[Athènes, Grèce] Lutte en mémoire d’un migrant pakistanais assassiné il y a deux ans – 17 janvier 2015

[Drome] opposition à center parc de Roybon Est -ce LA TERREUR VERTE(mise à jour) ?

deux faits divers ici et   posent une question: maintenant qui intimident qui?

une fois la question posée, tu  peux passer par

source

LA TERREUR VERTE ? Droit de réponse

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31 déc 2014 – Thierry GROSJEAN – écologiste

LA TERREUR VERTE ?
Réponse à Mme JARROT et Mr GORDAT : communiqué du 26 décembre concernant l’opposition au Center Parcs du Rousset.(voir ICI )

LES MOTS ONT UN SENS
Il est devenu très « tendance », en écho à une médiatisation orientée des oppositions qui fleurissent en même temps que des grands et petits projets inutiles imposés (1), d’utiliser comme boucs émissaires les « écolos » et autres citoyens résistants. Si nécessaire en les insultant – de « jihadistes » pour Mr BEULIN, FNSEA… – ou en les qualifiant «d’activistes fanatiques », et sans en avoir l’air, de « terroristes », comme Mme JARROT.
Le terrorisme fait peur. Il renvoie à la mémoire des images insoutenables régulièrement médiatisées.
Utiliser cette peur et ces images pour y amalgamer des adversaires dans une démocratie est irresponsable autant que lâche. Comme l’est cette tendance qui consiste à flatter un populisme rampant pour masquer sa propre impuissance à répondre aux aspirations de citoyen(ne)s voulant une autre société.
Ceux et celles, à droite comme à gauche, qui usent de cette méthode, essentiellement pour des motifs électoraux, le font parce qu’ils n’ont rien à proposer. Ils ont échoué.

Au nom de l’emploi, il faudrait sans berguigner accepter tout et n’importe quoi les yeux fermés, sans réfléchir sur la viabilité économique, écologique, la légalité d’un projet… parce que la contestation retarderait le miracle local. Qui, tout le monde le sait sans oser le dire, n’arrivera jamais.

Au nom de la « légitimité » des élu(e)s, il faudrait, entre 2 élections, que les citoyens soient des moutons taisants prêts à tondre : cette conception d’un fonctionnement démocratique est révolue.

Les donneurs de leçons sont ceux dont les politiques et les idéologies nous ont conduits à cette situation de crises multiples. Celle d’une violence économique, sociale, qui crée sur la planète de plus en plus d’exclusion, de pauvreté, de violences…tout en détruisant la nature et l’environnement. Sans rien attendre de ces politiciens, par des milliers d’initiatives dont on parle moins que nos oppositions, nous construisons déjà une autre société de transition.

Enfin, en matière de violences, on n’a guère entendu ces anti-écolos primaires lors des saccages de la FNSEA et autres « bonnets rouges », à côté desquels les ZADistes* passent pour des enfants de chœur. Manque de courage ?
Eriger l’insulte comme mode de dialogue républicain est indigne d’un, d’une élue. Et l’usage des mots trahit ses auteurs.

Thierry GROSJEAN – écologiste

(1) Lgv Lyon Turin, aéroport de Notre Dame des Landes, barrage de SIVENS, Centers Parcs de Roybon…. pour
les plus médiatisés en ce moment, parmi une centaine.
(2) ZAD = Zone à défendre. Quand les lois ne sont plus respectées, comme le disent les tribunaux dans un Etat
de Droit, les zadistes sont le dernier rempart pour protéger la démocratie républicaine.

Pour la philosophie de la réflexion, lire : « La cause humaine : du bon usage de la fin d’un monde » de Patrick VIVERET.
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Et L’article auquel Thierry Grosjean répond:

Des « groupuscules d’ultras idéologues » contre le Center Parc du Rousset

26 déc 2014 – Gérald GORDAT Marie-Claude JARROT Conseillers Régionaux de Bourgogne

Communiqué
- LA TERREUR VERTE ? Droit de réponse dans Actualités -Conseil-Regional-bourgogne_58033x1
La terreur verte n’aura pas raison du Center Parc du Rousset

Alors que notre pays connait un chômage massif et que l’appareil économique est totalement en panne, nous assistons depuis quelques semaines à une véritable prise d’otages menée par des groupuscules d’ultras idéologues.

Notre Dame des Landes, Sivens et maintenant Roybon, ces mêmes groupes d’individus font le tour de France pour tenter d’intimider les quelques porteurs de projets qui ont encore l’énergie et la motivation de travailler au développement de nos territoires.
Ces personnes qui revendiquent la défense de l’environnement n’ont en fait comme seul objectif que la propagation d’idées politiques radicales. Ils ne sont que quelques centaines à chaque fois mais désirent imposer à des millions de français un style de vie qui leur est propre.

Dernière victime de cette « terreur verte », le projet Center Parc de Roybon en Isère qui vient de se voir bloqué alors que le chantier venait de débuter. Les méthodes de ces activistes fanatiques sont autant brutales qu’intimidantes (caillassage d’engins, débuts d’incendie, employés molestés, menaces de mort…). Nous ne pouvons pas les accepter car il s’agit d’une question de respect de la démocratie mais aussi de la dignité des personnes.
Nous ne pouvons pas non plus accepter que tous les grands projets de notre pays soient dorénavant bloqués pour des raisons idéologiques. Nous ne pouvons pas nous payer ce luxe dans le contexte que nous vivons.

Elu régional, nous sommes très inquiets et nous ne pourrons pas accepter que le projet Center Parc du Rousset soit attaqué de la même manière. Les interrogations et revendications des populations locales sont naturellement légitimes mais elles ne doivent pas être récupérées par des groupes d’individus dont les préoccupations n’ont rien de local. Nous ne laisserons pas faire ces personnes-là.
Nous invitons enfin les élus régionaux écologistes à prendre leurs responsabilités et à ne pas chercher à politiser un dossier qui ne le mérite pas !

Gérald GORDAT
Marie-Claude JARROT
Conseillers Régionaux de Bourgogne
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Source:
http://www.vivre-a-chalon.com/lire_LA-TERREUR-VERTE—Droit-de-reponse,2303d688d3a8312465b0a5876560c0794db2b0c4.html
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Et L’article auquel Thierry Grosjean répond:

Des « groupuscules d’ultras idéologues » contre le Center Parc du Rousset

26 déc 2014 – Gérald GORDAT Marie-Claude JARROT Conseillers Régionaux de Bourgogne

Communiqué
- LA TERREUR VERTE ? Droit de réponse dans Actualités -Conseil-Regional-bourgogne_58033x1
La terreur verte n’aura pas raison du Center Parc du Rousset

Alors que notre pays connait un chômage massif et que l’appareil économique est totalement en panne, nous assistons depuis quelques semaines à une véritable prise d’otages menée par des groupuscules d’ultras idéologues.

Notre Dame des Landes, Sivens et maintenant Roybon, ces mêmes groupes d’individus font le tour de France pour tenter d’intimider les quelques porteurs de projets qui ont encore l’énergie et la motivation de travailler au développement de nos territoires.
Ces personnes qui revendiquent la défense de l’environnement n’ont en fait comme seul objectif que la propagation d’idées politiques radicales. Ils ne sont que quelques centaines à chaque fois mais désirent imposer à des millions de français un style de vie qui leur est propre.

Dernière victime de cette « terreur verte », le projet Center Parc de Roybon en Isère qui vient de se voir bloqué alors que le chantier venait de débuter. Les méthodes de ces activistes fanatiques sont autant brutales qu’intimidantes (caillassage d’engins, débuts d’incendie, employés molestés, menaces de mort…). Nous ne pouvons pas les accepter car il s’agit d’une question de respect de la démocratie mais aussi de la dignité des personnes.
Nous ne pouvons pas non plus accepter que tous les grands projets de notre pays soient dorénavant bloqués pour des raisons idéologiques. Nous ne pouvons pas nous payer ce luxe dans le contexte que nous vivons.

Elu régional, nous sommes très inquiets et nous ne pourrons pas accepter que le projet Center Parc du Rousset soit attaqué de la même manière. Les interrogations et revendications des populations locales sont naturellement légitimes mais elles ne doivent pas être récupérées par des groupes d’individus dont les préoccupations n’ont rien de local. Nous ne laisserons pas faire ces personnes-là.
Nous invitons enfin les élus régionaux écologistes à prendre leurs responsabilités et à ne pas chercher à politiser un dossier qui ne le mérite pas !

