Archives mensuelles : juin 2016

Valence [Drôme]Le garde des sceaux a décidé deux transferts de prisonniers politique Basque vers le nouveau centre pénitentiaire

Note: L’administration pénitentiaire laisse les prisonniers dans le quartier maison centrale de valence avec les portes des cellules fermées sans aucune possibilité pour les prisonniers de se voir( communiquer) entre eux….en plus l’extérieur, ce sont aussi les amis et la famille, qui doivent composer avec une absence peut-être plus douloureuse que la mort.

Début juin, Ibon Goieaskoetxea et Aletxu Zoboran ont été transférés dans la prison centrale de Valence, située à 875 km du Pays Basque. Elle monte à 29 le nombre d’établissements pénitentiaires dans lesquels les détenus basques sont dispersés. Pour le collectif Bagoaz, « ces transferts vont à l’encontre du processus de paix » et constituent une « réelle provocation ».

Bagoaz voit dans ces mouvements « un très mauvais signal » envoyé par le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, faisant fi des demandes de rapprochement et de regroupement portés par les détenus et « relayés par la majorité des forces politiques, syndicales et sociales du Pays Basque ».

« Cette politique de dispersion non seulement porte atteintes aux droits fondamentaux des prisonniers basques à maintenir un lien avec leurs familles et proches, mais elle a également un coût humain », rappelle le collectif, à l’heure où l’association des familles et proches de prisonniers Etxerat déplore le cinquième accident de l’année sur la route des prisons, qui a déjà causé la mort de seize personnes.

« Cette situation n’a que trop duré », pour le collectif qui s’adresse « au gouvernement français et en particulier au garde des Sceaux pour que cesse cette politique d’éloignement et de dispersion. »

Le 3 juin dernier, Aletxu Zobaran entrait en grève de la faim pour protester contre son transfert dans la prison de Valence, dans laquelle il serait isolé de ses camarades basques. Il cessait le mouvement cinq jours plus tard à l’annonce du transfert d’Ibon Goieaskoetxea.

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Projet de loi-travail et convergence des luttes : un malentendu ?

copié sur temps critique

Le projet de loi El Khomri comme le projet de réforme du code de travail de Badinter ne peuvent se comprendre que dans la perspective plus large d’une dynamique du capital qui ne repose plus principalement sur la force de travail vivante, car celle-ci devient inessentielle dans le procès de valorisation. Ce n’est pas synonyme de fin du travail mais de crise du travail et la question de l’emploi et du chômage remplace aujourd’hui la critique du travail que portaient les mouvements prolétaires des années 1967-1975.

2 Ces projets de réforme ne sont pas des tentatives de revenir aux conditions du XIXe siècle comme on l’entend parfois dans les manifestations, mais correspondent à une volonté d’adapter les lois sur le travail aux transformations des rapports de production, en tenant compte des rapports de force actuels entre capital et travail. Les deux projets sont censés se compléter, le projet El Khomri vise le court terme et remplit des objectifs limités : tout d’abord et en priorité montrer que le gouvernement est capable de faire des réformes, alors qu’il est accusé d’immobilisme ; ensuite, essayer de parer au plus pressé en donnant des gages au patronat sur la flexibilité tout en espérant une embellie sur le front de l’emploi qu’il sait pourtant ne dépendre, dans les conditions actuelles, que d’une reprise conséquente d’une croissance pourtant introuvable. D’où un projet qui forcément mécontente tout le monde puisque son objectif de flexisécurité suppose justement cette croissance pour rester « équilibré ». Quant au projet Badinter il est plus stratégique et prospectif, car il enregistre bien la crise du travail. Puisque le travail n’est plus au centre de la société, mais que le salariat continue à régir globalement la force de travail en activité ou potentielle, le Code du travail doit évoluer vers un code de la personne au travail, ce dernier étant conçu non plus comme travail productif ou même déterminé, mais comme un travail-fonction « au service » de la société tout au long de la vie… Le programme de la CFDT en quelque sorte !

3 Face à ces grandes manœuvres, nous assistons (et participons) à un mouvement opposé à ce projet de loi-travail, qui a pourtant déserté les lieux de travail pour porter la contestation à un niveau plus général. Mais ce niveau n’est-il justement pas trop général vu un rapport de forces a priori peu favorable ? Les lycéens et étudiants n’ont-ils rien à dire sur l’école et l’éducation, les rapports maître/élève, l’organisation des savoirs ; les hospitaliers sur leur hiérarchie et la politique de la santé ; les salariés du secteur énergétique et nucléaire sur les stratégies de puissance de leur patron c’est-à-dire de l’État ? Ne faudrait-il pas y activer des luttes qui relayeraient ce niveau général ? Pour l’instant, cette absence de luttes intermédiaires se ressent au niveau des forces de contestation du projet de loi et des formes de lutte qu’elles développent.

4 En effet, contrairement aux mouvements anti-CIP et anti-CPE, ce ne sont pas ceux qui sont les plus directement concernés, c’est-à-dire les travailleurs, qui sont à l’origine du mouvement, mais une partie de la jeunesse scolarisée alors que le projet de loi ne s’adresse pas spécifiquement à la jeunesse.

5 La conséquence en est que le mouvement des scolarisés est minoritaire au sein même de la jeunesse. Il ne peut donc s’appuyer sur les bases arrières que constitueraient lycées et universités et encore moins des « quartiers » aux abonnés absents. Il est obligé de tenir la rue, d’où une convergence immédiate avec l’initiative « Nuit debout » qui se situe pourtant dans une toute autre perspective, celle de tenir les places dans une sorte de happening de la parole libérée. Une convergence s’est progressivement aussi établie avec la CGT dans la mesure où celle-ci, par rapport à une CFDT qui négocie et participe de la réforme, prend de plus en plus la place d’une force d’opposition dépassant le clivage parti/syndicat ou plutôt inversant la formule léniniste de la courroie de transmission. Elle prend de fait la place des partis et groupuscules de l’extrême gauche relégués en fond de manifestations avec pour tout viatique leurs drapeaux, leurs badges identitaires et une activité très discrète dans les AG.

6 Cette convergence est néanmoins très fragile, car ce qui s’exprime dans ces trois courants n’est pas de même niveau. Lycéens, étudiants et jeunes prolétaires maintenant en tête des manifestations, expriment une révolte générale à fleur de peau et un refus spontané du capital. Ils sont dans la négation de l’ordre établi, dans une perspective de confrontation avec l’État et sa police.

7 Les participants à Nuit debout sont, eux, dans l’affirmation d’une démocratie ici et maintenant qui pourrait faire sécession d’avec le pouvoir institué. Ils affirment la possibilité d’une Constituante issue des assemblées des places. Le modèle n’est pas celui des « indignés », ni des « occupy » anti-finance, mais implicitement celui de 1793.

8 Enfin, la direction de la CGT se pose d’emblée dans la défense des acquis et l’auto-limitation en ne demandant que le retrait du projet de loi. Son acmé serait une grève générale… sans perspective plus ambitieuse que le retrait du projet de loi ? On comprend mieux alors que certains hésitent à entrer dans la lutte et que d’autres, au contraire, comme ses fédérations les plus dures, cherchent à déborder les objectifs initiaux et à affirmer une identité ouvrière menacée. C’est qu’elles peuvent encore s’appuyer sur les restes de fierté ouvrière donnée par une professionnalité et un statut, alors que partout on n’entend plus parler (un peu trop vite d’ailleurs) que de précarité et de « boulots de merde ».

9 Mais y a-t-il vraiment possibilité de convergence entre la grève dans ces secteurs, où il suffit d’être déterminés et même peu nombreux pour bloquer production et circulation, et le reste du mouvement qui joue sur sa masse pour peser sur le rapport de force ? La convergence n’est pas non plus évidente au niveau des revendications car si les salariés de ces secteurs participent bien aux manifestations et réclament publiquement eux aussi le retrait du projet, il n’en demeure pas moins qu’en coulisse des négociations sont en cours dans ces secteurs. Les blocages sont un moyen de pression afin d’appuyer des revendications particulières avant tout et ils ne profitent au reste du mouvement que par ricochet.

10 La CGT affirme certes une identité ouvrière maintenant bien problématique, mais elle le fait surtout dans le cadre de l’économie nationale et des secteurs encore protégés de la concurrence internationale. C’est là qu’elle a concentré ses forces après la destruction des forteresses ouvrières au cours des restructurations des années 1980-1990. Or, Nuit debout se situe d’abord au niveau supérieur de la globalisation du capital car malgré les idéologues qui sont à son origine, et qu’on peut classer parmi les souverainistes de gauche, beaucoup de participants à Nuit debout sont spontanément eux, néo-internationalistes (ils sont branchés sur le « village global ») et néo-altermondialistes car ils raisonnent économie-monde, même quand ils entonnent des slogans anticapitalistes. Mais ils interviennent aussi au niveau inférieur de la globalisation, non pas eux-mêmes objectivement, mais idéologiquement, quand ils parlent au nom des « dominés », des « exploités », des migrants, des paysans sans terre des zones pillées par les firmes multinationales et les États dominants, qu’ils taxent d’impérialisme ou de néo-colonialisme.

11 Pour ces raisons, nous ne voyons pas, pour l’instant, se dessiner une convergence solide et durable entre ces trois fractions du mouvement même si l’incurie du gouvernement et le sentiment d’exaspération ressenti par de nombreux individus moins impliqués dans le mouvement, mais néanmoins actifs, laissent quelques espoirs de surmonter ces conditions premières.

