Lecce (Italie) : attaque contre la machine à expulser

note: information à partir de brèves su désordre et pas mal d’informations en lien sur cette page

« Lecce – nous avons détruit deux distributeurs de billets de La Poste italienne, entreprise qui déporte les immigrés des centre de rétention avec sa compagnie aérienne Air Mistral.

Liberté pour ceux qui luttent dans et hors des centres de rétention
Liberté pour tous »

[Traduit de l’italien de informa-azione, Mer, 13/01/2016 – 20:15]

Le coup de la pastille d’iode: une stratégie autoritaire éculée

face à cette perpétuelle campagne de terreur des représentants de l’état se répètent à travers de la presse quotidienne locale : attention danger de catastrophe nucléaire mais on a la pillule miracle.. on le sait que ce comprimé d’iode sa prise et le fantasme qu’il colporte a été déjà dénoncé depuis des années par un texte diffusé par le collectif stop Nogent signé par Roger Belbéoch qu’on peut trouver ici.; On a organisé au laboratoire anarchiste une réunion et une projection d’un tract vidéo bulletin Louise Becquerel qui dans un espace du vidéo tract : « Alors qu’après Tchernobyl , la catastrophe fut nié , les différents pouvoirs orchestrent aujourd’hui sa prise en main. Au coeur d’un monde restructuré par la peur , du réacteur à la cour d’école, du travailleur aux populations.. la simulation nous dit que l’accident aura bien lieu.. Même lorsque la mise enscène semble ratée , elle atteint ses buts : la soumission des corps , l’habituation des esprits à un monde géré militairement , des individus acteurs de leur propre servitude ». Nous ne voulions pas ëtre dans le monde du nucléaire cette obligation nous oblige de réfléchir mais…. Se cacher la tête dans le sable comme les autruches nous indispose avec sa posture inconfortable.

Voici ce qu’écrivait David Macdonald après les bombardements nucléaire sur le sol japonais
« Ceux qui usent d’un tel pouvoir de destruction se retranchent du reste de l’humanité . Ce sont peut être des dieux , , ce sont des brutes mais ce ne sont pas des hommes »
et il continuait ainsi nous devons briser l’état avant qu’il nous brise celui qui veut préserver sa conscience _ et sa peau par la même occasion _ ferait bien de s’autoriser  » des pensées dangereuses » comme le sabotage , la résistance , la révolte et la fraternité.; la démarche intellectuelle qu’on nomme « esprit négatif » est un bon point de départ »
politics août 1945

des tranquillisants contre l’angoisse nucléaire

« La décision de distribuer des comprimés d’iode stable au voisinage des centrales nucléaires françaises a donné lieu à des commentaires d’experts médicaux très proches du lobby nucléaire, pour qui seuls les iodes radioactifs auraient des effets néfastes sur la santé (du moins, c’est ce qu’ils prétendent dans les médias). Ainsi, en prenant ces comprimés d’iode stable, en cas d’accident grave, la population serait totalement protégée. Tout se passe donc comme si le cocktail de radionucléides qui seraient rejetés en même temps que les iodes (césium, ruthénium, argent, strontium, plutonium et autres transuraniens), une fois inhalés et ingérés, n’avaient aucun effet sur la santé. Il est vrai que, contrairement aux iodes radioactifs, qui ont pour cible la thyroïde sur laquelle ils se fixent, ces radioéléments ne donneraient pas d’effets spécifiques facilement identifiables sur des organes particuliers. Il serait donc difficile pour les personnes contaminées de les discerner parmi les maladies « normales » et les experts pourraient facilement camoufler leurs effets.

S’il n’est pas possible pour les individus d’identifier les cancers radioinduits non spécifiques, alors il n’est pas nécessaire pour les gestionnaires et leurs conseillers scientifiques d’en tenir compte, d’autant plus que ces cancers n’apparaîtraient que plus tardivement. Les iodes radioactifs ayant un effet spécifique sur la thyroïde, et cela à relativement court terme (on l’a vu après Tchernobyl avec l’apparition des cancers chez les enfants biélorusses), il n’est donc pas possible de les négliger dans les gestions postaccidentelles. Ainsi, le comprimé d’iode stable devient miraculeusement l’antidote absolu contre les effets des rejets radioactifs en cas d’accident nucléaire grave.

Quelques précisions sur les prises d’iode stable

L’iode stable est administré préventivement pour saturer la thyroïde et empêcher qu’elle n’absorbe ensuite les iodes radioactifs rejetés dans les accidents nucléaires. Dans cette situation, la thyroïde serait protégée des effets du rayonnement causés par ces iodes radioactifs ingérés ou inhalés. (Nous ne discuterons pas ici des contre-indications médicales qui ne sont peut-être pas aussi anodines qu’on nous l’assure.)

Les experts de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) dans la publication 63 de 1992 (Principes pour l’intervention pour la protection du public en cas d’urgence radiologique) donnent quelques indications sur les procédures à respecter pour que la prise d’iode stable soit efficace. Remarquons que ces experts ont attendu pour nous livrer leurs réflexions que Tchernobyl ait montré indiscutablement le développement de problèmes thyroïdiens, entre autres des cancers, chez les enfants des régions contaminées en Biélorussie, Ukraine et Russie. L’effet désastreux sur la population prenant directement conscience qu’elle avait été contaminée, malgré les dénégations officielles, n’est certainement pas étranger au souci soudain porté aux iodes radioactifs chez les experts internationaux et les gestionnaires nationaux.

La rapidité de la prise d’iode est le point important

La CIPR précise : « L’absorption d’iode radioactif est généralement stoppée cinq minutes après l’administration de cent milligrammes d’iode stable (pour les adultes). » (art. 70) Encore faut-il que cette ingestion d’iode stable soit faite avant que l’iode radioactif ait agi notablement en saturant la thyroïde, ce qu’indique l’article 71 : « Le bénéfice maximum est clairement obtenu en prenant les tablettes d’iode stable avant l’exposition aux iodes radioactifs ou le plus tôt possible après. L’administration quelques heures après l’exposition à une incorporation unique d’iode radioactif peut réduire l’activité de la thyroïde d’un facteur pouvant aller jusqu’à 2. Une petite réduction de la dose à la thyroïde pourrait être obtenue si l’administration d’iode stable est retardée au-delà de six heures et l’action protectrice est nulle au-delà de douze heures après que l’ingestion/inhalation d’iode radioactif a cessé. » Ainsi, la CIPR indique que l’efficacité d’une prise d’iode stable pour réduire les effets des iodes radioactifs est très petite après un délai de six heures pour les personnes sous un panache d’iodes radioactifs.

Prenons ces six heures comme référence. Pour les habitants proches du réacteur à problèmes, il faudrait que le directeur de la centrale donne l’alerte suffisamment longtemps avant le début des rejets pour que tous les gens concernés soient correctement informés (par exemple, qu’ils aient le temps de rentrer chez eux chercher leur comprimé) sinon leur protection serait réduite, voire illusoire, du moins pour le réacteur de leur voisinage, mais pas forcément pour un désastre sur les autres sites. Un vent normal de 20 à 30 km/h transporterait l’iode radioactif à une distance comprise entre 120 et 180 km en six heures. C’est la distance au-delà de laquelle il serait éventuellement possible de se protéger. Un vent plus violent de 40 km/h porte la distance à 240 km. Enfin, dans la vallée du Rhône particulièrement nucléarisée, si le mistral ou la tramontane soufflent à une vitesse d’environ 60 km/h, la distance que l’on pourrait protéger se situe au-delà de 360 km. On voit, compte tenu de l’implantation des centrales nucléaires dans notre pays, que c’est l’ensemble du territoire qu’il faudrait protéger et non pas la population des quelques kilomètres au voisinage des réacteurs.

Le Pr Schlumberger de l’Institut Gustave-Roussy concluait de la façon suivante son article intitulé « Les cancers de la thyroïde après Tchernobyl » publié dans la très officielle revue de la Société française de radioprotection, Radioprotection (1994, vol. 29, n° 3, p. 397-404) : « L’accident de Tchernobyl a montré que les populations vivant à plusieurs centaines de kilomètres de la centrale (région de Brest notamment) (il s’agit de la région de Brest-Litovsk en Biélorussie, à la frontière polonaise) peuvent être fortement contaminées et développer dans les années qui suivent un cancer de la thyroïde.

Ceci montre que les plans d’intervention doivent être établis au niveau d’un pays, voire d’un continent. » On voit que la distribution d’iode dans un périmètre de 5 km autour des centrales françaises est un signe de panique irrationnelle et d’incompétence notoire des autorités qui seraient chargées de gérer une « urgence radiologique » (terme pudiquement utilisé officiellement pour catastrophe nucléaire). Irrationalité non pas par rapport à l’éventualité d’un désastre nucléaire mais par rapport à l’efficacité de ces autorités pour gérer de tels événements. À moins bien sûr que ces distributions de comprimés d’iode stable ne soient pas envisagées pour protéger les thyroïdes de la population mais pour réduire ce que les experts en catastrophes industrielles nomment maintenant le « risque psychologique » qui pourrait conduire les habitants près des centrales nucléaires à exiger rapidement leur mise à l’arrêt. En cas d’accident grave, ce « risque psychologique » pourrait amener des « turbulences sociales » particulièrement redoutées des gestionnaires. Ils espèrent qu’une population qui se croit protégée demeure plus calme. En somme, ces comprimés d’iode stable n’auraient qu’un rôle de tranquillisant. De plus, on essaie par cette procédure de responsabiliser les gens. En somme, s’il leur arrive des ennuis de santé après un accident nucléaire, ce sera parce qu’ils n’ont pas pris correctement leur iode stable. C’est la victime qui devient responsable. Une trouvaille !

Quelques problèmes
– Faut-il donner les comprimés aux enfants quand ils vont à l’école ? Faut-il les confier aux enseignants ?
– Faut-il que les gens qui quittent leur habitation emportent les comprimés avec eux ?
– Faut-il que les étrangers aux communes concernées se déclarent à la mairie pour obtenir leurs comprimés ?
– Comment procéder pour les gens qui habitent hors de la zone concernée par les comprimés et vont travailler dans cette zone ? Devront-ils se déclarer dans les mairies, faudrait-il les ficher ?
– Faut-il avertir les touristes qui ont l’intention de se rendre dans des zones à haut risque qu’ils devront avoir leur comprimé ? Où pourront-ils l’obtenir ? Dans les agences de tourisme ? Dans les syndicats d’initiative ? Dans les mairies ? Ces organismes distributeurs devront-ils être ouverts en permanence 24 h/24 ?
– Si l’information pour la prise d’iode est faite par radio, ne faudrait-il pas fournir à la population des récepteurs à piles pour le cas où l’accident nucléaire s’accompagnerait d’une panne de courant ?

