Travail et mépris.

juillet 2014 Venant Brisset
« Moi, je fais partie de ceux qui défen­dent que le rap­port au tra­vail n’est pas contin­gent, n’est pas acces­soire, n’est pas anec­do­ti­que, que tout être humain cher­che d’une cer­taine façon à tra­vers le tra­vail l’occa­sion de se mettre à l’épreuve de soi, pour deve­nir soi-même, pour s’accom­plir. Je pense que c’est un inva­riant humain. Le mépris dans lequel est tenu le tra­vail n’est pas d’aujourd’hui. Ça a existé déjà dans l’Antiquité, c’étaient les escla­ves, c’est passé par les serfs de l’Ancien régime, ça conti­nuait avec le tay­lo­risme et le for­disme, et aujourd’hui on est dans le suprême mépris du tra­vail. Cet écart, et cette mani­pu­la­tion qui est faite en faveur du patri­moine et des reve­nus spécula­tifs contre le tra­vail dont on est prêt à détruire toutes les caractéris­ti­ques, celles qui sont néces­sai­res à l’exer­cice de l’intel­li­gence et à l’exer­cice de l’accom­plis­se­ment de soi, oui, je pense que nous sommes dans une évolu­tion qui res­sem­ble beau­coup à une décadence de la civi­li­sa­tion. »

Christophe Dejours

1 Retranscription (par mes soins) de son inter­ven­tion orale dans le docu­men­taire « La mise à mort du tra­vail, com­ment les logi­ques de ren­ta­bi­lité pulvérisent les liens sociaux et humains », réalisé par Jean-Robert Viallet, 2009, France 3 éditions.
I

2 Le docu­men­taire « La mise à mort du tra­vail » est composé de trois par­ties inti­tulées « La des­truc­tion », « L’aliénation », et « La dépos­ses­sion ». L’inter­ven­tion de C. Dejours vient en conclu­sion de la troisième partie : on peut y voir légiti­me­ment le résumé-synthèse de l’enquête.

3 La première partie est consacrée aux trou­bles actuels éprouvés dans le monde du tra­vail : souf­france morale ou phy­si­que dans l’entre­prise, harcèlements, licen­cie­ments dis­ci­pli­nai­res, procédures aux prud’hommes. La deuxième partie est tout entière occupée par l’étude d’une entre­prise de ser­vi­ces, Carglass (réseau de points de répara­tion et de chan­ge­ment de pare-brise) et de ses tech­ni­ques per­ver­ses de mana­ge­ment pour pres­su­rer aussi bien ouvriers que cadres de base. La troisième montre le lien entre le rachat d’une vieille firme indus­trielle, Fenwick (cha­riots élévateurs), par un fond d’inves­tis­se­ment américain (KKR) et ce qui en résulte comme procédures d’extrac­tion de gise­ments de pro­duc­ti­vité, issues du « toyo­tisme », sur les ouvriers de la chaîne de mon­tage et d’exi­gence d’agres­si­vité com­mer­ciale accrue pour les cadres.
II

4 Les notes sui­van­tes pren­nent prétexte de l’inter­ven­tion citée en exer­gue pour dis­cu­ter de la posi­ti­vité du tra­vail face aux tur­pi­tu­des financières, telle que mise en scène dans la contes­ta­tion actuelle du capi­ta­lisme « néolibéral ». Le parti pris cri­ti­que qui sera développé a trouvé dans les apo­ries de C. Dejours une excel­lente occa­sion de se ravi­ver : il consiste à penser que le tra­vail est une acti­vité contrainte, mise en acte d’une domi­na­tion sociale et n’est pas le propre générique de l’homme. Une société humaine pour­rait par­fai­te­ment se repro­duire par la conju­gai­son des apti­tu­des et des affi­nités, avec les tâches col­lec­ti­ves néces­sai­res que l’on connaît ; pour cela il lui fau­drait se débar­ras­ser du fatras de la somme de tra­vail auto-entre­te­nue par et pour la faim tou­jours plus extra­va­gante, car sans limite, de sur­pro­duit/sur­va­leur. Mais ce serait une autre his­toire, celle d’une socia­lité qui aurait décroché du fétichisme du tra­vail et de sa magie pro­duc­tive nour­ris­sant l’aveu­gle­ment hal­lu­ci­na­toire qui ne sait pas per­ce­voir les conséquen­ces nui­si­bles de sa puis­sance illi­mitée. La pro­pa­gande de la société orga­nisée sur l’obli­ga­tion au tra­vail aime à oppo­ser, d’un côté, l’aiguillon réaliste de la nécessité et de la contrainte « extérieu­res », en fait la peur du manque socia­le­ment orchestrée, qui, seules, obli­ge­raient à pro­duire pour la satis­fac­tion des besoins sociaux, et de l’autre, l’utopie d’une acti­vité libre et concertée qui vire­rait vite au far­niente et au dénue­ment subi. Les thuriféraires du progrès et du marché ren­voient à de sim­ples dys­fonc­tion­ne­ments cor­ri­gi­bles les mani­fes­ta­tions en cas­cade engendrées par l’incons­cience qui gît dans le tra­vail : pour­tant, toutes les pol­lu­tions sont fruits du tra­vail et de l’emploi à tout prix…
III

