Mais les anarchistes ne votent pas ?

Résultat de recherche d'images pour "drapeau noir"Se dire anarchiste veut dire beaucoup, mais cela peut aussi ne rien vouloir dire. Dans un monde de piètres identitées, quand tout semble s’estomper dans le brouillard de l’incertitude, se considérer anarchiste peut être une façon comme une autre de suivre un drapeau, rien de plus.
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Mais parfois l’anarchisme est une étiquette inconfortable. Il peut te mettre des questions dans la tête, auxquelles il n’est pas facile de répondre. Il peut te faire remarquer les étranges contradictions de ta vie : le travail, le rôle que la société t’a imposé, le statut auquel toi-même tu participes, la carrière à laquelle tu n’arrives pas à renoncer, la famille, les amis, les enfants, la fin du mois et la paye, la voiture et la maison dont tu es propriétaire. Hélas, fixer une distance entre ces attributs et ses idées fondamentales, entre ce que nous sommes et l’être anarchiste, ressemble beaucoup à cette lutte entre l’être et le devoir-être qui faisait sourire Hegel : le devoir-fini toujours par succomber.

Ainsi, nous sommes anarchistes parce que nous lisons les journaux anarchistes, parce que nous considérons la pensée et l’histoire anarchiste comme notre pensée et notre histoire. Nous sommes anarchistes parce que nous nous abritons dans le mouvement, à l’abri des intempéries de la vie, parce que nous le considérons comme notre maison rassurante, parce que nous aimons voir les visages des compagnons, écouter leurs petites histoires domestiques et leur raconter nos petites histoires domestiques, le tout à répéter à l’infini – et ainsi de suite.

Si quelqu’un pose des problèmes, pas tellement avec sa langue plus ou moins acérée, mais avec les choses qu’il fait, en mettant en danger cette position rassurante, cette sensation de protection, de se sentir comme chez soi, alors nous le rappelons à l’ordre, en lui listant au grand complet les principes de l’anarchisme, auxquels nous restons fidèles. Et, parmi ceux-ci, il y a celui de ne pas aller voter. Les anarchistes ne votent pas, sinon quels genre d’anarchistes seraient-ils !

Pas une grimace. Et pourtant, notamment ces derniers temps, des objections ont été avancées , des perplexités.

Quelle sens y-a-t-il dans le fait de ne pas aller voter ? Il y a un sens, ont-ils répondu en chœur, spécialement parmi les plus anciens. Parce que voter c’est déléguer et les anarchistes sont pour la lutte directe. Joli, dirais-je, très joli.

Mais quand cette lutte consiste seulement dans le fait de témoigner de ses principes (donc également son abstentionnisme), et rien de plus, voir même quand cela consiste dans le fait de se retirer en étant mal à l’aise quand quelques compagnons décident d’attaquer les hommes et les réalisations du pouvoir, ou bien consiste dans le fait de rester silencieux face aux actions des autres, quand c’est cela la lutte, eh bien, alors autant aller voter.

Pour qui considère l’anarchisme comme la tranquille gymnastique de ses propres opinions et de ceux des autres sur un monde qui n’existe pas – et n’existera jamais – tandis que pour eux les jours se suivent l’un après l’autre dans la grisaille monotone des matins tous identiques, des gestes tous identiques, des travaux, affects, hobbies et vacances tous identiques, pour ces derniers, quel sens y-a-t-il à s’abstenir, si ce n’est de réaffirmer, à peu de frais et suffisamment de clarté, leur identité anarchiste ? Cependant, à bien y regarder, si son anarchisme est seulement cette enseigne poussiéreuse et ridicule, dans un terrain de certitudes monotones et escomptées, il vaut mieux se décider à aller voter. Leur abstention ne signifie rien.

Il pourra sans problème voter aux présidentielles, et aussi aux élections locales. À bien y réfléchir, il pourra ainsi choisir de défendre une moindre démocratie qui, à bien y regarder, est toujours mieux qu’une dictature qui remplirait les stades et les camps de concentration, dans l’attente de dresser des listes de proscription. Les tanks dans les rues (signal mythique du pouvoir zélé qui se propage de façon indiscriminée, quand tu finis à l’échafaud pour un simple mot, pour un symbole mal compris de la part d’obtus exécuteurs d’ordre en uniforme) sont des histoires dangereuses, mieux vaut les discussions pathétiques, et au fond remises en question, de n’importe quel clown en veste démocratique. On ne rigole pas avec certaines choses, mieux vaut courir voter, spécialement dans une période dans laquelle des millions de personnes ne semblent pas comprendre la valeur des élections. L’abstention à des millions n’a plus de sens anarchiste, on risque d’être confondu avec la masse inculte qui n’est même pas capable de tracer une croix sur du papier ou qui s’amuse à peu de frais en gribouillant des phrases obscènes sur le bulletin.

Après, il y a les compagnons qui soutiennent des positions proches du municipalisme libertaire et du syndicalisme révolutionnaire de base. Ceux-ci, selon moi, toujours, ne devraient pas courir derrière les fantaisies de l’abstentionnisme. Leur objectif devrait être, au moins, la participation massive et significative aux élections locales, de manière à donner à leurs représentants les instruments adaptés pour gouverner la chose publique en périphérie. Peut-être que les anarchosyndicalistes (mais y en a-il encore ?) pourraient même aller voter aux présidentielles, mais cela devrait être une décision prise mûrement réfléchie, même si, personnellement, je la considère comme un choix tout à fait cohérent avec leurs idées de lutte syndicale.

Il reste de nombreux autres anarchistes. Il reste ceux pour lesquels leur anarchisme est un choix de vie, pas une conception à opposer, dans un tragique et insoluble oxymore, aux mille problèmes d’apparence que la société codifie et impose.

Pour ces compagnons, l’abstention est seulement une des nombreuses occasions de dire « non ». Leur action anarchiste se réalise dans bien d’autres faits et ce sont justement ces faits qui donnent une lumière et une signification différente à cette façon de dire « non ».

A. B. Bonanno

 

Depuis Canenero, hebdomadaire anarchiste n°29, juin 1995

 

Nantes, France : Tags contre les prisons et centres de rétention – 22 mai 2019

Petite ballade contre les taules.

Étant donnée que ce monde nous fait gerber, et suite aux révoltes dans les CRA de Vincennes et de Rennes. On s’est balladé [1] pour tagger contre les CRA, les abus de la police et les prisonsen général.

