l’incompétent qui n’a pas su protéger la société !
Mais imaginons, même de façon absurde, que ça ce soit passé ainsi… et alors ? Ces fauves ce sont nous tous, et c’est justement lors de moments de liberté de mouvement que nos possibilités augmentent pour se débarrasser pour toujours des cages de ce monde. Tant que nous sommes enfermés dedans nous restons surtout impuissants, seulement capables de rugir et de montrer des dents toujours plus cariées. Mais en ces jours de liberté, bien qu’on puisse être pourchassés, tout redevient possible – y compris l’impossible. Il est prévu que notre liberté ne soit que provisoire, une brève disposition dans un investissement à moyen ou à long terme ? Et bien, c’est à nous de faire qu’elle devienne définitive, en envoyant valser les plans de ceux qui étaient certains de pouvoir commander le démon de la révolte après l’avoir invoqué. Si quelqu’un nous laisse la cage ouverte, cela a peu de sens de se perdre dans des élucubrations sur leurs intentions réelles ou de rester enfermés dedans pour ne pas servir d’obscures trames. Mieux vaut se précipiter dehors et tenter à tout prix de ne pas être repris.
Ceci dit, pour qui caresse encore un tel désir, comment imagine-t-on l’explosion d’une révolution ? Conscient qu’elle ne pourra probablement jaillir que d’une situation hétérogène, au milieu d’intérêts opposés, exprimés de manière confuse et contradictoire, devons-nous pour autant défendre des intérêts opposés, exprimés de manière confuse et contradictoire ? Le fait que le prétexte d’émeutes, d’insurrections et de révolutions soit presque toujours banal signifie-t-il qu’il faille en répéter la banalité ?
***
Le piège de tous les militants –qu’ils soient défaitistes ou enthousiastes– est que dans les situations d’effervescence sociale leur cerveau est étalonné pour se poser un seul problème, soit quels rapports directs et productifs instaurer avec les mouvements de protestation. Ils sont obsédés par la quête du sujet révolutionnaire au service duquel se placer, ou seulement pour en faire l’apologie. C’est ainsi qu’on peut mettre en avant le moindre affrontement dans les banlieues avec la police ou les autorités sans se soucier de la question des motivations individuelles (est-ce lié à un commerce de substances illicites, à un problème d’embauche de main d’œuvre locale, à une bataille mafieuse de territoire, à un entraînement religieux, ou à beaucoup d’autres choses encore ?) tout en refusant obstinément de prendre en compte le moindre affrontement de gilets jaunes sur les places et les ronds points avec la police ou les autorités parce qu’on ne préjuge que trop des motivations individuelles (est-ce lié à un commerce de substances licites, à un problème d’embauche de main d’œuvre, à une grogne sociale sur les taxes, à un entraînement nationaliste, ou à beaucoup d’autres choses encore ?).
C’est comme si on redécouvrait la même eau tiède à chaque fois : non, les autres révoltés ne sont pas anarchistes, et entrent dans la danse pour leurs propres raisons, qu’on les trouve passionnantes ou futiles, qu’on les connaisse explicitement, ou pas. Mais ce qui nous intéresse, nous, c’est que la révolte ouvre ici des espaces à d’autres là, dans une possibilité diffuse d’aller du centre vers la périphérie, qu’elle permet d’expérimenter des formes de complicités directes ou indirectes, et rompt une normalité qui n’a que trop duré. C’est aux anarchistes eux-mêmes qu’il revient de faire vibrer leurs propres perspectives contre toute autorité en alimentant les vases communicants entre idée et action, pas à d’autres. Dans les moments de calme comme de tempête. Et alors, peut-être, que nos rêves ou nos rages rencontreront un écho chez d’autres cœurs insoumis.
Heureusement pourtant, tout le monde n’est pas militant, et peut donc s’intéresser plus à ce que tout conflit ou désordre ouvre, non pas tant pour les autres, mais pour soi aussi. Au milieu de ce bordel qui ralentit l’intervention répressive et facilite le pas vu pas pris, existe-t-il des possibilités autrement beaucoup plus ardues, voire impossibles ? Loin de ce bordel sur lequel se concentre le contrôle, peut-on atteindre des objectifs autrement invulnérables ? En examinant d’un peu plus près le mouvement des gilets jaunes en cours, on s’apercevra que beaucoup ont déjà commencé à répondre à ces questions, nous permettant d’aborder ici quelques pistes sur les possibilités de saisir l’occasion. Ce ne sont que des exemples loin de constituer un inventaire exhaustif, des pistes banales si on veut, plus ou moins partageables, mais toutes disent quelque chose pour nourrir l’imagination,
Le 24 novembre sur les Champs-Élysées, alors qu’il n’était pas encore évident que les samedis successifs allaient prendre des tournures émeutières au-delà des dispositifs policiers, des inconnus ont entrepris d’éloigner les affres du salariat en s’organisant pour piller la boutique Dior. Ce sont près de 500 000 euros de bijoux et autres colifichets qui ont ainsi changé de main en quelques minutes à côté des affrontements. Au-delà de l’expropriation de produits de consommation courante qui vont dans un large spectre de magasins de sport ou de fringues à des supermarchés, de la téléphonie mobile à des ordinateurs portables (Paris, Marseille, La Réunion, Toulouse, Saint-Étienne, Le Havre, Bordeaux, Charleville-Mézières, Saint-Avold, Le Mans, Bourg-en-Bresse), plusieurs autres bijouteries ou magasins de luxe ont également été dépouillés ici ou là. De façon générale, rien que dans la capitale, la Chambre de commerce et d’industrie a recensé lors de l’émeute parisienne du 1er décembre 142 commerces saccagés ou pillés (+ 95 à la vitrine juste endommagée), ainsi que 144 commerces saccagés ou pillés (+ 102 à la vitrine juste endommagée) pour celle du 8 décembre.