Gérald GORDAT
Marie-Claude JARROT
Conseillers Régionaux de Bourgogne
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Source:
http://www.vivre-a-chalon.com/lire_Des-_groupuscules-d-ultras-ideologues_-contre-le-Center-Parc-du-Rousset,2303d6e2d597e2f8cf3ae8680a1ace171b13707f.html

Retour sur le Salon des éditions libertaires de novembre 2014

source du texte
Comme chaque année, les organisateurs du Salon des éditions libertaires de Lyon demande un retour aux participants. Nous publions ici notre réponse qui va au-delà de la demande de départ qui a plutôt pour objet des points techniques (l’accueil, l’emplacement, la nourriture, etc.). Notre réponse propose une interprétation politique précise et globale des événements de ce dernier SEL.
Bonne lecture
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Pour commencer, une bonne nouvelle, puisqu’il nous a semblé que le Salon a vu sa fréquentation augmenter en nombre comme en diversité. Toutefois nous soutenons toujours qu’un couplage avec le Salon libertaire de Paris sous la forme d’une alternance d’un an sur deux au mois de mai serait une meilleure solution à la fois pour une visibilité périodique plus marquée et une estimation plus raisonnable de nos « forces productives » (éditeurs comme organisateurs). Cela allégerait d’une part la charge logistique pour votre collectif lui permettant peut être de mieux se centrer sur les aspects politiques du salon, nous y revenons de suite, d’autre part cela permettrait aussi de demander aux éditeurs de préciser à l’avance et de mieux présenter leurs propositions de débat. En outre cette alternance des dates marquerait une complémentarité, au moins de fait entre les deux salons que nous pensons bénéfique.
Passons à la mauvaise nouvelle : la censure du débat d’A.Escudero sur le livre La reproduction artificielle de l’humain qui déjà donne un sacré coup de canif pour ne pas dire de poignard à l’idée de diversité que nous avancions plus haut.
Comment éviter que se reproduise ce genre de situation puisqu’il semble évident que ce n’est pas là une question rhétorique. Comme nous le disions en préambule, il y a un travail et des choix à faire en amont. Soit il vous faut accepter toutes les propositions de débats des éditeurs en leur faisant confiance. Et c’est apparemment ce que vous avez fait présentement et alors il faut en assumer le risque. Soit vous assumez une pré-censure en fonction du contenu d’un livre que vous avez lu préalablement ou alors en fonction de vos préjugés politiques. Il semble en l’occurrence que le livre n’avait été lu que par deux personnes du collectif, d’ailleurs en désaccord sur leur appréciation réciproque mais que les préjugés politiques avaient déjà libre cours (« je ne l’ai pas lu mais j’ai une copine qui me dit que … et je lui fais confiance », sic). Il semble donc que malgré toute cette indécision interne vous ayez finalement fait confiance à l’éditeur … ou alors que vous ayez décidé de privilégier la liberté de débattre. En tout cas, sans ce travail en amont, il s’avérait difficile de savoir si cela valait la peine de maintenir un débat dans un contexte tendu non seulement par la pression de certains groupes militants sur ce thème de la PMA/GPA mais aussi par son orchestration politique et médiatique à partir des manifestations autour du mariage pour tous. Ce travail en amont n’est pas un travail simplement technique puisque de fait, maintenir ce débat était, dans ce contexte justement, une prise de position politique, que vous le vouliez ou non. En tout cas, si vous ne l’avez pas perçue comme telle, les perturbateurs ne se sont pas fait faute de le voir ainsi !
Le descriptif d’annonce d’un débat ne peut pas être une simple accroche pour intéresser le lecteur, une simple formalité technique. Auteurs et éditeurs politiques n’écrivent pas et ne publient pas sans formuler des thèses. Il faut donc que les organisateurs y soient attentifs afin de fixer les limites de la liberté d’expression non pas dans l’absolu mais par rapport au caractère de la manifestation. Il y a un moment où la position de la neutralité n’est plus tenable soit parce que l’éditeur ou le livre ne rentre pas politiquement dans le cadre du salon soit parce qu’une tendance ou un courant se met à imposer son filtre particulier qui va définir de l’extérieur le cadre de la manifestation en question.
Revenons au concrets de l’événement : si certains ont vu dans le descriptif du débat de la provocation, autant savoir qu’il est très proche de la 4ème de couverture du livre et finit sur un slogan (provocateur !?) qui figure bien dans le livre : “la PMA, ni pour les homos, ni pour les hétéros !”. On ne peut pas dire que l’auteur et son éditeur ont caché leur position. Donc les choses étaient claires de leur côté, alors pourquoi faire les étonnés ? En tout cas vous étiez forcément alertés par la rumeur qui courrait déjà depuis quelques jours (nous en avons d’ailleurs nous-mêmes été avertis plusieurs jours à l’avance) d’une possible action contre la tenue du débat d’Escudero. Maintenir le débat envers et contre tout était donc en soi une prise de position politique sur l’intérêt intrinsèque du débat. Elle nous est apparue comme une décision courageuse et cohérente qui aurait peut être nécessité une discussion préalable du collectif et même une discussion avec l’auteur sur ses intentions voire son état d’esprit, afin de savoir si son but principal était de choquer comme la phrase d’annonce le laisse supposer ou de discuter sur le fond et au-delà des slogans à l’emporte-pièce qui caricaturent plus qu’ils ne synthétisent la pensée d’un auteur. Et enfin, le principe du débat étant définitivement retenu, s’assurer que les conditions soient réunies pour que le débat ait bien lieu et garantir l’intégrité physique des personnes mises en cause mais néanmoins invitées. On ne peut certes pas tout prévoir à l’avance et le pire n’est jamais certain mais le fait est que faute de cela vous vous êtes retrouvés dans l’urgence à parer au plus pressé. C’est sous la menace, de la part de la sécurité incendie, d’appeler les flics qu’a été prise, par vous, la décision d’annuler le débat, et ce après à peine ¼ d’heure de blocage vu une intensité de violence dans la salle qui n’avait pas besoin de s’exprimer physiquement pour être remarquée. Forts de ce qu’ils percevaient comme une première victoire facile, les perturbateurs ont alors poursuivi l’invité à la table de son éditeur. Faisant donc la loi dans le salon le groupe s’est montré violent verbalement et physiquement (même si ce dernier aspect a été limité par un barrage protecteur). Il ne manquait que le goudron et les plumes ainsi que l’autodafé pour nous rappeler des souvenirs historiques de sinistre mémoire, souvenirs que les perturbateurs semblent ignorer, eux qui nient l’Histoire en traitant indistinctement tous leurs opposants de fascistes, sans connaître donc le sens du mot et qui pensent que rien (pas même le mouvement féministe et encore moins des figures historiques comme Emma Goldmann ou Alexandra Kollontaï) n’a existé avant eux.
Il a donc fallu, à quelques uns, faire barrage de protection et subir sans trop broncher les insultes provenant de visages déformés par la haine dont les seuls arguments à nous opposer étaient ceux de leur victimisation (« nos vies », « on nous tue ») comme si Escudero et nous étions leurs bourreaux ! Comme si leur souffrance était supérieure ou plus radicale que celle des chômeurs en fin de droit, des sans-papiers, des yézidis ou tout simplement de personnes qui ont perdu un être cher comme l’actualité la plus récente nous le montre encore.
Que se serait-il passé si nous et quelques autres individus décidés plus quelques personnes interloquées dont une de la librairie se fera d’ailleurs traitée de bourgeoise à cause sans doute de son habillement « classique », n’avions pas défendu la table qui faisait rempart ? Il n’y aurait eu que J-Pierre et Gérard pour faire face ?
Et ne parlons pas de certaines interventions à contre-sens prenant complètement J-P et Gérard à contre-pied, l’une demandant l’exclusion des perturbateurs qui devenaient Escudero et ses éditeurs pourtant invités.
L’idée d’une situation où toutes les tendances se disant libertaires peuvent cohabiter a, de fait, volé en éclats. Cela avait déjà été le cas pour les « 20 ans », mais à la différence près que le rapport de force s’est inversé. À l’époque les particularismes radicaux essayaient de pénétrer les milieux et organisations libertaires, aujourd’hui les libertaires « politiques » sont à la remorque d’un milieu multiforme dont le point de convergence est d’ériger le privé au rang de politique, mais contrairement aux années de révolte contre l’ordre établi, (1960-70), c’est aujourd’hui à l’instigation et sous les mots d’ordre des grandes institutions capitalistes comme la Commission européenne que cela s’effectue. Le célèbre « laissez faire, laissez passer » du libéralisme s’est propagé à tout le libertarisme qu’il soit de droite (dans le monde anglo-saxon) ou de gauche (en Europe). Si on redescend des hautes sphères du pouvoir jusqu’au milieu libertaire, la stratégie des particularistes y est claire : le mettre devant le fait accompli. Cela va de tracts ou de textes dont l’orthographe est genrisée sans demander leur avis aux auteurs jusqu’au fait de tracer les nouvelles lignes amis-ennemis et donc de décider qui est libertaire non pas en fonction de références théoriques ou historiques ou encore du parcours militant de telle ou telle personne mais à partir d’un positionnement par rapport à des préférences sexuelles ou d’intérêt ou de goût érigées en marqueurs de la lutte contre les dominations. D’où la peur d’être exclu de la part de ceux qui subissent ça et qui se demandent comment arriver à faire tenir ensemble position politique et militante classique et position post-moderne ; une peur redoublée par la crainte d’une fracture générationnelle souvent mise en avant par les particularistes (« vieux cons d’intellos hétéros », « hommes aux cheveux gris » lit-on sur le défouloir du net, diatribes contre les hommes de plus de 35 ans à une AG à NDDL).
Leur action coup de poing à l’intérieur d’un espace libertaire pour censurer une parole qui n’avait rien de fasciste mais seulement, qu’on soit d’accord avec ou non est une autre histoire, le tort de déplaire à ces nouveaux ayatollahs a montré a contrario les limites de la bienveillance à leur égard qui dure depuis longtemps dans les milieux libertaires. Il faut bien prendre en compte qu’un tel précédent, s’il n’est pas clairement dénoncé, laisse la porte ouverte à toutes les pressions et à d’autres actions coup de poing que va-t-il se passer pour Michéa ou si éventuellement PMO s’invitait ou était invité ? C’est d’ailleurs pour cela que l’on a participé depuis à un appel contre la censure en milieu libertaire.
Déjà, après la tentative de putsch, des 20 ans de la librairie, le collectif a laissé filer la situation, ne voulant pas faire plus de vagues. Il n’empêche : on trouve très facilement les textes des assaillants de l’époque sur internet (http://1libertaire.free.fr/DossierLaGryffe.html) alors qu’il faut chercher au CDL la réponse du collectif de la librairie.
Aujourd’hui, ce n’est pas le propre de la seule Gryffe et du Salon que d’avoir à faire à ce genre de situation. Les libertaires se retrouvent coincés dans leurs propres contradictions. Contradictions consistant à accepter tout et son contraire, de la féministe pro prostitution un jour à celle contre le lendemain, de l’antispéciste d’un côté au mangeur de saucisses de l’autre (voir St Imier), etc. Tous les organisateurs de ces événements pensent cela tenable parce qu’ils sont encore dans la perspective oecuméniste du grand mouvement libertaire. Ils se retrouvent donc à la merci de la bonne volonté des fractionnistes et ces fractionnistes peuvent se démultiplier à partir du moment où toute « victime » peut se présenter comme libertaire ou révolutionnaire sans en avoir la moindre culture ou idéal. En fait, beaucoup de libertaires semblent procèder comme les comptables du PIB qui ajoutent les plus et les moins pour augmenter le taux de croissance ! Plus on engrange de « victimes » plus on est gros et plus on est fort !
Or les divergences sont bien réelles et les incompatibilités ne peuvent être masquées plus longtemps quand finalement c’est au niveau de l’ensemble des rapports sociaux que les débats sont portés et que la marmite bouillonne. Alors l’implosion n’est pas loin comme dans un reflet des problèmes dans la société actuelle. On vient d’en avoir deux exemples avec le départ de la Coordination lesbienne en France (CLF) de l’inter LGBT d’une part et l’impossibilité pour Marie-Jo Bonnet de maintenir sa conférence sur les homosexuelles à Ravensbruck au centre LGBT de Paris.
Nous sommes donc bien à l’heure des confrontations d’idées et des prises de position, sinon la même situation risque de se reproduire mais sous une forme radicalisée.
La riposte à chaud de J-Pierre par rapport à l’attitude de la CGA Lyon nous est apparue comme un premier signe de cette nécessité.
Gzavier et JW pour Temps critiques, le 15/01/2015