Sur le chemin nous avons croisé une voiture SPIE-BATIGNOLES (qui construit des prisons un peu partout en france) [2]. Parce-que nous sommes contre les prisons et les capitalistes qui profitent de l’enfermement , alors on à pas pu s’empécher de leurs passer le message.

Qu’il ne s’en plaignent pas parce-qu’en vrai on aurait pu / du la cramer.

En attendant que crêve la taule , attaquons déja celles et ceux qui en fonts un marché et en profitent d’une quelconque maniêre.

[Publié sur indymedia Nantes, mercredi 22 mai 2019]

NdSaD:
[1] Dans un premier temps, rien ne précisait où avait eu lieu cette balade. Le 24 mai, un commentaire sur le site précise que l’action s’est passée à Nantes.
[2] Précisions (commentaire, jeudi 23 mai 2019): « Juste pour infos: c’est pas des véhicules de SPIE-Batignolles mais de SPIE, une entreprise tout aussi -voire plus- nocive puisqu’elle est active dans les telecommunications, l’installation de vidéo-surveillance, intervient dans les CRA et les taules, le nucléaire et tout un tas de nuisances utiles à ce monde.
Spie-Batignolles a construit diverses prisons comme celle de Valence, dans la Drôme. »

Cuges-les-Pins (Bouches-du-Rhône), France : Du chemin de l’école aux urnes… Contre toute domestication – 25 mai 2019

On apprend par un article de France 3 que dans la nuit du vendredi 24 au samedi 25 mai à Cuges-les-Pins, près d’Aubagne, dans les Bouches-du-Rhône, la salle de classe de l’école primaire Paul et Suzanne Chouquet, qui devait accueillir un bureau de vote pour les élections européennes de dimanche, a été saccagée. Tout comme la salle des fêtes.

Les actes de vandales se sont multipliés ces dernières semaines dans la petite commune de Cuges-les-Pins, près d’Aubagne. « Ça fait le 4e week-end d’affilée qu’on subit des dégradations sur les écoles et les salles communales, a indiqué le maire Bernard Destrost. Aujourd’hui c’est le comble, on nous a saccagé le bureau de vote qu’on avait prévu pour le vote de demain. Les services municipaux vont venir pour tout nettoyer et remettre en état pour que les votes puissent se réaliser dans les meilleures conditions et pour que lundi matin les classes puissent fonctionner normalement ». 

« Des bulletins de vote ont été abîmés mais on a des reliquats et les votes se dérouleront normalement » précise le maire.

[Repris de la presse locale, 25.05.2019]

Sommet du G7 à Biarritz : ça passe ou ça casse ?

https://www.sudouest.fr/2019/05/24/pays-basque

Le rassemblement organisé par le collectif associatif contestaire G7 EZ devrait avoir lieu sur cette emprise privée du domaine de Bordeberry (Pierre et Vacances), du 19 au 23 août 2019.

L’hypothèse d’un accueil du contre sommet du G7 de Biarritz sur la commune d’Urrugne se précise. Les services de l’Etat ont confirmé ce vendredi 24 mai 2019, en mairie d’Urrugne, une possibilité d’accueillir les associations de la plateforme contestataire G7 EZ sur le terrain de l’ancien centre de colonies de vacances de Nestlé, sur une emprise privée du domaine de Bordaberry (résidence Pierre et Vacances), à proximité directe d’Hendaye.

Les dates de ce rassemblement seraient fixées du 19 au 23 août. Avec un souhait d’ores et déjà exprimé par les associations de pouvoir investir le site dès le samedi 17 août. 

Encore des questions en suspens

Une semaine après l’annonce d’un potentiel rassemblement à Urrugne, et alors que de nombreuses questions restent en suspens (notamment sur le stationnement des véhicules, la gestion des déchets, etc.), le maire d’Urrugne Odile de Coral ne cache pas son soulagement de voir cette organisation plus proche du coeur d’Hendaye que de celui d’Urrugne. Soulagée également du choix d’un terrain privé plutôt qu’une manifestation sur le domaine public, l’élue Les Républicains craint néanmoins des incidences sur l’activité de la résidence de tourisme Pierre et Vacances. Elle évoque aussi des risques en matière environnementale, le site en question étant classé comme sensible pour la richesse de sa biodiversité.


[reçu par mail]

voici  qui complétera l’envoi que je vous ai fait par rapport au G7 :

http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article2224

Reims, France : Un désordre inattendu et « jamais vu » – 18 mai 2019

Ce samedi 18 mai, entre 1000 et 2000 personnes (dont 80 à 100 black blocs selon la préfecture) ont manifesté à Reims à l’appel national des « gilets jaunes ». La manif, qui n’était pas déclarée en préfecture, a très vite été débordée par des enragés. Des dizaines de vitrines de banques, d’agences immobilières, de magasins et même de repaires de journaflics ont volé en éclats.

L’AFP a décompté 2000 manifestants. La police a interpellé 12 personnes et comptabilise deux blessés.

Un kiosque en bois a été incendié au niveau d’un chantier et du mobilier urbain dégradé. Des vitrines ont également été brisées et plusieurs commerces ont dû baisser le rideau. « Du jamais-vu à Reims », selon un responsable de streetmedics 51.

Le cortège a défilé dans un premier temps « dans le calme depuis le marché du Boulingrin à partir de 13 heures. La manifestation s’est ensuite tendue à partir de 15 heures, au niveau de la rue Voltaire. Les manifestants ont d’abord lancé des projectiles, notamment des bouteilles de verre sur les forces de l’ordre, qui ont répondu par des tirs de grenades lacrymogènes. Les affrontements se sont ensuite déplacés, les manifestants étant repoussés par les forces de l’ordre. Les casseurs ont ensuite brisé de nombreuses vitrines, sur les rues piétonnes, notamment un magasin Adidas dans la rue Talleyrand. Partout, dans le centre-ville, les banques, les assurances ont souffert de vitres brisées. Toujours repoussé par les forces de l’ordre, cortège s’est ensuite placé sur la place d’Erlon, puis vers le marché du Boulingrin, avant d’arriver sur l’avenue de Laon. Toujours repoussés par les forces de l’ordre, ils sont allés vers la gare, et ont dégradé les locaux de France Bleu Champagne-Ardenne. La manifestation s’est ensuite dispersée vers 19h […] Le préfet de la Marne, Denis Conus parle de 12 interpellations. La Préfecture précise qu’il s’agit de trois interpellations pour possession d’engins pyrotechniques, sept pour destruction à coups de marteaux, et pour violences contre une personne dépositaire de l’autorité (caillassage de pompiers et de policiers). […] La Préfecture précise que quelques gilets jaunes ont légèrement blessés, notamment une femme de 50 ans, touchée à la tête, « en courant pour échapper à un mouvement de foule » [aux porcs en uniforme, bien évidemment. Les gens ne courent jamais sans raison].