Dans le même ordre d’idées, on pourrait se demander quelles autres possibilités offre le fait de tenir un rond-point, en plus de bloquer ou freiner la circulation de marchandises et que se nouent des complicités dans l’action. A ce titre, l’exemple de ce qui s’est passé en Belgique peut être plutôt éloquent. Non contents d’avoir incendié un camion-citerne à Feluy (20 novembre) et y avoir affronté durement la police pendant plusieurs jours, ce sont également cinq poids-lourds bloqués qui ont été soulagés de leur chargement les jours suivants (21-22 novembre). Après que le mouvement des gilets jaunes ait été rejoint par quelques centaines d’autres personnes en déplaçant le point de conflit de l’autoroute vers la ville de Charleroi, dépassant la question de l’origine sociale ou géographique, la pratique du pillage a continué. En plus du traditionnel supermarché, c’est ainsi un distributeur de billets de la BNP qui a fini par être non pas simplement détruit mais d’abord arraché de son socle pour être vidé (23 novembre).
Dans un rapport identique dès le début du mouvement, un camion chargé de 900 pneus est rapidement immobilisé au Havre sur un rond-point tenu par des gilets jaunes (20 novembre). Une fois son système de sécurité désactivé, quelques individus ont entrepris de le vider, et pas moins de 250 pneus neufs se sont envolés dans la nature, malgré l’opposition des plus légalistes. Une heure plus tard, enhardis par de nouvelles possibilités, c’est un magasin informatique situé à côté du rond-point qui a été entièrement pillé (ainsi que le restaurant de la zone commerciale).
Pillage de bijouteries, de poids-lourds, de DAB, combien d’autres possibilités encore lorsqu’un mouvement comme celui des gilets jaunes ouvre des espaces à tous et à chacun sans chefs ni service d’ordre ni parcours préparé avec les flics ?
Le 1er décembre en Avignon, alors que comme dans beaucoup d’autres villes les manifestants se concentraient devant la mairie ou la préfecture pour tenter de l’envahir (celle du Puy-en-Velay a été partiellement incendiée le 1er décembre aux cris de «Vous allez griller comme des poulets»), un petit groupe a quant à lui décidé de s’occuper du Palais de Justice : près de 30 mètres de ses épaisses vitres ont été brisées. A Charleroi, le tribunal a également reçu des molotovs pendant les émeutes.
A Toulouse le 8 décembre pendant l’émeute ravageuse qui a duré de longues heures, un groupe a de la même façon décidé d’aller rendre visite au centre de gestion de la vidéosurveillance de la ville, situé dans le quartier Saint-Cyprien. Alors que les mateurs municipaux se trouvaient à l’intérieur, ses vitres ont commencé à être brisées et sa propre caméra caillassée. Si l’assaut n’a été que trop bref, les syndicats ont tout de même demandé le déménagement du PC de vidéo-surveillance de Toulouse, qui a eu chaud pour cette fois. A Blagnac le 4 décembre, au lieu de simplement bloquer le lycée Saint-Exupéry, des lycéens ont incendié la montagne de poubelles savamment empilées devant l’entrée : il a détruit la loge d’accueil et le hall, tandis que les salles des professeurs, le CDI, les locaux de l’administration et les salles de sciences ont été fortement détériorés (1 million d’euros de dégâts) et le bahut fermé une bonne semaine. Sur le péage autoroutier de Narbonne-Sud bloqué par des gilets jaunes, la nuit du 2 décembre un groupe a non seulement entrepris de le saccager (comme à Virsac, Perpignan, Bollène, La Ciotat, Sète, Muy, Carcassonne), mais surtout d’incendier à la fois les infrastructures de Vinci et celles de la gendarmerie : outre ses 800 m² de locaux et son PC-sécurité, Vinci a perdu une trentaine de véhicules, tandis que les militaires ont perdu deux camionnettes en plus de leurs locaux et son matériel (ordinateurs, moyens radio, uniformes).