Finalement le système soviétique qui interdisait à la population de se déplacer hors du lieu de résidence sans une autorisation, simplifierait notablement la gestion de ces comprimés d’iode stable. L’organisation autoritaire de la société est probablement la meilleure solution pour gérer l’énergie nucléaire ! »

Roger Belbéoch

Travail et mépris.

juillet 2014 Venant Brisset
« Moi, je fais partie de ceux qui défen­dent que le rap­port au tra­vail n’est pas contin­gent, n’est pas acces­soire, n’est pas anec­do­ti­que, que tout être humain cher­che d’une cer­taine façon à tra­vers le tra­vail l’occa­sion de se mettre à l’épreuve de soi, pour deve­nir soi-même, pour s’accom­plir. Je pense que c’est un inva­riant humain. Le mépris dans lequel est tenu le tra­vail n’est pas d’aujourd’hui. Ça a existé déjà dans l’Antiquité, c’étaient les escla­ves, c’est passé par les serfs de l’Ancien régime, ça conti­nuait avec le tay­lo­risme et le for­disme, et aujourd’hui on est dans le suprême mépris du tra­vail. Cet écart, et cette mani­pu­la­tion qui est faite en faveur du patri­moine et des reve­nus spécula­tifs contre le tra­vail dont on est prêt à détruire toutes les caractéris­ti­ques, celles qui sont néces­sai­res à l’exer­cice de l’intel­li­gence et à l’exer­cice de l’accom­plis­se­ment de soi, oui, je pense que nous sommes dans une évolu­tion qui res­sem­ble beau­coup à une décadence de la civi­li­sa­tion. »

Christophe Dejours

1 Retranscription (par mes soins) de son inter­ven­tion orale dans le docu­men­taire « La mise à mort du tra­vail, com­ment les logi­ques de ren­ta­bi­lité pulvérisent les liens sociaux et humains », réalisé par Jean-Robert Viallet, 2009, France 3 éditions.
I

2 Le docu­men­taire « La mise à mort du tra­vail » est composé de trois par­ties inti­tulées « La des­truc­tion », « L’aliénation », et « La dépos­ses­sion ». L’inter­ven­tion de C. Dejours vient en conclu­sion de la troisième partie : on peut y voir légiti­me­ment le résumé-synthèse de l’enquête.

3 La première partie est consacrée aux trou­bles actuels éprouvés dans le monde du tra­vail : souf­france morale ou phy­si­que dans l’entre­prise, harcèlements, licen­cie­ments dis­ci­pli­nai­res, procédures aux prud’hommes. La deuxième partie est tout entière occupée par l’étude d’une entre­prise de ser­vi­ces, Carglass (réseau de points de répara­tion et de chan­ge­ment de pare-brise) et de ses tech­ni­ques per­ver­ses de mana­ge­ment pour pres­su­rer aussi bien ouvriers que cadres de base. La troisième montre le lien entre le rachat d’une vieille firme indus­trielle, Fenwick (cha­riots élévateurs), par un fond d’inves­tis­se­ment américain (KKR) et ce qui en résulte comme procédures d’extrac­tion de gise­ments de pro­duc­ti­vité, issues du « toyo­tisme », sur les ouvriers de la chaîne de mon­tage et d’exi­gence d’agres­si­vité com­mer­ciale accrue pour les cadres.
II

4 Les notes sui­van­tes pren­nent prétexte de l’inter­ven­tion citée en exer­gue pour dis­cu­ter de la posi­ti­vité du tra­vail face aux tur­pi­tu­des financières, telle que mise en scène dans la contes­ta­tion actuelle du capi­ta­lisme « néolibéral ». Le parti pris cri­ti­que qui sera développé a trouvé dans les apo­ries de C. Dejours une excel­lente occa­sion de se ravi­ver : il consiste à penser que le tra­vail est une acti­vité contrainte, mise en acte d’une domi­na­tion sociale et n’est pas le propre générique de l’homme. Une société humaine pour­rait par­fai­te­ment se repro­duire par la conju­gai­son des apti­tu­des et des affi­nités, avec les tâches col­lec­ti­ves néces­sai­res que l’on connaît ; pour cela il lui fau­drait se débar­ras­ser du fatras de la somme de tra­vail auto-entre­te­nue par et pour la faim tou­jours plus extra­va­gante, car sans limite, de sur­pro­duit/sur­va­leur. Mais ce serait une autre his­toire, celle d’une socia­lité qui aurait décroché du fétichisme du tra­vail et de sa magie pro­duc­tive nour­ris­sant l’aveu­gle­ment hal­lu­ci­na­toire qui ne sait pas per­ce­voir les conséquen­ces nui­si­bles de sa puis­sance illi­mitée. La pro­pa­gande de la société orga­nisée sur l’obli­ga­tion au tra­vail aime à oppo­ser, d’un côté, l’aiguillon réaliste de la nécessité et de la contrainte « extérieu­res », en fait la peur du manque socia­le­ment orchestrée, qui, seules, obli­ge­raient à pro­duire pour la satis­fac­tion des besoins sociaux, et de l’autre, l’utopie d’une acti­vité libre et concertée qui vire­rait vite au far­niente et au dénue­ment subi. Les thuriféraires du progrès et du marché ren­voient à de sim­ples dys­fonc­tion­ne­ments cor­ri­gi­bles les mani­fes­ta­tions en cas­cade engendrées par l’incons­cience qui gît dans le tra­vail : pour­tant, toutes les pol­lu­tions sont fruits du tra­vail et de l’emploi à tout prix…
III

5 La croyance en la « natu­ra­lité » évidente du tra­vail confond la capa­cité excep­tion­nelle de la vita­lité humaine à s’extério­ri­ser et à s’objec­ti­ver avec la pro­duc­tion néces­saire des condi­tions d’exis­tence, dont le niveau et l’étendue res­tent dis­cu­ta­bles. La conni­vence entre domi­nants et dominés inter­vient quand l’éthique du tra­vail adule le piège de l’objec­ti­va­tion débridée et valide l’illi­mi­ta­tion de la pro­duc­tion réclamée par l’accu­mu­la­tion capi­ta­liste. Or, « […] une société vrai­ment libre, une société auto­nome, doit savoir s’auto­li­mi­ter, savoir qu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire ou qu’il ne faut même pas essayer de faire ou qu’il ne faut pas désirer. » (C. Castoriadis). Une société de pala­bres aux besoins fru­gaux n’est pas moins humaine. On ne peut cri­ti­quer complètement la sujétion au capi­tal si on ne met pas aussi en cause cette com­pul­si­vité du « faire » qui a refoulé d’autres modes de présence et de face-à-face humain. Car c’est la pro­pen­sion à la puis­sance pra­ti­que, engendrée par la guerre intra-humaine de l’appro­pria­tion et de la reconnais­sance, qui déferle et sac­cage le monde natu­rel.

6 Il n’est ni fatal, ni dans la nature de l’homme que la seule objec­ti­va­tion où il puisse s’accom­plir soit l’acti­vité dis­ci­plinée, systémati­que appelée tra­vail. On pro­duit certes rare­ment tout en jouant, mais effort, concen­tra­tion, ingéniosité sont bien davan­tage les caractéris­ti­ques d’une acti­vité libre que celles du tra­vail contraint-pour-la-paie.
IV

7 Cependant, il n’est pas ques­tion de désamor­cer la ques­tion de la cen­tra­lité supposée néces­saire du tra­vail en pro­po­sant de reléguer les tâches de pro­duc­tion de la richesse sociale, que les col­lec­ti­vités auraient jugées indis­pen­sa­bles, aux bons soins d’une machine sur­so­cia­lisée et auto­ma­tisée — il fau­drait tou­jours des dépan­neurs d’urgence d’astreinte. Et à l’inverse, on ne peut pas sortir de la problémati­que épineuse de la com­bi­nai­son sociale de tâches dis­tinc­tes et de l’échange de leurs fruits, en croyant tout faire par soi-même ou à défaut au sein de peti­tes col­lec­ti­vités autar­ci­ques. La nécessité rela­tive de pro­duire « les condi­tions d’exis­tence » et la mobi­li­sa­tion que cela requiert est sou­vent discutée sous l’angle de la pro­duc­ti­vité atteinte par les machi­nes qui épar­gne­rait du labeur, mais rare­ment sous l’angle de ce qui existe déjà, fruit de la longue his­toire humaine, des bâtiments aux ponts et aux four­chet­tes… qui ne néces­si­te­rait plus dans un monde sensé d’être fabriqué à nou­veau — alors que le capi­ta­lisme détruit cyni­que­ment pour pou­voir mettre en œuvre à nou­veau du tra­vail exploi­ta­ble. À rebours, on peut faire l’hypothèse qu’à des périodes his­to­ri­ques définies la cen­tra­lité de l’acti­vité pro­duc­tive a pu être légitime sans être tota­le­ment tri­bu­taire de l’extor­sion du sur­pro­duit par la classe domi­nante : par exem­ple, quand des popu­la­tions se séden­ta­ri­saient dans de nou­vel­les contrées, ou dans une phase de recons­truc­tion après tempêtes, séismes, etc. Désor­mais, cette cen­tra­lité est main­te­nue arti­fi­ciel­le­ment : on tente à toutes forces de main­te­nir le tra­vail comme seul medium de reconnais­sance sociale, alors que son inconsis­tance en qualité et en quan­tité atteint des som­mets ; en réalité, c’est la dépen­dance à la machine glo­bale sur­so­cia­lisée (concen­tra­tion urbaine, infor­ma­ti­sa­tion, etc.) qui est requise et effec­tive.
V

8 La dis­cus­sion néces­saire s’arti­cule à partir des deux ver­sants sui­vants de la ques­tion : premièrement, le tra­vail est his­to­ri­que­ment une acti­vité dirigée, dans une société de clas­ses, et sou­mise à des fina­lités qu’elle ne maîtrise pas : la pour­suite sans fin d’une richesse ou d’un dévelop­pe­ment, vola­tils ou abs­traits et sans rap­port avec l’épanouis­se­ment de la sen­si­bi­lité humaine ; deuxièmement, et même si est bien prise en compte l’acuité des problèmes que des popu­la­tions ren­contre­raient « libre­ment » pour s’appro­vi­sion­ner, la place de cette nécessité n’est pas fata­le­ment appelée à être reconduite comme cen­trale. C’est par la dis­pro­por­tion atteinte dans les sociétés humai­nes par le poids écra­sant d’une écono­mie folle et incontrôlable que l’on peut être porté au sen­ti­ment que cette énormité obs­true l’avenir, et ne peut plus être assumée que sous la contrainte — dont la situa­tion japo­naise post-Fukushima de ges­tion de la soi-disant « déconta­mi­na­tion » nous donne un aperçu.
VI