Marseille: bouffe et film en solidarité avec les inculpé-e-s de l’opération Pandora

http://fr.contrainfo.espiv.net/files/2015/02/A31.jpg

Jeudi 12 février 2015: Projection du film « Caso Bombas », sur la fameuse opération anti-terroriste qui a visé des camarades anarchistes au Chili il y a quelques années

Bouffe vegan et prix libre, au squat le Rage Ga.
Pour l’adresse: blancarde2015@@@riseup.net
Le film est en espangnol, mais les sous-titres sont en anglais.

Solidarité internationale avec les personnes inculpées dans l’opération Pandora

“Pour celles et ceux qui luttent, le sens de la solidarité cherche à faire s’évanouir la solitude de l’enfermement, livrer une bataille contre l’oubli de nos compagnon-ne-s enfermé-e-s par les États, mettre en lumière la logique du pouvoir qui cherche à les conduire à l’abandon.” – Des anarchistes de Pandora

Un an après la finalisation de cette farce qu’était le « Caso bombas », et à travers une autre opération, de ce côté de l’océan cette fois, les ministères, les juges et les policiers espagnols et chiliens ont travaillé de concert sur un nouveau cas. Mónica Caballero et Francisco Solar, tou-te-s deux auparavant poursuivi-e-s dans le « Caso bombas », sont arrêté-e-s à Barcelone, sous l’accusation d’avoir posé un engin explosif dans la Basilique du Pilar à Saragosse, de monter une conspiration en vue de réaliser un acte similaire et d’appartenir à une supposée organisation terroriste.

Le 16 décembre 2014, une descente a été faite dans 15 maisons, squats et centres sociaux à Barcelone, Sabadell, Manresa et Madrid, et onze camarades anarchistes ont été kidnappé-e-s par l’État espagnol. Quatre d’entre eux ont été libérés peu de temps après tandis que les autres ont dû attendre le 30 janvier dernier pour accéder à une liberté surveillée. Pour cela, le juge a ordonné à chacun une caution de 3 000 euros. Il y a donc un besoin urgent de dons pour payer leurs cautions, s’élevant en tout à 21 000 euros.

Ce kidnapping de sept camarades a, depuis ce jour, déclenché une multitude de rassemblements et de manifestations dans de nombreuses villes. Des milliers de personnes sont venues en solidarité avec les camarades arrêté-e-s, montrant leur rage et leur haine envers cette nouvelle opération répressive de l’État.

Plus d’infos sur fr.contrainfo.espiv.net et efectopandora.wordpress.com.

 

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[Drome]Centrale du Tricastin10 ans de plus pour le réacteur 2

Roger Belbéoch, Pourquoi être antinucléaire?, 2003

Roger Belbéoch, est décédé le 27 décembre 2011 à l’âge de 83 ans. In memoriam…

Cette question peut paraître étrange car il existe un mouvement antinucléaire. Cependant elle n’est pas inutile. Il y a bien des activités de notre société industrielle que l’on aimerait rejeter, et qu’il faudrait rejeter : le plomb, le mercure, les pesticides, les bagnoles etc. Le nucléaire, par son impact, entre-t-il dans ce cadre ? Si la réponse est oui il n’y a aucune raison spécifique d’être antinucléaire. On est globalement contre le mode de production et les productions de notre société. De nouvelles technologies, OGM, biotechnologies etc. sont aussi des menaces particulièrement dangereuses. Elles ont leur propre spécificité même si elles proviennent de la même source scientiste que le nucléaire. Chacune exige une dénonciation particulière en identifiant les dangers respectifs.

Quand on y regarde de près, on s’aperçoit que le nucléaire est une activité tout à fait originale (pour le moment bien sûr !) L’accident nucléaire, un désastre, une catastrophe, amène par son importance un changement d’échelle dans le spectre des accidents classiques de l’industrie. La plupart des accidents classiques du XIXe siècle, quelles qu’aient été leurs conséquences, restaient des accidents locaux et n’impliquaient pas des conséquences inéluctables pour un très long terme.