Attaque de tribunal, de centre de vidéosurveillance, de gendarmerie ou de lycée, combien d’autres possibilités encore lorsqu’un mouvement comme celui des gilets jaunes ouvre des espaces à tous et à chacun sans chefs ni service d’ordre ni parcours préparé avec les flics ?
Enfin, plus loin des foules, soit en profitant que les forces de répression soient trop occupées ailleurs, soit pour nourrir le conflit en cours avec ses propres objectifs, des noctambules sont partis se promener sous la lune. D’un côté, plusieurs centres des impôts ou URSSAF ont été attaqués de différentes manières (aux pneus enflammés à Vénissieux le 2 déc., à Riom le 4 déc. et à Semur-en-Auxois le 14 déc., à la bonbonne de gaz et molotovs à Privas le 8 déc., avec borne incendie pour l’inonder à Nyons le 8 déc., au molotov à Saint-Andiol le 4 déc. et à Saint-Avold le 14 déc., au container à poubelles en feu à Chalon-sur-Saône le 27 nov.). D’un autre côté, en visant le trafic ferroviaire dans une période où bloquer les flux n’a pas de raison de se limiter aux routes : un poste relais électrique de signalisation de la SNCF a été incendié à Castellas le 30 novembre, tandis que quatre jeunes gilets jaunes qui s’étaient rencontrés sur un rond-point lorrain se sont lancés dans une virée nocturne le 28 novembre. Ils ont ainsi saboté 9 passages à niveau entre Saint-Dié et Nancy, fracturant au pied de biche les boîtiers de commande pour forcer le mécanisme à baisser les barrières, bloquant ainsi toute la circulation routière. Ailleurs encore, c’est une permanence électorale de la députée LREM qui a perdu ses vitres à Vernon (Eure) le 29 novembre et idem à Nantes le 6 décembre, ou c’est directement le domicile de deux autres qui ont été visés : à Vézac (Dordogne) le 10 décembre, la voiture de la députée et celle de son mari sont partis en fumée ; à Bourgtheroulde (Eure) le 15 décembre, des gilets jaunes ont fléché de 20 panneaux la route menant jusqu’au domicile du député, qui a reçu six coups de fusil de chasse devant sa porte.
Destruction de lieux du pouvoir, sabotages d’axes de transport ferroviaire, visites de permanences et domiciles de députés, combien d’autres possibilités encore pour qui entend apporter sa contribution nocturne, y compris non consensuelle, à travers des gestes allant aussi bien contre les revendications du mouvement que contre les intérêts de l’État ? Quand une antenne de téléphonie Orange est sabotée comme le 12 novembre à Villeparisis, nous ne pensons pas que cela aille immédiatement dans le sens d’une lutte embourbée dans les cages technologiques. Et alors ? Quand trois sites d’Enedis sont livrés aux flammes comme à Foix le 6 décembre, nous ne pensons pas que cela aille immédiatement dans le sens d’une lutte qui demande plus d’État et de services publics de proximité. Et alors ?
Il existe autant de possibilités d’alimenter la guerre sociale que d’individus. Dedans, dehors ou à côté d’un mouvement, en rapport avec lui ou bien au large. Seuls ou à plusieurs. De jour comme de nuit. Tant qu’on le fait avec nos propres idées, pratiques et perspectives, loin de la politique, du grégarisme ou de la composition. Avec ce mouvement des gilets jaunes comme de façon plus générale, l’un des nœuds de la question réside d’ailleurs certainement là : au fait, quelle est notre propre perspective ? Et quels moyens nous donnons-nous pour l’atteindre, à froid comme à chaud ? Un peu d’imagination, que diable !
[Extrait du bulletin anarchiste Avis de Tempêtes n°12, décembre 2018]
Avis de Tempête N°12 Bulletin anarchiste pour la guerre sociale
Avis de tempêtes – bulletin anarchiste pour la guerre sociale n°12 (décembre 2018) vient de sortir.