5 La croyance en la « natu­ra­lité » évidente du tra­vail confond la capa­cité excep­tion­nelle de la vita­lité humaine à s’extério­ri­ser et à s’objec­ti­ver avec la pro­duc­tion néces­saire des condi­tions d’exis­tence, dont le niveau et l’étendue res­tent dis­cu­ta­bles. La conni­vence entre domi­nants et dominés inter­vient quand l’éthique du tra­vail adule le piège de l’objec­ti­va­tion débridée et valide l’illi­mi­ta­tion de la pro­duc­tion réclamée par l’accu­mu­la­tion capi­ta­liste. Or, « […] une société vrai­ment libre, une société auto­nome, doit savoir s’auto­li­mi­ter, savoir qu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire ou qu’il ne faut même pas essayer de faire ou qu’il ne faut pas désirer. » (C. Castoriadis). Une société de pala­bres aux besoins fru­gaux n’est pas moins humaine. On ne peut cri­ti­quer complètement la sujétion au capi­tal si on ne met pas aussi en cause cette com­pul­si­vité du « faire » qui a refoulé d’autres modes de présence et de face-à-face humain. Car c’est la pro­pen­sion à la puis­sance pra­ti­que, engendrée par la guerre intra-humaine de l’appro­pria­tion et de la reconnais­sance, qui déferle et sac­cage le monde natu­rel.

6 Il n’est ni fatal, ni dans la nature de l’homme que la seule objec­ti­va­tion où il puisse s’accom­plir soit l’acti­vité dis­ci­plinée, systémati­que appelée tra­vail. On pro­duit certes rare­ment tout en jouant, mais effort, concen­tra­tion, ingéniosité sont bien davan­tage les caractéris­ti­ques d’une acti­vité libre que celles du tra­vail contraint-pour-la-paie.
IV

7 Cependant, il n’est pas ques­tion de désamor­cer la ques­tion de la cen­tra­lité supposée néces­saire du tra­vail en pro­po­sant de reléguer les tâches de pro­duc­tion de la richesse sociale, que les col­lec­ti­vités auraient jugées indis­pen­sa­bles, aux bons soins d’une machine sur­so­cia­lisée et auto­ma­tisée — il fau­drait tou­jours des dépan­neurs d’urgence d’astreinte. Et à l’inverse, on ne peut pas sortir de la problémati­que épineuse de la com­bi­nai­son sociale de tâches dis­tinc­tes et de l’échange de leurs fruits, en croyant tout faire par soi-même ou à défaut au sein de peti­tes col­lec­ti­vités autar­ci­ques. La nécessité rela­tive de pro­duire « les condi­tions d’exis­tence » et la mobi­li­sa­tion que cela requiert est sou­vent discutée sous l’angle de la pro­duc­ti­vité atteinte par les machi­nes qui épar­gne­rait du labeur, mais rare­ment sous l’angle de ce qui existe déjà, fruit de la longue his­toire humaine, des bâtiments aux ponts et aux four­chet­tes… qui ne néces­si­te­rait plus dans un monde sensé d’être fabriqué à nou­veau — alors que le capi­ta­lisme détruit cyni­que­ment pour pou­voir mettre en œuvre à nou­veau du tra­vail exploi­ta­ble. À rebours, on peut faire l’hypothèse qu’à des périodes his­to­ri­ques définies la cen­tra­lité de l’acti­vité pro­duc­tive a pu être légitime sans être tota­le­ment tri­bu­taire de l’extor­sion du sur­pro­duit par la classe domi­nante : par exem­ple, quand des popu­la­tions se séden­ta­ri­saient dans de nou­vel­les contrées, ou dans une phase de recons­truc­tion après tempêtes, séismes, etc. Désor­mais, cette cen­tra­lité est main­te­nue arti­fi­ciel­le­ment : on tente à toutes forces de main­te­nir le tra­vail comme seul medium de reconnais­sance sociale, alors que son inconsis­tance en qualité et en quan­tité atteint des som­mets ; en réalité, c’est la dépen­dance à la machine glo­bale sur­so­cia­lisée (concen­tra­tion urbaine, infor­ma­ti­sa­tion, etc.) qui est requise et effec­tive.
V