La Préfecture précise également que deux policiers ont été blessés au tibia après avoir reçu des projectiles. Sur le plan matériel, Xavier Albertini l’adjoint à la sécurité de la Ville de Reims, a expliqué, samedi soir, ne pas pouvoir estimer le nombre de commerces touchés par les vitrines brisées. « Il est clair qu’aujourd’hui qu’on est à plus de 20, 25, 30, 40.. Le recensement sera fait ». Les agents de la mairie travaillaient encore samedi soir, pour évacuer le verre brisé des rues. » (source : France Bleu Police, une des victimes du jour). Mais les dégâts s’annoncent très élevés, et devraient atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros.

Boucherie au tribunal

Ce lundi 20 mai, sur les sept déférées devant le parquet, quatre personnes ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Reims. Jugées en comparution immédiates, deux d’entre elles écopent de 18 mois de prison ferme avec mandat de dépôt, les deux autres de quatre mois de prison avec des peines aménagées.
Selon le procureur de la République de Reims, Matthieu Bourrette, les personnes interpellées – tous originaires de la région – présentent des profils très divers : « Certaines sont totalement inconnues des services de police et de justice. D’autres ont des casiers qui sont déjà fournis, avec huit, dix ou douze mentions au casier judiciaire. Certains étant suivis judiciairement », indique-t-il. (Source : France 3 Grand Est, 20.05.2019)

Locaux de France Bleu Police

idem

Toc-toc chez les journaflics

Barricade en feu devant l’hôtel IBIS

Ambert, France : Silence obstiné et contrôle acharné (et inversement)

Cela fait maintenant un an que deux personnes sont inculpées et placées sous contrôle judiciaire dans le cadre d’une instruction criminelle, accusées d’avoir tenté de brûler un véhicule d’Enedis à Ambert en juin 2017. Ce CJ les empêche notamment de rentrer en contact l’un avec l’autre ainsi qu’avec 5 autres personnes, les contraint à ne pas quitter le département et à pointer deux fois par semaine.

Sortir de prison, ne pas attendre le jour du procès en détention provisoire est réjouissant. Mais assez logiquement, en tant qu’alternative à la prison, le contrôle judiciaire est loin d’être une partie de plaisir, surtout lorsqu’il s’accompagne d’effets insidieux : la pression des flics lors du pointage ou la surveillance dans la rue… mais aussi la stigmatisation de l’entourage, le rejet ou la fuite de celleux qui ont peur d’avoir leur blaze dans le dossier d’instruction, l’injonction à avoir une vie rangée… Autant d’éléments qui vont du désagréable à l’insupportable suivant les jours et qui participent de cet outil mis en place par la justice pour tenir en laisse et isoler, le tout à ciel ouvert.

Récemment, les deux compagnons ont demandé la levée de leur contrôle judiciaire. La juge d’instruction vient de leur refuser, avec des motifs assez significatifs. Elle leur reproche le silence au moment de l’enquête sociale, le peu de garantie de représentation qu’ils offrent, des comportements suspects (éviter d’être tracé, utiliser des alias), le fait de ne pas travailler, et pour finir, leur refus de collaborer aussi bien avec elle qu’avec les enquêteurs-rices.

Il est évident que la justice s’accommode mal du silence et de la résistance des personnes qu’elle cherche à mater. En avril 2018, alors que les deux compagnons assistaient à l’audience pour l’appel de leur mise en détention, le procureur avait déjà mentionné dans son réquisitoire qu’ils resteraient en prison jusqu’à qu’ils choisissent de parler (un des OPJ disait que les juges cherchent à « attendrir la viande »). Heureusement, la suite lui prouva que non.

S’il n’est pas question ici de se plaindre d’un traitement injuste, il nous semblait important de rappeler quelles peuvent être les conséquences de l’absence de collaboration. De récents exemples de longues détentions préventives, de contrôles judiciaires stricts et de refus de demandes de mise en liberté suite à des choix de ne pas discuter avec les flics et la justice sont parlant (eux). Ce choix du silence sur le long terme, bien que probablement dur à assumer au vu de ses conséquences, est une belle épine dans l’œil de la répression. Bien sur il permet de donner le moins de billes possible à ces ordures, qui arrivent déjà suffisamment à nous mettre dans la merde grâce aux outils et aux quelques informations dont elles disposent. Et si parfois la tentation d’ouvrir la bouche se fait sentir – parce qu’on nous fait comprendre que ça peut être dans notre intérêt ou qu’on bouillonne devant l’absurdité de la situation – gardons à l’esprit qu’en face de nous se tient un.e ennemi.e dont le seul objectif est de nous faire rentrer dans le rang, la tête basse et le regard éteint.

Il ne s’agit pas de se plaindre donc, mais juste de transmettre des éléments sur une pratique (parmi d’autres) dont on s’imagine bien que les baveux.ses elleux-mêmes ne font pas trop la promotion. Pour que le choix du silence se fasse en connaissance de cause et qu’il s’assume ainsi avec fermeté et détermination.

Que crève la justice !
On ne bavarde qu’avec nos potes !
Liberté pour tou.te.s !

[Publié sur indymedia nantes, lundi 20 mai 2019]

Florence, Italie : Comme Paganini, je ne répète pas* – 15 mai 2019

Je me tenais là, planté tel un pylône dans le béton, dans cette ville jadis ombragée de brigands, de bandits et d’aventures et maintenant brillante de vitrines et de richards.
Regardons les choses en face, ma vie était d’un ennui mortel : je relayais, je relayais, je relayais !
C’est ainsi qu’une belle nuit d’il y a presque une semaine, j’ai décidé de m’éteindre en m’illuminant.