Temps critiques, 30 mai 2016.

Documents joints

Projet de loi-travail et convergence des luttes : un malentendu ?(Format A4, PDF – 35.3 ko)

Valence [Drôme]Une saine haine de la police

dauphiné libérédu 20 juin

Le climat « anti police » qui sévit actuellement dans certains milieux ne fait pas exception à Valence.Les hommes de la patrouille de nuit , présente dans le quartier de Fontbarlettes le samedi 18 vers 23 heures, en ont fait l’amère expérience. Alors que plusieurs individus s’étaient rassemblés, l’un a lancé un caillou dans la lunette arrière du véhicule de police, avant de prendre la fuite. Pas de blessé fort heureusement mais une lunette explosée. …

Saint Marcellin le 18 juin Un (court) CR du Rassemblement contre Center Parcs

lu et copié là
Samedi 18 juin 2016, les opposants au Center Parcs de Roybon se sont réunis à Saint-Marcellin. Un des organisateurs nous envoie un court récit de la journée.

Pour défendre les zones humides des Chambarans, nous avions organisé une zone humide géante : il pleuvait largement. Pour autant, nous étions 150 à 200 dans une bonne ambiance, au son des concerts et des prises de parole. C’est la plus grosse réunion d’opposants à Center Parcs depuis février 2015. Parmi les participants, on notait la présence des opposants aux projets de Center parcs de Saône et Loire et du Jura.

L’évènement à rempli son but : rappeler que la lutte n’est pas finie (l’occupation du site continue, et on attend le procès en appel pour cet été) et montrer que les opposants sont tous unis face à Center Parcs.

L’évènement était organisé par PCSCP, FRAPNA, Collectif grenoblois de soutien à la ZAD des Chambarans, Collectif Rhône NDDL, Editions du Monde à l’envers, Confédération paysanne de l’Isère et de la Drôme, CAC 38, Collectif jurassien d’opposants à Center Parcs, Collectif du Geai du Rousset, Coordination Center Parcs Ni ici ni ailleurs, SUD -Solidaires.

CREST [Drôme] La mairie change de gueule !

publié par attaque
Dauphiné libéré le 19/06/2016 à 14:30
Stupéfaction et indignation chez les élus et habitants de Crest, ce dimanche matin. La façade de la mairie a été aspergée d’un produit bleu qui ressemble fort à de la bouillie bordelaise durant la nuit de samedi à dimanche. Le député-maire Hervé Mariton et Yvan Lombard, adjoint à la sécurité, ont constaté les faits ce matin vers 9 heures. Le distributeur de billet de la Société Générale situé à quelques pas de la mairie sur le Cours de Joubernon a subi le même traitement. Quelques pots de fleurs aux abords de la mairie ont été un peu malmenés. La brigade de gendarmerie de Crest est en charge de l’enquête

Les anarchistes français et espagnols dans la Résistance

Note: dans la Drôme et l’isère la résistance à la révolution nationale ( gouvernement de Pétain) n’est pas seulement des FFI et les FTP. les maquis anarchistes dans la Drôme et l’Isère ont été éliminés . car ils elles étaient contre toutes les religions et anti staliniens ils elles étaient contre toutes hiérarchies et ils elles pratiquaient la reprise individuelle.; Combien de récits et de témoignages qui circulent d’épisodes de razzia d’ extermination effectués tant par les FFI et les FTP contre ces foyers de résistants cette affirmation a té construite à partir de témoignages oraux et un étude reste à faire ( vous pouvez nous contacter) le rôle de Pierre-Dominique Dunoyer de Segonzac.le de l’école d’uriage première période et avec la date du 18 juin correspond pour nous à une OPA d’une partie de cette armée française qui condamnait les mouvements de grève de juin 1936 et la révolution libertaire dans la péninsule Ibérique, on doit se souvenir de la guerre entre les libertaires et les staliniens au cours de la révolution en espagne
voici un texte récupéré sur internet

Hormis quelques rares études, peu d’ouvrages se sont penchés sur le rôle des anarchistes pendant la Seconde guerre mondiale. Des raisons idéologiques expliquent en partie « l’oubli » des historiens gaullistes ou communistes. Des auteurs comme Maurice Rajsfus n’ont hélas pas fait beaucoup mieux. Son livre, La Libération inconnue, publié en 2004, est bien décevant.

Reconnaissons qu’il n’est pas simple de cerner la question. La révolution libertaire espagnole, et sa tragique issue, avaient attisé les querelles entre les courants anarchistes français (communistes libertaires, anarcho-syndicalistes, synthésistes, individualistes). Ce qui ne facilite pas la tâche. Du fait de cette division et de la répression, la mouvance anarchiste était totalement désorganisée. Il faut donc souvent aller gratter dans l’action individuelle déployée par de nombreux-ses militant-e-s dans différentes régions du pays.

En prenant le temps de faire du lien entre les documents et témoignages existants, il est néanmoins possible d’offrir un panorama assez convainquant, mais complexe. Remontant jusqu’aux années trente pour bien saisir toutes les nuances qui agitaient la mouvance libertaire, Michel Sahuc s’est notamment plongé dans les travaux de l’historien anglais David Berry, dans les précieuses archives du Centre international de recherche sur l’anarchisme (CIRA) de Marseille, dans le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (le Maitron) et dans une quantité d’ouvrages spécialisés.

« Les anarchistes n’appartenaient pas à la Résistance, mais faisaient partie des résistants », explique Bruno Lédy dans une thèse de Maîtrise d’histoire contemporaine soutenue en 2002. Ces militant-e-s ont agi dans la résistance syndicale, dans les maquis, dans les réseaux d’évasion… Ils ont aussi joué un rôle « obscur » non négligeable (solidarité avec les insoumis, les juifs et les résistants, hébergement et passage en zone « libre » des persécuté-e-s, fabrication de faux documents…). Souvent isolés et désunis, ils partageaient toutefois des idéaux spécifiques : l’antifascisme, l’antinazisme, l’anticapitalisme, l’anti-impérialisme, mais aussi l’antipatriotisme, l’antigaullisme, l’anticommunisme et l’antibellicisme… « Ni Thorez, ni De Gaulle » était un slogan répandu. Une option qui excluait toute possibilité d’intégration réelle dans la Résistance officielle. Seuls quelques anarcho-syndicalistes engagés dans la CGT clandestine ou dans certains réseaux de l’Armée secrète reconnurent De Gaulle comme le chef de la Résistance.

Des liens existeront cependant entre anarchistes et gaullistes (comme à Narbonne où les anars croiseront le groupe Combat et l’Armée secrète), entre anars, syndicalistes révolutionnaires et socialistes (comme à Lyon ou avec Libération Nord), entre anars et communistes (comme dans le Lot-et-Garonne). Les rapports entre anarchistes et communistes étaient des plus tendus. Les comportements staliniens, le pacte germano-soviétique et le nationalisme xénophobe à la mode coco ne pouvaient s’accorder avec l’antifascisme et l’internationalisme prolétarien constants prônés par les anarchistes.

Par principe, louable, de nombreux anarchistes pacifistes refusaient la guerre. Leader de l’Union anarchiste, Louis Lecoin (qui, plus tard, en 1961, à 74 ans, arracha à De Gaulle un statut pour les objecteurs de conscience après vingt-deux jours de grève de la faim) fut arrêté le 29 septembre 1939 (et libéré en… 1943) pour avoir distribué l’appel Paix immédiate ! qu’il avait rédigé. De nombreux autres distributeurs furent épinglés. Idem pour une longue liste de réfractaires, d’insoumis, de déserteurs et d’objecteurs de conscience qui connurent camps d’internement et disciplinaires, prisons militaires, déportation.

Malheureusement, quelques syndicalistes et pacifistes vont être abusés par l’armistice et seront séduits par le gouvernement de Pétain. L’essai de Michel Sahuc n’oblitère pas les compromissions de certains sinistres individus. Toutes les organisations ouvrières ont eu leurs brebis galeuses. Dans ce bourbier puant, René Belin, ancien cégétiste, deviendra par exemple le ministre du Travail qui mettra en œuvre la fameuse Charte du Travail. Des pacifistes intégraux franchiront aussi le pas vers la collaboration dans les syndicats véreux, dans la presse collabo et pro-nazie… La brochette de socialistes, de communistes, de syndicalistes et d’anarchistes qui confondirent Révolution nationale et révolution tout court eut quelques comptes à rendre à la Libération, parfois avant… Les pages très documentées de Michel Sahuc sur ces « rouges-bruns » ne sont pas les plus plaisantes, mais elles sont indispensables.

Il est impossible ici de citer tous les noms et les parcours mentionnés dans Un Regard noir. D’Armand Gatti à Jean-René Saulière alias André Arru, en passant par Louis Mercier-Véga, Roger Paon, Jeannot Cluzel, Sonia Malkine Picqueray, Lucien Casier, André Respaut, Ludovic Pradier, Yves-Michel Biget, Jean Roumilhac, Benoît Perrier, Pepito Rosell, Suzie Chevet, May Picqueray, Gérard Duverger… Chacun-e a fait selon sa conscience et ses moyens.

