CR de la manifestation du 5 février, Lyon.
11h30. La place Bellecour se remplit lentement avec des groupes très éclatés, Gilets-jaunes d’un côté et de l’autre, groupes cégétistes ailleurs derrière leurs drapeaux. Les organisateurs cégétistes, comme à leur habitude quand cet horaire est choisi, attendent de faire le plein avec des salariés qui débraieraient juste pour le temps du déjeuner. Le cortège gonfle et alors que des bruits avaient couru sur une possible séparation entre deux groupes de manifestants, c’est heureusement un mélange qui s’effectue, les GJ se diluant par grosses grappes au milieu des cégétistes dont certains ont les gilets rouges rayés de jaunes ou des gilets jaunes avec des collants CGT.
Nous apprenons que la presqu’île nous a été interdite (d’après Le Progrès, la CGT n’a pas compris pourquoi, mais en tout cas elle s’est rendue comme d’habitude aux ordres du préfet) et hop direction les quais de Saône, passage par rue Grenelle, Cordeliers et quais du Rhône direction Préfecture. La CGT annonce 7000 personnes avec les délégations habituelles et demande, comme d’habitude là encore, aux manifestants d’avancer pour que les derniers puissent arriver à la Préfecture. Or avancer, ce n’est pas autre chose que se disperser, d’autant que la police opère un barrage à hauteur du pont Wilson, ne laissant sortir de la manifestation qu’individuellement.
Il est environ 13h. Très rapidement certains GJ battent le rappel pour se regrouper devant le pont Wilson, afin de continuer la manifestation en passant sur la presqu’île, par celui-ci justement. Les GJ vont rester au contact du cordon de police qui, placé devant ses cars, barre le passage pendant une bonne demie heure. Plus exactement, s’il est possible de passer individuellement sur le côté droit et les cégétistes ne s’en privent pas, il est impossible de partir en manif.
Peu à peu les GJ qui se sont arrêtés pour discuter aux alentours de la Préfecture rejoignent les autres au pont Wilson.
On constate rapidement que les Gj regroupés devant les flics sont séparés de la tête du cortège syndical par une centaine de mètres de vide. Malgré leurs appels « les syndicats avec nous » « on est venu, venez aussi », ceux-ci ne bougent pas.
La ton monte au son de « Lyon, debout soulève-toi » ou « Police partout, justice nulle part » ou encore « tout le monde déteste la police », mais cela reste bon enfant. Finalement la police cède le passage, mais dans la confusion la plus totale parce qu’alors que le cordon qui fermait le quai devant le pont s’est écarté sur la gauche côté Préfecture, des policiers s’engagent à droite sur le trottoir du pont en faisant mine de charger les manifestants puisqu’ils ont la matraque à la main. Visiblement ils n’ont pas reçu les mêmes ordres que les autres et alors qu’ils sont copieusement hués on entend des dérisoires « Qu’est-ce qu’on fait chef ? » et un car de police empêché de tourner après avoir déversé son escouade, fait une marche arrière avant que le flot des manifestants ne le bloque.
On est passé. Une fois de plus la détermination a payé et a montré qu’il n’y a pas de trajet autorisé qui puisse limiter les GJ. Malheureusement il y a peu de cégétistes qui nous ont suivis. On voit que certains s’interrogent en passant devant nous, mais ils discutent entre eux et ne s’adressent pas à nous alors qu’ils pourraient très bien nous demander, au minimum ce que l’on compte faire. Certains sont de la ville de Lyon, d’autres de Bio-Mérieux avec leurs drapeaux, Arkéma, quelques boites de la chimie et des cheminots. Passage rue de la République, nous sommes 500 d’après un journaliste de France 3, mais peu après être passés rue Président E. Herriot, nous recevons des renforts des rues avoisinantes, des retardataires sûrement, des personnes qui ont appris plus tard que la manifestation se poursuivait. Ainsi, après avoir déambulé de façon dynamique et bruyante entre la Rue de La Ré, la rue Edouard Herriot, la rue Mercière, nous traversons le quai de Saône pour nous rendre à l’ancien Palais de Justice. Là les flics qui accompagnent le cortège sur les côtés, piquent un sprint sous les huées pour bloquer les grilles du palais d’injustice avant l’arrivée du gros des manifestants.
Un sit in s’improvise sur les marches pendant qu’au haut parleur un membre des GJ-Lyon centre harangue la foule sur la question de la répression qui répond par « Libérez Dettinger » ou « Que fait la police ? Ça crève les yeux ».
La manifestation repart direction place des Jacobins. Il est environ 15h. Grand moment d’hésitation entre rejoindre directement les quais du Rhône et l’axe Nord-Sud et « converger » avec les camionneurs que nous ne rencontrons jamais les samedis ou nous diriger vers Bellecour.
La manif qui s’est regroupée prend la direction de Bellecour par la rue de la Ré. Les Compagnies Départementales d’Intervention nous suivent depuis le début et se placent sur le côté.
Arrivé à Bellecour, nous découvrons la rue de La Barre investie par les cars de flics. La manif continue direction Perrache. Lorsque nous longeons la grande Poste un déploiement de la Bac nous regarde passer. Après la rue de la Charité nous empruntons la rue Victor Hugo. L’objectif serait Confluence ou l’Hôtel de Région mais aussi l’A7, le cortège à le choix. Arrivés Place Carnot, nous prendrons tout naturellement les escalators pour traverser la gare de Perrache et retrouver le Cours Charlemagne.
Un appel aux cheminots à nous rejoindre est scandé. Certains sont avec nous depuis le matin.
Tout du long de ce trajet, les flics nous ont suivis bien gentiment. Au fil de l’après-midi la présence de militants d’extrême gauche (étudiants surtout) était palpable contrairement aux derniers samedis. Ce qui est normal : comme c’est une manif syndicale, ils sont de sortie, mais ils participent à la suite au sein de la manif sauvage (CGA et CNT) alors que d’habitude on ne les voit pas les autres samedis sauf quand la manifestation était partie de la Croix-Rousse, leur « territoire ». Les fachos, eux, ne sont pas venus.
Même si les Gilets jaunes sont moins nombreux cet après-midi que le matin, ils ont tenu le pavé et avaient à cœur d’atteindre leur objectif, être là et aller où bon leur semble, montrer leur détermination … Comme il se disait dans le cortège : le samedi c’est aussi mardi dorénavant !
Arrivé cours Charlemagne celui-ci est bloqué par camions et cordons de CRS comme la rue Suchet coté gauche vers l’autoroute… Une partie de la manifestation va vouloir avancer vers l’A7 justement, mais tout le monde ne suit pas.
Bref moment de tension : un flic braque son flash ball à hauteur de visage à 5/10 m des manifestants qui bloquent le tram. Ceux-ci lui hurlent « baisse ton flash ball ». Ce qu’il fait après intervention d’un supérieur.
Après pas mal d’hésitations et une sommation à ce croisement : marche arrière toute. Passage par le tunnel du tram avec les flics qui sont bien proches et quasiment au contact avec des grappes de GJ derrière eux mais sans jamais vraiment agir de manière offensive. Passage du pont Gallieni direction Lyon 2. On y retrouve des GJ assez nombreux qui étaient en balade sur la rive gauche depuis 13h30 et qui n’avaient pas suivi le gros de la manif sur le pont Wilson.
Quelques manifestants vont entrer dans l’université.
Tout se termine entre 17h et 17h30 avec une sortie en manifestation de la fac et gazage dans rue de la Guillotière et vers le pont de la Guille. Des contrôles d’identité sont aussi effectués.
G, J, JP, Jos
repris du blog de la revue temps critiques