Prenant exemple sur tous ceux qui m’ont précédé aux quatre coins du monde, je me suis suicidé pour réaffirmer ma liberté du joug de la contrainte de devoir relayer.
Je remercie les allume-feu et l’essence qui m’ont filé un coup de main.
Une chaleureuse (c’est vraiment le cas de le dire !) accolade à ceux qui choisiront de suivre mon exemple !
Relais de tous pays, unissez-vous… dans un grand feu de joie !

Je dédie mon suicide à tous/toutes les anarchistes poursuivis et incarcérés en Italie et à travers le monde !
Une forte accolade de vie à la compagnonne Anahi Salcedo et une forte accolade de mort à ses tortionnaires.
Avec Punky Mauri en mémoire et dans le coeur.

|Traduit de l’italien de Roundrobin.info, 18.05.2019]

* NdT : célèbre proverbe italien attribué au violoniste virtuose et compositeur Niccolò Paganini (1782-1840) : alors que le futur Roi de Savoie lui avait demandé après un brillant concert turinois de refaire un de ses morceaux, le musicien qui aimait improviser lui répondit « Paganini ne (se) répète pas ». Vexé, le futur Roi lui retira la permission d’exécuter son troisième concert. Ici c’est un prétexte pour un jeu de mot, puisqu’un relais se dit un répétiteur (ripetitore) en italien. Ce sabotage incendiaire d’un relais de téléphonie mobile s’est déroulé à Florence Sud, la nuit du 14 au 15 mai vers 4h30 du matin, via diVillamagna.

Italie : Opération « Prometeo »

Ils/Elles sont accusés d’avoir envoyé des colis piégés en juin 2017 aux procureurs de Turin Roberto Sparagna [proc en charge de l’opération Scripta Manent] et Antonio Rinaudo. L’enquête aurait démarré suite à l’envoi d’un colis piégé au directeur du Département de l’administration pénitentiaire au sein du ministère de la justice à Rome, Santi Consolo.

Les trois personnes auraient été identifiés par le biais d’une caméra de vidéo surveillance d’une église située près du magasin où les enveloppes ont été achetées dans la ville de Gênes, de recherches au cyber concernant les adresses des destinataires (à Gênes également), des écoutes téléphoniques et filatures.

L’enquête est toujours en cours et des perquisitions auraient eu lieu aujourd’hui en Italie et à l’étranger.

Reformulé depuis leur presse

Fortuné Henry tournées de conférence entre Lyon et Marseille

Fortuné Henry, le commis-voyageur de l’anarchie : La tournée de conférences de Paul François et de Fortuné dans la région lyonnaise

La tournée de conférences de Paul François et de Fortuné dans la région lyonnaise

Le 30 janvier 1892, dans La Révolte, paraît une annonce : « Camarades,

Convaincus que pour être réellement efficace, la propagande ne doit pas se borner aux grandes villes et aux principaux centres mais doit, au contraire, pénétrer jusqu’aux plus petites localités et surtout à la campagne ; les compagnons Fortuné et Paul François entreprendront, du 1er février au 15 mars prochain, une tournée de causeries-conférences dans toute la vallée du Rhône entre Lyon et Marseille.

Voyageant à petites journées, se rendant au besoin à pied dans les communes non desservies par les lignes ferrées, ils s’arrêteront partout où une salle, un café, un local quelconque pourra être mis à leur disposition et où il se trouvera deux amis pour faire la déclaration exigée par l’autorité.

Document Fragments d’Histoire de la gauche radicale.

Que tous les groupes, tous les compagnons, tous les amis, même inconnus qui, sans se déclarer partisans de nos idées, leur sont cependant sympathiques et qui désirent les approfondir davantage, que tous, dis-je, nous adressent, le plus promptement possible, leur adhésion, les subsides dont ils voudront bien et pourront disposer et surtout les renseignements de toute nature à nous faciliter cette tournée.

Au fur et à mesure que nous avancerons sur la route, nous aviserons plus particulièrement et directement les amis des localités dans lesquelles nous devions nous trouver deux ou trois jours après.

En avant, toujours et quand même pour l’anarchie !

Fortuné, Paul François »

Dès le 2 février, la Sûreté transmet au Préfet de police de Paris, la demande d’information du préfet du Rhône à propos de Fortuné. Le 8 février la Préfecture du Rhône transmet un complément d’information : il loge en garni chez Monsieur Cottet, 111 rue Rabelais au 3ème étage où il s’est fait inscrire sous le nom de HENRY Jean, comptable, âgé de 23 ans, né à Brévannes ( Seine et Oise), venant de Paris.

Le 24 février la Préfecture de Seine et Oise confirme l’état civil et précise que Henry habite tantôt 7 quai de Valmy à Paris, tantôt à Brévannes chez sa mère. Commencent ici les difficultés de la police et de son organisation, pour traiter le cas de Fortuné Henry. En effet lorsqu’il habite Paris, il dépend de la Préfecture de police de la capitale mais lorsqu’il séjourne à Brévannes, il relève de la Sûreté nationale. Les deux services ne surent jamais vraiment qui devait traiter son dossier !

Ces précisions permettent à la Préfecture de police de Paris de retrouver Fortuné Henry : celui-ci prend le pseudonyme de « Fortuné », il habite depuis septembre 1890, 7 quai de Valmy où il occupe une chambre de 130 francs de loyer annuel. Il habitait auparavant 5 rue de Jouy. Mais la police a encore du mal a le distinguer de son frère Émile, tous deux semblent utiliser ce pseudonyme « Fortuné », à tour de rôle. C’est ainsi que le Fortuné qui est signalé le 15 mai 1892, comme étant membre du groupe de Levallois, serait en fait Émile.(1)

Quant à Émile Henry, il cherche à avoir des nouvelles et fait même passer une « brève » dans le Père Peinard (2) : « Le compagnon Fortuné de Lyon, est prié de donner son adresse à son frangin ». En février 1892 Émile Henry semble s’occuper de l’animation du groupe anarchiste de Levallois : il envoie une carte postale à Leboucher pour lui demander de faire une conférence. (3)