Le nucléaire, avec ses accidents possibles introduit une nouveauté dans notre société industrielle. En fonctionnement « normal » par ses déchets assez redoutables il implique une stratégie de surveillance sur des temps quasi infinis, donc une certaine structure sociale. Quant aux accidents nucléaires possibles (dont plus personne ne nie la possibilité) ils impliquent pour leur gestion sociale une structure autoritaire qui ne peut que bloquer toute évolution sociale.

Sortir du nucléaire ce n’est pas seulement éviter un désastre mais c’est aussi conserver la possibilité d’une évolution future vers une meilleure société.

Günther Anders, dans son livre Et si je suis désespéré que voulez-vous que j’y fasse ? (éd. Allia, 2001) déclarait en 1977 :

C’en est arrivé à un tel point que je voudrais déclarer que je suis un “conservateur” en matière d’ontologie, car ce qui importe aujourd’hui, pour la première fois, c’est de conserver le monde absolument comme il est.

D’abord, nous pouvons regarder s’il est possible de l’améliorer. Il y a la célèbre formule de Marx « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières, ce qui importe, c’est de le transformer ». Mais maintenant elle est dépassée. Aujourd’hui, il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout il faut le préserver. Ensuite nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. Mais avant tout nous devons être conservateurs au sens authentique, conservateurs dans un sens qu’aucun homme qui s’affiche comme conservateur n’accepterait.

L’accident nucléaire catastrophique, en plus des effets sanitaires à court, moyen et long terme, implique pour sa gestion “raisonnable” le passage de notre société d’un simulacre démocratique à une société autoritaire. Quand on lit les études (grassement payées par le pouvoir) sur les problèmes posés par la gestion post-accidentelle nucléaire on s’aperçoit qu’un des soucis majeurs des experts est de maîtriser les “turbulences sociales”. En termes clairs la catastrophe nucléaire peut faire naître bien des turbulents et il sera nécessaire de les maîtriser.

Jusqu’à présent les accidents industriels, même les plus importants, n’ont guère produit de turbulences importantes. Certes, des turbulences locales pour certains mais de courte durée. Il y a là une des raisons importantes pour l’existence d’une opposition spécifique à l’énergie nucléaire. Mais cette raison majeure ne semble pas faire partie des motivations fondamentales des militants antinucléaires organisés.

L’accident nucléaire, les responsables à l’origine de l’électronucléaire l’ont très rapidement perçu comme tout à fait exceptionnel dans le développement industriel classique. Rappelons quelques réflexions des politiciens français en 1968. Le 16 mai 1968 au Parlement on entend :

Le Droit a été adapté à la nature et aux conséquences de cette espèce d’accident. En matière d’énergie atomique, une catastrophe est presque nécessairement un cas de force majeure. Les données du problème de la réparation, sous ce rapport, s’apparenteront davantage à celles de la réparation des dommages de guerre qu’aux données de la responsabilité civile.

Si la gestion post-accidentelle s’apparente à une gestion post-guerre c’est que l’accident nucléaire s’apparente à un désastre militaire. Le 17 octobre 1968 au Sénat, le rapporteur de la Commission des lois précise :

Ce domaine des activités humaines étant, à beaucoup d’égards, exceptionnel, il n’est pas surprenant que la législation qui s’y rattache soit elle-même exceptionnelle et, dans une large mesure, dérogatoire au droit commun de la responsabilité. La notion de l’exceptionnel est donnée par la dimension que pourrait atteindre un accident nucléaire, à la vérité un désastre national, voir international. [souligné par moi]

Ce qui est étrange et mériterait une analyse, c’est pourquoi ces responsables élus démocratiquement, acceptent l’électronucléarisation alors qu’ils ont une parfaite conscience du niveau exceptionnel de la possible catastrophe nucléaire.

On peut avancer une hypothèse : n’y avait-t-il pas chez eux un désir de catastrophe qui permettrait la mise en place d’un système social abolissant la nécessité de respecter le simulacre de démocratie ? Pour ces dirigeants politiques et technocrates scientistes, la catastrophe nucléaire n’était pas à redouter mais à souhaiter pour mettre en place un système social autoritaire permettant une gestion sociale “rationnelle” ?

L’accident nucléaire possible est un véritable désastre pour la santé des populations. Avant Tchernobyl nous avions une certaine conception des conséquences sanitaires d’un drame nucléaire. Mais Tchernobyl nous a montré que notre pessimisme était trop primaire. Les conséquences que l’on observe au Bélarus (ex-Biélorussie) 17 ans après le désastre et qui vont continuer, étaient impensables même par les plus pessimistes dont nous faisions partie.

Tchernobyl aurait pu être beaucoup plus dramatique. Le passage du nuage sur Kiev aurait pu s’accompagner d’une pluie intense, cela aurait été désastreux pour son million d’habitants avec des effets de maladies des rayons pour la population. Autrement dit, Tchernobyl, aussi épouvantable qu’il soit, n’est pas ce qu’on peut imaginer de pire.

Là encore on peut citer Günther Anders :

La tâche morale la plus importante aujourd’hui consiste à faire comprendre aux hommes qu’ils doivent s’inquiéter et qu’ils doivent ouvertement proclamer leur peur légitime. Mettre en garde contre la panique que nous semons est criminel. La plupart des gens ne sont pas en mesure de faire naître d’eux-mêmes cette peur qu’il est nécessaire d’avoir aujourd’hui. Nous devons par conséquent les aider.

Ce texte écrit en 1977 résume d’une façon claire ce que devrait être l’argumentation antinucléaire essentielle. La peur devant un grand danger est une attitude parfaitement rationnelle.

Demander à la population, comme l’a fait dernièrement le référendum populaire suisse, s’il faut ou non limiter la durée de vie des réacteurs nucléaires à 40 ans, ou moins ou plus, revient à accepter l’accident désastreux comme un facteur négligeable. Le désastre nucléaire est exclu de la problématique qui dès lors se résume assez rapidement à des problèmes économiques. Pourquoi réduire la durée de vie des réacteurs s’ils peuvent fonctionner plus longtemps avec un coût de production de l’électricité plus faible : l’attitude des citoyens suisses a été tout à fait rationnelle. Il ne s’agissait pas d’une décision face à un danger énorme et irréversible d’un désastre nucléaire mais d’une appréciation économique. L’accident étant exclu, comment aborder le nucléaire ? Par l’économie.

Ce référendum suisse avec la réponse claire des citoyens devrait repositionner l’argumentation antinucléaire.

Ne pas mettre en avant le désastre possible du nucléaire et ce qu’il implique sur les valeurs de notre société c’est accepter la nucléarisation et ce qui l’accompagne : la responsabilité d’un désastre.

Roger Belbéoch, juin 2003.

Lettre d’information du Comité Stop Nogent-sur-Seine

lecture complémentaire

[Belgique] Bonne Nouvelle des centres fermés,Évasions en série

 

Après les 12 évasions du 7 janvier 2015, d’autres ont à nouveau essayé de s’évader du centre fermé de Bruges.
Lundi 2 février 2015, un groupe de cinq sont passés par la fenêtre en soirée. Deux d’entre eux ont réussi à retrouver la liberté. Les trois autres ont eu moins de chance et se sont fait rattraper.
Jeudi 5 février, une personne à réussi a profiter d’une fausse manœuvre des gardiens en se faufilant par le portail qu’ils ont ouvert par erreur. Il s’est malheureusement fait rattraper par la police.
Et le 6 février, une évasion au centre fermé 127bis !
LIBERTE POUR TOU.TES!!
Ni frontières, ni prisons!

[ Drôme]Centrale du Tricastin : feu vert pour dix ans de plus = 40 ans du réacteur n°2

On ne va pas rire d’une  ambulance, mais tout de même avec toute la  couverture  médiatique qu ‘il a bénéficié  ici et   ceux qui  s’intitulaient collectif  Stop Ticastin  ont été remis en place par les nucléocrates et le  mensonge continue avec ses opérations publicitaires et intégré dans le fonctionement  de l’état nucléaire et aussi  pour la carrière  bureaucratique de certains. Les spectacles  de toutes cette engeance qui proposent à la population sont intégrés dans le national- nucléarisme.