Dans un autre registre, arrêtons-nous sur des moments significatifs qui illustrent les liens, et non des moindres, qui pouvaient exister, malgré tout, entre Résistance officielle et anarchistes. Prenons le cas d’Albert Guigui-Terral alias Varlin. En 1943, correcteur d’imprimerie à Toulouse, Varlin a fait remettre à De Gaulle un mémorandum sur les risques qui pèseraient sur la classe ouvrière française si un appel à la grève générale était lancé sans être synchronisé avec le débarquement allié. Varlin défendit sa position dans une réunion présidée par Jean Moulin. Il fut entendu. La même année, Varlin représenta la CGT clandestine à Londres auprès de De Gaulle et obtint la création d’un fonds de soutien pour les syndicats. Ainsi, le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) versa pendant plusieurs mois une enveloppe franco-anglo-américaine à la CGT clandestine.

Direction Caen. Robert Douin alias Civette appartenait au réseau Alliance créé en 1940. Il dirigeait la partie Ouest du Calvados. Avec son équipe, il dressait des cartes d’état major pour localiser les activités allemandes en Basse-Normandie. Terminées, les cartes furent transmises à Londres pour préparer le débarquement du 6 juin 1944. Le 17 mars 1944, peu de temps après avoir terminé leur travail, vingt-et-un résistants du groupe Alliance seront arrêtés par la Gestapo. Robert Douin était parmi eux. Après avoir été torturé, il sera exécuté quelques jours avant la libération de la ville par les alliés qu’il avait guidés par ses précieux renseignements.

Si les anarchistes français n’étaient pas toujours très organisés, leurs compagnons espagnols, bien entraînés par la lutte contre Franco, poursuivaient avec ardeur leur combat antifasciste en France dans des groupes FTP, MUR, AS, FFI, de manière autonome ou même au sein de la Nueve, la 9e compagnie de la 2e DB qui libéra Paris avec des véhicules portant le nom de batailles de la guerre civile (Madrid, Teruel…). Pour sa part, Francisco Ponzan Vidal alias François Vidal était un responsable de la Confédération nationale du travail (CNT) en Aragon durant la guerre d’Espagne. Il était spécialisé dans le renseignement militaire, le sabotage et le sauvetage des personnes persécutées. Dès mai 1939, en lien avec l’Intelligence service, le BCRA, le réseau Sabot et le groupe Combat, il créa un réseau qui couvrait une zone allant de Bruxelles à Lisbonne. 1500 personnes, dont 700 aviateurs alliés, purent s’évader avec l’aide du réseau Ponzan. Arrêté par la police française, Francesco Ponzan a été exécuté par les Allemands le 17 août 1944.

Après un temps d’oubli et de calomnies, un juste hommage commence à être rendu aux résistants anarchistes. En juin 2008, le conseil municipal de Brest a décidé de donner le nom de Jules Le Gall à l’une de ses places. La phrase « Jules Le Gall 1881-1944, anarchiste et franc-maçon mort à Buchenwald » sera inscrite sur la plaque. Jules Le Gall, co-fondateur de la Bourse du travail en 1904, solidaire de Sacco et Vanzetti, solidaire de Nestor Makhno (anarchiste ukrainien persécuté par le pouvoir soviétique) fut arrêté par la police française en 1941 et déporté.

Les anarchistes ne recherchent pas spécialement les honneurs. Loin des jeux politiciens, ils ne réclament que justice et égalité, pour les vivants comme pour les morts. Le livre de Michel Sahuc rend hommage à ces résistants qui ne combattaient pas pour « la France », mais pour la liberté partout dans le monde et contre l’oppression sous toutes ses formes.

Michel Sahuc, Un Regard noir – La mouvance anarchiste au seuil de la seconde guerre mondiale et sous l’occupation nazie (1936-1945), éditions du Monde libertaire, 168 pages. 10 euros. En vente dans toutes les bonnes librairies et particulièrement chez Publico 145, rue Amelot 75011 Paris.

À Bure, nous n’irons plus aux champignons

note: et autre infos d’indymedia Nantes sur le sujet:
Alerte à Bure : l’ANDRA ne creusera pas son trou dans la forêt de Mandres-en-Barrois ! ici

indymedia nantes
Un appel à nous rejoindre dès maintenant pour empêcher l’installation de l’ANDRA et les début des travaux de CIGEO dans la forêt de Mandres, et à être nombreus-e-s pour une grosse manif’ le dimanche 19 juin !

À Bure, nous n’irons plus aux champignons

Dans une forêt, des machines arrachent, déracinent et jettent à terre des centaines d’arbres. Depuis quelques jours, des chenillards labourent un sol encore gorgé des pluies abondantes du printemps. Des vigiles traînent dans la boue leurs allures de mercenaires. Ce sinistre monde s’agite à l’abri d’une lisière de forêt subtilement préservée, mais ces quelques arbres ne suffisent plus aujourd’hui à cacher le désastre en cours.

Ces machines, ce sont celles de l’Andra, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, qui entend construire ici sa poubelle nucléaire. Cette forêt, c’est le bois Lejuc, bois communal du village de Mandres-en-Barrois. Elle a été volée l’été dernier au terme d’un échange absurde dont la légalité est contestée par les habitant.e.s qui ont déjà déposé deux recours juridiques. S’il s’agit d’un enjeu crucial c’est que l‘Agence projette d’y creuser deux énormes puits. Ils recracheraient à jamais l’hydrogène dégagé par les colis mis à l’oubli dans les entrailles de la Terre.

Nous affirmons qu’une ligne rouge a été franchie. Cette nouvelle emprise territoriale marquerait le début de Cigéo, projet d’enfouissement de 99 % de la radioactivité française. Pourtant leur décharge atomique ne dispose d’aucune existence légale. Elle ne repose que sur les spéculations scientifiques les plus délirantes et la volonté politique la plus crasse de perpétuer la catastrophe nucléaire. Vingt ans de colonisation intérieure, à coup de pognon, de pressions et de foutages de gueules camouflés sous le verbiage technocratique n’ont pas éteint les colères d’une région choisie pour sa faible densité. Le dernier simulacre de débat public, en 2013, a été joyeusement sabordé.

Deux ans plus tard, des centaines de personnes ont afflué dans ce coin de la Meuse pour un camp anti-autoritaire et anti-capitaliste. Depuis, dans la rigueur de l’hiver, un nouveau lieu d’organisation a commencé à se construire. Nos cultures squattent maintenant un bout de terre accaparée par le projet. Début juin, plus d’un millier d’opposant.e.s se sont rassemblé.e.s devant le labo lors d’un week-end réjouissant entre concerts punk, randonnées actives et secouage de grilles.

Le bruit des arbres qui craquent sous les assauts de leurs machines nous est insupportable. Si nous sommes encore peu, nous avons été réactifs et multiplié ces derniers jours les balades dans le bois. Nous avons semé leurs vigiles, esquivé les poulets et fait face à une ligne de gendarmes mobiles. Sur la voie qu’ils pensaient toute tracée, nous avons tenté de monter des barricades, creusé des tranchées à la pioche et fait tomber leurs grilles. Ce que nous avons modestement ouvert dans cette forêt c’est un front, celui qu’ils avaient pris soin de ne plus nous offrir.

Nous devons l’investir ensemble. Tous les moyens sont nécessaires pour empêcher qu’un bois ne soit bientôt rasé et clôturé de barbelés tranchants. Sa destruction créerait un nouveau désert, condition indispensable à la prolifération nucléaire. Nous pensons pique-niques, balades, manifestations populaires. Nous imaginons sabotages, occupations, actions décentralisées.

Cette manche se joue dès maintenant et nous savons que cet été sera décisif. Notre seule limite, c’est le nombre. Certain.e.s commencent déjà à nous rejoindre. Comme nous l’a appris le mouvement de contestation en cours : quand on est nombreux, on fait c’qu’on veut.

Retrouvons-nous dès à présent et reprenons la forêt !

Et soyons nombreux-euses le 19 juin à Mandres-en-Barrois !

A partir de 11h, pique-nique interminable au départ de Mandres-en-Barrois, rendez-vous près du lavoir.

Infos – vmc.camp / burestop.eu / burezonelibre.noblogs.org / pandor.at

Mail : sauvonslaforet(at)riseup.net Tel – 0758654889

Link_go http://vmc.camp/2016/06/12/appel-a-nous-rejoindre-dans-lest/

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Notes critiques Lettre de solidarité à la Discordia.

note: ce texte a été reçu par mail et diffusé dans l’info-kiosque de la bibliothéque du laboratoire anarchiste le Samedi 18 juin au Rassemblement contre le Center Parcs de Roybon à Saint Marcellin

Le 26 janvier dernier, alors qu’ils et elles s’apprêtaient à ouvrir la bibliothèque anarchiste la Discordia, les compagnons et compagnonnes anarchistes qui organisaient un débat intitulé « Islamophobie : du racket conceptuel au racket politique » ont eu le « plaisir » de découvrir que la façade de l’immeuble qu’ils et elles louent dans le 19ème arrondissement de Paris avait été recouverte de tags.
« Cependant, en arrivant mardi après-midi, on a vu que la devanture de la Discordia avait été taguée, probablement dans la nuit. Des A cerclés (merci !) et des invectives (« fafs » et « racistes ») particulièrement mal écrites et pensées à la bombe de peinture noire. Le tout accompagné d’un feuillet de « revendication », affirmant que nous véhiculerions « des théories racistes et islamophobes » et que nous serions « la courroie de transmission des idéologies du pouvoir », etc. »
Quelques jours plus tard, rebelote—et malheureusement pas dix de der. Cette fois des jets de peinture sont venus s’ajouter aux premières « dégradations ». Il y a quelques jours enfin, les compagnons et compagnonnes ont eu cette fois l’occasion de découvrir la vitrine de leur bibliothèque brisée.
A la suite quelques mots de solidarité face à ces « attaques » répétitives et ces tentatives d’intimidation.