Le 6 février, Durey dit Paul François et Fortuné Henry font une conférence à la salle du Théâtre de Givors. Les deux conférenciers sont logés depuis trois jours chez Serindas, ouvrier verrier gréviste. Quatre vingt personnes assistent à la conférence dont le sujet est : « La crise économique et ses conséquences ». Pour eux la propriété individuelle a fait son temps, il faut la transformer en propriété sociale. Il faut aussi supprimer l’autorité et le gouvernement qui n’ont été établis que pour défendre la propriété bourgeoise : « On parle de liberté, mais tant que l’autorité existera, nous ne serons pas libre, il y aura toujours deux classes de citoyens : les exploités et les exploiteurs ». Le soir a lieu une deuxième conférence mais 24 personnes seulement y assistent. Parlant de patriotisme, Fortuné déclare que les gouvernements bourgeois sont les moins patriotes et cite comme exemple « M. Carnot qui adresse des lettres de félicitations à l’empereur Guillaume à l’occasion de la naissance d’un prince, c’est à dire d’un nouvel ennemi ». Parlant de l’armée, il dit qu’elle n’a été crée que pour garder la propriété des bourgeois et n’est qu’une entrave pour l’ouvrier. « Vous l’avez vu d’ailleurs, au moment de la dernière grève à Givors, trois ou quatre gendarmes ont suffit pour maintenir une masse d’ouvriers et cependant où les grévistes ont agi avec violence, les patrons ont été obligés de céder ». Il cite comme exemple la grève des Omnibus où dès le premier jour les grévistes ont coupé les freins et il fait allusion au meurtre de Watrin dont les auteurs n’ont pu être découverts grâce au silence des ouvriers, poussant ainsi indirectement ces derniers à la révolte contre les patrons en leur faisant comprendre qu’ils pourraient en se concertant commettre des violences sans être inquiétés.

Au sujet de la patrie, il déclare « qu’il ne doit pas y avoir de frontière, que les prussiens ne sont pas de l’autre côté du Rhin, mais en France, dans l’État, dans les rouages du gouvernement, dans la police et tous ceux qui nous exploitent ».

Pour couvrir les frais de la conférence, l’entrée est fixée à 25 centimes mais considérant le petit nombre de spectateurs Fortuné et Duray, à bout de ressources doivent faire une quête pour se procurer les moyens nécessaires afin de pouvoir se rendre à Rive de Giers.

A la mi-février Fortuné et Durey sont toujours dans la région lyonnaise mais leur situation est très précaire.

Ils prévoient d’entreprendre une série de conférences dont le but essentiel est de se procurer des ressources. A Firminy la réunion a lieu le dimanche 14 février, salle de la Rotonde devant un auditoire réduit : une quarantaine de personnes.

Le compagnon Paul François traite de la crise économique, de ses causes et ses conséquences. Pour lui « le principal motif de la crise, c’est la propriété individuelle. L’ouvrier est à la fois le grand producteur et le grand consommateur. Les capitaux et le progrès de la science ont mis aux mains de la bourgeoisie tout un système de machines qui fait produire à l’ouvrier trop de marchandises, à un prix trop réduit. Les salaires n’étant pas assez élevés, les ouvriers doivent réduire leur consommation. Par la suite les marchandises accumulées ne sont pas été achetées, les magasins ne se vident pas et les industriels devant cette crise de la vente doivent réduire peu à peu le nombre des travailleurs qu’ils occupent. En conséquence du chômage, le prix de la journée de travail s’est encore abaissé. Moins on a besoin de bras, plus de bras veulent être occupés, et c’est à qui offre son travail à un taux moins élevé que ses camarades.

Dans l’état social actuel, l’ouvrier ne gagne donc pas ce qui est absolument nécessaire aux besoins de la vie.

Ici encore c’est la propriété individuelle qui est la cause du mal. Si les industriels et les compagnies minières, par exemple se décident à augmenter le salaire de leurs ouvriers, il est évident que, pour ne pas trop perdre, ils se voient dans la nécessité d’augmenter leur prix de vente.

Comme conséquence alors, l’ouvrier perd comme consommateur, ce qu’il y gagne comme producteur et la question n’est pas résolue ».

De toutes ces observations, Paul François déduit que « tout le mal est dans le système actuel où les bourgeois détiennent le capital et les machines. Inutile de songer à réformer cet état de choses par une série de moyens pacifiques ou parlementaires : on se heurterait à la loi qui a été faite par les bourgeois et pour eux. La transformation de la propriété individuelle en propriété sociale ne sera possible que grâce à la révolte ».

Puis c’est au tour de Fortuné de prendre la parole, son intervention est beaucoup plus courte. Il fait le procès du patriotisme qu’il affirme être un des moyens par lesquels les bourgeois conservent le monopole de leurs privilèges : « C’est une religion qu’on crée, pour se préserver du peuple, les gouvernements affolés se sentent sapés par les principes de l’anarchie. Il faut combattre cette religion, il faut la détruire, alors seulement, on pourra songer à l’émancipation sociale, alors seulement, on pourra rêver de créer cette société harmonique que préconise l’anarchie et où l’humanité régénérée sera désormais heureuse ». (4)

Fortuné n’hésite pas à recourir aux formules rhétoriques habituelles des orateurs anarchistes, son discours est beaucoup moins construit que celle de son aîné Paul François.

A la fin de la conférence un compagnon déclare qu’une collecte va être faite parmi les assistants pour couvrir les frais de la réunion mais elle ne rapporte guère, puisque la propriétaire de la salle ne touche que 4 francs au lieu de 15, prix de la location. Cela ne doit pas renflouer les caisses des deux anarchistes.

 

D’ailleurs Fortuné se retrouve à l’hospice de l’Antiquaille à Lyon du 17 au 26 février, sans doute avec les indigents. Il quitte Lyon aussitôt pour aller à Saint-Chamond d’où il doit ensuite se rendre à Charleville (5). Mais on le retrouve à Paris.

Le 5 mars 1892, une réunion (6) à laquelle assistent une quarantaine de personnes a lieu 281 rue Saint Denis, l’ordre du jour est le suivant : Le 1er mai et la propagande par le fait.

Millet est l’orateur principal, il expose la situation misérable des ouvriers des différents pays d’Europe, provoquée par le perfectionnement des machines et l’exploitation capitaliste. Pour mettre un terme à pareil état de chose, il ne voit que la révolution sociale, c’est à dire l’anéantissement de la bourgeoisie. Millet engage ensuite tous les anarchistes à se trouver dans la rue le jour du 1er mai : « il est bon de profiter de toutes les circonstances et l’on pourrait essayer à cette date de tenter un mouvement révolutionnaire ».