9 Revenons précisément aux incohérences « cohérentes » de C. Dejours, tant il est vrai que l’idéologie est tou­jours une fausse ratio­na­lité : en tant que psy­chia­tre-psy­cha­na­lyste Christophe Dejours est connu pour avoir été, dans les années 1990-2000, un des pion­niers de la recher­che sur la souf­france (moderne) au tra­vail. Mais il ne s’éloigne pas de la ligne théorique freu­dienne qui natu­ra­lise le tra­vail — puisqu’un des symptômes de la névrose se mani­fes­te­rait par la dif­fi­culté à tra­vailler —, sans même détailler l’his­toire de ses formes suc­ces­si­ves. Certes, le tra­vail peut être idéalisé dans la figure de l’arti­san ébéniste qui s’accom­plit dans son œuvre par exem­ple, sans même parler du tra­vail gra­ti­fiant du médecin, etc. mais ces formes de tra­vail sont si peu domi­nan­tes qu’elles n’ont pas grand-chose de commun avec le sala­riat généralisé. Néanmoins, dans son inter­ven­tion, il ouvre la boîte de Pandore à son détri­ment, puisqu’il place le tra­vail comme sup­port et fac­teur renou­velé d’un rap­port de mépris de la classe domi­nante envers la classe dominée, qui pour­tant la sert, mais sans qu’il nomme ce rap­port de clas­ses ; car c’est le tra­vail dans son essence huma­ni­sante qui parait méprisé et non les tra­vailleurs, acteurs concrets. La contra­dic­tion dans laquelle les êtres humains qui tra­vaillent « cher­che­raient d’une cer­tain façon à tra­vers le tra­vail l’occa­sion de se mettre à l’épreuve de soi, pour deve­nir soi-même, pour s’accom­plir » en s’y fai­sant mépriser n’est pas pensée par C. Dejours, et parait inso­lu­ble et fan­tas­ma­go­ri­que, puis­que « le mépris dans lequel est tenu le tra­vail n’est pas d’aujourd’hui. »

10 La courte argu­men­ta­tion orale de Dejours, forcément moins élaborée qu’une synthèse écrite, laisse de ce fait trans­paraître les fon­da­men­taux de sa pensée : par delà l’inva­riance du besoin de s’accom­plir dans le tra­vail poin­te­rait l’inva­riance de la domi­na­tion et donc la natu­ra­li­sa­tion de la scis­sion de la société en clas­ses. Ou bien, si peu que le tra­vail ne soit pas abso­lue contrainte, il en irait alors d’un maso­chisme fon­cier chez les tra­vailleurs à croire — et vou­loir — s’accom­plir là où ils sont méprisés. En défini­tive, le piège dans lequel s’entor­tille l’huma­nité pour extério­ri­ser sa vita­lité c’est de se cons­ti­tuer pri­sonnière dans des rap­ports de sujétion par les­quels il lui semble qu’il faut imman­qua­ble­ment passer pour expri­mer cette vita­lité.
VII

11 À suivre la cri­ti­que de la seule « finan­cia­ri­sa­tion » du monde, il ne pour­rait pas y avoir conni­vence entre tra­vail et domi­na­tion financière. À trop idéaliser ce qui reste de contenu du tra­vail (les savoir-faire, les com­mu­nautés et liens sociaux mis en place par le tra­vail) qui serait exploité et détourné de ses poten­tia­lités his­to­ri­ques (l’abon­dance dans la joie), cette cri­ti­que en vient à occulter la conni­vence dans la forme. Ainsi il est devenu admis par tout le monde qu’il suffit de tenir un seg­ment de la divi­sion du tra­vail si petit soit-il — par exem­ple, pour citer un tra­vail on ne peut plus hors sol et arti­fi­ciel, pro­gram­meur de jeux vidéos sur l’inter­net — pour avoir accès, par son revenu monétaire, à toutes les mar­chan­di­ses du monde, au point même de négliger toute repro­duc­tion par soi-même sans la média­tion de l’échange mar­chand : nour­ri­ture indus­tria­lisée, santé, jusqu’à la procréation main­te­nant bio­lo­gi­que­ment assistée… Pouvoir par­ti­ci­per soi-disant au monde par l’inter­net et ses lon­gues heures de surf vau­drait bien de négliger de faire sa cui­sine, a for­tiori si cela sup­pose d’avoir au préalable cultivé son jardin. La conni­vence inter­vient aussi à d’autres niveaux : la reconnais­sance de soi par les autres tra­vailleurs, voire même par les maîtres, et l’iden­ti­fi­ca­tion au statut socio-pro­fes­sion­nel, prévalent par rap­port au ques­tion­ne­ment sur la fina­lité de ce qui est pro­duit. Le temps libre est lui aussi colo­nisé par la com­pul­si­vité du faire — la grande dis­tri­bu­tion spécialisée dans le bri­co­lage, qui en jouit, en sait quel­que chose — au détri­ment du bavar­dage, du débat sur les orien­ta­tions com­mu­nes, de la médita­tion…
VIII

12 Le tra­vail serait mal­traité sans voir que c’est le tra­vail qui est mal­trai­tance en tant qu’il est acti­vité contrainte — ou auto-suggérée par impératif exis­ten­tiel sous condi­tion­ne­ment cultu­rel de « rem­plis­sage », selon lequel le tra­vail seul apporte consis­tance à l’exis­tence. La morale dif­fuse « qui ne tra­vaille pas ne mange pas1 » reste menaçante en Occident malgré les « amor­tis­seurs sociaux », et active là où le capi­ta­lisme pénètre encore sau­va­ge­ment à l’heure actuelle. Sous l’empire de cette sanc­tion sociale, se sura­jou­tent, au sein de cette acti­vité non-libre, les liens de subor­di­na­tion à la hiérar­chie, à la pro­duc­ti­vité socia­le­ment requise, etc.

13 La concep­tion de Dejours ne dépasse pas la représen­ta­tion citoyen­niste dif­fuse qui voit dans le tra­vail cet inva­riant « natu­rel » à la puis­sance pro­duc­tive magi­que, et au poten­tiel « socia­li­sant » mal­heu­reu­se­ment dépouillé et mar­ty­risé par la spo­lia­tion financière — au point de rendre aveu­gles ses contemp­teurs, oublieux des usines d’arme­ments, de l’indus­trie chi­mi­que nocive, etc. Dejours s’aide pour cela d’une ten­ta­tive d’his­to­ri­ci­sa­tion en opérant une césure entre un « avant » et ce « main­te­nant » où le mépris attein­drait un tel degré dans le mana­ge­ment des DRH (direc­tion des rela­tions humai­nes dans les entre­pri­ses, conseillées par tant de consul­tants) que cela enga­ge­rait « une décadence de la civi­li­sa­tion ». Le vieil illu­sion­nisme ata­vi­que bour­geois de la croyance quasi phi­lan­thro­pi­que de donner du tra­vail aux pau­vres, abou­ti­rait cette fois au cynisme. Comme si Dejours se rete­nait de conclure que tra­vail et mépris devien­nent d’autant plus consub­stan­tiels que le tra­vail est plus entièrement soumis à une fin « autre ». Flexibilité et précarité aidant, la force de tra­vail dis­po­ni­ble, deve­nue varia­ble d’ajus­te­ment, sans atta­che et sans base arrière, serait, aux yeux des décideurs rivés sur leur réalisme com­pu­ta­tion­nel, plus mépri­sa­ble du fait de cette dis­po­ni­bi­lité abs­traite.
IX

14 On est bien loin de la situa­tion décrite à la fin du XIXème siècle où les ouvriers pari­siens fiers de leurs métiers et de leurs savoir-faire, dans les­quels sub­sis­taient encore des restes de la sou­ve­rai­neté de l’arti­san, s’appe­laient entre eux Les Sublimes2, se repo­saient le lundi de leurs excès du diman­che et se fai­saient cour­ti­ser par des patrons en concur­rence entre eux, en fai­sant monter les enchères. À l’opposé, c’est la dis­po­ni­bi­lité comme force de tra­vail libre sur le marché libre, cette situa­tion d’avoir été arrachés à leurs condi­tions d’exis­tence ver­na­cu­laire, et donc d’être deve­nus sans atta­che, bientôt sans culture propre, réduits à n’être que du nerf et du muscle, qui pla­cent les prolétaires en quête de tra­vail dans cette situa­tion d’abais­se­ment. Autrement dit, la mise en dis­po­ni­bi­lité pour-le-tra­vail, par l’indi­vidu lui-même est, antérieu­re­ment à son exploi­ta­tion dans l’acte pro­duc­tif lui-même, son pre­mier abais­se­ment. S’il est sans atta­che en général, il est en revan­che rivé à cette dis­po­ni­bi­lité ; et d’autant plus que celle-ci ouvre sur toutes les média­tions socia­les domi­nan­tes (reconnais­sance, consom­ma­tion, rang hiérar­chi­que, etc.). Paradoxalement, cette capa­cité abs­traite de tra­vail3 peut jouer comme fausse uni­ver­sa­lité immédiate d’être prêt à tout, de savoir bouger, contre l’enfer­me­ment dans un savoir-faire par­ti­cu­lier. Les progrès de l’aliénation pren­nent le lan­gage de la désaliénation pour mieux se faire accep­ter.
X

15 Contrairement à ce que pou­vait penser la cri­ti­que sociale radi­cale de la fin du XXème siècle, ce n’est pas d’être sans atta­che et sans base arrière qui prédis­pose 1e plus celui qui « n’a aucun pou­voir sur sa vie et qui le sait » (défini­tion du prolétaire par l’Internationale situa­tion­niste) à voir dans son alter ego un com­plice pour la lutte. L’abais­se­ment et le mépris4 dans les­quels les prolétaires sont tenus leur font plutôt par­ta­ger une méses­time d’eux-mêmes. Corrélati­ve­ment, ils renon­cent à dis­pu­ter aux élites l’interêt pour les affai­res com­mu­nes et a for­tiori ne sont pas à même d’ima­gi­ner un projet col­lec­tif d’une vie digne d’être vécue. C’est d’ailleurs cette souf­france-là qui est le plus sou­vent com­bat­tue dans les situa­tions de conflit par l’exi­gence de « dignité ». Ce slogan apparût notam­ment à l’occa­sion de la grande grève des mineurs anglais (1984-85) où ceux-ci redécou­vri­rent qu’ils étaient non seu­le­ment exploi­ta­bles mais sur­tout jeta­bles. Ce même sen­ti­ment d’offense subie de par la vio­lence de la socia­li­sa­tion capi­ta­liste et de son échec crois­sant à intégrer par le tra­vail, ren­voie les gens à des cris­pa­tions et retraits iden­ti­tai­res et com­mu­nau­tai­res. De telles ten­sions et ten­ta­tions ne sont pas anta­go­ni­ques à l’immer­sion générale dans le spec­ta­cle des mar­chan­di­ses et de leurs signes, dont elles vou­draient juste cons­ti­tuer un contre­poids spi­ri­tua­liste.
XI

16 Parce que le tra­vail est une acti­vité hétéronome, c’est-à-dire régie par une fina­lité autre que celle de son propre accom­plis­se­ment (sou­mis­sion aux règles de la classe domi­nante ges­tion­naire de la valo­ri­sa­tion : ren­ta­bi­lité des capi­taux inves­tis, pro­duc­ti­vité imposée par la concur­rence, etc.), il porte en lui sa propre déchéance pro­grammée.