***

Salut compagnons et compagnonnes,
Nous vous écrivons ces quelques mots pour vous exprimer notre solidarité face à ce que vous vivez en ce moment. Que ces barbouillages aient été peinturlurés par quelques radicaux ou radicales qui jugent que le refus d’employer le terme « islamophobie » est le signe irréfutable d’un racisme larvé, ou par quelques barbouzes vengeresses de votre incursion il y a quelques semaines à l’école Montessori1, ou encore par quelques fafs cherchant à foutre le dawa… ne change rien au fait que depuis plusieurs mois l’air devient irrespirable dans le « milieu radical » lorsque l’on évoque sa réticence à déployer les modèles conceptuels issus des théories post-coloniales. Que ce soit celui « d’islamophobie » ou ceux de « racisé » ou de « races sociales ». Quelques remarques toujours, cette fois sur votre texte de réponse qui a suivi ces premiers « exploits ». Que nos gribouilleurs et gribouilleuses soient jeunes ou vieux et vieilles, qu’ils ou elles soient veules ou courageux et courageuses, ne change pas grand chose à l’affaire. Ce qui est clair, c’est qu’en bien des lieux et des circonstances, il semble devenu très complexe qu’un discours critiquant l’usage des termes « islamophobie », « racisé » ou « race sociale » dans le milieu militant « libertaire », « marxiste antiautoritaire » ou « autonome » ait droit de citer sans être immédiatement taxé de raciste. Il ne s’agit pas pour nous ici de se solidariser pour soutenir une quelconque liberté d’expression, ni de stigmatiser l’utilisation de « l’attaque » de manière abstraite, encore moins de demander que nos peintres en bâtiments se dénoncent ou soient balancés, mais juste de dénoncer les tentatives d’intimidation dont vous êtes l’objet et les étranges rapprochements qui semblent s’opérer entre une partie du milieu radical et certains groupes pro-religieux et/ou « indigénistes »2. Oui, contrairement à ce que veulent nous faire accepter certains et certaines « camarades », il nous apparaît à nous aussi légitime et même salutaire de questionner la lecture qu’ils et elles opèrent en ces termes. Et ce n’est pas intérioriser des réflexes racistes ou post-coloniaux que de réfuter cette analyse. Pourquoi est-il à notre avis légitime de refuser d’employer les termes « islamophobie » , « racisé-e » ou « race sociale »?
1. Parce que le racisme qui sévit en France et un peu partout en Europe, malgré son nouveau camouflage idéologique laïcard, n’en demeure pas moins un racisme qui touche l’ensemble des personnes qui sont renvoyées à cette identité religieuse. Et qu’il ne s’applique pas tant à une religion, l’islam, qu’à ceux et celles basané-e-s le plus souvent qui sont censé-e-s la pratiquer. Ce n’est pas parce que les thèses ethno-différentialistes attaquent verbalement l’intégration prétendument complexe des musulmans et des musulmanes qu’il n’en reste pas moins un racisme qui vise structurellement l’ensemble des immigré-e-s.
2. Parce que de nombreuses personnes qui sont victimes de ce racisme refusent d’être assignées à une religion qu’ils ou elles ne pratiquent pas et à laquelle les racistes les assimilent déjà. Faut-il rappeler que certains et certaines immigré-e-s ont fui leur pays, pour fuir le poids de l’oppression religieuse et étatique qui s’y exerçait ? Que dans ces pays, les groupes intégristes musulmans se sont imposés comme réponse réactionnaire, étatique et policière aux soulèvements qui ont échoué quelques années plus tôt.
3. Parce que l’approche en terme « d’islamophobie » renvoie non pas à un racisme qui toucherait les musulmans et les musulmanes mais à une phobie contre la religion elle-même. Ce qui délégitime et rend suspect de fait toute critique de l’islam ou toute entreprise blasphématoire. Le blasphème ou l’athéisme est immédiatement renvoyé à un phobie, une peur irrationnelle ou pire un racisme inconscient.
4. Que certains des promoteurs et certaines des promotrices du concept visent ouvertement cette interdiction du blasphème. C’est le cas de l’Organisation de la coopération islamique3, qui réunit plusieurs dizaines d’Etat dont une poignée théocratiques, et qui a réussi à imposer au niveau de nombreuses instances internationales ce concept. Des organisations comme le CCIF, les Frères musulmans, ou encore Participation ou spiritualité musulmane4 défendent cette ligne idéologique. D’autres groupes de pression religieux emboîte le pas. C’est ainsi qu’observatoire de la christianophobie et autres riposte catholique fleurissent.
5. Que tous ceux et toutes celles qui sont victimes de ce racisme n’emploient pas tous et toutes le terme islamophobie pour le qualifier. Spontanément, il est souvent question de racisme. Ce sont souvent ceux et celles qui s’autodéfinissent comme leurs représentants et représentantes qui imposent cette terminologie. C’est le cas des groupes et associations cités plus haut mais également de la MAFED (marche des femmes pour la dignité) et du Parti des Indigènes de la République (PIR), et de certains groupes militants d’extrême gauche, antifascistes ou libertaires. La MAFED et le PIR, qui ne regroupent que quelques dizaines de militants et militantes et qui n’ont de leur propre aveu qu’une implantation très relative dans les quartiers dits « populaires », ont par contre une réelle audience médiatique et universitaire : Hourria Bouteldja du PIR à Ce soir ou jamais chez Taddéi, Wiam Berhouma de la MAFED à Des paroles et des actes sur France 2 pour interrompre l’ineffable Finkelkraut et lui intimer de se taire—ce qui nous la rendrait presque sympathique— Siham Asbague et Nacira Guenif Souilamas toujours chez Pujadas. Ces mêmes groupes bénéficient également de réels relais en milieu universitaire en mal de révolution abstraite et théorique. Ces représentantes autoproclamées des damné-e-s de la terre sont pourtant loin de partager leurs conditions. Sociologues ou universitaires, elles ont la faculté d’incriminer les « privilèges », taux de mélanine ou sexe de leurs opposants et opposantes, mais de masquer les leurs.
6. Parce que le Parti des indigènes de la république en faisant d’une lecture décoloniale et de la domination raciale l’axe principal et unique de sa lecture des rapport de domination en vient à essentialiser ces dernières. Les blancs et dans une moindre mesure les blanches deviennent par essence sociale des colons et des oppresseurs. Ce qui conduit Hourria Bouteldja et ses ami-e-s à défendre le concept de « races sociales ». Ainsi, celui ou celle qui a un vécu de blanc ou de blanche reproduirait de fait les rapports de domination coloniaux ou post-coloniaux, tandis que les « indigènes » subissant les rapports de domination seraient quant à eux et elles les nouveaux sujets révolutionnaires. Cette lecture essentialiste—comment définir un blanc, un noir, autrement que par sa couleur de peau ? – en vient à faire de notre taux de mélanine un critère de domination structurel. Les frères et sœurs indigènes peuvent quant à eux et elles reproduire les pires dominations, parce qu’ils et elles sont dominé-e-s. C’est ainsi qu’au moment où Valls a voulu interdire les spectacles de Dieudonné, le PIR a non seulement refusé de se ranger au côté de Valls et de l’Etat—ce qui est légitime—mais surtout a refusé de condamner le frère « indigène » Dieudonné, dont les positions antisémites sont réduites à des errements. Le communiqué se conclut de la sorte : « Pour conclure, nous ne participerons à aucune chasse à la quenelle décrétée par un ministre de l’intérieur islamophobe, philosémite de circonstance et « éternel » ami d’Israël. Ce triste sire n’est pas qualifié pour donner des leçons d’antiracisme à Dieudonné et ses aficionados. Nous ne nous soumettrons pas non plus à l’injonction de crucifier Dieudonné sur l’autel de la respectabilité au prétexte de son infréquentabilité. Nous sommes trop familiers de l’immoralité du pouvoir et d’une grande partie de l’opposition pour nous émouvoir de celle d’un clown. En revanche, Dieudonné qui est d’une part un frère de condition mais aussi un indigène doué d’un libre arbitre peut faire le choix de prolonger sa servitude ou s’en libérer radicalement. A l’instar d’un Malcolm X qui, après des débuts désastreux, a su trouver une voie juste et révolutionnaire pour devenir la légende politique que l’on sait, Dieudonné doit faire face à son destin en rompant avec tout le fatras idéologique blanc et renouer avec l’Afrique, le tiers-monde et nos aïeux les plus prestigieux. Une occasion historique s’offre à lui. Entre Faurisson et Fanon, il doit choisir. »5 Dans ce cas précis, on voit bien que le concept de « race sociale » est très flou, puisqu’en s’alliant aux pires défenseurs du colonialisme, Dieudonné devrait être de fait un blanc… pourtant, il demeure un frère « indigène ». Dans son récent ouvrage, dont le titre est un programme à lui seul, Les blancs, les juifs et nous, Hourria Bouteldja écrit : « La critique radicale du patriarcat indigène est un luxe. Si un féminisme assumé devait voir le jour, il ne pourrait prendre que les voies sinueuses et escarpées d’un mouvement paradoxal qui passera obligatoirement par une allégeance communautaire. Du moins aussi longtemps que le racisme existera », et plus loin « En Europe, les prisons regorgent de Noirs et d’Arabes, les contrôles au faciès ne concernent pratiquement que les hommes et ils sont les principales cibles de la police. C’est à nos yeux qu’ils sont diminués. Et c’est bien nous qu’ils tentent désespérément de reconquérir, souvent par la violence. Dans une société castratrice, patriarcale et raciste (ou subissant l’impérialisme), exister, c’est exister virilement. « Les flics tuent les hommes et les hommes tuent les femmes. Je parle de viol, je parle de meurtre », dit Audre Lorde. Un féminisme décolonial ne peut pas ne pas prendre en compte ce « trouble dans le genre » masculin indigène car l’oppression des hommes rejaillit immédiatement sur nous. Oui, nous subissons de plein fouet l’humiliation qui leur est faite. La castration virile, conséquence du racisme, est une humiliation que les hommes nous font payer le prix fort. En d’autres termes, plus la pensée hégémonique dira que nos hommes sont barbares, plus ils seront frustrés, plus ils nous opprimeront. Ce sont les effets du patriarcat blanc et raciste qui exacerbent les rapports de genre en milieu indigène. C’est pourquoi un féminisme décolonial doit avoir comme impératif de refuser radicalement les discours et pratiques qui stigmatisent nos frères et qui dans le même mouvement innocente le patriarcat blanc ». D’où, toujours dans le même ouvrage : « Si une femme noire est violée par un noir, c’est compréhensible qu’elle ne porte pas plainte pour protéger la communauté noire. » En clair, face au patriarcat qui sévit chez les « frères », il faut que les sœurs ferment leur gueule, comme jadis chez les staliniens et les staliniennes il fallait que les femmes de prolos refusent la contraception et l’avortement6. Outre que pour le PIR la lutte des « races sociales » se substitue à ce qu’était la lutte des classes pour les ouvriéristes, c’est-à-dire le conflit central de nos sociétés, c’est également une logique avant-gardiste reproduisant le pire léninisme qui s’exprime dans ses pratiques. C’est parce qu’elle se considérait comme la représentante des indigènes de banlieues qu’Hourria Bouteldja refuse, dans de nombreux communiqués, de dénoncer l’homophobie et le sexisme qui y sévit, comme dans bien des franges de la société. En substance, ça donne à peu près : les banlieusards et banlieusardes ne sont pas prêts pour ses positions, et comme je les représente, je dois mettre de côté ces positions… Bref, on est dans la plus pure tradition politicienne. C’est d’ailleurs avec les mêmes visées politiciennes qu’Hourria Bouteldja structure sa position sur Dieudonné. Dans un entretien pour la revue Ballast, notre porte parole autoproclamée peut ainsi nous dire : « Derrière la convergence, il y a un présupposé universaliste, lui-même fondé sur l’idée qu’il y aurait des oppressions universelles et qu’il faut donc s’en émanciper. » et de poursuivre « Il y a des priorités. Nous devons d’abord exister pour nousmêmes et construire notre propre espace. Notre choix premier est de toujours parler aux Indigènes, de ne pas perdre le fil avec nous-mêmes — en particulier quand nos alliés nous somment de condamner Dieudonné… Ce sont des positions très dures à tenir quand on pense aux deux pôles entre lesquels nous sommes pris : d’un côté, les Indigènes sociaux qui sont très sensibles, par exemple, aux questions relatives à Dieudonné, que certains voient comme un héros, un résistant ; de l’autre, nous avons construit un système d’alliances avec certains milieux de gauche pour qui Dieudonné est un fasciste. Quand nous devons sacrifier l’un de ces pôles, c’est celui des Blancs que nous sacrifions ». Au confusionnisme, cette vision ajoute la domination Politique, celle qui décide de parler au nom d’une classe, d’une race, d’un peuple, d’un genre.
7. Que l’utilisation de ce dénominateur commun d’islamophobie a amené certains radicaux et certaines radicales à côtoyer ces organisations. Dans les faits, l’usage du terme islamophobie produit déjà les pires alliances de circonstance. En quelques mois, de la marche pour la dignité et contre le racisme, à diverses meeting, les liens entre la gauche de périphérie— Parti de gauche, EELV, NPA, etc.—, diverses organisations comme le CCIF, le PIR, Tariq Ramadan ou Présence et Spiritualité Musulmane évoquée plus haut, et certains militants et militantes antifascistes ou libertaires se raffermissent.