8 La dis­cus­sion néces­saire s’arti­cule à partir des deux ver­sants sui­vants de la ques­tion : premièrement, le tra­vail est his­to­ri­que­ment une acti­vité dirigée, dans une société de clas­ses, et sou­mise à des fina­lités qu’elle ne maîtrise pas : la pour­suite sans fin d’une richesse ou d’un dévelop­pe­ment, vola­tils ou abs­traits et sans rap­port avec l’épanouis­se­ment de la sen­si­bi­lité humaine ; deuxièmement, et même si est bien prise en compte l’acuité des problèmes que des popu­la­tions ren­contre­raient « libre­ment » pour s’appro­vi­sion­ner, la place de cette nécessité n’est pas fata­le­ment appelée à être reconduite comme cen­trale. C’est par la dis­pro­por­tion atteinte dans les sociétés humai­nes par le poids écra­sant d’une écono­mie folle et incontrôlable que l’on peut être porté au sen­ti­ment que cette énormité obs­true l’avenir, et ne peut plus être assumée que sous la contrainte — dont la situa­tion japo­naise post-Fukushima de ges­tion de la soi-disant « déconta­mi­na­tion » nous donne un aperçu.
VI

9 Revenons précisément aux incohérences « cohérentes » de C. Dejours, tant il est vrai que l’idéologie est tou­jours une fausse ratio­na­lité : en tant que psy­chia­tre-psy­cha­na­lyste Christophe Dejours est connu pour avoir été, dans les années 1990-2000, un des pion­niers de la recher­che sur la souf­france (moderne) au tra­vail. Mais il ne s’éloigne pas de la ligne théorique freu­dienne qui natu­ra­lise le tra­vail — puisqu’un des symptômes de la névrose se mani­fes­te­rait par la dif­fi­culté à tra­vailler —, sans même détailler l’his­toire de ses formes suc­ces­si­ves. Certes, le tra­vail peut être idéalisé dans la figure de l’arti­san ébéniste qui s’accom­plit dans son œuvre par exem­ple, sans même parler du tra­vail gra­ti­fiant du médecin, etc. mais ces formes de tra­vail sont si peu domi­nan­tes qu’elles n’ont pas grand-chose de commun avec le sala­riat généralisé. Néanmoins, dans son inter­ven­tion, il ouvre la boîte de Pandore à son détri­ment, puisqu’il place le tra­vail comme sup­port et fac­teur renou­velé d’un rap­port de mépris de la classe domi­nante envers la classe dominée, qui pour­tant la sert, mais sans qu’il nomme ce rap­port de clas­ses ; car c’est le tra­vail dans son essence huma­ni­sante qui parait méprisé et non les tra­vailleurs, acteurs concrets. La contra­dic­tion dans laquelle les êtres humains qui tra­vaillent « cher­che­raient d’une cer­tain façon à tra­vers le tra­vail l’occa­sion de se mettre à l’épreuve de soi, pour deve­nir soi-même, pour s’accom­plir » en s’y fai­sant mépriser n’est pas pensée par C. Dejours, et parait inso­lu­ble et fan­tas­ma­go­ri­que, puis­que « le mépris dans lequel est tenu le tra­vail n’est pas d’aujourd’hui. »

10 La courte argu­men­ta­tion orale de Dejours, forcément moins élaborée qu’une synthèse écrite, laisse de ce fait trans­paraître les fon­da­men­taux de sa pensée : par delà l’inva­riance du besoin de s’accom­plir dans le tra­vail poin­te­rait l’inva­riance de la domi­na­tion et donc la natu­ra­li­sa­tion de la scis­sion de la société en clas­ses. Ou bien, si peu que le tra­vail ne soit pas abso­lue contrainte, il en irait alors d’un maso­chisme fon­cier chez les tra­vailleurs à croire — et vou­loir — s’accom­plir là où ils sont méprisés. En défini­tive, le piège dans lequel s’entor­tille l’huma­nité pour extério­ri­ser sa vita­lité c’est de se cons­ti­tuer pri­sonnière dans des rap­ports de sujétion par les­quels il lui semble qu’il faut imman­qua­ble­ment passer pour expri­mer cette vita­lité.
VII