17 Une acti­vité auto­nome, quant à elle, se déploie animée de sa propre vita­lité com­mu­ni­ca­tive (le jardin pota­ger en est l’illus­tra­tion, vers quoi s’orien­tent de plus en plus de gens man­quant désespérément d’une acti­vité direc­te­ment nour­ricière qui ait du sens ; mais on ne refonde pas des rap­ports sociaux sur la mul­ti­pli­ca­tion des petits lopins de terre, même s’ils sont indis­pen­sa­bles !). La ques­tion du pas­sage d’une acti­vité auto­nome à une acti­vité hétéronome est cru­ciale et sauve du tra­vers d’idéaliser l’acti­vité auto­nome : celle-ci coexiste actuel­le­ment en effet avec le système global hétéronome (l’écono­mie folle régie par ses paramètres délirants) qui, du fait de son effi­ca­cité tech­no­lo­gi­que et de sa concen­tra­tion, sou­lage l’exis­tence de tâches ardues (la tronçonneuse pour le bois de chauf­fage ou le gaz natu­rel pour la cui­sine, par exem­ple) et main­tient para­doxa­le­ment la pos­si­bi­lité d’acti­vité auto­nome (cui­si­ner, par exem­ple). Le système hétéronome, qui se dirige tout seul parce qu’échap­pant à tout contrôle, ne « s’échappe » pas parce qu’il serait l’addi­tion enchevêtrée d’acti­vités auto­no­mes ; mais pour­tant il a bien fallu que des acti­vités auto­no­mes se sou­met­tent à des fins autres qu’elles-mêmes (la conver­ti­bi­lité en argent pour s’acquit­ter de frais fixes crois­sants) pour trans­mu­ter et s’amal­ga­mer en un système imbriqué et auto­di­rigé.
XII

18 La sou­mis­sion gra­duelle et pro­gres­sive de l’acti­vité auto­nome à des média­tions qu’elle ne contrôle pas est un pro­ces­sus qui cons­ti­tue le tra­vail comme dépense d’énergie étrangère à soi. À l’inverse, ce qu’on entend par acti­vité auto­nome ne peut pas être ramené à la seule acti­vité per­son­nelle de son goût. Activité auto­nome ne veut pas dire acti­vité régie par le seul libre arbi­tre indi­vi­duel. La « maîtrise de la fina­lité » n’est pas acquise avec la seule satis­fac­tion de besoins matériels intan­gi­bles : elle est atteinte quand l’acti­vité de pro­duc­tion et de trans­for­ma­tion ne sont pas dis­join­tes de la vie sociale, qu’elles en épou­sent les inflexions, les relâche­ments, les ryth­mes plutôt que l’inverse.

19 La résis­tance à l’indus­tria­lisme — pro­ces­sus au long cours — est la pro­tes­ta­tion de rap­ports com­mu­nau­tai­res que tente de défaire le surcroît de média­tions. Même les ouvriers liber­tai­res bar­ce­lo­nais en 1936-37-38 renâclèrent à conti­nuer de servir le même pro­ces­sus tech­ni­que indus­triel malgré le chan­ge­ment du statut juri­di­que de l’entre­prise (col­lec­ti­vi­sa­tion ou socia­li­sa­tion) et sa prise en main par la ges­tion syn­di­cale.
XIII

20 On ne peut pas plus évacuer, en l’incri­mi­nant, la nos­tal­gie du tra­vail arti­sa­nal et de la faible imbri­ca­tion d’acti­vités indi­vi­duel­les et col­lec­ti­ves jalou­ses de leur sou­ve­rai­neté. Nostalgie qui n’est pas dénuée de fon­de­ment. Pas plus qu’on ne peut igno­rer la contra­dic­tion pro­voquée par le haut degré atteint par la socia­li­sa­tion indus­trielle du tra­vail. Des théori­ciens socia­lis­tes se pre­naient à rêver de la voie royale qui enga­ge­rait l’huma­nité vers la socia­li­sa­tion auto­ma­ti­que de ses pro­duits, puisqu’on ne pour­rait plus détailler ce qui est tri­bu­taire de l’effort des uns ou des autres. Mais a contra­rio, la conséquence serait l’inévita­ble dépos­ses­sion par un pro­ces­sus intégré que les pro­duc­teurs de base ne maîtri­se­raient plus. L’inten­si­fi­ca­tion de la divi­sion du tra­vail et son arti­cu­la­tion tech­no­lo­gi­que éloi­gnent de plus en plus le rêve de cette maîtrise sou­haitée/regrettée. Le sub­ter­fuge théorique qui consiste à résoudre ce hiatus par la pos­si­bi­lité néces­saire de démocra­tie directe per­met­tant de réduire par le débat la dis­tor­sion entre la concep­tion et l’exécution, ne serait pos­si­ble que dans des rap­ports de temps et d’espace déjà jus­te­ment maîtrisés c’est-à-dire dégagés de la pres­sion d’un besoin immédiat (l’anti­que faim, par exem­ple, ou la pro­tec­tion moderne vis-à-vis des radia­tions nucléaires). L’aspi­ra­tion révolu­tion­naire recher­che les moyens de casser la double coer­ci­tion en cas­cade de l’argent sur l’acti­vité et de l’acti­vité conséquem­ment trans­formée en tra­vail sur l’indi­vidu. Disposer de temps pour la cons­cience, et jouir d’une rela­tive auto­no­mie locale qui évite d’avoir à tout mettre, tout le temps, les décisions en débat, voilà la liberté !
XIV

21 La maîtrise de la fina­lité de l’acti­vité exige que le pro­duit concret ne soit pas tourné contre les rap­ports com­mu­nau­tai­res (pro­duits chi­mi­ques nocifs, armes, etc.) et que sa des­ti­na­tion à l’usage cou­rant ne soit pas appro­priée que par quel­ques uns. Ce qui s’accom­pa­gne de cette autre ques­tion de la dépense sans comp­ter à laquelle pour­rait cor­res­pon­dre l’idée qu’on se fait de l’acti­vité vitale : chacun, au bout du compte, pou­vant se trou­ver déjà contenté par sa débauche d’énergie vitale et de ce qu’il aura reçu aussi bien dans le moment lui-même par la présence cha­toyante des autres, qu’ensuite, on allait dire « en retour », sans que pour autant se soit main­te­nue l’inquiétude sour­noise du calcul empreint de méfiance de qui donne quoi et en quelle quan­tité pour qui, et vice-versa. Au vu de l’embal­le­ment « en temps réel » de la comp­ta­bi­lité délirante du capi­ta­lisme tardif, il pour­rait deve­nir infi­ni­ment plus simple en se pas­sant du calcul d’évincer du même coup les acti­vités capi­ta­lis­tes qui ont besoin du calcul. L’abs­trac­tion fan­tas­ma­go­ri­que de valeur qui gît dans les pro­duits du tra­vail a perdu toute sub­stance et ne peut plus agen­cer les rap­ports sociaux. La complémen­ta­rité des tâches humai­nes dans leur diver­sité ne peut pour­sui­vre son cours qu’en désamorçant la stan­dar­di­sa­tion de la pro­duc­ti­vité et de ses cal­culs déments.
XV

22 La représen­ta­tion d’une huma­nité débar­rassée des exploi­teurs par­ti­cu­liers s’est tou­jours colorée d’une « sur­so­cia­li­sa­tion » où la vie indi­vi­duelle en de peti­tes col­lec­ti­vités devait être médiée par l’acti­vité sociale glo­bale (d’où la méfiance à l’égard du « petit-lopin-de-terre »), sous peine que res­sus­cite l’enri­chis­se­ment privé. Cette ten­dance à la bureau­cra­ti­sa­tion de l’exis­tence ne pour­rait être com­bat­tue que par la réappro­pria­tion la plus directe pos­si­ble des moyens d’exis­tence, d’autant plus faci­le­ment réali­sa­ble qu’on se sera débar­rassé du fatras de pseudo besoins aux­quels la pro­duc­tion indus­trielle a accou­tumé les popu­la­tions pour écouler ses mar­chan­di­ses. Pour rendre impos­si­ble l’enri­chis­se­ment matériel privé, il convien­drait de sous­traire l’échange à la quan­ti­fi­ca­tion et corol­lai­re­ment à tout inter­face qui contienne une fonc­tion de thésau­ri­sa­tion. Selon les mots de Lewis Mumford, la libération à l’égard du tra­vail pour­rait s’accom­plir « […] par­tout où l’acti­vité vitale est comptée pour une aussi grande récom­pense du labeur que le pro­duit. »
XVI

23 Cette crise du capi­ta­lisme donne le sen­ti­ment que tout paraît se dénouer : l’alibi du tra­vail et de ce qu’il pro­duit en devient même super­flu. Cette inconsis­tance du tra­vail, son caractère mobi­li­sa­ble ou jeta­ble à volonté court-cir­cui­tent en quel­que sorte les pers­pec­ti­ves his­to­ri­ques fondées sur une réorien­ta­tion « ration­nelle » du tra­vail. Ou bien engen­drent l’idéali­sa­tion d’un tra­vail peu socia­lisé (l’arti­sa­nat). La « capa­cité abs­traite de tra­vail », deve­nue visi­ble dans cette attente des chômeurs stockés en vue d’une tou­jours plus hypothétique reprise, para­lyse la mise en œuvre des tâches vita­les. Tout peut se jouer dans le mou­ve­ment par lequel les éner­gies vita­les pour­raient se sous­traire à cette « dis­po­ni­bi­lité » en sus­pens, feraient le compte de ce qui leur est vrai­ment néces­saire et enga­ge­raient sa réali­sa­tion non plus comme tâche cen­trale qui réunit, mais comme une des moda­lités qui accom­pa­gnent les inflexions, leur gravité ou leur fan­tai­sie, des rap­ports humains. C’est forte de cette cer­ti­tude que la séces­sion pour­rait se pro­pa­ger, tant il est vrai que c’est l’incer­ti­tude de l’entre-aperçu « révolu­tion­naire » qui fait encore adhérer les popu­la­tions au capi­ta­lisme et à son système de rançonne­ment et d’arrai­son­ne­ment.