Fortuné Henry est présent à cette réunion, il n’est pas encore connu des indicateurs qui rédigent des notes à la Préfecture de police. Le rapport évoque « un autre compagnon, dont le nom est resté inconnu ». Mais une note manuscrite a été ajoutée à la main : «Henry Fortuné » et dans la marge, il est indiqué qu’une copie du rapport doit être classé dans son dossier.

Fortuné explique, devant l’auditoire, que le mouvement anarchiste va en s’accentuant dans les principales villes de France, notamment à Lyon et à Saint-Étienne. Il déclare avoir fait tout récemment une tournée de propagande dans le Midi (7) et constate que les idées révolutionnaires ont fait un grand pas dans l’esprit des masses ouvrières.

Le 6 mars à 16 heures, le Cercle anarchiste international se réunit 13 rue Aumaire, salle Horel, une soixantaine de compagnons sont présents dont Fortuné qui ne prend pas la parole (8).

Le 14 mars les anarchistes de Reims se réunissent au café Hureaux. On y discute du journal régional le Déchard, du Père Peinard et de la Révolte. On s’y plaint de ne pas avoir trouvé de vendeur pour le Déchard, journal anarchiste qu’il faut soutenir énergiquement jusqu’au 1er mai.

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Leroux, un compagnon de Reims assure la distribution du Père Peinard. Celui-ci a reçu de Pouget une lettre annonçant que le compagnon Fortuné va faire une tournée de conférences dans les Ardennes et qu’il s’arrêtera à Reims si toutefois il y a quelque « argent à gagner » (9). Les anarchistes rémois vont chercher une salle pour y tenir une réunion publique.

Aussitôt le préfet de la Marne informe la Direction de la Sûreté générale de la possible arrivée de Fortuné et réclame des informations à son sujet.

La machinerie policière se met en branle : la Préfecture de police de Paris, dans un courrier adressé à la Direction de la sûreté générale le 19 mars (10), donne des explications sur la motivation de cette tournée dans les Ardennes : « J. B. Clément, directeur de la Fédération ouvrière des Ardennes, ayant fait mettre à l’index par les fédérés ardennais le journal Le Père Peinard, le sieur Pouget, directeur de cette feuille, pour combattre J. B. Clément,a engagé le sieur Henry Fortuné, pour se rendre dans les Ardennes afin de faire une tournée de conférences anarchistes. Celui-ci qui devait partir le 14 mars courant a dû emporter des affiches et des proclamations destinées à le précéder et à annoncer sa venue dans les différents centres qu’il compte visiter. Ses premières stations doivent être Charleville et Mézières.

Jean-Baptiste Clément par Nadar.

Armé d’un revolver et d’un couteau-poignard, le sieur Henry à l’intention de s’en servir si J. B. Clément l’attaque trop vivement. »

Ces informations sont communiquées dès le 19 mars aux préfets de la Marne et des Ardennes, le Directeur de la Sûreté générale ajoutant que Fortuné « se trouve dans une situation précaire et paraît entreprendre une tournée de conférences principalement dans le but de se procurer des ressources (11) ».

Mais des événements inattendus vont bouleverser ces projets. Le groupe anarchiste Les Sans Patrie de Charleville qui doit assurer la logistique des conférences de Fortuné dans les Ardennes et le groupe de Reims ont prévu de faire déserter un soldat, originaire de Charleville, faisant son service militaire à Reims. Le 16 mars Leroux aide ce soldat en lui fournissant des vêtements civils mais peu après le déserteur se constitue prisonnier. Le 18 mars Leroux est arrêté et inculpé d’excitation et de provocation à la désertion de militaires (12). Il est condamné le 30 mars à 18 mois de prison, Moray et Mailfait des Sans Patrie (qui sont en fuite) à 3 ans d’incarcération (13).

Pour sa part le groupe Sans Patrie subit depuis le 20 février une information judiciaire pour association de malfaiteurs, les conditions ne sont donc plus réunies dans l’immédiat pour que la tournée de conférences de Fortuné puisse avoir lieu.

Le 29 mars, d’après l’indicateur Zéro, Fortuné aurait quitté la capitale pour se rendre en province chez un parent, Pouget l’accompagne à la gare. Le rapport porte une mention manuscrite : « Il s’est rendu dans les Ardennes pour faire des conférences » (14).

Le journal le Petit ardennais ne signale, de son côté aucune conférence anarchiste de fin mars au mois d’avril 1892. Fortuné était-il dans les Ardennes durant cette période agitée ? Les archives de police ne fournissent pas de renseignements fiables à ce sujet.

Un autre rapport précise que Fortuné aurait de nouveau quitté Paris le 6 avril pour se rendre en province chez un de ses parents15 mais cette indication correspond aussi à de fréquents voyages chez sa mère à Brévannes.

Z

Le 22 avril une vaste rafle est organisée dans toute la France, Zo d’Axa, animateur de L’En Dehors, explique les motivations du gouvernement : « Le coup de filet policier de ce mois d’avril 92 restera historique.

C’est la première en date parmi les plus cyniques tentatives des temps modernes contre la liberté de penser.

On connaît maintenant les coulisses de l’affaire.

Le gouvernement voulut profiter de l’émotion causée par les explosions de la caserne Lobau et de la rue de Clichy (16) pour englober dans un gigantesque procès de tendance tous les révolutionnaires militants. Le ministère et ses procureurs dociles firent semblant de croire que certaines opinions constituaient des complicités. » (17)

Dans la région parisienne, 50 anarchistes sont arrêtés, dont Zo d’Axa et Pouget le rédacteur du Père Peinard. Tous sont inculpés d’association de malfaiteurs en vertu des articles 265 et 266 du Code pénal (18). Dans le reste de la France 167 compagnons sont arrêtés pour le même motif (19).

A Lyon, 40 mandats d’arrêts ont été délivrés par les juges d’instruction, 25 anarchistes lyonnais sont arrêtés. Sept mandats d’arrêt sont également lancés contre des anarchistes qui avaient récemment quitté la ville et transmis aux autorités judiciaires de leur résidence. Parmi eux se trouve Durey que la justice recherche rue Guillaume Tell à Dijon (20).

A Saint-Quentin, des perquisitions sont opérées chez 21 anarchistes, dix sont arrêtés, des brochures, des affiches sont découvertes mais pas d’explosifs.