8. Parce que la légitimation de l’identité religieuse comme identité dominée encourage le recours à la religion comme forme de résistance sans questionner les rapports de domination religieux et culturels que cela implique : patriarcat, condamnation de l’homosexualité, exaltation de la cellule familiale, etc. et que contrairement à ce que nous avaient annoncé certains philosophes et sociologues, le religieux est loin d’être une valeur en voie de disparition, voire reprend du poil de la bête chez bien des dominé-es. Et sur ce registre l’islam est loin d’être l’unique vecteur de ce retour du religieux. Les évangélistes, entre autres, ne cessent de faire des adeptes. L’un des combats de nombreux et nombreuses « décoloniaux » s’exprime non seulement légitimement dans la dénonciation du racisme que subissent les musulmans et les musulmanes, mais également, et là c’est plus problématique, dans la revendication d’une identité musulmane. Les « rencontres autour de la question des races », intitulées Paroles non blanches, organisées pendant le récent mouvement dit contre la loi travail au bâtiment C de l’université Paris 8 de St Denis, a ainsi tourné autour de ces thèmes. Nul étonnement donc d’y voir invité le rappeur converti et prosélyte Kerry James. Nulle surprise de retrouver également dans le documentaire Un racisme à peine voilé diffusé à cette occasion, qui porte par ailleurs une critique fort juste sur l’interdiction du voile, Hourria Bouteldja, ou Pierre Tevenian qui tentent de réconcilier révolution et religion.
9. Que le racisme qui vise les supposé-e-s musulmans et musulmanes n’est pas une phobie. La racisme d’hier ripoliné par l’ethno-différentialisme de la nouvelle droite, ou le racisme d’Etat qui vise à enfermer les classes dangereuses dans une identité qui puisse servir de bouc-émissaire, ne sont pas juste des peurs irrationnelles, « psychiatrisables », mais un appareillage idéologique pensé et structuré. Qu’il n’est pas juste un ensemble de peurs qui nous traverseraient tous et toutes de manière diffuse, mais qu’il s’incarne dans des institutions, des idéologies, des groupes.
10. Parce qu’il n’existe pas de religion des dominés—les dominés ne peuvent être assignés à une religion -, mais des religions qui dominent et oppriment. Si des musulmans et des musulmanes sont opprimés, ça ne peut justifier, au nom des circonstances, le fait d’invisibiliser en quoi la religion opprime. Ca veut juste dire qu’il faut être clair dans le propos et refuser d’hurler avec les loups. Et rappeler que toutes les religions oppriment. Ce qui ne peut justifier d’opprimer les croyants et les croyantes.
11. Parce que l’anti-religion n’est pas une religion. Dans de nombreuses prises de parole on entend parler de « bigots de l’anti-religion ». Comme sur bien d’autres domaines, la confusion règne ou est savamment entretenue par certains et certaines. Nous avons même droit aux fameuses oxymores orwelliennes. A « la guerre c’est la paix », « l’antiracisme c’est intolérant », « l’antisexisme est sexiste », s’ajoute donc aujourd’hui « l’anti religion est une religion ». La nouveauté c’est que ce sont des camarades qui entretiennent aujourd’hui une telle confusion. Non, la critique de la religion n’est pas une religion mais s’appuie sur une analyse qui refuse le dogme, que des vérités révélées et des lois divines quelles qu’elles soient régissent nos vies de manière hétéronome, que la religion joue son rôle de pacification sociale au nom des paradis futurs qu’aucune ne manque de promettre, qu’elle justifie au nom de textes sacrés les hiérarchies quotidiennes ou les hiérarchies ecclésiastiques, etc. Ni dieu, ni maître n’est pas qu’un slogan que quelques communistes, blanquistes et anarchistes psalmodient dans leurs locaux poussiéreux mais la critique radicale d’une soumission. Il ne faut pas confondre idéologies teintées d’éléments un brin sacralisés parfois mais qui envisagent leur remise en cause permanente, avec une vérité révélée et incontestable.
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. Parce que refuser de parler d’islamophobie et d’en faire un axe de lutte ne veut pas dire que nous ne nous sentons pas solidaires de musulmans et musulmanes—et pas qu’eux et elles—qui vivent le racisme au quotidien. Ca ne veut pas plus dire que nous nous associons aux laïcards et laïcardes de tous poils ou aux culs bénis à la mode frontiste qui cachent derrière cette riposte laïque un racisme des plus éculés, pour demander l’interdiction du voile ou autres foutaises. Nous ne sommes ni l’Etat, ni l’Eglise.
13. Non, être solidaire face à une oppression ne veut pas dire étouffer le feu de la critique envers celles et ceux qui la subissent, nous-mêmes compris. Être solidaire du prolétariat ne veut pas dire accepter sa dictature ; être solidaire des migrants et des migrantes ne veut pas dire accepter les discours autoritaires que certains et certaines peuvent porter ; être solidaire face à un aménagement urbain ou la construction d’un aéroport ou d’une centrale nucléaire ne veut pas dire se résigner à adopter des options d’alteraménagement ; tisser des complicités avec des compagnons et des compagnonnes révolutionnaires ne veut pas dire taire nos divergences. A chaque fois, il s’agit d’embrasser une cause commune, contre l’oppression vécue ou comprise, et de tenter de se défaire du monde qui lui permet d’exister.
14. Parce qu’il ne suffit pas d’être dominé pour détenir la vérité. L’identité « biologique » et sociale du locuteur ou de la locutrice n’est pas gage à elle seule de la pertinence du discours et des pratiques, ni même qu’ils visent l’émancipation. Combien de prolétaires justifient le salariat ? Combien de femmes se soumettent aux rôles que la société patriarcale cherche à leur assigner ? Combien de dominé-e-s acceptent de jouer le jeu de la séparation et de la domination Politique ?
15. Que le contexte social et politique ne peut imposer de réduire la critique. Il n’y a pas de contexte où le maître est acceptable, il n’y a pas de contexte où dieu est acceptable. Comme hier, lorsque les citadelles assiégées du socialisme réel intimaient au nom de ce siège et des circonstances aux révolutionnaires de se taire, il est primordial de refuser cette dictature de l’histoire. Parce qu’elle forge le tombeau de toutes les libertés, celles que l’on remet aux lendemains, mais qui une fois disparues ne reviennent jamais à l’ordre du jour.
16. Parce que la religion est bien un outil de pacification sociale. C’est dans cette optique qu’elle est encouragée en taule. C’est également dans les quartiers les plus « confessionnalisés » ou les plus dominés par l’économie souterraine que les émeutes de 2005 avaient le moins pris. D’ailleurs, en même temps qu’il stigmatise structurellement les musulmans et les musulmanes, qu’il traite de manière différenciée les différentes religions, l’Etat cherche dans la plus pure tradition coloniale à propager un islam de France, à dégager des interlocuteurs.
17. Parce que même lorsque la religion sert un projet révolutionnaire, ce n’est pas un projet qui vise l’autonomie réelle des révoltés, mais qui suit des préceptes religieux, qui prescrit des rôles sociaux et politiques déterminés par les textes ou un rapport au divin. La théologie de la libération ou les hérésies qui se sont affrontés aux différents monothéismes ne font non seulement pas exception à la règle, mais restent de plus minoritaires, le plus souvent assiégées ou exterminées elles-mêmes par leurs hiérarchies religieuses. Ainsi, la théologie de la libération, même teintée de marxisme et d’indigénisme, reste une théologie avec ses obligations morales, ses normes imposées. Quant aux hérésies, si certaines ont pu porter des éléments d’émancipation sociale, est-ce réellement leur caractère religieux qui menait à cette émancipation ou au contraire l’émancipation qui contaminait les préceptes religieux ? Chez les bogomiles, hérésie religieuse née au Xème siècle qui influença les cathares, décrits notamment par Umberto Ecco dans Le nom de la rose, on vit une vie ascétique, on récuse le mariage, on condamne l’église comme corrompue, comme œuvre terrestre du diable, on rejette toutes les autorités constituées, ce qui a participé à son engouement populaire et sa répression. Pour autant, on respecte l’autorité du dogme, celle des Parfaits, leurs guides spirituels. Il n’en demeure pas moins que dans le cas de la théologie de la libération comme dans celle du bogomilisme, les autorités religieuses, ici chrétiennes, vont les combattre. A travers les positions anticommunistes prises par le Vatican et son soutien aux politiques contre-insurrectionnelles menées dans de nombreux pays pour la première, à travers l’inquisition et l’expropriation des biens bogomiles pour la seconde. Ce que combattent alors les autorités religieuses, c’est la remise en cause de leurs propres privilèges et leur collaboration active aux régimes en place.
18. Parce que si les destructions et les raffinements de la technique et de la science, de la rationalité instrumentale ont fini au XXème siècle de remettre en cause des principes issus du rationalisme des Lumières, il n’est pas pour autant question de réfuter la nécessité de recourir à une raison critique, de faire de la religion un rempart aux dégâts de la technique et de la science déchaînée, liées aux développements les plus avides, prédateurs et morbides du capitalisme et de l’Etat. Les ténèbres de la raison ne peuvent faire oublier celles de la religion.
19. Parce que soutenir des personnes qui cherchent à se défaire de l’oppression religieuse, qu’elle soit politique comme au Kurdistan, en Tunisie et dans bien d’autres régions, ou plus quotidienne ici ou là-bas, ce n’est pas de l’impérialisme, mais bel et bien une solidarité élémentaire face à l’oppression. Elle n’est d’ailleurs pas liée qu’à l’islam loin s’en faut. Faut-il rappeler le rôle que jouent les institutions orthodoxes dans une Russie où le racisme et l’homophobie sont particulièrement forts ? Ou le rôle que jouent des groupes comme Civitas ou des institutions catholiques plus mainstream dans l’organisation des manifs pour tous, auxquelles au passage des organisations musulmanes ont accepté de s’associer.
20. Non, ce n’est pas parce que l’on nous identifie comme « blanc » ou « blanche » et « français » que nous sommes responsables du colonialisme et que nous devrions nous taire comme « privilégié-e-s ». Non seulement nous ne sommes pas des colons parce que « blancs » ou « blanches », mais certains « blancs » et certaines « blanches » se sont depuis longue date engagé-e-s dans les luttes anticoloniales, ont dénoncé le rôle d’Areva ou Total en Afrique, etc. Définir notre vécu et notre positionnement en se rapportant à la seule couleur de notre peau, c’est non seulement réducteur mais ça implique de reconduire les catégories raciales, sous formes de « races sociales », des vieilles théories racialistes. Et s’il est évident que certains et certaines sont victimes de racisme, que ce racisme est non seulement un rapport interindividuel, mais également une rapport structurel, il n’en demeure pas moins que la « blancheur » de notre épiderme, notre vécu de non dominé-e-s ne fait pas de nous des dominant-e-s. L’absence d’un vécu de victime d’une oppression ne veut pas dire que nous ne sommes pas en mesure d’en comprendre l’essentiel : son refus.
21. Parce que l’islam n’est pas au cœur du projet anticolonialiste. La montée de l’islamisme politique est d’ailleurs postérieur au combat décolonial. Jamais le FLN ne se réclamait d’une identité religieuse. Mais bel et bien d’une identité nationale et autoritaire qui conduira d’ailleurs là où l’on sait. L’islamisme algérien a d’ailleurs fertilisé son expansion sur la domination autoritaire du FLN et de l’Etat algérien.
22. Que les circonstances ou la situation sociale historique ne sont pas limitées au « racisme anti-musulmans et musulmanes » ici en France, mais qu’en parallèle cherche à s’imposer dans bien des régions du globe et ici même, un islamisme politique qui se veut être un nouvel universalisme conquérant. Cet islamisme qui vise une implantation politique et militaire nécessite que nous lui opposions une résistance toute aussi claire. En même temps que nous devons nous opposer au « racisme anti-musulmans et musulmanes », nous devons combattre avec la même vigueur les visées islamistes radicales de Daech et autres Al-Quaïda.
23. Non, les caricaturistes de Charlie Hebdo n’ont pas été abattus parce qu’ils étaient islamophobes, et encore moins pour leur misogynie7. Ils et elles ont été assassinés parce qu’ils et elles avaient représenté le prophète. « Le commandement d’AQPA [ Al Quaïda dans la péninsule arabique] a dirigé l’opération et ils ont choisi leur cible avec attention pour venger l’honneur du Prophète. La cible était en France en particulier à cause de son rôle évident dans la guerre contre l’Islam et les nations opprimées. L’opération est le résultat de la menace du Cheikh Oussama, qui avait averti l’Occident des conséquences de la persistance du blasphème contre les valeurs sacrées des musulmans » . La tuerie de l’hyper casher de Vincennes attribuée à Daech visait des juifs. C’est un acte clairement antisémite. Les attentats de novembre, surenchère dans la stratégie concurrentielle des succursales du terrorisme8 et acte de guerre9, ne vise pas autre chose : « Et la France et ceux qui suivent sa voie doivent savoir qu’ils restent les principales cibles de l’Etat Islamique et qu’ils continueront à sentir l’odeur de la mort pour avoir pris la tête de la croisade, avoir insulté notre prophète, s’être vanté de combattre l’islam en France et frapper les musulmans en terre du Califat avec leurs avions qui ne les sert en rien dans les rues malodorantes de Paris. » [source communiqué de revendication de DAECH]