24 Dès lors, la fonc­tion du tra­vail dans la domi­na­tion n’en n’apparaît que trop bien : sa cen­tra­lité est non pas celle de la nécessité pro­duc­tive de biens d’usage mais d’être « che­ville ouvrière » de la domi­na­tion : mobi­li­ser pour le tra­vail — et l’on a vu dans cette phase « finale » du capi­ta­lisme à quel type de pro­duc­tion imbécile et nocive on a pu mobi­li­ser les indi­vi­dus — c’est priver les indi­vi­dus de liberté et de leur capa­cité à faire monde par eux-mêmes.
XVII

25 Les présentes notes cri­ti­ques auront été réussies si on en retire l’assu­rance que ce n’est pas en confiant aux machi­nes les tâches pro­duc­ti­ves qu’on résoudra la ques­tion du tra­vail, ni en l’inno­cen­tant de son accou­ple­ment mor­bide avec le capi­tal. Alors que l’enchan­te­ment du monde était supposé découler d’une pro­duc­ti­vité ahu­ris­sante, le besoin de tra­vail, sous la forme d’emplois, se fait tou­jours autant lugu­bre­ment sentir. C’est dire si l’allègement de la charge pro­duc­tive dépend en fait de l’orga­ni­sa­tion, c’est-à-dire de la culture d’une société : rien d’éton­nant puis­que, à l’inverse, c’est le capi­ta­lisme qui a fait peser sur le tra­vail lui-même la charge d’être l’unique colonne vertébrale de la société. La dyna­mi­que incontrôlable et nocive du tra­vail est recelée dans la dis­jonc­tion à devoir obéir à une hiérar­chie ou aux nécessités désin­carnées du marché, ce qui mène à igno­rer ce que devien­nent le pro­duit du tra­vail ou les éléments du procès de tra­vail (com­po­sants chi­mi­ques, déchets, etc.). L’acti­vité vitale, en matière de pro­duc­tion de biens matériels et immatériels, peut deve­nir cons­ciente d’elle-même si elle sait s’auto-diri­ger et par conséquent, par exem­ple, modérer ses appétits, ce que l’attrait d’autres foyers de sen­si­bi­lité pro­vo­quera imman­qua­ble­ment.
XVIII

26 « […] l’argent a résolu cette tâche de réaliser la liberté de l’être humain pour ainsi dire au sens pure­ment négatif. Ainsi l’immense danger que la monétari­sa­tion représen­tait pour le paysan s’ins­crit dans un système général de la liberté humaine. Ce qu’il a gagné, assurément, c’est de la liberté, mais une liberté qui le libère de quel­que chose, au lieu de le libérer pour quel­que chose ; en appa­rence, assurément, la liberté de tout faire (puisqu’elle n’est jus­te­ment que négative), mais de ce fait, en réalité, une liberté sans la moin­dre direc­tive, sans le moin­dre contenu déterminé et déter­mi­nant, et qui dis­pose donc l’indi­vidu à cette vacuité et à cette inconsis­tance où rien ne s’oppose aux pul­sions nées du hasard, du caprice ou de la séduc­tion : conformément à la destinée de l’humain sans amar­res, qui a aban­donné ses dieux et dont la “liberté” ainsi gagnée n’est que la licence d’idolâtrer n’importe quelle valeur passagère. »

27 Georg Simmel, La Philosophie de l’argent▪

(à suivre)

Lozère, 4 octo­bre 2012

Notes

1 – Cette morale était aussi com­mune au mou­ve­ment ouvrier et on la trouve par exem­ple sous la plume de Marx dans un compte rendu du congrès de Genève de la Première Internationale (1865) in « L’Éman­ci­pa­tion des tra­vailleurs », une his­toire de la Première Internationale, Mathieu Léonard, La Fabrique, 2011.

2 – Le Sublime, ou l’ouvrier comme il est en 1870, et ce qu’il peut être, Denis Poulot, 1870, réédition Maspero, 1980.

3 – Selon le concept de Franck Fischbach dans : La Privation de monde. Temps, espace et capi­tal, 2011, Ed. Vrin.

« […] la réduc­tion du tra­vail aux seules acti­vités pro­duc­tri­ces de valeur engen­dre une muti­la­tion du tra­vail dans la mesure où il est, à l’inverse de cette res­tric­tion, une acti­vité sus­cep­ti­ble d’adop­ter une variété quasi infi­nie de formes ; soit, inver­se­ment, en mon­trant que cette réduc­tion a para­doxa­le­ment pour effet de conférer au tra­vail un rôle et une fonc­tion extra­or­di­nai­re­ment étendus qui consis­tent à faire de lui le por­teur et le vec­teur de toutes les média­tions socia­les. On montre alors, avec Moishe Postone, que dans une société fondée sur l’abs­trac­tion et la valo­ri­sa­tion de la valeur, il revient indûment au tra­vail, à la fois comme tra­vail abs­trait et comme capa­cité abs­traite de tra­vail, d’assu­mer le rôle de por­teur des média­tions socia­les dans leur ensem­ble. » (p. 132).

Lire aussi du même : « Libérer le tra­vail ou se libérer du tra­vail, Simone Weil lec­trice de Marx », in Cahiers Simone Weil, tome XXXII-no 4, décembre 2009.

4 – Axel Honneth, qui pour­suit l’acti­vité de l’Institut de recher­che sociale de Francfort, plus connu comme École de Francfort qui a donné nais­sance à la Théorie cri­ti­que (Adorno, Horkheimer, Marcuse, etc. ) a publié des études sur « la société du mépris » (tra­duit en France en 2006, éd. La Décou­verte, Paris) qui condui­sent à incor­po­rer la dimen­sion morale de rabais­se­ment ou de la reconnais­sance dans la sou­mis­sion de l’exploité.

Documents joints

Travail et mépris suivi de Quelques mots sur ton texte “Travail et mépris”
(Format livret recto/verso – 5 feuilles A4, PDF – 193.1 ko)

lu et copié collé à partir de temps critique

Multiplication des actions de sabotage contre la frontière entre la Croatie et la Slovénie

Brèves du désordre
Multiplication des actions de sabotage contre la frontière entre la Croatie et la Slovénie

Alors que des barrières en fils barbelés sont érigées par les Etats à travers l’Europe, migrants et no borders agissent pour les abattre. Récemment, des personnes se sont attaquées à la frontière entre la Croatie et la Slovénie… Et des actions du même type se multiplient.

Une fois la nuit venue, des groupes de personnes s’attaquent aux barrières tranchantes de la frontière à l’aide pinces coupantes, tout en prenant soin de se masquer le visage et de s’équiper de gants épais. L’initiative a commencé en Istrie du côté croate pour s’étendre tout le le long de la frontière avec la Slovénie. Après une action à Hrvatsko Zagorje (région croate située au nord-ouest de Zagreb, NdT), l’idée de saboter les frontières s’est répandue de l’autre côté de la frontière, rapporte le Jutarnji List le 31 décembre dernier.

Si au début les actions contre la frontière restaient symboliques (en décorant les barbelés avec des ornements de Noël, en jouant au volley par dessus les barrières, suspension de banderoles, concerts de violons, etc..), la construction d’une clôture de barbelés près de la ville croate ‘Matulji’ a poussé des personnes à les abattre.

Certains détaillent la façon dont ils agissent : de nuit, deux personnes coupent les fils barbelés à l’aide de grande pinces en moins d’un quart d’heure puis se font récupérer par un complice en voiture qui vient les rechercher une fois le sabotage terminé. Les fils tranchants sont également enlevés, afin que personne ne se blesse en tentant de passer ou de s’approcher. Car, en plus de dissuader et de tuer les migrants qui tentent de s’affranchir des Etats et de leurs frontières, il y aurait eu apparemment un grand nombre de cerfs morts après avoir été pris dans les fils barbelés [Note de Rabble].

Ces actions contre les frontières augmentent du côté slovène, notamment dans la région de la capitale Ljubljana.

[Repris par lechatnoiremeutier de Rabble, 10. January 2016]

Avis aux amateurs : les collabos du camp de Calais

aperçu sur brèves du désordre
Pour tenter d’éradiquer la jungle de Calais et ses près de 4000 migrants, l’Etat avait annoncé le 31 août 2015 l’ouverture d’un gigantesque camp pour 5 ans afin d’y clôturer 1500 migrants. Un camp constitué de 125 conteneurs de 12 places chacun en lits superposés, 2.33m² par personne, sans cuisine, grillagé, vidéosurveillé, gardé et accès filtré par reconnaissance palmaire. Il a été inauguré le 11 janvier par l’entrée de 50 premiers d’entre eux dans ces containers (ce sera le rythme quotidien pour le remplir).
Et puisqu’on sait depuis un bail que dans la bouche de l’Etat la guerre c’est la paix, sa dénomination officielle est « camp humanitaire ». Après les grillages et les flics, c’est la dernière couche du dispositif pour briser l’auto-organisation des migrants et les empêcher de tenter de passer la frontière vers l’Angleterre. Si à court terme le démantèlement de la jungle reste annoncé pour mars 2016 – signifiant donc dégager et disperser les 2500 autres –, ce véritable camp étatique de triage et de confinement qui sert de caution va donc en encadrer 1500 en les contrôlant, les enregistrant, les identifiant, les enfermant la nuit, afin de les forcer à déposer une demande d’asile ici. Un dispositif qui dépossède de toute autonomie et facilite aussi l’expulsion rapide des déboutés du statut (ou de ceux qui refuseraient de faire une demande), et plus tard encore de ceux qui n’y auront plus droit (d’où la durée de 5 ans).
Pour rappel, entre octobre et décembre 2015 près de 1000 migrants ont été déportés de façon sauvage via l’aérodrome de Calais vers les CRA de Metz, Marseille, Rouen, Paris, Toulouse ou Nîmes lors de vols groupés.

« Il s’agira d’un camp fermé, équipé de caméras de vidéosurveillance. Pour y entrer, les migrants volontaires et retenus par La Vie Active devront donner leur nom. Ils devront justifier d’un code d’accès grâce à un dispositif de reconnaissance biométrique, à l’image de ceux utilisés dans des entreprises. « C’est un système choisi par l’opérateur de l’État, La Vie Active », indique la préfecture du Pas-de-Calais. Il utilise la morphologie de la main en 3D, est complété par un code d’accès. « Il ne s’agit pas d’empreintes digitales. Les données ne sont pas conservées. Rien à voir avec les bornes Eurodac », précise-t-elle. Ce dispositif a été préféré aux badges, utilisés à l’époque du camp de Sangatte, fermé en 2002. »
(La Voix du Nord, 17/12/2015 )

Les entreprises qui collaborent à ce projet en se partageant les 18 millions d’euros du gâteau (aménagement, fonctionnement) :

Logistic Solution : fournisseur des conteneurs
Launay des Moulins / 35390 Grand-Fougeray (Ille-et-Vilaine)

La PME Logistic Solution est en réalité un vieux partenaire des flics et militaires, puisqu’elle fournit déjà les containers du chantier sur Mururoa en association avec Sodexo Defense Services (contrat à 30 millions d’euros), et l’avait fait pour le ministère français de la Défense lors de l’exercice de certification de 5000 militaires de l’OTAN Steady fast Jazz, en Pologne (novembre 2013). C’est aussi un fournisseur de l’armée égyptienne. Sur son site, à la rubrique partenaire, elle a trankillou posé les logos de l’OTAN, de la Marine nationale et de l’Economat des armées.
Logistic Solution livre ses containers à Calais depuis le 7 décembre 2015, pour une ouverture du camp prévue pour le début du mois de janvier. Elle livrait 21 containers par jour la première semaine de janvier.