Pour lire, imprimer et diffuser ce petit bulletin autour de soi (il est en format A5, et celui-ci fait 20 pages), on pourra retrouver chaque nouveau numéro tous les 15 du mois, ainsi que les précédents, sur le blog :
https://avisdetempetes.noblogs.org
« Il existe autant de possibilités d’alimenter la guerre sociale que d’individus. Dedans, dehors ou à côté d’un mouvement, en rapport avec lui ou bien au large. Seuls ou à plusieurs. De jour comme de nuit. Tant qu’on le fait avec nos propres idées, pratiques et perspectives, loin de la politique, du grégarisme ou de la composition. Avec ce mouvement des gilets jaunes comme de façon plus générale, l’un des nœuds de la question réside d’ailleurs certainement là : au fait, quelle est notre propre perspective ? Et quels moyens nous donnons-nous pour l’atteindre, à froid comme à chaud ? Un peu d’imagination, que diable ! »
Montélimar, France . Devant Amazon .. et après des barricades… enflammées
Des gilets jaunes se sont positionnés en fin de matinée devant l’entrepôt Amazon à Montélimar (Drôme). Ils étaient 200 gilets jaunes appuyés par des motards de la fédération française en colère d déguisés en père noël avaient décidés de bloquer le rond point de la Zone commerciale Sud ainsi que l’entrée d’amazon. Un mur de palette était érigé devant l’entrée du site logistique . Ils naviguent entre Amazon et le rond-point de la zone commerciale de Montélimar Sud. s. Au environ de 16heures une centaine de flics sont arrivée pour déloger les gilets jaunes Une épaisse fumée noire se dégage , des pneus ont été incendiés..
Délogés de devant Amazon, les manifestants se sont installés aux abords du supermarché Carrefour et du McDonald’s de Montélimar. Ils ont brûlé leur barricades faites de caddies, de palettes, de sapins à l’approche des forces de l’ordre. Le McDonald’s a dû être évacué par précaution, à cause du dégagement de fumée.A la nuit tombé les barricades ont été mises en travers la R.N 7 et de la route de Marseille au niveau d’un rond point qui dessert la zone commerciale Sud. Puis elles ont été incendiées par des manifestant-e-s
Trois hommes ont été interpellés et placés en garde à vue. Pour participation à un attroupement après sommation pour deux d’entre eux et jets de pierre sur les forces de l’ordre pour le troisième. Ils ont entre 66 et 19 ans. Deux ont fait l’objet d’un rappel à la loi pour attroupements après sommation par un officier de policier judiciaire. Une comparaîtra le 9 avril 2019 devant le tribunal correctionnel de Valence pour des jets de pierre.
rpost refomulés à partir de plusieurs médias
contre la robotique agricole: tract, compte rendu et vidéo d’une action
reçu par mail de la NI ici NIAilleurs
Un salut à toutes, à tous,
Voici le communiqué, suivi d’un tract, pour une action dont Écran
total a été partie prenante. Une action contre la robotique, et en
solidarité avec celles et ceux qui refusent de pucer leurs bêtes.
Merci à chacun et chacune de faire circuler, d’en parler, etc.
En pièce jointe, une version .pdf du document.
À bientôt !
Écran Total
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INTERVENTION AU FORUM INTERNATIONAL DE LA ROBOTIQUE AGRICOLE
Ce mardi 11 décembre, le Forum International de Robotique Agricole à
Toulouse-Labège a été interrompu pendant une heure par une trentaine
d’opposants. Nous avons occupé la scène du grand amphithéâtre du
centre des congrès Diagora, en déployant plusieurs banderoles : « Des
paysans, des animaux, pas des robots » ; « Des chantiers collectifs,
pas des robots sélectifs » ; « Débranchez-les tous ». Le tract en
pièce jointe a été distribué aux centaines de personnes qui
assistaient aux conférences depuis le matin. Quelques participants à
cette perturbation étaient vêtus d’un gilet jaune.
Nous sommes intervenus pendant le discours d’un haut cadre du fabricant
de tracteurs John Deer. Nous avons lu des passages du tract, puis des
agriculteurs de notre groupe ont pris la parole pour expliquer plus
personnellement pourquoi le développement de la robotique leur est
hostile. Nous avons été pris vivement à partie par des gens dans la
salle, à l’image de ces Américains furieux d’avoir pris l’avion pour
se retrouver face à nous. Nous avons été insultés par des élèves
des écoles d’ingénieurs toulousaines, qui ne savent visiblement pas
bien ce qu’ont été le fascisme et le nazisme.
Les salariés et dirigeants du fabricant de robots Naïo Technologies,
organisateurs du forum, nous ont fait un accueil moins agressif. L’une
nous a certifié que si nous avions prévenu par avance de notre envie
de prendre la parole, on nous aurait ouvert la porte et réservé une
place dans le programme. L’autre (un des fondateurs de l’entreprise)
nous a carrément dit qu’il était d’accord avec tout ce que nous
disions, que c’était précisément pour toutes ces raisons qu’il
travaillait à concevoir des robots agricoles. Nous lui avons demandé
de le répéter au micro et de proposer un débat avec la salle sur les
problèmes que nous soulevions, mais… il n’a pas voulu.
Les roboticiens de Naïo ne voient pas la différence entre une bêche
et un robot : « mais regarde, une bêche, c’est aussi une technologie
». Ils considèrent que nous sommes libres d’adopter les robots ou pas
: « mais les gens qui n’en veulent pas comme vous, qu’ils restent à
l’écart, ce n’est pas un problème » ; cela nous a donné l’occasion
de revenir sur les lourdes sanctions infligées aux éleveurs qui
refusent le puçage électronique leurs bêtes, imposé par la loi.