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Par contre, si notre solidarité va à la Discordia, nous ne ferons pas le raccourci qui voudrait que ceux et celles qui parlent d’islamophobie ou de racisé -e-s soient tous et toutes des « théophiles » qui renoncent à toute critique du religieux, ou qu’ils et elles soient tous et toutes des « racistes ». Et ce pour des raisons essentielles.
Tout d’abord, parce que l’analyse que portent certains et certaines camarades qui réfléchissent et agissent à partir du concept d’islamophobie s’appuie sur certains constats justes. Les musulmans et les musulmanes de France subissent effectivement un racisme. En effet, s’il n’existe pas de religion des opprimée-s et que la religion opprime, il existe bien un racisme anti-musulmans et musulmanes10 qui frappe d’ailleurs de nombreuses personnes qui ne sont pas musulmanes. Ce que nient à notre avis nullement au passage les compagnons et compagnonnes de la Discordia. Ce racisme quasi ancestral, souvent alimenté par l’imaginaire colonial et post-colonial, gagne singulièrement en virulence depuis quelques années. Ce racisme doit être dénoncé sans complicité avec le fait religieux, pour ce qu’il est. Les perquisitions et les assignations à résidence qui sont tombées plus rapidement que les décisions des Etats pendant la COP21 frappent majoritairement ces populations musulmanes et celles et ceux qui sont assignée-s à cette identité. De nombreuses perquisitions se font comme à la belle époque sur dénonciation. Et le racisme policier s’y exprime dans toute son étendue. Ce racisme policier ne s’exprime d’ailleurs pas uniquement contre les supposé-e-s musulmans et musulmanes. Dans ce contexte chacun et chacune d’entre nous peut être amené à faire des raccourcis et des erreurs. Mais ces erreurs ne peuvent être dénoncées pour ce qu’elles ne sont pas.
Ensuite, l’anticléricalisme et une laïcité toute fictive11, servent aujourd’hui de cache-sexe à la vieille idéologie raciste de l’extrême droite. Ce sont même des transfuges du chevènementisme comme Paul-Marie Couteaux et Florian Philippot, ou par ailleurs Riposte Laïque et Zeymour qui restructurent ce nouvel angle d’attaque raciste. Certains comme Onfray pour ne citer que lui s’appuient sur une lecture anticléricale ou sur la laïcité pour masquer un racisme latent et son rapprochement de la théorie du choc des civilisations. Radio Libertaire s’est elle-même fait piéger il y a quelques années en invitant Riposte Laïque sur son antenne. Onfray qui s’est rapproché de de Benoist et de sa revue Elément12 à qui il a accordé récemment une interview et de Zeymour avec lequel il a tenu un débat public à Nice, en est à défendre une gestion « diplomatique » (sic !) du choc des civilisations. Négocier avec le Calife Ibrahim le chacun chez soi. Cette nouvelle rhétorique des racistes ou des adeptes des théories du choc des civilisations rend plus complexe la tenue d’un discours antireligieux qui vise l’islam.
Les collectifs et camarades qui privilégient à l’heure qu’il est la lecture décoloniale et/ou déconstructiviste, ne refusent pas tous et toutes la lecture anticléricale. C’est que leurs protagonistes ne souhaitent pas mettre en avant cette approche face à la montée de ce qu’elles et ils nomment « islamophobie », et face à l’instrumentalisation de la laïcité à des fins racistes. Ce qui nous semble une erreur même si objectivement la situation est des plus délicates.
Dans cette période extrêmement confuse, la nouvelle droite par le développement de la théorie ethno-différentialiste a remodelé le racisme en une théorie plus discrète mais tout aussi porteuse d’essentialisation et de naturalisation des rapports de domination. Ces derniers l’ont emporté sur le terrain Gramscien de l’hégémonie culturelle13, et les mots même que le mouvement radical emploie recouvrent des réflexes « identitaires ». En offrant un statut singulier au ou à la racisé-e avant même que celui ou celle-ci ne s’empare de manière autonome d’une non-mixité, réponse à une oppression ressentie ou réelle, on leur détermine un statut à part. C’est ainsi qu’en parlant de « racisé-e-s », on « racialise » ceux et celles qu’on entend défendre, ou avec lesquels on cherche à nouer une solidarité et à construire une égalité. Le fait même que la situation nous impose une prudence sémantique et stratégique pour ne pas être assimilé à la logorrhée raciste en dit long sur la défaite culturelle que nous subissons. L’important est donc bien d’opposer à cette hégémonie un discours révolutionnaire qui ne recule sur rien, et qui soit clair. Sans Dieu, sans Maître.
Cependant, ces réflexes d’une partie du milieu ne sont pas portés par les mêmes intentions que celles d’un Onfray, d’un de Benoist ou d’un Soral. On ne peut donc pas réduire cette approche au racisme ripoliné de de Benoist ou d’une défense des « lumières » à la sauce Onfray. Dénoncer le danger des raccourcis du discours dé-colonial et déconstructiviste portés par une partie du milieu, questionner comment s’appuyer sur les identités dominées risquent de faire ressurgir des réflexes « identitaires », éclairer les dérives gauchistes parfois à l’œuvre pour ce qu’elles portent, ne peut se faire en amalgamant ces positions avec un discours raciste, ou même avec celui du PIR. Même si des rapprochements et des glissements sémantiques et pratiques augurent de très mauvaises perspectives.
Ca part même d’une position assez juste portée par les groupes « déconstructivistes », que c’est aux dominé-e-s de s’organiser pour renverser ce vieux monde. L’idée reprise de la première Internationale que l’émancipation des dominé-e-s sera l’œuvre des dominé-e-s eux et elles-mêmes, est loin d’être fausse. C’est cette optique, d’ailleurs parfois davantage que le prisme déconstructiviste et surtout dé-colonial, qui s’exprime dans une bonne part du milieu. Nous ne referons que brièvement le détour par le Black Feminism, et par les luttes féministes au sein même des groupes révolutionnaires, anarchistes compris. Dans les années 60-70, des groupes de féministes noires soulignent aux Etats-Unis comment aussi bien au sein des groupes féministes que de groupes comme les Black Panthers, leur vécu de noires, de pauvres dans un cas et de femmes dans l’autre ne sont pas véritablement pris en compte dans leur réalité. Le manifeste des féministes noires du Combahee River Collective entendait combattre dès cette époque simultanément toutes les oppressions sans fractionnement ni repli identitaire, ni hiérarchie. Tout en considérant que le déterminisme biologique constitue une base politique réactionnaire et dangereuse ce travail cherchait à rendre possible une convergence révolutionnaire et émancipatrice. A la même époque en France, les groupes gauchistes ou libertaires sont eux aussi confrontés à la même remise en cause des formes de domination notamment patriarcales qui les traversent. Encore récemment— dans les années 2000—des organisations anarchistes14 ont connus scissions et départs sur ce genre de dominations. Quant à nos différents groupes ou collectifs, ils ne sont pas exempts de reproduction de formes de domination intériorisées. Faut-il rappeler que la non-mixité comme outil de libération de l’expression a permis que dans des organisations, des groupes ou des expériences émergent des questions tues ? Ça ne peut pas être balayé d’un revers de main, comme ont pu le faire certains groupes libertaires ou gauchistes lorsqu’ont émergé des groupes antipatriarcaux en leur sein.