11 À suivre la cri­ti­que de la seule « finan­cia­ri­sa­tion » du monde, il ne pour­rait pas y avoir conni­vence entre tra­vail et domi­na­tion financière. À trop idéaliser ce qui reste de contenu du tra­vail (les savoir-faire, les com­mu­nautés et liens sociaux mis en place par le tra­vail) qui serait exploité et détourné de ses poten­tia­lités his­to­ri­ques (l’abon­dance dans la joie), cette cri­ti­que en vient à occulter la conni­vence dans la forme. Ainsi il est devenu admis par tout le monde qu’il suffit de tenir un seg­ment de la divi­sion du tra­vail si petit soit-il — par exem­ple, pour citer un tra­vail on ne peut plus hors sol et arti­fi­ciel, pro­gram­meur de jeux vidéos sur l’inter­net — pour avoir accès, par son revenu monétaire, à toutes les mar­chan­di­ses du monde, au point même de négliger toute repro­duc­tion par soi-même sans la média­tion de l’échange mar­chand : nour­ri­ture indus­tria­lisée, santé, jusqu’à la procréation main­te­nant bio­lo­gi­que­ment assistée… Pouvoir par­ti­ci­per soi-disant au monde par l’inter­net et ses lon­gues heures de surf vau­drait bien de négliger de faire sa cui­sine, a for­tiori si cela sup­pose d’avoir au préalable cultivé son jardin. La conni­vence inter­vient aussi à d’autres niveaux : la reconnais­sance de soi par les autres tra­vailleurs, voire même par les maîtres, et l’iden­ti­fi­ca­tion au statut socio-pro­fes­sion­nel, prévalent par rap­port au ques­tion­ne­ment sur la fina­lité de ce qui est pro­duit. Le temps libre est lui aussi colo­nisé par la com­pul­si­vité du faire — la grande dis­tri­bu­tion spécialisée dans le bri­co­lage, qui en jouit, en sait quel­que chose — au détri­ment du bavar­dage, du débat sur les orien­ta­tions com­mu­nes, de la médita­tion…
VIII

12 Le tra­vail serait mal­traité sans voir que c’est le tra­vail qui est mal­trai­tance en tant qu’il est acti­vité contrainte — ou auto-suggérée par impératif exis­ten­tiel sous condi­tion­ne­ment cultu­rel de « rem­plis­sage », selon lequel le tra­vail seul apporte consis­tance à l’exis­tence. La morale dif­fuse « qui ne tra­vaille pas ne mange pas1 » reste menaçante en Occident malgré les « amor­tis­seurs sociaux », et active là où le capi­ta­lisme pénètre encore sau­va­ge­ment à l’heure actuelle. Sous l’empire de cette sanc­tion sociale, se sura­jou­tent, au sein de cette acti­vité non-libre, les liens de subor­di­na­tion à la hiérar­chie, à la pro­duc­ti­vité socia­le­ment requise, etc.

13 La concep­tion de Dejours ne dépasse pas la représen­ta­tion citoyen­niste dif­fuse qui voit dans le tra­vail cet inva­riant « natu­rel » à la puis­sance pro­duc­tive magi­que, et au poten­tiel « socia­li­sant » mal­heu­reu­se­ment dépouillé et mar­ty­risé par la spo­lia­tion financière — au point de rendre aveu­gles ses contemp­teurs, oublieux des usines d’arme­ments, de l’indus­trie chi­mi­que nocive, etc. Dejours s’aide pour cela d’une ten­ta­tive d’his­to­ri­ci­sa­tion en opérant une césure entre un « avant » et ce « main­te­nant » où le mépris attein­drait un tel degré dans le mana­ge­ment des DRH (direc­tion des rela­tions humai­nes dans les entre­pri­ses, conseillées par tant de consul­tants) que cela enga­ge­rait « une décadence de la civi­li­sa­tion ». Le vieil illu­sion­nisme ata­vi­que bour­geois de la croyance quasi phi­lan­thro­pi­que de donner du tra­vail aux pau­vres, abou­ti­rait cette fois au cynisme. Comme si Dejours se rete­nait de conclure que tra­vail et mépris devien­nent d’autant plus consub­stan­tiels que le tra­vail est plus entièrement soumis à une fin « autre ». Flexibilité et précarité aidant, la force de tra­vail dis­po­ni­ble, deve­nue varia­ble d’ajus­te­ment, sans atta­che et sans base arrière, serait, aux yeux des décideurs rivés sur leur réalisme com­pu­ta­tion­nel, plus mépri­sa­ble du fait de cette dis­po­ni­bi­lité abs­traite.
IX

14 On est bien loin de la situa­tion décrite à la fin du XIXème siècle où les ouvriers pari­siens fiers de leurs métiers et de leurs savoir-faire, dans les­quels sub­sis­taient encore des restes de la sou­ve­rai­neté de l’arti­san, s’appe­laient entre eux Les Sublimes2, se repo­saient le lundi de leurs excès du diman­che et se fai­saient cour­ti­ser par des patrons en concur­rence entre eux, en fai­sant monter les enchères. À l’opposé, c’est la dis­po­ni­bi­lité comme force de tra­vail libre sur le marché libre, cette situa­tion d’avoir été arrachés à leurs condi­tions d’exis­tence ver­na­cu­laire, et donc d’être deve­nus sans atta­che, bientôt sans culture propre, réduits à n’être que du nerf et du muscle, qui pla­cent les prolétaires en quête de tra­vail dans cette situa­tion d’abais­se­ment. Autrement dit, la mise en dis­po­ni­bi­lité pour-le-tra­vail, par l’indi­vidu lui-même est, antérieu­re­ment à son exploi­ta­tion dans l’acte pro­duc­tif lui-même, son pre­mier abais­se­ment. S’il est sans atta­che en général, il est en revan­che rivé à cette dis­po­ni­bi­lité ; et d’autant plus que celle-ci ouvre sur toutes les média­tions socia­les domi­nan­tes (reconnais­sance, consom­ma­tion, rang hiérar­chi­que, etc.). Paradoxalement, cette capa­cité abs­traite de tra­vail3 peut jouer comme fausse uni­ver­sa­lité immédiate d’être prêt à tout, de savoir bouger, contre l’enfer­me­ment dans un savoir-faire par­ti­cu­lier. Les progrès de l’aliénation pren­nent le lan­gage de la désaliénation pour mieux se faire accep­ter.
X

