[reçu par mail]
Notes et retours autour et sur le mouvement des Gilets jaunes au jour le jour, ou presque…
CR de la journée de manifestation sur Lyon du 29/12/2018 (non exhaustif)
Un rendez-vous a été fixé via Facebook sur le groupe « Article 35 – insurrection» en référence à la constitution de 1793 et à son article sur le droit de se révolter contre un pouvoir jugé illégitime même s’il a été élu. Le RV est à 9H45 au parking des Cuirassiers à la Part-Dieu, mais la police nous y attend et amorce des fouilles systématiques des personnes portant des gilets jaunes.
Certains alors les rangent précipitamment, d’autres, comme nous n’en avons pas. Après une valse hésitation un nouveau RV qui constituait en fait le but de l’opération nous conduit devant l’immeuble de France 3 où nous attendent des journalistes des médias régionaux + CNews et même TF1. La police encadre, la BAC fait quelques contrôles mais n’interrompt pas les discussions entre journalistes et la petite centaine de personnes qui a réussi à échapper aux différents barrages. Les journalistes « font le job » malgré une forte incompréhension des GJ qui parlent de désinformation volontaire de journalistes aux ordres du pouvoir. Nous apprendrons par la suite que l’initiative d’aller rencontrer les médias « chez elles » en quelque sorte est une initiative qui va se reproduire dans plusieurs villes ce matin.
Pendant ce temps environ 150 à 200 personnes se retrouvent à 11H vers l’Hôtel de ville pour une manifestation pour les victimes des manifestations et les brutalités policières. Les organisateurs ont apparemment averti la préfecture sans pour cela avoir reçu une autorisation ferme mais la manifestation se déroule sans incident, après un passage au commissariat du 1er arrondissement pour exiger la libération de la dizaine d’interpellés de la Part-Dieu. RV est pris pour tout le monde place Bellecour à 14H. A cette heure là, nous ne sommes pas très nombreux, moins de 500. Nous nous dirigeons vers la seule sortie que nous laisse la police et très rapidement le flot des manifestants grossi jusqu’à environ 1500-2000 personnes. Il est très dur de rendre compte des chiffres (même pour la police et les médias) car il y a vraiment beaucoup de personnes (au moins une moitié) qui n’a pas de GJ et dans l’autre moitié on peut dire qu’il y en a à peu près autant qui n’arrête pas d’enlever et de remettre le gilet en fonction des barrages ou contrôles.
Nous suivons un temps l’axe Nord-Sud en direction du Sud quand à hauteur de la gare de Perrache, quelques gentils animateurs GJ essaient de négocier avec les motards de la gendarmerie qui ouvrent la route, un trajet possible. Mais la foule renâcle et nous nous orientons vers l’échangeur de Perrache pendant qu’un autre groupe continue sur l’axe avec le même but : gagner le centre commercial Confluence.
A partir de ce point 2 cortèges vont coexister :
- L’un coté Perrache avec une manif ultra mobile, avec des jeunes qui montent à toute vitesse dans la gare par l’escalier suivi par des forces de police, pendant que nous passons sous les voûtes vers le cours Charlemagne en hurlant de toutes nos forces « Lyon debout, soulève-toi ! Avec une bonne caisse de résonnance due aux voûtes. De quelque côté qu’on arrive sur Confluence on est accueilli par des tirs nourris de grenades lacrymogènes et quelques charges qui les suivent. Nous refluons sur les quais de Saône où nous essayons de nous protéger de la police en laissant passer à toute petite vitesse les voitures à contre-sens tout en étant au milieu d’elles. La police ne voulant pas grenader les automobilistes, elle nous charge et nous nous dispersons dans les petites rues du quartier d’Ainay, très pratiques à cet effet. Regroupement Bellecour.
- L’autre avec une remontée de l’A7 jusqu’à la sortie Confluence justement.
Puis retour par le cours Charlemagne avec barrage de fourgons de GM et gazage qui va rediviser la manif en 2, l’un coté Saône, l’autre coté A7/Rhône. Il y a alors, au total, 3 cortèges dont 2 qui se dirigent selon des chemins plus ou moins directs vers Bellecour !
Il est 16H. Valse hésitation pour ceux déjà présents à Bellecour. Nous sommes presque encerclés mais un groupe décide de forcer le passage sur une rue qui semble libre (Emile Zola, la plus petite). Par manque d’esprit de décision (dur quand il n’y a pas de « chefs »), la nasse se referme. En conséquence de quoi, l’idée circule de se rendre individuellement à l’Hôtel de ville, côté place des Terreaux.
L’état actuel de la place en travaux avec les grands cafés aux terrasses fermées ne présente aucun intérêt pour nous car il y a très peu de personnes qui la traversent à part celles qui viennent du musée, sauf à vouloir « prendre » la mairie, mais le rapport de force paraît peu favorable, c’est le moins qu’on puisse dire. Nous remontons peu à peu mais en perdant du monde vers les Cordeliers et tout à coup nous tournons rue Mercière, direction St-Jean où nous retrouvons une sorte de batucada de GJ ardéchois qui créent une ambiance terrible. Le ridicule ne tuant pas nous faisons toute la rue St-Jean avec les flics casqués et visière fermée derrière l’orchestre avec tous les touristes qui font des photos.
On prend le pont la Feuillée et on reprend les quais direction Cordeliers en nous mêlant aux automobilistes, mais les flics coupent la circulation et tout à coup gazent et chargent. Nous nous égayons dans les petites rues Chavanne et autres et la police occupe la place St-Nizier. Pour certains d’entre nous, ça été juste, mais on a quand même l’impression, quand on a un peu de bouteille, que les flics n’ont pas l’ordre de faire mal en rentrant en contact physique. A mon avis, ils ne sont pas assez nombreux car disséminés dans toute la ville et les techniques répressives ont évolué. Toute proportion gardée, comme avec les drones, il s’agit de combattre l’ennemi à distance en profitant de sa supériorité technologique. A remarquer aussi que les manifestants le permettent puisque le mouvement est finalement assez pacifique et que les « armes » utilisées en mai 68 comme les lance-pierres avec billes d’acier qui permettaient d’attaquer à distance ne sont pas du tout employées alors pourtant qu’ici, elles seraient particulièrement adaptées à cet affrontement à distance. En conséquence de quoi quel que soit notre nombre nous sommes en position défensive et désarmés.
Bref, nous repartons vers les Jacobins et prenons la riche rue Emile Zola où les gens terminent leur course en sens inverse de nous. Contre toute attente la police nous bombarde à nouveau de lacrymo, direct dans la gueule des consommateurs et de quelques poussettes.
On arrive finalement sur Bellecour. Nous ne sommes plus très nombreux et assez dispersés, mais les flics aussi et on peut se demander quels sont leurs ordres. Il n’y a pas que les GJ qui sont désorganisés.
- 18 interpellations, une blessée légère d’après la presse.
A noter que ce sont surtout les très jeunes manifestants qui ont été ciblés toute l’après-midi par les forces de police et ont subi des contrôles et palpations du fait de cette seule caractéristique.
J et G
Le 28.12.2018
Parution du supplément #3 au numéro 19 Une tenue jaune qui fait communauté.