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Privilégier un rapport de domination par rapport aux autres – ici le racisme face à la religion— expliquer que les circonstances nécessitent de passer au second plan un rapport de domination, ça se rapporte à une histoire. Jadis, c’était l’économie et la lutte des classes qui prévalait15. On se devait d’accepter de manière transitoire l’Etat, repousser à l’après révolution les luttes d’émancipation secondaires ou périphériques comme les luttes féministes, écologiques, antipolitiques, homosexuelles, indiennes ou noires, etc. Aujourd’hui, c’est à contrario à partir d’un élément d’oppression considéré jadis à tort comme secondaire ou spécifique, que l’on intime aux autres de se taire. C’est comme si, dans certaines options se reproduisaient sans mauvais jeu de mot le pire de la tradition ouvriériste, celle qui clamait que le prolétaire avait toujours raison. Celle qui permettait aux léninistes de clouer le bec des anarchistes et des gauchistes en les traitant de petits-bourgeois. Ces identités qui intiment l’ordre de se taire, comme lors d’un récent texte d’appel à participer à la Marche pour la dignité et contre le racisme :
„Globalement, se reconnaitre blanc, admettre l’existence et la permanence du système racial français, tenter d’en comprendre les origines (coloniales notamment) mais surtout les effets, relève du devoir. Devenons des traitres. Dénonçons. Refusons, par tous les moyens à notre disposition, de participer à la reproduction de ce système. Nous n’y parviendrons qu’en redonnant la parole et la place aux « racisées », en accordant foi et soutien à leurs témoignages, actions et expériences autonomes. Nous devons nous taire pour leur faire enfin place. Marcher derrière, pour une fois (la première d’une longue série) mais marcher avec. Proposer un soutien, pas noyauter un mouvement, pas prendre des décisions à leur place. Les mouvements autonomes « racisés » ne nous excluent pas, ils nous interpellent. Nous pouvons et nous devons y participer. A notre juste place.“
Pourquoi en tant que blanche, je participe à la marche de la dignité, par Privilégiée, 28 octobre 2015, Indymédia Nantes.

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Dès lors, plus rien n’unit nos luttes entre égaux. Il n’existe que des rapports d’alliances. Chaque groupe oppressé ne cherche plus qu’à en nouer. Plus rien ne se dégage de commun qu’une visée stratégique de luttes juxtaposées, où se tissent des alliances entre identités dominées et séparées. Les principaux et principales concerné-e-s ne trouvent plus que des allié-e-s, qui au nom de leur manque de vécu de l’oppression n’ont plus leur mot à dire. A l’oppression répond la subordination des allié-e-s. Au manque d’égalité réelle des espaces de lutte, la négation de toute égalité.
Alors, l’idée universelle de révolution devient un fantôme, un héritage obscur de blancs. Les nombreux et nombreuses révolutionnaires qui, comme l’anarchiste kabyle Mohamed Saïl qui a lutté contre le colonialisme et rejoint la colonne Durruti dans l’Espagne révolutionnaire de 36 ou les compagnons et compagnonnes communistes libertaires égyptiens qui se sont opposés durant le printemps arabe aux sbires de Moubarak, ont combattu de front capital, Etat, racisme et religion apprécieront ou auraient apprécié.
Nous sommes de ceux et celles qui pensent que cette vieille, obsolète et idéologique idée de révolution sociale, « la sociale », comme on disait avant, reste d’actualité. Une révolution qui bouleverse à la fois les fondements de ce monde et nos existences, les structures sociales et nos êtres. C’est en ce sens que nous nous sentons solidaires, malgré bien des divergences, des compagnons et compagnonnes de la Discordia. Et que nous envisageons ceux et celles qui les attaquent de la sorte comme des ennemi-e-s.
Nous ne sommes pas que ce que la nature, la culture, le capitalisme, l’Etat ou la technoscience ont pu produire en nous,
Que crève ce vieux monde et que vive la sociale,
Sans dieu, sans maître.