Groupe CW (Clôtures Michel Willoquaux) : Grillages du camp
Marques déposées : Clonor et Clowill
Famille Willoquaux : Michel (Président du conseil d’administration), Christophe (directeur général), Stéphane (directeur général délégué), Andrée (vice-président)
7/21 Route Nationale / 59152, Tressin

ATMG : surveillance du site pendant les travaux
Habitués de la ,surveillance des chantiers Eiffage, Bouygues, etc.
PDG : Bardadi Beddiaf
Rue Roger Salengro / Route De Oignies Espace Tertiaire Bata / 62710 Courrières

Biro Sécurité : Dispositif biométrique du camp & surveillance du centre d’accueil de jour Jules-Ferry et de la zone « tampon » depuis mars 2015 (30 agents de sécurité et maîtres-chiens recrutés)
« « C’est un marché très important pour la société, assure le Calaisien. Et qui crée de l’emploi ». Avec le nouveau camp pour 1 500 réfugiés, Biro compte recruter six nouveaux agents. L’entreprise fournit aussi à La Vie Active le dispositif d’accès biométrique sécurisé au camp humanitaire de 1 500 migrants. »
(La Voix du Nord, 15/12/2015)
Par ailleurs, Biro Sécurité s’enrichit de tous côtés en montant pour des transporteurs des « parkings sécurisés » en aval près de la rocade de Calais pour empêcher les migrants de monter dans les camions, et en amont comme sur l’aire d’autoroute de Saint-Laurent à Steenvoorde (Belgique, à 70 km de Calais).

PDG : Axel Guillaume Biro
251 Avenue Antoine de Saint-Exupéry, 62100 Calais

Béton : SOGEA, filière de Vinci

ONG ACTED (Agence d’Aide à la Coopération Technique et au Développement) : a été aperçue en train d’escorter un semi-remorque hors de la jungle, semi remorque qui sert à transporter les conteneurs en question.
33 Rue Godot de Mauroy, 75009 Paris

Association La Vie Active
: gestionnaire du camp (choisie en octobre 2015, elle était candidate en concurrence avec La Croix rouge sur ce marché)
Directeur général : Guillaume Alexandre.
Président du conseil d’administration : Alain Duconseil.
Suivi du camp : Stéphane Duval
La vie active, grosse « association d’utilité publique », plus gère de 70 établissements et sites, « dans les secteurs de la Petite enfance (crèche d’entreprises, CAMSP), l’Enfance (IEM, IME, ITEP, SESSAD), le Social (MECS, clubs de prévention, service tutélaire, CHRS, PAEJ) les Adultes handicapés (foyers de vie, SAJ, SAVS), les Personnes âgées (EHPAD, SSIAD), la Formation ».
La Vie Active
4, Rue Beffara
62 000 Arras

Sans fleurs ni couronnes

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« Les mots n’ont pas de valeur en soi, mais pour le sens qui leur est attribué. Il faut donc toujours bien se mettre d’accord sur le sens des mots utilisés, et faire attention à ce que des gens sans scrupules ne fassent pas usage des mots qui ont le plus de popularité, à travers lesquels ils font passer sous une fausse étiquette la marchandise avariée de leurs propres intérêts économiques et politiques. »

Max Sartin, La magia e il senso delle parole, 1935

I. Autonomie

Chacun sait que le langage n’est pas neutre. Que c’est un moyen souvent insatisfaisant pour exprimer ses idées. Pourtant, si on veut pouvoir les communiquer à d’autres et en approfondir le contenu, il vaut mieux s’entendre sur le sens des mots. Dans les milieux anti-autoritaires comme ailleurs, cela va de moins en moins de soi. Une même idée, courante, emprunte même parfois des significations si éloignées les unes des autres (en assemblée par exemple), qu’on en vient à se demander s’il s’agit juste d’une banale incompréhension ou si ce n’est pas la manifestation d’une confusion généralisée en progrès constants. Prenons parmi tant d’autres le mot “liberté“, régulièrement transformé en conquête ou préservation de droits garantis par l’Etat (comme la fameuse “liberté de“) ou exprimé sous forme d’oxymore (comme dans la défense du “marché libre” des biffins). Mais la liberté peut-elle vraiment être quelque chose de quantifiable, le synonyme abstrait d’une augmentation des choix possibles, ou n’est-ce pas au contraire l’expression de toutes les possibilités différentes qui peuvent se déployer dans le rapport avec les autres ? La liberté ne peut pas être enfermée à l’intérieur de lois et de règles valables pour tous, elle peut seulement naître du libre accord entre individus, en l’absence donc de tout système ou rapport autoritaire (Etat, capitalisme, religion, patriarcat).
Que le langage ne soit pas neutre, ne soit pas simplement descriptif, les autoritaires en tout genre l’ont compris depuis longtemps. Celui qui contrôle le sens des mots peut s’assurer d’une capacité considérable de maîtrise des esprits. Le pouvoir a ainsi toujours cherché à leur donner le sens qui l’arrange, qu’on songe par exemple à celui de terrorisme, qu’il dégaine d’un jet ininterrompu et à tout va depuis bien trop longtemps*. Partout où il y a une masse à manoeuvrer (ou une illusion de), on peut retrouver cet art de la politique qui consiste à travestir les faits en changeant les mots, y compris donc dans le soi-disant mouvement anti-autoritaire où les idées gauchistes font un retour en force depuis quelques années.
Dans leur miroir déformant, réduire les individus à leur couleur de peau n’est ainsi plus du racisme, mais devient une lutte contre les privilèges. Justifier la soumission à un code de loi gravé dans un vieux bouquin n’est plus une manifestation par excellence de l’autoritarisme (à combattre), mais devient une simple manifestation culturelle (à soutenir) ou une banale opinion (à tolérer). Jeter des pierres sur des journalistes ou des élus en toute occasion ne signifie plus manifester son hostilité irréductible avec le pouvoir, mais devient un manque d’intelligence tactique dans la composition avec lui. Dans la vague actuelle de renversement des contenus et de leur instrumentalisation au sein du mouvement, il n’est alors pas étonnant que même des concepts jusqu’à hier chers à beaucoup, comme l’autonomie ou l’auto-organisation, soient à leur tour vidés de leur sens par leurs partisans mêmes, neutralisant leur force pratique et les privant de leur portée potentiellement subversive. Faute de perspective révolutionnaire, au nom du pragmatisme ou de l’efficacité, de l’élargissement ou de l’ancrage sur un territoire, par esprit de grégarisme ou d’adaptation à un existant toujours plus trouble, l’heure semble de moins en moins à la diffusion de pratiques anti-autoritaires, et toujours plus à leur dilution au sein d’alliances de circonstance avec des politiciens de service (mais dans le respect de la diversité de chacun, hein !).
Et c’est peut-être comme cela, petit à petit, que l’éditeur officiel de tout un ramassis d’ordures a pu soudain se transformer en une opportunité à saisir pour d’anciens amateurs de la guerre sociale.

II. Le sens plutôt que la règle

« Forger et utiliser ses propres moyens de lutte placerait-il de fait en-dehors du champ des luttes sociales ? C’est le discours que tiennent l’Etat et ses relais directs car ils défendent leurs intérêts… »

Kalimero Paris, février 2008

En matière d’autonomie et d’auto-organisation, prenons le dernier cas d’école en date, à savoir les “membres” d’un collectif francilien qui participent “à des luttes ou à des mouvements sociaux“, et qui ont décidé de commercialiser leurs travaux en janvier 2016 chez Syllepse, une maison tolérante dont l’ouverture d’esprit avait été jusque là trop négligée par une partie du mouvement. Certes, prôner l’auto-organisation et la critique de la marchandise tout en alimentant de ses analyses les étals des supermarchés n’est pas nouveau, et ils n’ont pas beaucoup de mérite. Les stratèges blanquistes de la composition avaient déjà rouvert cette voie fructueuse avec l’éditeur de flic et de juge La Fabrique en 2007, avant que des vendeurs de mauvaise soupe ne les imitent en 2014 avec leurs trajectoires alternatives débitées chez l’éditeur du Mieux vaut moins, mais mieux de Lénine (ed. l’éclat). Mais tout de même, si des critiques du langage et de l’idéologie de la procédure pénale ont fait le choix d’un éditeur comme Syllepse, qui avait publié en 2011 un ouvrage coordonné par une magistrate dénonçant une “politique qui échoue à lutter contre la délinquance et qui désorganise la police et la justice” avant de suggérer “de nombreuses propositions alternatives en matière de fichage et de vidéo-surveillance” **, c’est qu’il doit bien y avoir une raison ou une cohérence quelque part. D’autant plus que leurs réunions se déroulent depuis des années dans un local dont les participants affichent justement leur ambition de “subvertir les rapports sociaux,c’est-à-dire remettre en cause cette société et la renverser“, à travers une “autonomie” définie comme une manière de s’organiser “hors des syndicats, des partis, des structures hiérarchiques“.

Afin de lever toute ambiguïté et pour ne pas en rester sur ce qui relève manifestement d’un télescopage malheureux au sein des collections de Syllepse -un peu comme si l’auteur d’un bouquin titré Mort à la démocratie donnait une interview à une grande radio d’Etat pour en faire la promotion-, faisons donc un rapide tour du propriétaire. Pour commencer, on pourrait consulter la quarantaine d’ouvrages de la Fondation Copernic publiés ces quinze dernières années par l’”alter-éditeur, engagé et non partisan“, mais aucun estomac n’y résisterait bien longtemps. Et de toutes façons, pour connaître les idées professées par ladite Fondation, inutile de se plonger dans l’écoeurante mixture qui mijote sous la bannière de “l’anti-libéralisme”. Le parcours de ses présidents successifs (1998-2015) suffira amplement : Yves Salesse (ex dirigeant national de la LCR, ex du cabinet du ministre communiste des transports Gayssot, ex porte-parole de Bové à la Présidentielle), Évelyne Sire-Marin (vice-présidente du TGI de Paris, ex Présidente du Syndicat de la magistrature et soutien de Mélenchon à la Présidentielle), Roger Martelli (membre du Parti communiste et ex de son Comité central), Caroline Mécary (ex conseillère régionale EELV et toujours conseillère de Paris), Janette Habel (ex du bureau politique de la LCR et signataire du Mouvement pour la sixième République), Pierre Khalfa (ex porte-parole de l’Union syndicale Solidaires et membre du Conseil scientifique d’Attac). N’en jetez plus, la poubelle déborde !
La “forme grammaticale qui privilégie les accords fondés sur le sens plutôt que sur la règle“, à laquelle Syllepse a emprunté son nom, a certainement trouvé avec la Fondation Copernic un accord à la hauteur de ses ambitions : être l’éditeur privilégié d’un des principaux laboratoires de la main gauche de l’Etat. Le genre de laboratoire indispensable pour redorer la façade craquelée du pouvoir, tenter d’éteindre les incendies qui couvent à sa base et imaginer comment lui assurer un semblant de légitimité sociale en temps de restructurations économiques. Tout de même, drôle d’endroit pour une Caisse d’auto-défense collective. A moins que ce ne soit leur désir commun de mouvement social et de collectif qui les ait réunis, puisque l’éditeur précisait dès son Manifeste de juin 2004 vouloir offrir “une caisse de garantie qui permet à tous nos auteurs de mener leur projet à bien et une caisse de résonance pour leurs idées“, ou encore que “notre force tient aussi à notre lien avec les mouvements sociaux“. Mais le problème, quand on nie à ce point l’individu, c’est qu’on finit très vite mal accompagnés,