A Paris, Fortuné échappe à la répression, il ne fait pas partie des listes de militants dangereux à arrêter, son militantisme anarchiste est encore trop récent. Ce relatif anonymat qui lui permet de passer entre les mailles du filet, il peut se rendre à la gare pour aller à Saint-Quentin où il doit prendre la parole dans une réunion publique. Sans doute par précaution, il est arrivé depuis trois jours.

Neuf ouvriers sont arrêtées à Saint-Quentin, sous la prévention d’anarchisme : Ballenghein Zéphir, rue de Fayet, beau-frère de Brunet, arrêté à Paris ; Baillet Augustin, rue Denfert-Rochereau ; Gabelle, rue d’Ostende ; Catry, rue de La Fère ; Renaud, A la briqueterie, chemin de Savy ; Normand, rue de la Pomme-Rouge ; Loizon, rue Pontoile ; Beauchène, rue de Guise ; Lorendeau, rue Denfert. En outre, des mandats d’amener sont décernés contre cinq autres anarchistes et des perquisitions sont opérées chez sept autres. (21)

Malgré l’arrestation des principaux anarchistes de la ville, le meeting du 23 avril réunit 600 personnes. Il est passé 9 heures quand les quelques centaines de personnes qui stationnent dans la rue Dachery depuis leur sortie des ateliers, peuvent entrer dans la salle du Cirque.

En 1919, les restes du Cirque construit en 1862. Document Monique Séverin.

Les anarchistes n’ayant pas l’habitude de constituer de bureaux, le compagnon Fortuné se présente seul sur l’estrade, jetant un regard de satisfaction sur la salle qui lui semble convenablement garnie et un autre sur le commissaire de police présent, avec son secrétaire.

Il s’en prend d’abord, en termes d’une extrême violence au rédacteur en chef du Petit Express qu il traite de menteur, d’espion et de gredin, pour avoir annoncé son arrestation, prenant ainsi un désir pour la réalité.

Fortuné lors de sa prise de parole s’étonne de n’avoir pas été arrêté ni à son départ de Paris, ni à son arrivée à Saint-Quentin. Toute la soirée, il fait en termes violents l’apologie de Ravachol et de ceux qui voudraient l’imiter : « On a, à la suite des dernières explosions, représenté les anarchistes comme des bêtes féroces altérées de sang, des monstres de cruauté.Tout cela est dénaturé et exagéré à plaisir. Ravachol n’est qu’un de ces aigris par la misère, victime de la justice bourgeoise, qui a voulu tout simplement donner un avertissement aux jouisseurs et aux parasites, aux détenteurs de l’assiette au beurre. Ce n’est pas un criminel ordinaire, c’est un homme qui s’est dévoué à une cause dont un jour, on reconnaîtra la grandeur et la justesse. »

Est-ce à dire que le compagnon Fortuné recommande spécialement la dynamite comme moyen de se venger ? Non. Et l’orateur fait un geste indiquant que, pour se venger d’un homme, le revolver et le poignard suffisent.

Fortuné, se tournant vers la table de la police, prononce de temps en temps quelques mots de défi et son exaltation s’accroît. Il bondit, il montre le poing «Vous pouvez m’arrêter, m’emprisonner, me condamner, me torturer, me guillotiner, crie-t-il, je resterai fidèle à ma cause et je crierai : Vive l’anarchie ! ».

Toutefois à certains moments, il est rappelé à la modération par des compagnons et s’empresse de suivre leurs conseils. La réunion se termine sans incidents à 23h15. (22)

Document Metropolitan museum of art. Alphonse Bertillon. Albumens silver prints. Photographs

Le samedi 21 mai chez Constant Martin (23), un militant libertaire qui tient une crèmerie, 3, rue Jocquelet (actuelle rue Léon-Cladel) se retrouvent à midi, Fortuné, Matha et quelques autres qui décident de suivre les réunions du marquis de Morès (24). Celui-ci vient d’inaugurer le 14 mai 1892, une série de conférences sur l’antisémitisme au Tivoli-Vauxhall devant 800 à 1.000 personnes (25). S’agit-il d’aller perturber ses meetings ? Cet antisémite eut parfois des rapports ambigus avec certains anarchistes. Mais les documents n’en disent pas plus.

Notes :

(1) Préfecture de police Ba 77

(2) Le Père Peinard 31 janvier 1892

(3) Documents saisis chez Leboucher le 16 mars 1892. Ba 1145 Archives de la Préfecture de police de Paris

(4) Rapport du commissaire spécial de Saint Étienne du 15 février 1892. Archives de la Loire 1 M 528

(5) Lettre du secrétaire général pour la police de la Préfecture du Rhône du 8 mars 1892. Archives nationales F7 15968

(6) Rapport du 6 mars 1892. Préfecture de police de Paris Ba 77
(7) On ne retrouve pas trace de ce séjour dans le Midi, mais il s’agit vraisemblablement de son voyage dans la région lyonnaise, aucun document n’évoquant, non plus, une visite à Saint-Étienne

(8) Rapport du 7 mars 1892. Préfecture de police de Paris Ba 1506

(9) Extrait du rapport du commissaire central de Reims 14 mars 1894. Archives de la Marne 30 M 74

(10) Lettre du 19 mars 1892 du chef de cabinet du Préfet de police de Paris. Archives nationales F7 15968

(11) Lettre du Directeur de la Sûreté générale du 19 mars 1892. Archives de la Marne 30 M 74

(12) Extrait du rapport du commissaire central de Reims du 19 mars 1892. Archives de la Marne 30 M 74

(13) Extrait du rapport du commissaire central de Reims du 31 mars 1892. Archives de la Marne 30 M 74

(14) Rapport du 30 mars 1892. Préfecture de police de Paris Ba 77

(15) Rapport du 11 juin 1892. D.2U8 295 Archives de Paris

(16) Le 15 mars 1892, une bombe fait sauter les fenêtres de la caserne Lobau. L’auteur est probablement l’anarchiste Meunier. Le 27 mars 1892, rue de Clichy, le domicile du procureur général Bulot est dynamité par Ravachol.