Enfin, ils nient farouchement leur appartenance à la classe des
puissants – ceux qui ont les moyens de configurer, normer et abîmer la
vie des autres : « mais non, on n’a pas de moyens particuliers, on
n’est pas soutenus par les institutions, c’est juste qu’on bosse
énormément ; arrêtez de croire qu’il y a une ligne qui sépare les
gens, on fait tous des efforts pour que la vie soit meilleure ».
Les startuppers, qui invitent la présidente de la FNSEA et une cadre
dirigeante de Microsoft à leur raout, se présentent comme des petits
au service des petits. Ils prétendent que leurs machines permettront à
de modestes maraîchers bio de consolider leur position économique,
sans voir toutes les tâches et les emplois qu’elles suppriment
immanquablement. Nous maintenons que la « révolution robotique »
favorisera l’agriculture la plus capitaliste, l’accroissement de la
taille des exploitations, l’intégration de l’activité agricole à
l’industrie et sa soumission aux géants du numérique. Celles et ceux
qui disent mettre au point des robots au nom de la fumeuse « transition
écologique » sont simplement des complices de ce processus de
concentration économique, d’élimination des paysans, de domination de
classe.
Nous avons quitté le Forum aux cris de « Microsoft, au compost ! »,
« Aah… anti, anti-start up nation ! », « Tout le monde déteste…
les robots ». Nous invitons toutes celles et ceux que ces problèmes
intéressent à entreprendre d’autres perturbations ailleurs, lors des
prochains salons de promotion de la robotique agricole à travers la
France.
11 décembre 2018
Des paysans, des paysannes et leurs complices, réfractaires à la
robotisation
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Le tract qui a été distribué est le suivant :
AU FORUM TOULOUSAIN DE LA ROBOTIQUE AGRICOLE
ON ACHÈVE BIEN LA PAYSANNERIE
NOUS QUI NOUS OPPOSONS DEPUIS DES ANNÉES AU PUÇAGE ÉLECTRONIQUE
DES ANIMAUX ET NOUS INQUIÉTONS DE L’ADDICTION CROISSANTE DES HUMAINS
AUX ÉCRANS, NOUS VENONS ICI INTERROMPRE VOS (D)ÉBATS AVEC LES MACHINES
ET SOULEVER BRUYAMMENT LE SCANDALE DE VOTRE ACTIVITÉ : POUR LA CULTURE
DES SOLS COMME POUR CELLE(S) DES SOCIÉTÉS, MESDAMES & MESSIEURS LES
INGÉNIEURS, LES STARTUPPERS, ET AUTRES EXPERTES EN ACCOMPAGNEMENT DU
DÉVELOPPEMENT – VOUS ÊTES DES NUISIBLES.
Quel sera le résultat de vos innovations (robots désherbeurs,
fermes connectées, tracteurs automatisés) ? En apparence et dans
l’immédiat, des gains de puissance et de précision pour ceux qui les
utiliseront. Mais le résultat le plus massif et durable sera la
dépendance encore accrue des agriculteurs à l’égard des grandes
industries. Depuis plusieurs dizaines d’années déjà, ils sont
dépendants d’un complexe bancaire et industriel écrasant : Crédit
agricole, géants de la chimie, des semences et de l’agroalimentaire…
Les exploitantes qui auront la brillante idée d’acquérir/d’accepter
vos joujoux électroniques seront en prime tenues par les GAFAM (Google,
Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) et les multiples acteurs
capitalistes qui gravitent dans leur orbite. Plus que jamais, ils
n’auront la maîtrise de rien sur leur ferme ; elles comprendront de
moins en moins le fonctionnement de leurs outils de travail ; elles se
couperont de la réalité sensible et vivante des champs, des plantes et
des animaux.
Vos machines vont encore aggraver la situation économique des
agriculteurs, leur endettement, la concurrence féroce qu’ils se
livrent, les faillites, les suicides… Ce ne sont pas vos robots qui
vont subitement rendre l’élevage ou le maraîchage rentables – au
contraire, ils feront probablement encore baisser les prix des produits
à la vente. Ces activités sont déjà tellement industrialisées, et
pourtant elles sont sous perfusion permanente d’argent public. Plutôt
que des satellites, des capteurs et des robots, elles nécessitent une
main d’œuvre nombreuse pour partager le travail, des rapports
coopératifs, une déspécialisation. Mais comme d’habitude, dans la
civilisation du Progrès, on propose des machines pour résoudre un
problème de nature sociale : trop peu de gens veulent et peuvent
cultiver la terre, s’occuper de produire leur nourriture.