Oublions donc vite fait cette collection particulière, Notes et Documents de la Fondation Copernic, et tentons de trouver un peu d’air frais du côté des dizaines d’autres collections du nouveau venu dans l’ex mouvance autonome. Là, surprise ou pas, on tombe sur des spécialistes de la vie des autres (dont des psys en tout genre), des prêcheurs d’Etat (universitaires ou de lycée) et autres autoritaires historiques (avec une prédilection pour les auteurs trotskystes, dont les 944 pages du boucher de Kronstadt parues en avril 2015 pour rappeler l’importance du front unique antifasciste***). Les autres collections remarquables de Syllepse se nomment par exemple ATTAC, Contretemps (revue dont le n°14 de 2012 contenait cet immanquable article titré “Syriza ou l’espoir retrouvé“), Espaces Marx, Les Cahiers de Critique Communiste, Mille marxismes (avec ces magnifiques “La politique comme art stratégique” et “Le dernier combat de Lénine” de 2011 et 2015) ou encore Séminaire marxiste… Réconcilier la rigidité théorique du passé avec le meilleur du réformisme du présent, en voilà bien un projet qui semble avoir trouvé son marché, si on en juge par les centaines d’ouvrages sortis chez Syllepse depuis 1989. En même temps, c’est vrai qu’à force de fréquenter les allées du pouvoir, on se perd moins dans le dédale de ses financements.
Mais comme il serait ingrat de demeurer en si mauvaise compagnie sans faire un détour par LA collection qui se veut un peu plus terre-à-terre, jetons un dernier coup d’oeil sur Arguments et Mouvements, dont le postulat est que les “acteurs du mouvement social et les mouvements sociaux produisent des idées, émettent des propositions, interprètent le monde et agissent sur lui” (merci pour eux). Des idées et des propositions qu’il aurait en effet été trop bête de gâcher en ne les récupérant pas au sein des différents rackets de la gauche de la gauche. Mais qu’on se rassure, la conception du mouvement social de Syllepse n’a même plus de quoi incendier un Palais d’Hiver, et va au mieux réclamer quelques miettes tout en pacifiant le rapport capital/travail : on retrouve pêle-mêle dans cette collection qui vient donc d’éditer Face à la police/Face à la justice de la Caisse d’auto-défense collective de Paris/Banlieue (Cadecol), des livres signés Syndicat Solidaires des finances publiques, Syndicat national des chercheurs scientifiques, Syndicat National Unifié des Impôts, Sud-Étudiant ou encore VISA (“association intersyndicale unitaire composée d’une cinquantaine de structures syndicales : la FSU et plusieurs de ses syndicats, l’Union syndicale Solidaires et plusieurs de ses syndicats, des fédérations et des syndicats de la CGT, de la CFDT, de la CNT, de l’UNEF et le Syndicat de la magistrature“).
Arrivés à ce stade, on se dit que, franchement, ce n’est pas juste un mauvais hasard ou de la naïveté, mais un véritable choix tactique qui a fait s’accoupler dans un ballet abject le livre de la caisse des autonomes franciliens avec (notamment) celui de la vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, grâce à un éditeur commun qui annonce clairement ses intentions : “nos livres parlent séparément mais frappent ensemble” (à la porte des institutions), parce que leurs multiples langues débouchent “vers des compréhensions communes, vers une langue partagée, vers un sens commun, vers des « tous ensemble » de la pensée et de l’action“.

III. Les moyens de leurs fins

Dans son court texte de présentation technique, Cadecol se définit comme un outil à “utiliser de manière autonome afin se donner en amont les moyens de s’organiser le plus efficacement possible contre la répression“. Si ce collectif apporte à son tour sa petite pierre pour vider à sa manière le mot autonome de la charge subversive qu’il pouvait encore contenir -comme d’autres l’ont fait avant lui-, ne peuvent pourtant rester surpris que celles et ceux qui s’étaient arrêtés au début de la phrase. Car que peut bien vouloir dire une expression aussi absolue que “le plus efficacement possible“, sinon déconnecter absolument les fameux moyens des fins ? C’est un vieux truc qui permet de tout justifier au nom d’un intérêt commun supérieur (le maximum d’efficacité supposée… et donc l’art du calcul spéculatif), laissant le champ libre à une poignée de fins dialecticiens qui viendront nous éclairer du haut de leur clairvoyance. Le Comité invisible, qui en connaît un rayon sur le sujet, avait logiquement choisi de vendre sa soupe chez un fana de Lénine. La Caisse francilienne a choisi de son côté de se donner des moyens de s’organiser en amont en s’offrant à un fana de Trotsky. Une différence qu’on ne s’explique autrement que par la composition des assemblées du dit “mouvement social” selon les périodes et le sujet du moment (la CGT des raffineries, c’est pas le NPA des réfugiés).

Quant aux autres, tous les autres, pour qui la fin ne justifiera jamais les moyens, pour qui un éditeur de centaines de conseillers du prince restera toujours un ennemi à combattre plutôt qu’un allié provisoire à utiliser ou avec lequel s’accoquiner, pour qui s’organiser de façon autonome signifie s’associer entre individus révolté-e-s dans un espace de lutte anti-autoritaire où les mots et leur sens ne sont pas mutilés…
…l’horizon de la solidarité et de l’offensive sera toujours bien plus vaste et bien plus respirable que tous les marigots du plus efficacement possible.

Sans fleurs ni couronnes,
Bagnolet, début janvier 2016

* Car si le terrorisme signifie frapper dans le tas de manière indiscriminée pour tenter de préserver ou conquérir le pouvoir, et que l’Etat n’en a pas toujours le monopole exclusif, une affiche rappelait également fort à propos il y a quelques années à quel point ce terme avait été biaisé et restreint de manière instrumentale : “Dans ce monde à l’envers, le terrorisme ce n’est pas contraindre des milliards d’êtres humains à survivre dans des conditions inacceptables, ce n’est pas empoisonner la terre. Ce n’est pas continuer une recherche scientifique et technologique qui soumet toujours plus nos vies, pénètre nos corps et modifie la nature de façon irréversible. Ce n’est pas enfermer et déporter des êtres humains parce qu’ils sont dépourvus du petit bout de papier adéquat. Ce n’est pas nous tuer et mutiler au travail pour que les patrons s’enrichissent à l’infini. Ce n’est pas même bombarder des populations entières. Tout cela, ils l’appellent économie, civilisation, démocratie, progrès, ordre public.”
(Qui sont les terroristes ?, avril 2008)
** Selon le résumé promotionnel disponible sur le site de l’éditeur. Ficher, filmer, enfermer, vers une société de surveillance ?, coordonné par Evelyne Sire-Marin, ed. Syllepse, février 2011
*** Une position toujours défendue par l’un des coordinateurs du livre de Trotsky et fondateur historique toujours en place de Syllepse, Patrick Silberstein, par ailleurs pétitionnaire multirécidiviste en compagnie d’élus de gôche, ex dirigeant de Ras l’Front et un des animateurs de la campagne.présidentielle de Bové.

[Publié sur indymedia nantes, 09/01/2016]

Valence (26), 9 janvier 2016, pour les paysan-nes de Notre Dame des Landes

Selon le communiqué reçu sur la boite mail du laboratoire, mais d’autres version circulent
Nous étions 130 personnes à se réunir ce jour à 16h30 à Valence, sur le champ de mars, pour manifester contre les expulsions à Notre Dame des Landes.
Ici comme à Nantes et ailleurs, nous sommes déterminé-es à empêcher la procédure
que Vinci a relancé contre les habitant-es historiques des terres du bocage.
Après une brève prise de parole reprenant le texte de COPAIN 44 concernant la journée de mobilisation nationale, la manifestation festive s’est dirigée vers le palais de justice au son de la batucada, avec fanfare et chorale improvisée.
Cotillons et chapeaux pointus venaient faire un pied de nez aux déplorables “résolutions”du gouvernement. Et malgré la présence insistante de la Police municipale, la joie de manifester l’a emporté sur ces intimidations et nous avons pu déambuler en plein centre ville commercial jusqu’à la nuit.
Nous nous réjouissons car, même face à cette organisation au pied levé et en plein état d’urgence, la mobilisation s’est montrée vivante, réactive, bel et bien relancée.
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paru sur indymedia. grenoble
Valence, samedi 9 janvier 2015, 17h. Nous sommes presque 150 personnes devant le kiosque du champ de Mars, avec des banderoles soutenant les occupants de Notre-Dame des Landes.

Nous décidons de partir en cortège vers le palais de Justice derrière une Batucada, escortés par les motos de la police municipale. Après quelques mètres dans les rues commerçantes ils nous barrent le passage. Mais nous prenons un autre itinéraire pour rejoindre le Palais de Justice, destination symbolique mais plutôt déserte. Nous repartons alors vers les rues commerçantes, toujours accompagnés des flics municipaux plutot nerveux. L’un d’eux coupe le cortège avec sa moto, risquant de nous écraser. Notre cortège bruyant et bariolé intrigue visiblement les badauds, nous crions quelques slogans et frappons dans nos mains.

Alors que nous sommes presque revenus à notre point de départ pour nous disperser, les municipaux attrapent un camarade, qui aurait soi-disant « poussé » ou « déstabilisé » un des motards (sans doute celui qui a failli nous écraser quelques minutes avant ??). Nous nous regroupons alors autour de la petite dizaine de flics qui l’entourent, pour exiger sa libération. Après quelques minutes de face-à-face (débats, chansons…), ils le laissent repartir et nous rejoignons ensemble le kiosque à musique.

Contents d’avoir un peu « repris la rue » à l’état d’urgence, à ses interdictions absurdes et à ses serviteurs en bleu !

Acte de révolte, bien privé ?

Une question rôde à Valence depuis le premier janvier 2016, après l’attaque contre des militaires à Fontbarlette: qui sont les terroristes?

copier coller de brèves du désordre

Certes, jusqu’au dernier millénaire, les choses étaient plus simples. Face à un acte de révolte, les uns condamnaient et prenaient publiquement leurs distances, les autres mettaient la tête dans le sable et faisaient mine de rien, et les derniers le défendaient ouvertement. On ne parle pas ici des revendications diffusées par les auteurs de ces actes. On parle de tous ceux qui exprimaient publiquement leur propre approbation, leur propre appui, leur propre solidarité avec ces actions. Prendre la défense de la révolte, lui donner toute les raisons, en exprimer toutes les passions ne devrait-il pas tenir à cœur de tout subversif ? Et prendre cette liberté de pensée et de parole ne devrait-il pas être le minimum à faire ?