(17) De Mazas à Jérusalem par Zo d’Axa, Tumult éditions 2015 et Mutines éditions, p. 34

(18) Le Matin du 23 avril 1892 Gallica

(19) État des anarchistes arrêtés sous l’inculpation d’association de malfaiteurs Archives nationales F7 12507

(20) Lettre du secrétaire général pour la police de la préfecture du Rhône du 25 avril 1892. Archives nationales F7 12507

(21)  Journal de la ville de Saint Quentin 26 avril 1892

(22) Rapport du commissaire spécial de Tergnier du 23 avril 1892. Archives nationales F7 15968

(23) Emile Henry y prend ses repas. Rapport du 4 juin 1892. Préfecture de police de Paris Ba 1115

(24) Rapport de Zob du 25 mai 1892. Préfecture de police de Paris Ba 77

(25) La cité du sang-Les bouchers de la Villette contre Dreyfus par Eric Fournier. Libertalia p. 55

https://anarchiv.wordpress.com

Allemagne : Feu et flammes contre la domination – Chronique d’actions directes du 12 au 14 mai 2019

14 mai 2019, Berlin : Incendie de deux véhicules d’entreprise de sécurité

Deux véhicules d’une entreprise de sécurité partent en fumée au cours de la nuit. Pour la police, c’est clairement intentionnel. Vers 3h, un habitant prévient les pompiers après avoir remarqué la lueur des flammes et la fumée qui s’en dégage. Vers 00h45, un autre véhicule est en feu à Reinickendorf et atteint une voiture garée juste à côté. En rab’, un répartiteur électrique et un lampadaire sont endommagés par l’incendie. Il semblerait donc qu’aucun citoyen ne se baladait dans le secteur à cette heure de la nuit.
(Sources : journal en ligne ‘www.n-tv.de’ et site de brèves des flics)


13 mai 2019, Ravensbourg (Bade-Württemberg) : les réseaux de téléphonie ne répondent plus.

« Après l’incendie d’une antenne de téléphonie mobile sur un toit de gratte-ciel, beaucoup de gens ne peuvent plus passer d’appel avec leurs portables. Sont particulièrement affectés le réseau ‘Vodafone’ et le réseau O2 de ‘Telefónica Germany’. Dans l’agglomération de Ravensbourg, mais aussi la zone de Bad Waldsee, de Biberach ou d’Illmensee, presque plus rien ne passe. Plus personne ne peut téléphoner ou surfer sur internet. On ignore combien de temps durera la panne de réseaux ». C’est par ces mots que la SWR relate ce sabotage dans un article mis en ligne le 14 mai à 9h31. Au moment d’écrire ces lignes, le journal précise que « les enquêteurs travaillent toujours sur le toit de la tour. « La réparation ne pourra commencer seulement lorsque l’endroit sera libéré », confie un porte-parole de ‘Telefónica’. Comme l’a annoncé l’opérateur de téléphonie mobile ‘Telefónica’, il faut notamment remplacer le revêtement du toit de la tour [cramé] avant de changer les antennes et les câbles détruits. Selon la police, des inconnus ont forcé l’accès à la tour de 13 étages dans la nuit de dimanche à lundi et mis le feu aux installations du réseau mobile dressées sur le toit. Selon la police, le feu a provoqué des dégâts à six chiffres [ça donne une idée quand même]. Des saboteurs il n’y a jusqu’à présent aucune trace ».
(Via https://chronik.blackblogs.org/?p=10133)


12 mai 2019, Bamberg/Strullendorf (Bavière) : attaque incendiaire contre un profiteur de la société carcérale

Dans la nuit de samedi à dimanche, plusieurs individus ont pénétré sur le parking de la société « MassakLogistikGmbH », situé sur le zone industrielle de Strullendorf dans l’arrondissement de Bamberg. Quatre camions et une camionnette ont été réduits en cendres.

Cette entreprise s’engraisse chaque jour comme prestataire de service dans les prisons. L’attaque incendiaire a été revendiqué par « Limes et gâteaux » entre autres en solidarité avec le compagnon de la bibliothèque anarchiste Fermento arrêté le 29 janvier à Zurich et Loïc, incarcéré à Hambourg pour les émeutes du G20 de l’été 2017. Les incendiaires ajoutent également « participer au mai subversif en solidarité avec les compagnon.ne.s incarcéré.e.s en Italie [1] ».

« Selon ses propres affirmations, l’entreprise „MassakLogistikGmbH“ est leader lorsqu’il s’agit de tirer profit des besoins des gens.
Werner Massak, qui se met en scène dans des interviews en tant qu’expert pour ces besoins justement, a fondé l’entreprise en 1993. Une entreprise qui ne se cache pas d’être spécialiste en matière de rendement des courses des prisonniers.

MassakLogistik fournit des biens uniformisés d’articles de première nécessité à des prix exorbitants derrière les murs des prisons. Puisqu’il n’existe aucune concurrence en prison pour de tels sous-traitants, l’entreprise Massak peut concrétiser son despotisme dans ce système.
Leurs clients, les prisonniers, sont ainsi privés de la possibilité de choisir eux-mêmes quels biens ils veulent acheter et à quels prix.

L’enfermement systématique des gens, ici sous forme de prisons, est une des formes les plus évidentes de la domination et de l’oppression quotidiennes. En coordonnant entre autres la pauvreté, l’humiliation et la marginalisation, l’Etat décide qui il faudrait enfermer. Celui qui est ensuite enfermé peut être encore plus exploité en prison qu’en dehors des murs. A partir de là, le secteur de « l’industrie pénitentiaire » s’est développé comme une nouvelle forme d’esclavage. Elle n’est nulle part aussi perfide qu’aux États-Unis. […]

Cela nous paralyse parfois et fait nous sentir impuissant.e.s à mesure que nous prenons conscience de l’existant et de ses évolutions. Mais nous continuons à réfléchir à nos idéaux de liberté, de communauté et de solidarité et nous parvenons à ressentir les pulsations de nos cœurs. L’impuissance se transforme en rage.

Pour exprimer notre rage contre ce système de manière pratique, nous sommes sorti.e.s dans la nuit du 12 mai. Avec plusieurs engins incendiaires, nous avons enflammé quatre camions et une camionnette de la société MassakLogistikGmbH. […]

Pour un monde sans prisons ni oppression » !
Contre toute forme « d’esclavage moderne » ! […]
Liberté pour TOU.TE.S les prisonnier.e.s !

(Source : de.indymedia.org)

NdT:
[1] Une traduction existe également en français sur Attaque