En plus de ça, nous sommes certains que les machines en question,
loin de donner naissance à des pratiques agricoles moins polluantes (y
croyez-vous vous-mêmes ?), vont aggraver à l’échelle mondiale le
saccage des milieux naturels. La fabrication de toute la quincaillerie
informatique apporte aujourd’hui une contribution majeure à la
catastrophe écologique en cours. Ordinateurs, tablettes, smartphones,
puces, drones, etc. reposent notamment sur une activité minière
terriblement gourmande en eau, et terriblement polluante en produits
toxiques nécessaires à l’extraction des « métaux rares ». Baotou,
la ville voisine des mines de Mongolie-intérieure qui fournissent les
industries du monde entier en « terres rares » depuis trente ans, est
surnommée en Chine « la ville du cancer ». La mine de Mountain Pass
en Californie, qui a longtemps fourni la Silicon Valley, a fermé en
2002 suite à une série de scandales écologiques et sanitaires. Les
mines de Bolivie et du Pérou assèchent des lacs et privent les
populations locales d’eau potable.
La quantité d’énergie nécessaire pour extraire, broyer, traiter
et raffiner les métaux rares représenterait 8 à 10 % de l’énergie
totale consommée dans le monde ! Sans parler des conditions de travail
dans ces mines et dans les usines d’électronique, en Chine et ailleurs
; sans parler des montagnes de déchets intraitables de ce secteur
prétendu « immatériel », au Ghana par exemple… Avec des
capitalistes verts comme vous, prêts à multiplier les robots pour
déverser à peine moins de pesticides, on n’a pas fini de se demander
si le diesel du populo est assez écolo.
L’élite du pouvoir politique essuie ces jours-ci une violente
tempête. Le reste de la technocratie est malheureusement plutôt à
l’abri de la colère populaire, pour l’instant. Nous partageons la mise
en cause des élites qui ressort du mouvement des Gilets jaunes, et nous
pensons qu’un des éléments qui rendent ces élites si puissantes à
notre époque, ce sont précisément les outils qui se conçoivent, se
fabriquent et se promeuvent dans une technopole comme Toulouse – dans
les endroits comme ici. C’est la sacro-sainte innovation technologique
qui creuse le fossé entre classes sociales, qui assure la concentration
des richesses, la prolétarisation d’un nombre croissants de gens. Tant
que notre rage ne se dirigera pas aussi contre les innovateurs, contre
les start ups de robotique (agricole et autre), contre les laboratoires
de recherche en intelligence artificielle, le pouvoir réel sera
épargné – il lui suffira de changer de marionnette, après Macron
un(e) autre. Tant que nous ne rejetterons pas la vie de synthèse qui
nous est proposée par la classe d’ingénieurs au pouvoir
(informatisation du travail et des services publics, compteurs Linky, «
applis » pour prendre en charge chaque parcelle de nos existences), les
contraintes économiques continueront de peser sur nous de manière
implacable.
NOUS APPELONS LES ACTEURS DU MILIEU AGRICOLE ET PAYSAN À SE
POSITIONNER PAR RAPPORT À LA VAGUE D’INNOVATIONS PRÉSENTÉES DANS
LES SALONS COMME CELUI-CI : EST-CE D’UNE AGRICULTURE « AUGMENTÉE
»/CONNECTÉE DONT IL Y A BESOIN POUR LE PRÉSENT ET LE FUTUR ? NOUS
APPELONS À LA SOLIDARITÉ AVEC LES REFUSEURS DU PUÇAGE ÉLECTRONIQUE,
AUJOURD’HUI MENACÉS DE PROCÈS POUR LEUR DÉSOBÉISSANCE.
NOUS APPELONS LES TOULOUSAINS ET LES TOULOUSAINES À OUVRIR LES
YEUX SUR CE QUI EST PRODUIT DANS LEUR MÉTROPOLE ET QUI EN FAIT LA
PROSPÉRITÉ ; À METTRE EN CAUSE LE PRESTIGE ET LE POUVOIR SOCIAL DES
INGÉNIEURS, CHERCHEURS, DESIGNERS, ET AUTRES « PREMIERS DE CORDÉE »
QUI TRAVAILLENT POUR CE COMPLEXE MILITARO-INDUSTRIEL OCCITAN. AVIONS,
ROBOTS, NANOTECHNOLOGIES, CHIMIE LOURDE POUR LES PESTICIDES ET LES ARMES
: QUELLES INDUSTRIES NE FAUDRAIT-IL PAS FERMER, ICI COMME AILLEURS ?