15 Contrairement à ce que pou­vait penser la cri­ti­que sociale radi­cale de la fin du XXème siècle, ce n’est pas d’être sans atta­che et sans base arrière qui prédis­pose 1e plus celui qui « n’a aucun pou­voir sur sa vie et qui le sait » (défini­tion du prolétaire par l’Internationale situa­tion­niste) à voir dans son alter ego un com­plice pour la lutte. L’abais­se­ment et le mépris4 dans les­quels les prolétaires sont tenus leur font plutôt par­ta­ger une méses­time d’eux-mêmes. Corrélati­ve­ment, ils renon­cent à dis­pu­ter aux élites l’interêt pour les affai­res com­mu­nes et a for­tiori ne sont pas à même d’ima­gi­ner un projet col­lec­tif d’une vie digne d’être vécue. C’est d’ailleurs cette souf­france-là qui est le plus sou­vent com­bat­tue dans les situa­tions de conflit par l’exi­gence de « dignité ». Ce slogan apparût notam­ment à l’occa­sion de la grande grève des mineurs anglais (1984-85) où ceux-ci redécou­vri­rent qu’ils étaient non seu­le­ment exploi­ta­bles mais sur­tout jeta­bles. Ce même sen­ti­ment d’offense subie de par la vio­lence de la socia­li­sa­tion capi­ta­liste et de son échec crois­sant à intégrer par le tra­vail, ren­voie les gens à des cris­pa­tions et retraits iden­ti­tai­res et com­mu­nau­tai­res. De telles ten­sions et ten­ta­tions ne sont pas anta­go­ni­ques à l’immer­sion générale dans le spec­ta­cle des mar­chan­di­ses et de leurs signes, dont elles vou­draient juste cons­ti­tuer un contre­poids spi­ri­tua­liste.
XI

16 Parce que le tra­vail est une acti­vité hétéronome, c’est-à-dire régie par une fina­lité autre que celle de son propre accom­plis­se­ment (sou­mis­sion aux règles de la classe domi­nante ges­tion­naire de la valo­ri­sa­tion : ren­ta­bi­lité des capi­taux inves­tis, pro­duc­ti­vité imposée par la concur­rence, etc.), il porte en lui sa propre déchéance pro­grammée.

17 Une acti­vité auto­nome, quant à elle, se déploie animée de sa propre vita­lité com­mu­ni­ca­tive (le jardin pota­ger en est l’illus­tra­tion, vers quoi s’orien­tent de plus en plus de gens man­quant désespérément d’une acti­vité direc­te­ment nour­ricière qui ait du sens ; mais on ne refonde pas des rap­ports sociaux sur la mul­ti­pli­ca­tion des petits lopins de terre, même s’ils sont indis­pen­sa­bles !). La ques­tion du pas­sage d’une acti­vité auto­nome à une acti­vité hétéronome est cru­ciale et sauve du tra­vers d’idéaliser l’acti­vité auto­nome : celle-ci coexiste actuel­le­ment en effet avec le système global hétéronome (l’écono­mie folle régie par ses paramètres délirants) qui, du fait de son effi­ca­cité tech­no­lo­gi­que et de sa concen­tra­tion, sou­lage l’exis­tence de tâches ardues (la tronçonneuse pour le bois de chauf­fage ou le gaz natu­rel pour la cui­sine, par exem­ple) et main­tient para­doxa­le­ment la pos­si­bi­lité d’acti­vité auto­nome (cui­si­ner, par exem­ple). Le système hétéronome, qui se dirige tout seul parce qu’échap­pant à tout contrôle, ne « s’échappe » pas parce qu’il serait l’addi­tion enchevêtrée d’acti­vités auto­no­mes ; mais pour­tant il a bien fallu que des acti­vités auto­no­mes se sou­met­tent à des fins autres qu’elles-mêmes (la conver­ti­bi­lité en argent pour s’acquit­ter de frais fixes crois­sants) pour trans­mu­ter et s’amal­ga­mer en un système imbriqué et auto­di­rigé.
XII