• Quelques rétifs au nouveau vieux monde, Caen, mai 2016

– c’est possible le télécharger en cliquant ici

Contre la facilité : sur l’attaque à la massette des vitres de l’Hôpital Necker

Brèves du Désordre
Indy Nantes, 17 juin 2016 | contrelafacilité |

Des milliers de vitres ont été brisées mardi. Mais une dizaine d’entre elles ont recueilli plus d’attention qu’elles n’en méritaient. Une volée de baies vitrées de l’hôpital Necker ont été minutieusement étoilées lors de la manifestation. Mais tandis qu’on n’attend rien d’autres des médias que de s’indigner jusqu’à la nausée, il est plus surprenant de voir des « alternatifs », « anticapitalistes », ou autres contestataires de rue ou de salon se sentir sommés de s’exprimer à leur sujet.

Alors puisque la dissociation est de mise lorsque ces commentateurs sociaux suivent le sens du vent et surfent les mêmes vagues que nos ennemis tant que leur planche est rouge ou noire [1], nous affirmons préférer la plongée sous-marine et n’avoir que faire des mouvements de surface.

Il y a mille raisons de s’attaquer à un hôpital quelconque et à celui-là en particulier, et l’envie brute de se passer de raisons en est une.

Après tout, peu importe que cet hosto porte le nom de Jacques Necker, banquier de profession, puis successivement conseiller des Finances, directeur général du Trésor Royal, directeur général des Finances, Premier ministre des Finances de Louis XVI et j’en passe. Peu importe que ce brave homme se soit remarqué dans son rôle de contre-révolutionnaire en 1789, lorsque les casseurs détruisaient la Bastille pierre par pierre. Peu importe qu’au même moment, il ait repris à son compte toutes les méthodes imaginables pour calmer la populace en furie.

Après tout, peu importe que l’hôpital soit un symbole de l’oppression médicale et de ce que le pouvoir scientifique se permet de faire subir. Peu importe que des milliers de femmes soient traitées comme des machines à reproduire derrière ces grandes baies vitrées, peu importe que des personnes intersexuées soient mutilées à la naissance derrière ces si charmantes plaques de verre. Peu importe que l’hôpital nous arrache chaque année des proches, des compagnon-ne-s en les psychiatrisant et en les internant. Peu importe que les laboratoires pharmaceutiques prolifèrent sur le dos de nos maladies et de celles de nos enfants en profitant de la manne financière de la Sécurité Sociale. Peu importe également que les internes profitent de l’anesthésie de patients et de patientes endormies pour tester sur eux et elles tout un tas de pratiques sans leur consentement.

Après tout, peu importe que l’hôpital soit un lieu de collaboration principal du pouvoir, dans nos mouvements comme tout le reste de l’année, qui balance les individu-e-s qui s’y rendent en croyant obtenir du soin, et qui en sortent avec des menottes. Peu importe qu’il soit également l’endroit où se retrouvent par alternance avec la prison celles et ceux que l’État veut anéantir.

Après tout, peu importe que ce monument historique, éminent symbole de la puissance de l’État, bâtiment colossal tout de verre et d’acier, nous rappelle sans cesse que nous ne sommes que de médiocres pions face à la grandeur de nos maîtres. Peu importe que ces baies vitrées de 10m de haut coûtent une fortune et que leur réparation fasse cracher de la thune à ces ordures.

Et si, après toutes ces raisons qui nous importent peu, la simple satisfaction, du haut de notre mètre 70, de filer des courants d’air à des salopards en costards ou blouse blanche, à l’aide d’une simple massette, jusqu’au plus haut sommet de l’État, avait pu donner l’énergie d’agir à une individualité révoltée ?

Et si ces personnes que certain-e-s trouvent idiotes d’avoir attaqué ces vitres, étaient les mêmes personnes qui attaquent les banques et les assurances, et qui nous réjouissent tou-te-s ? Quelle présomption, quel sentiment de supériorité nous permet de juger la pertinence de leurs motivation, et de décerner les bons et les mauvais points dans le désordre social ?

Et si, au lieu de s’empresser de cracher sa bile sur des individu-e-s présent-e-s à nos côtés dans des moments aussi intenses, sur le simple prétexte que l’on ne comprend pas leurs motivations, on pouvait s’efforcer de comprendre, et à défaut, de se taire ? Et si, au lieu de suivre avec paresse le flot d’immondices charié par les médias, on s’efforçait de produire une réflexion sans influences ?

Pourquoi se précipiter et se réfugier dans la facilité lorsqu’un acte « incompréhensible » surgit dans ce genre de moment ? Pourquoi tomber dans la dissociation que nous intime le pouvoir alors que nous pourrions profiter de ce genre d’événement pour discuter sérieusement de notre rapport à l’inconnu et à l’inattendu ? Les discussions qui ont abouties à l’écriture de ce texte sont aussi riches que tous les instants de vie que nous partageons dans la rue. Parce qu’elles s’attaquent à nos certitudes, à un moment où on pourrait croire que tout s’éclaircit. Lorsque les raisons de casser des banques et des agences immobilières nous semblent devenir consensuelles, il se trouve des choses qui nous permettent de creuser plus encore nos réflexions révolutionnaires. L’inattendu est pour moi ce qui rend la vie passionante, et c’est aussi ce qui fait si peur à ce pouvoir qui souhaiterait tout prévoir.

Saisissons-nous de ces inattendus pour affronter nos convictions et les faire évoluer, plutôt que de les balayer d’un revers de main pour les ramener à un triste connu. Et c’est ainsi que nous serons redoutables.

Nous n’avons pas peur de l’avenir, c’est leur avenir qui a peur de nous. Et il a bien raison.

[1] lundi.am, mercredi 15 juin 2016 : « Au milieu de tout cela, quelques vitres de l’hôpital Necker ont été brisées. Bien que les vitres en question n’aient pas d’autre rôle que celui d’isolant thermique : j’en conviens grandement, ce n’est pas très malin. Certes, briser les vitres d’un hôpital, même par mégarde, c’est idiot […]
Si les jeunes émeutiers qui ont cassé les vitres de Necker ont été idiots, […]  »

« n-n-n » sur Paris-luttes.info, jeudi 16 juin 2016 : « […] il y a eu la mauvaise blague de l’hôpital Necker… Une personne seule a étoilé une dizaine de ses vitres, sous le regard circonspect de pas mal d’autres manifestant-e-s, qui soit ne savaient pas qu’il s’agissait d’un hôpital, soit ne comprenaient pas pourquoi cette personne s’y attaquait (Je serais d’ailleurs curieux d’en connaître ses raisons) […] »

Nantes Révoltées sur Indy Nantes, jeudi 16 juin 2016 : « […] Visuellement, seule une longue baie vitrée grise longeant le boulevard s’offrait à la vue des manifestants – ce qui n’est pas le cas dans le sens inverse de la marche. Nul doute que les quelques égarés pavloviens venus casser du verre – une petite librairie juste à côté à subi le même sort que l’hôpital – n’ont même pas compris ce à quoi ils touchaient. […] Si les enfants soignés dans cet hôpital ont été incommodés, c’est probablement plus par l’usage massif de l’arsenal policier que par des coups, aussi idiots soient-ils, sur la baie vitrée du bâtiment »

Toulouse] Crevaisons en solidarité avec les inculpéEs de la lutte contre la loi travail

le chat noir émeutier

En une nuit, un tournevis a crevé les pneus de 4 véhicules de la mairie, d’un utilitaire vinci, de deux véhicules appartenant à des agences immobilières, d’un camion eiffage, de deux véhicules Orange, d’une voiture de la tnt et de nombreux vélibs. Il a aussi servi à rayer les carrosseries et à crever les pneus de plein de caisses de bourges. Des cailloux trouvés sur le chemin ont permis de défoncer les panneaux publicitaires croisés.

Tâcher de mettre fin au travail se traduit aussi par bloquer les travailleurs et travailleuses. On a ciblé en particulier des entreprises qui construisent des prisons, des aéroports, qui participent au contrôle par la technologie ou à l’embourgeoisement de la ville.

Notre rage ne se dégonfle pas, surtout quand des compagnon.ne.s ont été touché.e.s par la répression, arrếté.e.s, frappé.e.s ou incarcéré.e.s. Elle augmente chaque fois qu’ils tentent de nous intimider.

Soyons solidaires par l’attaque.
Soutien aux inculpé.e.s et aux incarcéré.e.s de la lutte contre le travail.

[Publié sur iaata.info, 11 juin 2016]