A TOUTES CELLES ET CEUX QUI SE RÉVOLTENT CES JOURS-CI, NOUS
PROPOSONS DE NE PAS SE FOCALISER SUR LA PERSONNE DU MONARQUE PARISIEN,
AVEC SA MORGUE PLUS OU MOINS CALCULÉE, MAIS DE (SE) POSER LES QUESTIONS
SUIVANTES : VOULONS-NOUS HABITER UNE START UP NATION ? VOULONS-NOUS
ENCORE DE CETTE VIE VOUÉE À L’ÉCONOMIE, AUX GAINS DE PRODUCTIVITÉ,
AU MANAGEMENT PAR ORDINATEUR ET RÉSEAUX SOCIAUX ? VOULONS-NOUS D’UN
MONDE PEUPLÉ DE ROBOTS, QUI NOUS RENDRAIENT MASSIVEMENT INUTILES ET
NOUS FERAIENT PERDRE ENCORE DU POUVOIR SUR NOS EXISTENCES ? POUR NOUS,
C’EST NON.
Quelques « chimpanzés du futur » occitans
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Enfin, un petit bonus : il se trouve que toute l’intervention était
filmée et traduite en anglais. Voici donc, pour la rigolade, la VIDÉO
OFFICIELLE DU FIRA, découpée afin que vous puissiez voir
l’intervention. Nous coupons la parole d’un représentant de la
multinationale John Deere :
https://youtu.be/l03kjzNjpWI?t=1490
—-tract en PDF
Valence, France, nouvelles tensions devant un lycée Algoud-Laffemas
« Depuis un mois, un vent de colère souffle en Métropole, mais aussi en Belgique et à La Réunion. Gilets jaunes, lycéens et lycéennes, et autres révolté·e·s ont redonné de la force aux exploité·e·s en bloquant les flux, en fermant les centres commerciaux, en détruisant un peu du monde qui nous broie chaque jour, en affrontant les forces de l’ordre, et en refusant majoritairement les chefs et autres porte-parole. Pour la première fois depuis très longtemps – trop longtemps – les dirigeants et dirigeantes ont reculé et lâché quelques miettes. Maintenant que nous avons repris confiance en notre force, il nous faut continuer et enfoncer le clou.Et ça nous a bien fait chier que des «lascars» se fassent jeter des rassemblements »
dauphiné libéré du 15/12
vendredi 14 au matin, la manifestation des lycéens a une nouvelle fois débordé devant le lycée Algoud- Llaffemas.. Alors que la matinée débutait sous de paisibles auspices , l’ambiance s’est dégradé après la pause de 10h une centaine de personnes – des lycéens , d’autres jeunes et plusieurs membres des gilets jaunes..Au programme , quelques pétard , des prancartes pour demander la démission de Macron ou évoquer la plateforme Parcoursup mais aussi des noms d’oiseau et quelques cailloux jetés en direction des forces de l’ordre » on n’est pas écoutés » affirme un jeune. Au fil des minutes la tension est montée, menant à un face face pesant , mais sans réelles violences Quatre interpellation, pour outrages à agent , incendie ou encore jets de projectiles, ont émaillé la manifestation. Qui devrait être reconduite la semaine prochaine selon les jeunes présent .ce jour
Fusillade de Strasbourg, « gilets jaunes »… et tourisme
Bonjour,
Vous trouverez en lien le tract que la coordination Center Parcs : Ni ici ni ailleurs a distribué à Lyon et à Grenoble durant la Marche pour le climat du 8 décembre et quelques autres textes critiques du tourisme distribués ces dernières semaines :
https://padlet.com/soutienchamba/8lliyooyx6q1
Vous trouverez également en PJ le texte « Le tourisme en question » écrit avant le début du mouvement des « gilets jaunes », de celui des lycéens et de la fusillade de Strasbourg, et ci-dessous un message où il est question de fusillade, de « gilets jaunes » et de tourisme.
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Quel est le lien entre la fusillade de Strasbourg et le mouvement des « gilets jaunes » ?
Certains conspirationnistes laissent entendre que la fusillade aurait été montée de toutes pièces par les services secrets pour détourner l’attention, alors que l’acte V du mouvement des « gilets jaunes » se prépare pour samedi. (Cf. « Fusillade à Strasbourg : théories complotistes en pagaille chez les gilets jaunes » sur le site du journal L’Alsace.fr).