18 La sou­mis­sion gra­duelle et pro­gres­sive de l’acti­vité auto­nome à des média­tions qu’elle ne contrôle pas est un pro­ces­sus qui cons­ti­tue le tra­vail comme dépense d’énergie étrangère à soi. À l’inverse, ce qu’on entend par acti­vité auto­nome ne peut pas être ramené à la seule acti­vité per­son­nelle de son goût. Activité auto­nome ne veut pas dire acti­vité régie par le seul libre arbi­tre indi­vi­duel. La « maîtrise de la fina­lité » n’est pas acquise avec la seule satis­fac­tion de besoins matériels intan­gi­bles : elle est atteinte quand l’acti­vité de pro­duc­tion et de trans­for­ma­tion ne sont pas dis­join­tes de la vie sociale, qu’elles en épou­sent les inflexions, les relâche­ments, les ryth­mes plutôt que l’inverse.

19 La résis­tance à l’indus­tria­lisme — pro­ces­sus au long cours — est la pro­tes­ta­tion de rap­ports com­mu­nau­tai­res que tente de défaire le surcroît de média­tions. Même les ouvriers liber­tai­res bar­ce­lo­nais en 1936-37-38 renâclèrent à conti­nuer de servir le même pro­ces­sus tech­ni­que indus­triel malgré le chan­ge­ment du statut juri­di­que de l’entre­prise (col­lec­ti­vi­sa­tion ou socia­li­sa­tion) et sa prise en main par la ges­tion syn­di­cale.
XIII

20 On ne peut pas plus évacuer, en l’incri­mi­nant, la nos­tal­gie du tra­vail arti­sa­nal et de la faible imbri­ca­tion d’acti­vités indi­vi­duel­les et col­lec­ti­ves jalou­ses de leur sou­ve­rai­neté. Nostalgie qui n’est pas dénuée de fon­de­ment. Pas plus qu’on ne peut igno­rer la contra­dic­tion pro­voquée par le haut degré atteint par la socia­li­sa­tion indus­trielle du tra­vail. Des théori­ciens socia­lis­tes se pre­naient à rêver de la voie royale qui enga­ge­rait l’huma­nité vers la socia­li­sa­tion auto­ma­ti­que de ses pro­duits, puisqu’on ne pour­rait plus détailler ce qui est tri­bu­taire de l’effort des uns ou des autres. Mais a contra­rio, la conséquence serait l’inévita­ble dépos­ses­sion par un pro­ces­sus intégré que les pro­duc­teurs de base ne maîtri­se­raient plus. L’inten­si­fi­ca­tion de la divi­sion du tra­vail et son arti­cu­la­tion tech­no­lo­gi­que éloi­gnent de plus en plus le rêve de cette maîtrise sou­haitée/regrettée. Le sub­ter­fuge théorique qui consiste à résoudre ce hiatus par la pos­si­bi­lité néces­saire de démocra­tie directe per­met­tant de réduire par le débat la dis­tor­sion entre la concep­tion et l’exécution, ne serait pos­si­ble que dans des rap­ports de temps et d’espace déjà jus­te­ment maîtrisés c’est-à-dire dégagés de la pres­sion d’un besoin immédiat (l’anti­que faim, par exem­ple, ou la pro­tec­tion moderne vis-à-vis des radia­tions nucléaires). L’aspi­ra­tion révolu­tion­naire recher­che les moyens de casser la double coer­ci­tion en cas­cade de l’argent sur l’acti­vité et de l’acti­vité conséquem­ment trans­formée en tra­vail sur l’indi­vidu. Disposer de temps pour la cons­cience, et jouir d’une rela­tive auto­no­mie locale qui évite d’avoir à tout mettre, tout le temps, les décisions en débat, voilà la liberté !
XIV

21 La maîtrise de la fina­lité de l’acti­vité exige que le pro­duit concret ne soit pas tourné contre les rap­ports com­mu­nau­tai­res (pro­duits chi­mi­ques nocifs, armes, etc.) et que sa des­ti­na­tion à l’usage cou­rant ne soit pas appro­priée que par quel­ques uns. Ce qui s’accom­pa­gne de cette autre ques­tion de la dépense sans comp­ter à laquelle pour­rait cor­res­pon­dre l’idée qu’on se fait de l’acti­vité vitale : chacun, au bout du compte, pou­vant se trou­ver déjà contenté par sa débauche d’énergie vitale et de ce qu’il aura reçu aussi bien dans le moment lui-même par la présence cha­toyante des autres, qu’ensuite, on allait dire « en retour », sans que pour autant se soit main­te­nue l’inquiétude sour­noise du calcul empreint de méfiance de qui donne quoi et en quelle quan­tité pour qui, et vice-versa. Au vu de l’embal­le­ment « en temps réel » de la comp­ta­bi­lité délirante du capi­ta­lisme tardif, il pour­rait deve­nir infi­ni­ment plus simple en se pas­sant du calcul d’évincer du même coup les acti­vités capi­ta­lis­tes qui ont besoin du calcul. L’abs­trac­tion fan­tas­ma­go­ri­que de valeur qui gît dans les pro­duits du tra­vail a perdu toute sub­stance et ne peut plus agen­cer les rap­ports sociaux. La complémen­ta­rité des tâches humai­nes dans leur diver­sité ne peut pour­sui­vre son cours qu’en désamorçant la stan­dar­di­sa­tion de la pro­duc­ti­vité et de ses cal­culs déments.
XV