Et maintenant les choses sont devenus évidentes. !! on n’est pas moutons pour continuer ainsi sous domination

mais la décision est arrivée

source de la publication des nucléocrates

« Le réacteur n°2 de la centrale nucléaire du Tricastin est autorisé à fonctionner 10 ans de plus, jusqu’à ses 40 ans. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a signé l’autorisation cette semaine.

La décision ne sera officielle que dans quelques jours mais le chef de la division de Lyon de l’ASN l’a annoncée aujourd’hui aux membres de la Cligeet (Commission locale d’information des grands équipements énergétiques du Tricastin). »

 

ce n’est pas des individu-e-s enchaînées volontairement  qui vont faire reculer les nucléocrates

complément d’informations fournies par des individus associés:

. Areva-Eurodif Tricastin (Vaucluse – Drôme) 2015-DC-0486

Pour la Socatri qui est un maillon de l’opération Prisme ((Projet de Rinçage Intensif Suivi d’une MisE à l’air).

. Areva-Socatri Tricastin (Vaucluse – Drôme) 2015-DC-0487

 

L’être humain est la véritable communauté des hommes

de quelques discussions à Valence, éparses  ( de ci de là), la décision a été prise de publier ce texte recopié là.

Quelques dits sur l’événement de janvier 2015 à Paris

mardi 3 février 2015, par Temps critiques

Pourquoi notre intervention ?


En pre­mier lieu parce que nous ne sommes ni indifférents ni étran­gers à ce qui s’est passé, à l’hor­reur de l’événement. En second lieu parce que nous vou­lons mar­quer non pas notre différence, mais notre abso­lue sépara­tion d’avec une majo­rité de tracts ou textes de type gau­chiste qui font porter l’essen­tiel de leurs atta­ques non pas contre les assaillants ou ce qu’ils représen­tent, mais contre l’État français sans tenir compte des trans­for­ma­tions récentes de cet État. Elles pro­vien­nent soit d’une lec­ture anti-impéria­liste ou post-colo­niale très générale de la situa­tion, soit d’une lec­ture clas­siste et inter­na­tio­na­liste affir­mant des posi­tions de prin­cipe si éloignées de l’événement qu’elle pour­rait avoir été écrites il y a un an, dix ans ou même davan­tage à propos d’un tout autre fait.


Relevons quel­ques points com­muns entre ces appro­ches :


– un refus de l’événement en tant que tel qui conduit à ne parler que de ses causes pos­si­bles ou encore à tenter de l’expli­quer sans voir sa sin­gu­la­rité. Cela a pour effet de mini­mi­ser les actes eux-mêmes, voire de les jus­ti­fier impli­ci­te­ment ;


– une ana­lyse plaquée mêlant géopo­li­ti­que et sim­pli­fi­ca­tions socio-poli­ti­ques (impor­ta­tion des conflits extérieurs, Palestine occupée, quar­tiers en déshérence, jeunes à la révolte dévoyée, etc.) ;


– une dif­fi­culté à nommer « l’ennemi » par peur de favo­ri­ser l’islamo­phobie ou d’être traité soi-même d’isla­mo­phobe ou encore de perdre le contact avec les jeunes de ban­lieue. Il est remar­qua­ble d’ailleurs que cette dif­fi­culté soit com­mune à l’État et à ces « radi­caux ». Le terme utilisé pour le désigner devient alors « fas­ciste » ou « fas­ciste isla­miste1 » sans que la moin­dre ana­lyse vienne cor­ro­bo­rer une quel­conque res­sem­blance avec les différentes formes de fas­cisme his­to­ri­que ; la fina­lité du propos étant sans doute de rester en ter­ri­toire poli­ti­que connu de façon à ne pas avoir à se poser des ques­tions trop désta­bi­li­san­tes ;


– ces inter­ven­tions pro­vien­nent de per­son­nes ayant, pour différentes rai­sons, un res­sen­ti­ment contre le fait que les mani­fes­ta­tions qui ont suivi les atten­tats ont été une réussite et qu’elles ont pu, malgré tout, représenter autre chose qu’une mani­pu­la­tion gou­ver­ne­men­tale ou une illu­sion démocra­ti­que ;


– une absence totale d’empa­thie mini­mum avec les vic­ti­mes. On laisse enten­dre que les jour­na­lis­tes de Charlie à ten­dan­ces isla­mo­pho­bes l’auraient bien cherché, que quatre juifs assas­sinés c’est rien du tout par rap­port à la situa­tion faite à nos « pau­vres musul­mans » (lire Islam = reli­gion des pau­vres), vic­ti­mes reléguées et dis­cri­minées ou par rap­port aux enfants pales­ti­niens tués par l’armée israélienne ; qu’un bon flic est un flic mort2, etc.


Nous pou­vons com­pren­dre que ceux qui se pen­sent révolu­tion­nai­res soient dépités de se voir renvoyés à leur iso­le­ment et à « l’insur­rec­tion qui ne vient pas » ou encore à l’absence du prolétariat. Mais oppo­ser une froi­deur révolu­tion­naire à la froi­deur du capi­tal n’est que l’arme de ceux qui sont inca­pa­bles d’aimer pour­rait-on dire pour para­phra­ser J. Camatte. Ce n’est en tout cas pas le chemin qui peut per­met­tre d’ouvrir une brèche vers la révolu­tion à titre humain et la com­mu­nauté humaine.

Crise du couple État-nation et déclin du citoyennisme


Si le sen­ti­ment col­lec­tif qui s’est brièvement exprimé dans ce moment-Charlie est autant problémati­que à éluci­der ne serait-ce pas aussi parce qu’il échappe quel­que peu à nos modèles domi­nants en matière de théorie cri­ti­que ?


Le citoyen­nisme des années 1980/1990 n’était pas présent dans ces mar­ches, ces ras­sem­ble­ments. Pourquoi ? Parce que la figure tra­di­tion­nelle de l’État-nation ne l’était guère non plus. Pour que des poli­ti­ques citoyen­nis­tes, des orga­ni­sa­tions civi­ques (modi­fier le Service civil comme le sou­haite Hollande, par exem­ple) pren­nent corps socia­le­ment et idéolo­gi­que­ment, il faut que l’État assure les condi­tions ins­ti­tu­tion­nel­les et budgétaires de ces poli­ti­ques. Or, ce n’est plus le cas aujour­d’hui. Même la hiérar­chie mili­taire ne veut pas du rétablis­se­ment du ser­vice mili­taire pour tous puis­que la haute tech­ni­cité de la guerre moderne impli­que uni­que­ment des pro­fes­sion­nels qua­lifiés. De plus les dernières orien­ta­tions budgétaires visent une baisse struc­tu­relle des dépenses publi­ques dans ce sec­teur qu’une aug­men­ta­tion pour des rai­sons cir­cons­tan­ciel­les ne nous paraît pas infir­mer. Tout au plus, sui­vant en cela les der­niers son­da­ges d’opi­nion, l’État peut-il opter pour un ser­vice de quel­ques mois gérable au niveau de l’État-réseau ? Un ser­vice décen­tra­lisé, par exem­ple au niveau des régions, dans le cadre de tra­vaux d’intérêt général assor­tis d’un zeste d’ins­truc­tion civi­que pour faire bonne mesure ? Mais l’effort risque d’être vain. La ten­dance à l’État-réseau se réali­sant davan­tage, les média­tions de l’État-nation s’affai­blis­sant, la forme de l’indi­vidu-citoyen se dis­sout égale­ment. Par exem­ple, les rares réactions à cette res­tric­tion budgétaire pro­ve­nant des popu­la­tions civi­les ne se font pas au nom du patrio­tisme et de la défense du ter­ri­toire, mais des emplois menacés. D’ailleurs com­ment pour­rait-on être citoyen de la glo­ba­li­sa­tion et de la mon­dia­li­sa­tion ? À la limite les « branchés » de toute sorte peu­vent se sentir appar­te­nir au « vil­lage global », mais les autres (et nous parmi ces autres) nul­le­ment.