Vu la difficulté d’identifier les auteurs matériels de ces actes, mais connaissant bien l’identité de ceux qui les défendaient publiquement, les enquêteurs ont commencé assez souvent à incriminer les seconds en leur imputant la paternité du fait. En se basant sur une hypothèse, naturellement, vu que la correspondance entre les premiers et les seconds ne va certes pas de soi. Peut-être oui, peut-être non, peut-être seulement pour certains, peut-être seulement dans certains cas. Mais pour un flic, qu’est-ce que voulez-vous que cela lui fasse ? Un flic ne fait pas tant de différences, et au fond, freiner l’idée est déjà quelque chose, c’est déjà un premier pas pour entraver et endiguer y compris l’action. A titre d’exemple, combien d’anarchistes ont-ils été mis sous enquête parce que coupables de rédiger des publications où on se réjouissait d’actes de révolte ou de désordre ? Il est facile de comprendre la question qui passe dans la tête d’un inquisiteur : pourquoi ceux-là défendent-ils ouvertement de tels actes ? C’est clair qu’aucune personne comme il faut ne le ferait. Un tel comportement est louche, suspect… en somme, ça doit avoir été eux, et si ce n’est pas le cas, ils n’en sont pas loin !

La mise en cause policière de cette idée, avec tous les ennuis que cela comporte, n’est probablement pas étrangère au développement depuis des années d’une habitude alors peu présente à l’époque : aujourd’hui, face à un acte de révolte, il y a encore ceux qui condamnent et se dissocient (une couardise qui n’est ailleurs plus seulement réservée aux rangs des organisations militantes les plus momifiées), et ceux qui affichent leur indifférence. Quant aux autres, beaucoup ont commencé à rendre compte de ce qu’ils considèrent comme le plus enthousiasmant en se limitant à reproduire scrupuleusement ce qui était écrit par des journalistes, précisant la provenance de la source. Le résultat est à présent que les subversifs qui prennent publiquement la défense des actes de révolte ont quasi disparu, tandis que prolifèrent ceux qui au mieux copient-collent ce qui est écrit par les agences de presse.

Tout cela a eu pour effet un nouveau renforcement de la vieille supposition policière selon laquelle une infraction à la loi ne peut être ouvertement appréciée que par ceux qui l’ont accomplie. Il suffit de penser aux journalistes, qui depuis quelques temps sont les seuls à définir « revendication » tout texte favorable à un acte de révolte. Ou bien il suffit de penser à ces petits chefs milicons* qui il y a un an nous ont publiquement indiqués comme responsables de certains sabotages contre la Grande Vitesse en tant qu’animateurs d’un site qui a toujours défendu une telle pratique. C’est en train de devenir un lieu commun : seuls ceux qui accomplissent certains actes de révolte peuvent défendre ouvertement de tels actes de révolte. Personne d’autre. Tous les autres —s’ils ne les condamnent ou ne s’en dissocient pas— doivent se taire, faire mine de rien, ne pas s’exprimer, et au mieux reporter l’info de la manière la plus ascétique possible en la reprenant de la presse du régime.

Eh bien, on vient juste de découvrir qu’à ce qu’il paraît, cette brillante logique ne rebondit pas seulement dans la désolante cervelle des flics et de leurs serviteurs, mais brasse aussi dans la petite tête de certains anarchistes. La chose — par les temps qui courent — ne nous a pas étonnés plus que cela.
Prenons-en acte. Mais pour nous, défendre un acte de révolte n’a rien à voir non seulement avec le fait de répéter mot à mot les paroles des mass médias, et même pas non plus avec le fait de plaire aux auteurs matériels de cet acte. Certainement pas, en tout cas, lorsqu’ils formulent exactement la même exigence que ceux qui voudraient qu’en dehors des condamnations, du silence et du papier-carbone existent uniquement des revendications (et même pas si cette prétention était défendue « de bonne foi », inopiné effet collatéral d’un caprice).

Voilà, il ne manquait plus que ça. Après le citoyennisme qui voudrait transformer les lueurs nocturnes collectives en bien commun, se pointe un certain nihilisme qui voudrait transformer les lueurs nocturnes individuelles en bien privé. Et sur cette question aussi, non, en effet, nous ne sommes pas d’accord. A notre avis, défendre les actes de révolte devrait être l’oeuvre de tous les compagnons, et pas seulement de ceux qui les accomplissent. Et puisqu’il est souhaitable que les compagnons singuliers n’aient pas une pensée unique et un langage unique, il est d’autant plus souhaitable que chacun défende la révolte comme mieux lui semble. Les raisons de l’acte comme ses passions n’en ressortiront en effet pas égratignées ou instrumentalisées parce que peu respectueuses des droits d’auteur, mais enrichies, amplifiées, diversifiées. Soutenir, défendre, élargir les raisons de la révolte signifie la mettre à disposition de tous, cela signifie chercher une brèche pour l’amener dans le coeur de chacun, cela signifie tenter de faire qu’elle s’étende et se généralise. Une hypothèse qui évidemment n’intéresse pas les contemplatifs de leur propre image, selon lesquels ce qu’ils font ne peut être apprécié que par eux-mêmes et par ceux qui en recopient chaque lettre. Comme si un acte de révolte était un fait privé, propriété exclusive de ceux qui sont en mesure d’en certifier la paternité.

Mais si la révolte est comme la poésie et doit être faite par tous, si la meilleure manière de défendre la liberté de pensée et de parole est de l’exercer, alors nous espérons de notre côté que soit abandonné l’insignifiant copier-coller et qu’on commence (ou revienne) à défendre ouvertement les actes de révolte en utilisant chacun son propre langage et ses propres raisons. Les défenseurs de l’ordre public iront à la chasse aux sorcières, c’est possible. Les démagogues du mouvement iront à la chasse aux provocateurs, c’est probable. Les révolutionnaires armés AOC iront à la chasse aux infidèles de la ligne, c’est vraisemblable.
Et alors ?

NdT : jeu de mots entre « militante » (militant) et « tonto » (imbécile).

[Traduit de l’italien de Finimondo, 8/1/16]

Île-de-France, Marseille, Coquelles, Toulouse : Solidarité contre l’enfermement

note du laboratoire du 10/01/:2016:  le nouveau centre pénitentiaire de valence , Après le transfert des prisonniers de la maison d’arrêt de l’avenue de chabeuil au mois de novembre et au mois de janvier des  prisonniers  longues peine dans « la maison centrale » ont commencé d’être enfermés dans ce centre pénitentiaire.Le silence de la presse locale , des organisations ,des anticarcéraux continuent d’être de mise face à cet horrible système??…..  Et même mieux la ville de Valence a laissé depuis deux mois les panneaux directionnel  vers l’ancienne  maison  d’arrêt……!! Aucun panneau indicatif vers le centre pénitentiaire même à une sortie de la Lacra ( contournement de valence) proche du centre pénitentiaire..

Région parisienne : 31 décembre 2015 – nouvel an solidaires des enfermé.es

Paris-luttes.info / lundi 4 janvier 2016

Des feux d’artifice et des cris de liberté ont été lancés le soir du réveillon par-dessus les murs du centre de rétention de Vincennes, de la maison d’arrêt de Fresnes et de la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis.
À l’intérieur des prisonnier.es ont répondu avec enthousiasme dans un joyeux boucan.
Le lendemain, petit rassemblement et feux d’artifice devant l’hôpital psychiatrique rue du général Lassalle (paris 19e arrondissement)

Force courage et détermination
Liberté pour tou.tes, avec ou sans papiers

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Marseille – Nouvel an : à minuit devant les Baumettes

mars-info.org / mardi 5 janvier 2016

Pétards, feux d’artifice et solidarité pour les prisonnier-ère-s…
Pour cette soirée de nouvel an, on était une trentaine de personnes à minuit devant la prison des Baumettes pour lancer pétards, feux d’artifice et crier notre solidarité envers les personnes incarcérées.
Nous avons entendu nettement les filles de la MAF (Maison d’arrêt pour femmes) ainsi que les hommes des bâtiments qui donnent sur l’extérieur.

Liberté pour tou-te-s !
Détruisons toutes les prisons et cet horrible système qui les produit !

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Compte-rendu de la manif bruyante du nouvel an au centre de rétention de Coquelles [au sud-ouest de Calais]

coquellesHier après-midi, environ 80 personnes se sont rassemblées pour une manif bruyante à l’extérieur du commissariat / centre de rétention de Coquelles afin de protester contre la violence du régime des frontières. Ils ont été rejoints par une bande de flics et quelques fascistes locaux du groupe “Calaisiens en colère”, qui ne se sont pas démerdés pour rester incognito.

La manif a rassemblé un mélange de personnes – certaines reliées à ‘Calais Migrant Solidarity’, des militants antifa, des militants et bénévoles des équipes de distribution, et des personnes avec ou sans-papiers vivant à Calais – qui ont tous voulu exprimer leur solidarité avec ceux qui sont emprisonnés dans le centre de rétention et exprimer leur colère vis-à-vis de ce système qui les a enfermer.

coquelles2Rassemblée devant l’entrée du poste de police, la foule a fait une cacophonie féroce et joyeuse avec des casseroles et des instruments de musique, accompagnées d’un trombone et d’un sound system jouant des airs classiques de la “jungle”. Des banderoles ont été accrochées sur les clôtures autour de la prison, avec des slogans tels que: “Du conflit à la cage: bienvenue en Europe!”, “Liberté de mouvement pour tous!”, “Libérez le tunnel sous la Manche 3” et “No borders, No Nations, Stop Deportations”.

Le groupe s’est déplacé aux abords de la prison, puis vers l’arrière du bâtiment, là où les gens sont maintenus en rétention et a marché jusqu’aux lignes de flics qui attendaient la foule avec leurs bombonnes de gaz lacrymo en mains. La foule est restée à l’extérieur, faisant une déclaration passionnée de solidarité avec ceux internés lors de la nuit du réveillon, solidarité, qui s’est fortement faite ressentir. La fête a duré plusieurs heures jusqu’à ce que tout le monde ait décidé de partir. Des discours ont été faits, qui ont également exprimé le sentiment du rassemblement: que ce n’est pas fini tant qu’il restera quelqu’un derrière les barreaux du centre de rétention de Coquelles.

[Traduit librement par Le Chat Noir Emeutier de Calais migrant solidarity]

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Toulouse : Feux solidaires pour la nouvelle année

Dans la nuit du 31 décembre au 1° janvier, des feux d’artifice ont éclaté devant le centre de rétention administratif de Cornebarrieu ainsi que devant le centre de détention de Seysse, en solidarité avec les prisonnières et les prisonniers.

[autodérision on]
Au cours d’une nuit incandescente, des engins pyrotechniques ont pris leur envol afin d’ouvrir une brêche dans l’existant et d’égayer un court instant le triste ciel des invisibles.
[autodérision off]
Feu à toutes les prisons.
Que crève l’état.

Athènes [Grèce] entreprise Samsung , Une voiture brûlée

Le lundi 4 Janvier, à l’aube, a été mis le feu à une voiture de la compagnie Samsung qui était garée en face d’un magasin de la même société au 3 rue Septemvriou. Bien que toutes les raisons des voitures brûlent, le choix de ce cas particulier était facile, puisque Samsung est directement impliqué dans le développement de technologies de contrôle tels que des caméras avec la reconnaissance faciale ou l’identification des individus par le biais d’appels téléphoniques .
Pour la destruction de la société de la prison et de la civilisation techno-industrielle.
d’après contra info es..