22 La représen­ta­tion d’une huma­nité débar­rassée des exploi­teurs par­ti­cu­liers s’est tou­jours colorée d’une « sur­so­cia­li­sa­tion » où la vie indi­vi­duelle en de peti­tes col­lec­ti­vités devait être médiée par l’acti­vité sociale glo­bale (d’où la méfiance à l’égard du « petit-lopin-de-terre »), sous peine que res­sus­cite l’enri­chis­se­ment privé. Cette ten­dance à la bureau­cra­ti­sa­tion de l’exis­tence ne pour­rait être com­bat­tue que par la réappro­pria­tion la plus directe pos­si­ble des moyens d’exis­tence, d’autant plus faci­le­ment réali­sa­ble qu’on se sera débar­rassé du fatras de pseudo besoins aux­quels la pro­duc­tion indus­trielle a accou­tumé les popu­la­tions pour écouler ses mar­chan­di­ses. Pour rendre impos­si­ble l’enri­chis­se­ment matériel privé, il convien­drait de sous­traire l’échange à la quan­ti­fi­ca­tion et corol­lai­re­ment à tout inter­face qui contienne une fonc­tion de thésau­ri­sa­tion. Selon les mots de Lewis Mumford, la libération à l’égard du tra­vail pour­rait s’accom­plir « […] par­tout où l’acti­vité vitale est comptée pour une aussi grande récom­pense du labeur que le pro­duit. »
XVI

23 Cette crise du capi­ta­lisme donne le sen­ti­ment que tout paraît se dénouer : l’alibi du tra­vail et de ce qu’il pro­duit en devient même super­flu. Cette inconsis­tance du tra­vail, son caractère mobi­li­sa­ble ou jeta­ble à volonté court-cir­cui­tent en quel­que sorte les pers­pec­ti­ves his­to­ri­ques fondées sur une réorien­ta­tion « ration­nelle » du tra­vail. Ou bien engen­drent l’idéali­sa­tion d’un tra­vail peu socia­lisé (l’arti­sa­nat). La « capa­cité abs­traite de tra­vail », deve­nue visi­ble dans cette attente des chômeurs stockés en vue d’une tou­jours plus hypothétique reprise, para­lyse la mise en œuvre des tâches vita­les. Tout peut se jouer dans le mou­ve­ment par lequel les éner­gies vita­les pour­raient se sous­traire à cette « dis­po­ni­bi­lité » en sus­pens, feraient le compte de ce qui leur est vrai­ment néces­saire et enga­ge­raient sa réali­sa­tion non plus comme tâche cen­trale qui réunit, mais comme une des moda­lités qui accom­pa­gnent les inflexions, leur gravité ou leur fan­tai­sie, des rap­ports humains. C’est forte de cette cer­ti­tude que la séces­sion pour­rait se pro­pa­ger, tant il est vrai que c’est l’incer­ti­tude de l’entre-aperçu « révolu­tion­naire » qui fait encore adhérer les popu­la­tions au capi­ta­lisme et à son système de rançonne­ment et d’arrai­son­ne­ment.

24 Dès lors, la fonc­tion du tra­vail dans la domi­na­tion n’en n’apparaît que trop bien : sa cen­tra­lité est non pas celle de la nécessité pro­duc­tive de biens d’usage mais d’être « che­ville ouvrière » de la domi­na­tion : mobi­li­ser pour le tra­vail — et l’on a vu dans cette phase « finale » du capi­ta­lisme à quel type de pro­duc­tion imbécile et nocive on a pu mobi­li­ser les indi­vi­dus — c’est priver les indi­vi­dus de liberté et de leur capa­cité à faire monde par eux-mêmes.
XVII