Cette nou­velle donne rend démago­gi­que les appels à une nou­velle citoyen­neté pour lutter contre un supposé « apar­theid social et eth­ni­que » comme vient de le faire Valls le 20 jan­vier der­nier. Pour garder la maîtrise de sa majo­rité et même tenter de l’étendre jusqu’à l’extrême-gauche et aux anar­chis­tes, habi­tuels déposi­tai­res de ce label, Valls durcit son lan­gage. Il prend la pose d’un com­mis­saire poli­ti­que qui conduit l’auto-cri­ti­que, blâme et culpa­bi­lise toute la classe poli­ti­que et il le fait dans des termes censés expri­mer un nou­veau radi­ca­lisme de gauche aux anti­po­des de l’extrémisme des solu­tions FN ou des effets d’annonce de Sarkozy (la poli­ti­que du Kärcher).


Laisser enten­dre que les ban­lieues en France seraient assi­mi­la­bles à ce qu’a été l’apar­theid en Afrique du Sud3 ou bien encore à cer­tai­nes ban­lieues américai­nes actuel­les c’est faire comme si la Républi­que n’y exis­tait plus du tout ; c’est parler comme ces jour­naux étasu­niens qui décri­vent des villes françaises en partie sou­mi­ses aux sala­fis­tes !


C’est aussi ren­voyer les quar­tiers où les musul­mans sont nom­breux à une sorte de « milieu » duquel on ne pour­rait sortir qu’à force de com­bi­nes, de tra­fics, d’appar­te­nance à des gangs voire… par des kalach­ni­kovs. Au lieu de cher­cher à cerner la com­plexité qui caractérise la dif­fi­cile repro­duc­tion des rap­ports sociaux dans cer­tai­nes zones, Valls ne fait que tour­ner le bâton dans l’autre sens : ah ! on igno­rait le degré de gravité de la situa­tion et les poli­ti­ques de la ville se sont avérées inadéquates, mais on va voir ce qu’on va voir main­te­nant que la poli­ti­que est remise au poste de com­man­de­ment ! Cette pos­ture à la Mao au petit pied ren­voie au néant tout le tra­vail qui se fait dans les ban­lieues de la part des ser­vi­ces publics, des ensei­gnants, des soi­gnants, des muni­ci­pa­lités, mais aussi les ini­tia­ti­ves des indi­vi­dus, des grou­pes des asso­cia­tions qui agis­sent dans les domai­nes écono­mi­que, social, cultu­rel, spor­tif, etc. De façon périphérique c’est aussi très contre-pro­duc­tif pour l’unité natio­nale préten­du­ment recherchée puis­que cela accroît, de fait, la stig­ma­ti­sa­tion de popu­la­tions dont on apprend qu’elles vivraient dans un autre monde.


Or, il reste que la Républi­que existe tou­jours dans les ban­lieues, mais que les réalités et la puis­sance des réseaux, ceux de l’État comme ceux des forces écono­mi­ques socia­les ou reli­gieu­ses y engen­drent ins­ta­bi­lité, ten­sions, conflits et vio­len­ces. À l’ancienne fixité des ins­ti­tu­tions républi­cai­nes, les­quel­les assu­raient une cer­taine sécurité, y com­pris pour la main-d’œuvre immigrée jugée néces­saire et dont l’arrivée se fai­sait par gran­des vagues suc­ces­si­ves, se sont sub­stitués des flux inces­sants et réver­si­bles de mar­chan­di­ses, de capi­taux et d’indi­vi­dus. Dans ce contexte, il n’est pas éton­nant que cer­tains de ces flux orien­tent des indi­vi­dus vers la Syrie… ou qu’ils revien­nent par le Yémen. Libre cir­cu­la­tion de la finance, des mar­chan­di­ses et des hommes, cela est certes la devise du libéralisme, mais elle ne s’était jamais autant matérialisée que dans la société capi­ta­lisée aujourd’hui.

Une pratique de la mémoire révolutionnaire ?


Dans cette « res­pi­ra­tion col­lec­tive », assez dif­fuse et frag­mentée qui a pu sur­pren­dre par sa promp­ti­tude, sa spon­tanéité et son ampleur, ne pour­rait-on y déceler une mémoire, une réacti­va­tion de cer­tains moments de la Révolu­tion française, notam­ment ceux qui célébraient l’union de la nation ? Une aspi­ra­tion à une com­mu­nauté d’êtres humains égaux et libres ras­semblés par leur seule volonté com­mune ins­ti­tuante4.


C’est l’idéal des révolu­tion­nai­res français les plus radi­caux d’une nation sans État. Une nation où ce sont les ins­ti­tu­tions qui orga­ni­sent la vie de la société. C’est le moment ins­ti­tuant de la révolu­tion, celui qui a été théorisé par C. Castoriadis avec sa notion « d’ins­ti­tu­tion ima­gi­naire de la société5 ».


Pour en reve­nir à la situa­tion présente, il faut remar­quer qu’aucune référence aux ancien­nes uto­pies de gauche n’a été visi­ble ni audi­ble dans le moment-Charlie. Le sens de com­mu­nauté humaine qui impli­que l’idée de genre humain et qui était présent dans les dernières mani­fes­ta­tions n’a amené per­sonne à y chan­ter l’Internationale. Qu’on le veuille ou non, la pers­pec­tive n’est plus celle du mou­ve­ment socia­liste/commu­niste, même à ses débuts uni­tai­res, ver­sion Première inter­na­tio­nale.


La ten­dance est à repar­tir des fon­de­ments de la Révolu­tion française, « l’inter­na­tio­na­li­sa­tion » se fai­sant ensuite sur cette base via son uni­ver­sa­lisme. Les nom­breux chants de La Marseillaise ont sur­pris alors qu’on s’atten­dait plutôt à des mani­fes­ta­tions silen­cieu­ses. Peut-être que son caractère révolu­tion­naire d’ori­gine don­nait l’impres­sion à la pro­tes­ta­tion de trou­ver un élan, de se dyna­mi­ser, de sym­bo­li­ser l’unité dans le refus de ce qui venait de se passer plus qu’une unité natio­nale autour de l’hymne. Mais on sait aussi qu’en France ces Marseillaises ont pu être ins­tru­men­ta­lisées, par exem­ple, par les mem­bres de l’UMP présents dans les mani­fes­ta­tions. En tout cas penser cette reprise de La Marseillaise comme une célébra­tion de l’hymne natio­nal (elle a été chantée à l’étran­ger aussi au cours des mani­fes­ta­tions qui s’y sont déroulées) et comme une adhésion mas­sive au natio­na­lisme nous semble une erreur quand on sait qu’en temps normal son contenu est très cri­tiqué pour ses paro­les guerrières et pour une lec­ture post-colo­niale de la phrase : « qu’un sang impur abreuve nos sillons » qui n’avait d’ailleurs pas ce sens-là à l’époque ; le sang impur étant celui des roya­lis­tes et de leurs alliés.


Cette pos­si­ble lec­ture cri­ti­que a été balayée par la force de l’événement. On était plutôt dans une dimen­sion uni­ver­sa­liste de la poli­ti­que, qu’on pour­rait dire proche de la « reli­gion civile » de Rousseau. Et le prétexte de la liberté d’expres­sion per­met­tait bien sa mise à jour, en tout cas mieux que si la révolte contre les actes des ter­ro­ris­tes s’était centrée sur le second atten­tat et la mort des quatre per­son­nes du maga­sin casher ce qui aurait alors contribué à ravi­ver des frac­tu­res par­ti­cu­la­ris­tes et com­mu­nau­ta­ris­tes que la masse des mani­fes­tants vou­laient jus­te­ment oublier et même éradi­quer6.


Si nous nous référons à la Révolu­tion française, ce n’est pas non plus pour dire qu’on en revien­drait au début du capi­tal et à la forme bour­geoise de la révolu­tion et donc à « l’éter­ni­sa­tion du capi­tal ». D’ailleurs, l’expres­sion « éter­ni­sa­tion du capi­tal », jadis employée par l’ultra gauche bor­di­guiste, a tou­jours été abu­sive pour ana­ly­ser la dyna­mi­que his­to­ri­que du capi­tal. Ce qui est éternel n’a ni com­men­ce­ment ni fin. Ce n’est pas le cas du capi­tal. C’est le terme de péren­ni­sa­tion qui est le plus appro­prié pour décrire le phénomène fluc­tuant, chao­ti­que et contra­dic­toire qu’a été et que conti­nue d’être le capi­tal.