Je ne m’attarderai pas sur ce chemin glissant du complot qui sans preuves formelles aura du mal à ce qu’on puisse lui accorder du crédit ; et ceci bien que l’Histoire nous ait déjà fourni quelques exemples de ce genre d’exactions montées par les services d’un État aux aboies…
Non, les liens qui unissent la fusillade de Strasbourg et le mouvement des « gilets jaunes », c’est qu’ils inquiètent tous deux l’industrie touristique. Le sang n’avait pas encore séché au marché de Noêl de Strasbourg que les professionnels du tourisme comptaient les annulations de séjours. (https://www.latribune.fr/economie/france/strasbourg-l-industrie-touristique-s-inquiete-apres-l-attentat-du-marche-de-noel-800886.html?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1544655826)
Dans le Télégrame du lendemain de la fusillade de Strasbourg on pouvait lire : « Déjà éprouvés par quatre semaines de mobilisation des gilets jaunes, émaillées de violences, les professionnels du tourisme et de l’hôtellerie-restauration redoutent que la fusillade de Strasbourg ne pèse encore davantage sur l’activité. » et un peu plus loin « Laurent Duc président de la branche hôtellerie de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) évoque […] des chutes d’activité allant de 30 à 50 % dans l’hôtellerie de la capitale, plus marquées à mesure qu’on « monte dans le haut de gamme ». Les établissements de luxe ont une clientèle principalement étrangère, à qui les images des violences sur des lieux emblématiques comme les Champs-Elysées « ont fait peur ». « Les gens qui ont de l’argent et viennent faire leur shopping de fin d’année à Paris sont allés à Londres, à Rome. » (https://www.letelegramme.fr/france/tourisme-la-fusillade-de-strasbourg-assombrit-un-climat-deja-en-berne-12-12-2018-12160081.php#FZfvIGfhHffUjuGc.99)
Selon le journal Le Monde du 7 décembre, le mouvement des « gilets jaunes » aurait occasionné l’annulation d’un grand nombre de nuitées dans les hôtels parisiens (25 000 après la manifestation du 24 novembre et 35 000entre le 28 novembre et le 3 décembre). Le lecteur pourra également se rendre sur les pages du Web suivantes :
On peut bien comprendre l’inquiétude d’une profession qui a subi ces dernières années, après les attentats de Paris et de Nice une réorientation des flux touristiques, vers la Grèce, l’Italie, l’Espagne, l’Islande ou le Portugal. Mais cette année les statistiques du tourisme étaient jusque-là spécifiquement très bonnes et tout le monde convenait des résultats exceptionnels obtenus avant le mouvement des gilets jaunes : « les recettes du tourisme international atteignent des niveaux record sur les mois de janvier, février et mars » concluait-on en juillet 2018 lors du 3ème Conseil interministériel du Tourisme (CIT). « Les arrivées aériennes sont en hausse depuis le début de l’année (Brésil (+24.2%), l’Australie (+23.7%), l’Inde (+13.6%), le Japon (+12.1%), la Russie (+10.2%) et la Chine (+8%)). Les nuitées de touristes internationaux sont en hausse dans tous les territoires (littoral, urbain, montagne, rural) : +12.9% au total » et « les perspectives estivales s’inscrivent dans la même tendance à la hausse. Les réservations d’arrivées aériennes internationales à 3 mois sont en augmentation (8.6%), notamment depuis la Chines (+19.7%), les États-Unis (+13.5%), le Japon (+13.3%) », selon ce CIT du 19 juillet 2018. (Cf. pages 7 et 8 du document pdf à télécharger sur la page https://www.gouvernement.fr/partage/10414-dossier-de-presse-3eme-conseil-interministeriel-du-tourisme)
Les mauvais chiffres du tourisme des derniers mois ne seraient-ils pas brandis comme un épouvantail appelant sans même le stipuler, à l’ordre, à la sécurité et à une paix sociale garants d’une stabilité économique capitaliste, véritable objectif d’un pouvoir inquiet de son devenir ?
Merci de faire suivre,
Henri Mora
Gap : Jusqu’à 4 mois de prison ferme les “sept de Briançon”
Dauphiné libéré 14/12
Jeudi, le tribunal de Gap a rendu son jugement dans l’affaire des « 7 de Briançon » : ils ont été condamnés à des peines allant de 12 mois de prison dont 8 avec sursis à 6 mois de prison avec sursis.
France3 / jeudi 13 décembre 2018
Les « sept de Briançon » ont écopé de peines allant 6 de prison avec sursis à 4 mois ferme. Cinq semaines après leur procès, les sept de Briançon ont été fixés sur leur sort ce jeudi. Les militants, une Italienne, un Suisse, un Belgo-Suisse et quatre Français, âgés de 22 à 52 ans, sont poursuivis pour avoir aidé des migrants à entrer en France lors d’une manifestation au printemps dernier. Deux des 4 Français, déjà condamnés par le passé et également poursuivis dans ce dossier pour rébellion, ont écopé de la peine la plus lourde. Les cinq autres, condamnés à du sursis ont tous indiqué qu’ils feraient appel dans les dix jours.
[…] Ces peines sont conformes aux réquisitions du procureur faites au procès le 8 novembre. Raphaël Balland avaient requis 12 mois de prison dont 4 ferme pour deux des prévenus déjà condamnés par le passé et par ailleurs poursuivis pour rébellion. Pour les cinq autres prévenus des peines de six mois de prison avec sursis ont été requis, la circonstance aggravante de « bande organisée » n’ayant pas été retenue. […] La justice leur reproche d’avoir facilité l’entrée d’une vingtaine de migrants lors d’une manifestation organisée le 22 avril, en mêlant les clandestins à la foule des marcheurs, et en forçant un barrage policier. […]