25 Les présentes notes cri­ti­ques auront été réussies si on en retire l’assu­rance que ce n’est pas en confiant aux machi­nes les tâches pro­duc­ti­ves qu’on résoudra la ques­tion du tra­vail, ni en l’inno­cen­tant de son accou­ple­ment mor­bide avec le capi­tal. Alors que l’enchan­te­ment du monde était supposé découler d’une pro­duc­ti­vité ahu­ris­sante, le besoin de tra­vail, sous la forme d’emplois, se fait tou­jours autant lugu­bre­ment sentir. C’est dire si l’allègement de la charge pro­duc­tive dépend en fait de l’orga­ni­sa­tion, c’est-à-dire de la culture d’une société : rien d’éton­nant puis­que, à l’inverse, c’est le capi­ta­lisme qui a fait peser sur le tra­vail lui-même la charge d’être l’unique colonne vertébrale de la société. La dyna­mi­que incontrôlable et nocive du tra­vail est recelée dans la dis­jonc­tion à devoir obéir à une hiérar­chie ou aux nécessités désin­carnées du marché, ce qui mène à igno­rer ce que devien­nent le pro­duit du tra­vail ou les éléments du procès de tra­vail (com­po­sants chi­mi­ques, déchets, etc.). L’acti­vité vitale, en matière de pro­duc­tion de biens matériels et immatériels, peut deve­nir cons­ciente d’elle-même si elle sait s’auto-diri­ger et par conséquent, par exem­ple, modérer ses appétits, ce que l’attrait d’autres foyers de sen­si­bi­lité pro­vo­quera imman­qua­ble­ment.
XVIII

26 « […] l’argent a résolu cette tâche de réaliser la liberté de l’être humain pour ainsi dire au sens pure­ment négatif. Ainsi l’immense danger que la monétari­sa­tion représen­tait pour le paysan s’ins­crit dans un système général de la liberté humaine. Ce qu’il a gagné, assurément, c’est de la liberté, mais une liberté qui le libère de quel­que chose, au lieu de le libérer pour quel­que chose ; en appa­rence, assurément, la liberté de tout faire (puisqu’elle n’est jus­te­ment que négative), mais de ce fait, en réalité, une liberté sans la moin­dre direc­tive, sans le moin­dre contenu déterminé et déter­mi­nant, et qui dis­pose donc l’indi­vidu à cette vacuité et à cette inconsis­tance où rien ne s’oppose aux pul­sions nées du hasard, du caprice ou de la séduc­tion : conformément à la destinée de l’humain sans amar­res, qui a aban­donné ses dieux et dont la “liberté” ainsi gagnée n’est que la licence d’idolâtrer n’importe quelle valeur passagère. »

27 Georg Simmel, La Philosophie de l’argent▪

(à suivre)

Lozère, 4 octo­bre 2012

Notes

1 – Cette morale était aussi com­mune au mou­ve­ment ouvrier et on la trouve par exem­ple sous la plume de Marx dans un compte rendu du congrès de Genève de la Première Internationale (1865) in « L’Éman­ci­pa­tion des tra­vailleurs », une his­toire de la Première Internationale, Mathieu Léonard, La Fabrique, 2011.

2 – Le Sublime, ou l’ouvrier comme il est en 1870, et ce qu’il peut être, Denis Poulot, 1870, réédition Maspero, 1980.

3 – Selon le concept de Franck Fischbach dans : La Privation de monde. Temps, espace et capi­tal, 2011, Ed. Vrin.

« […] la réduc­tion du tra­vail aux seules acti­vités pro­duc­tri­ces de valeur engen­dre une muti­la­tion du tra­vail dans la mesure où il est, à l’inverse de cette res­tric­tion, une acti­vité sus­cep­ti­ble d’adop­ter une variété quasi infi­nie de formes ; soit, inver­se­ment, en mon­trant que cette réduc­tion a para­doxa­le­ment pour effet de conférer au tra­vail un rôle et une fonc­tion extra­or­di­nai­re­ment étendus qui consis­tent à faire de lui le por­teur et le vec­teur de toutes les média­tions socia­les. On montre alors, avec Moishe Postone, que dans une société fondée sur l’abs­trac­tion et la valo­ri­sa­tion de la valeur, il revient indûment au tra­vail, à la fois comme tra­vail abs­trait et comme capa­cité abs­traite de tra­vail, d’assu­mer le rôle de por­teur des média­tions socia­les dans leur ensem­ble. » (p. 132).

Lire aussi du même : « Libérer le tra­vail ou se libérer du tra­vail, Simone Weil lec­trice de Marx », in Cahiers Simone Weil, tome XXXII-no 4, décembre 2009.

4 – Axel Honneth, qui pour­suit l’acti­vité de l’Institut de recher­che sociale de Francfort, plus connu comme École de Francfort qui a donné nais­sance à la Théorie cri­ti­que (Adorno, Horkheimer, Marcuse, etc. ) a publié des études sur « la société du mépris » (tra­duit en France en 2006, éd. La Décou­verte, Paris) qui condui­sent à incor­po­rer la dimen­sion morale de rabais­se­ment ou de la reconnais­sance dans la sou­mis­sion de l’exploité.

Documents joints

Travail et mépris suivi de Quelques mots sur ton texte “Travail et mépris”
(Format livret recto/verso – 5 feuilles A4, PDF – 193.1 ko)

lu et copié collé à partir de temps critique