Il est incontes­ta­ble que la représen­ta­tion poli­ti­que glo­bale (c’est-à-dire la référence ima­gi­naire col­lec­tive) qui était présente et sou­vent exprimée dans les mar­ches et les dis­cus­sions des deux jours qui, en France, ont suivi l’événement, était celle de la Révolu­tion française. Constater cela ne signi­fie pas, bien évidem­ment, contri­buer à un éternel retour, mais seu­le­ment — et au mini­mum — ne pas pla­quer des schémas clas­sis­tes et prolétariens sur une réalité qui ne le permet plus.


Ce que nous vou­lons dire, c’est seu­le­ment que rien n’est dépassé. La dia­lec­ti­que n’a pas cassé les bri­ques ! Et se pen­cher à nou­veau sur la Révolu­tion française est aussi une façon de réfléchir à la per­ti­nence ou non de la pers­pec­tive d’une « révolu­tion à titre humain ».


Dans ce moment-Charlie, ce qui s’est exprimé immédia­te­ment marque l’écart qui existe aujourd’hui entre État et nation. Les liens entre État et société civile, entre public et privé assurés par un pacte poli­ti­que républi­cain autour de l’État-nation et sta­bi­lisés par la IIIe Républi­que, ont vécu. L’État-réseau clientéliste n’apparaît plus que comme un pres­ta­taire de ser­vi­ces et donc sans aura par­ti­culière. L’indi­vidu-démocra­ti­que fait appel à lui quand il en a besoin (sécurité sociale et sécurité des per­son­nes) mais autre­ment, il est l’État repous­soir, celui qui empêche d’entre­pren­dre, qui taxe et vole le contri­bua­ble. Il n’apparaît plus comme le lieu de la sou­ve­rai­neté, seu­le­ment celui de la gabe­gie à tra­vers les scan­da­les poli­tico-finan­ciers et une admi­nis­tra­tion jugée aujourd’hui tou­jours trop plétho­ri­que.


Malgré la ten­ta­tive de l’État de trans­for­mer l’émotion des mani­fes­ta­tions du mer­credi 7 jan­vier 2015 et leur dimen­sion de réaction à titre humain, en une marche citoyenne le diman­che 11, on a pu remar­quer la différence avec les références poli­ti­ques des années précédentes. La pro­gres­sion parallèle de la glo­ba­li­sa­tion et de la restruc­tu­ra­tion de l’État dans sa forme réseau accrois­sent la cadu­cité de tout ce qui pour­rait rap­pe­ler une société civile.


En conséquence de quoi le citoyen­nisme devient impos­si­ble. Le rap­port État-nation est dis­tendu à un point tel que l’émotion natio­nale n’a que peu à voir avec une expres­sion natio­na­liste et impli­que plutôt une dimen­sion uni­ver­sa­liste, une réaction à titre humain7.


Les déter­mi­na­tions par­ti­cu­la­ris­tes ne sont pas niées mais mises entre parenthèses ou minorées tant que l’émotion poli­ti­que domine. Mais c’est aussi cela qui a rendu plus dif­fi­cile la par­ti­ci­pa­tion de ceux qui se définis­sent d’abord comme musul­mans, dans la mesure où cette réaction col­lec­tive s’est faite au nom du « je suis Charlie » (nous y revien­drons). En effet, beau­coup d’entre eux préféreraient une posi­tion sous la forme du « pas en notre nom ». Position qui s’est déjà développée au niveau inter­na­tio­nal suite à différents actes bar­ba­res commis par L’État isla­miste (EI) ou autres frac­tions ter­ro­ris­tes isla­mis­tes radi­ca­les. C’est qu’elle garde le caractère d’une pro­tes­ta­tion iden­ti­taire, ce qui faci­lite sa mise en place, le col­lec­tif étant vite défini, à l’interne. Mais par contre elle rend problémati­que la par­ti­ci­pa­tion com­mune à la réaction d’ensem­ble des « gens d’ici », col­lec­tif qui n’est pas défini de façon stric­te­ment natio­nale et en tout cas qui ne s’entend pas au sens natio­na­liste du terme, mais plutôt au sens ter­ri­to­rial et de références his­to­ri­ques et poli­ti­ques com­mu­nes.


Un « je » très ambi­va­lent dans la mesure où il doit trou­ver son être col­lec­tif sur le chemin étroit que bor­dent d’un côté l’indi­vi­dua­lisme démocra­ti­que et consom­ma­teur et de l’autre le « nous » des iden­ti­tai­res et autres com­mu­nau­ta­ris­tes. Un « je » ambi­va­lent aussi dans la mesure où s’il porte une exi­gence forte, celle de la liberté et de la fra­ter­nité, sans plus trop s’occu­per de l’égalité d’ailleurs, il n’empêche qu’il souf­fre d’immédia­tisme : le « je suis Charlie » n’est qu’une forme sans contenu puis­que le contenu de Charlie n’est pas discuté, la liberté d’expres­sion étant indis­cu­ta­ble dans la pers­pec­tive défendue. Dans cette mesure, la pro­tes­ta­tion est restée for­melle malgré l’élan pro­duit vers autre chose. Les indi­vi­dus qui y ont par­ti­cipé n’ont fait que s’y côtoyer. L’absence de création de liens réels, même si quel­ques « Comités Charlie » sont nés ici ou là, a fait que la pro­tes­ta­tion n’a pu se cons­ti­tuer en mou­ve­ment.

Les théories de la Nation à la moulinette de la globalisation


Tout se passe comme si la plus grande partie des immigrés, de fraîche ou de longue date et leurs des­cen­dants ne se sen­taient pas forcément « français » mais avaient, le plus sou­vent impli­ci­te­ment, des références assez précises8 à une concep­tion spécifi­que de la nation française. Une concep­tion qui repose ori­gi­nai­re­ment (chez Sieyès et dans les premières cons­ti­tu­tions de la républi­que par exem­ple, puis chez Renan) sur la théorie dite sub­jec­tive de la nation, à savoir celle qui se fonde sur la volonté, l’adhésion et la mémoire col­lec­tive par oppo­si­tion à la théorie alle­mande de la nation (Fichte et Herder) dite objec­tive (sang et sol + langue).


Dans ses meilleurs moments his­to­ri­ques cette théorie sub­jec­tive a permis que se dévelop­pent un cos­mo­po­li­tisme et même un inter­na­tio­na­lisme théorique (qui comme son nom littéral l’indi­que n’a jamais dépassé l’hori­zon natio­nal, mais seu­le­ment l’hori­zon natio­na­liste) suivi d’effets concrets aussi bien au sein de la Révolu­tion française que de la Commune aux­quels beau­coup « d’étran­gers » par­ti­cipèrent y com­pris à des postes de res­pon­sa­bi­lité, puis ensuite dans les mesu­res prises en faveur du droit d’asile. À part cela, il ne faut pas oublier les mau­vais moments his­to­ri­ques (colo­nia­lisme et impéria­lisme français qu’on peut considérer comme des effets per­vers de la théorie ori­gi­nelle de la nation, de la même façon que le nazisme cons­ti­tuera un effet per­vers de la théorie objec­tive) et le fait qu’aujourd’hui la concep­tion sub­jec­tive ne soit plus défendue, en l’état, que par des républi­cains hors des partis, tel Finkielkraut, dont le patrio­tisme républi­cain n’est pas assi­mi­la­ble aux posi­tions natio­na­lis­tes fron­tis­tes ou sou­ve­rai­nis­tes (anti-européanisme, anti-américa­nisme, préférence natio­nale, etc.).


Cette liberté concrète, dont l’exi­gence est la plus inter­na­tio­na­lisée qui soit, prend néanmoins en France des expres­sions par­ti­culières parce qu’elle ravive les pas­sions anti-reli­gieu­ses de la Révolu­tion française. À l’époque du retour des com­mu­nau­ta­ris­mes reli­gieux et de leur para­dis des croyants en lieu et place de la com­mu­nauté humaine, elles remémorent ce qui était ins­crit sur des tombes des cimetières à l’époque de la Révolu­tion française : « la mort est un éternel som­meil ». Ce qu’assuré­ment la plu­part des morts de Charlie savaient. Mais ce caractère anti­re­li­gieux a été pro­gres­si­ve­ment gommé pour abou­tir, sous la IIIe Républi­que à la ver­sion la plus modérée des « Lumières » à tra­vers le concept de laïcité. Ce concept qui garda certes quel­ques vertus au temps des « hus­sards noirs de la républi­que » n’est plus guère qu’un chif­fon qu’on agite vai­ne­ment à l’époque des équi­va­len­ces généralisées (la laïcité est la croyance de la France).


Pour en reve­nir à la situa­tion présente, l’orches­tra­tion de la riposte aux assas­si­nats des 7 et 9 jan­vier 2015 de la part de l’État marque une étape de plus dans l’affir­ma­tion de ce que nous appe­lons la société capi­ta­lisée, une situa­tion dans laquelle la sépara­tion entre État et société relève de la fic­tion (la trop fameuse et mythi­que « société civile ») ou de l’illu­sion. La mani­fes­ta­tion offi­cielle du diman­che 11 jan­vier, la « marche citoyenne » bien mal nommée comme nous l’expli­quons plus haut, représente une synthèse de la co-exis­tence entre d’un côté un État-nation en crise et en restruc­tu­ra­tion dans une forme réseau, et de l’autre des mou­ve­ments d’indi­gna­tion fina­le­ment plus popu­lai­res que citoyens. Cela ren­force notre hypothèse de la forme essen­tiel­le­ment réseau de cet État, mais cela n’auto­rise pas à parler d’une ten­dance domi­nante vers une « demande à l’État » ou de plus d’État, comme s’il y avait consen­sus entre gou­ver­nants et gou­vernés quant à la ques­tion de la sécurité. D’ailleurs, de ce point de vue, les Indignés français crispés sur les références d’Hessel au pro­gramme du Conseil National de la Résis­tance, étaient en « retard his­to­ri­que » par rap­port aux Indignados espa­gnols ou aux Occupy américains ; un « retard » qui semble se réduire présen­te­ment avec le début d’une reconnais­sance offi­cielle (étati­que et cultu­relle) du rela­ti­visme, des par­ti­cu­la­ris­mes et de la dimen­sion iden­ti­taire qui n’entrait pas dans la tra­di­tion théorique française.


Le Tout majus­cule, comme les ins­ti­tu­tions de l’ancien État-nation, comme la Loi majus­cule, est devenu le mal parce qu’il est assi­milé au tota­li­ta­risme. Le tout, quand il est encore tolérable n’est plus qu’un tout minus­cule, une somme de par­ti­cu­liers (indi­vi­dua­lisme métho­do­lo­gi­que) ou plus moderne, une suite d’inte­rac­tions entre par­ti­cu­la­rités qui toutes récla­ment leurs droits, leurs lois et des règle­ments contrac­tua­lisés direc­te­ment entre les indi­vi­dus et grou­pes ou catégories socia­les. Les contrats indi­vi­dua­lisés rem­pla­cent le Contrat social.


Toutes les ten­dan­ces dites libérales/liber­tai­res en Europe ou liber­ta­rien­nes dans le monde anglo-saxon sem­blent confir­mer que la trian­gu­la­tion État-capi­tal-société se reconfi­gure dans un pro­ces­sus de tota­li­sa­tion que l’on a essayé de décrire au niveau plus général des rap­ports de pro­duc­tion et de la repro­duc­tion des rap­ports sociaux et ensuite de concep­tua­li­ser sous le terme de société capi­ta­lisée. Mais cette trian­gu­la­tion elle non plus ne dépasse rien. Elle n’est pas post-moderne car elle ne peut se débar­ras­ser de la ques­tion de la nation d’abord, de la reli­gion ensuite ni enfin de celle des rap­ports indi­vi­dus/com­mu­nauté, cette dernière ayant elle-même lien avec les deux premières.

L’impossible sujet-Charlie


À la vitesse de la lumière — celle de la com­mu­ni­ca­tion numérique — « je suis Charlie » est devenu le slogan exprimé par des mil­lions d’indi­vi­dus en France et dans le monde9. Affiché et diffusé par tous les médias, il a très lar­ge­ment dominé d’autres for­mu­la­tions dans « l’élan républi­cain » qui s’est mani­festé après la tuerie au siège du jour­nal sati­ri­que. D’autres slo­gans ont certes été exprimés sur la défense de la liberté d’expres­sion et de la laïcité, sur le res­pect de la vie humaine ou encore sur l’absence de peur ; mais c’est le « je suis Charlie » qui cons­ti­tue la référence majeure et cen­trale des mani­fes­tants ; celles et ceux qui étaient dans les rues mais aussi chez eux ou ailleurs.


S’agis­sant de mani­fes­ta­tions col­lec­ti­ves aussi impor­tan­tes en nombre d’indi­vi­dus que celles qui vien­nent de se dérouler, cer­tains pour­ront s’étonner que la for­mu­la­tion « nous sommes Charlie » soit restée, si ce n’est peu fréquente, en tout cas assez mino­ri­taire. En être sur­pris c’est méconnaître l’impor­tant degré d’indi­vi­dua­li­sa­tion atteint par la société capi­ta­lisée d’aujourd’hui. Et les quel­ques mani­fes­tants qui met­tent d’abord en avant leur appar­te­nance à une com­mu­nauté reli­gieuse, avec des pan­car­tes disant « je suis musul­man » ou bien « je suis juif » n’échap­pent pas eux non plus à la par­ti­cu­la­ri­sa­tion ; laquelle se trouve d’ailleurs redoublée lors­que cer­tains ajou­tent à leur référence com­mu­nau­taire première : « … et je suis aussi Charlie ».


Toujours située dans la même dimen­sion égocen­triste et par­ti­cu­la­riste, le slogan domi­nant a, bien sûr, aussitôt engendré son double, sa face anti­no­mi­que, sa réaction de contre-dépen­dance avec le « je ne suis pas Charlie ». Face sim­ple­ment et seu­le­ment anti­no­mi­que, car celle-ci reste dans le même regis­tre que la première en conju­guant le verbe être à la première per­sonne du présent de l’indi­ca­tif.


Dans les deux cas, de quel sujet s’agit-il, au juste ? Quel est le sujet de l’attri­but « Charlie » ? S’agit-il d’ailleurs d’un « sujet » ? Existe-t-il encore un sujet qui, aujourd’hui, puisse affir­mer sa sub­stance his­to­ri­que, au sens hégélien ? Ce « je » peut-il être entendu comme un « sujet social » ? Certainement pas. En résumé, disons pour­quoi.


Il y a main­te­nant vingt ans, à la revue Temps cri­ti­ques, nous nous sommes efforcés d’ana­ly­ser les effets du vaste pro­ces­sus d’indi­vi­dua­lisa­tion et de par­ti­cu­la­ri­sa­tion des rap­ports sociaux après les bou­le­ver­se­ments poli­ti­ques et anthro­po­lo­gi­ques de la fin des années 1960. Dans le trip­ty­que Individu/sujet/sub­jec­ti­vité nous avons mis en évidence le délite­ment de l’ancien sujet his­to­ri­que de la moder­nité : le bour­geois et sa classe sociale10 ainsi que l’épui­se­ment de la dia­lec­ti­que des clas­ses lequel a engendré un vaste pro­ces­sus d’indi­vi­dua­li­sa­tion ; une par­ti­cu­la­ri­sa­tion de l’ancien sujet his­to­ri­que en autant de sub­jec­ti­vités et d’inter­sub­jecti­vités mul­ti­ples. Le « je suis Charlie » échap­pe­rait-il, ne serait-ce qu’à la faveur d’une émotion col­lec­tive, à cette ten­dance domi­nante ? Pas si sûr.


Dans cette pers­pec­tive, le « je suis » qui n’impli­que aucun « nous sommes », s’énonce comme la voix meur­trie et chargée d’empa­thie d’un indi­vidu par­ti­cu­la­risé, seg­menté, sub­jec­ti­visé ; un indi­vidu certes social mais dont la com­mu­nauté de référence est très incer­taine, varia­ble, ambi­va­lente. De plus, ce « je » n’est pas non plus un « moi » (ego) puisqu’il ne contient ni défense nar­cis­si­que ni affir­ma­tion iden­ti­taire. C’est l’indi­vidu social qui dit sa présence dans l’événement ; un indi­vidu sans indi­vi­dua­lité à qui il est impos­si­ble de s’affir­mer comme sujet his­to­ri­que11. D’où notre titre : « l’impos­si­ble sujet Charlie ».


Si l’on s’en tient à considérer l’attri­but du sujet dans la phrase du slogan, le signifié « Charlie » se limite d’abord à un groupe de quel­ques jour­na­lis­tes liber­tai­res, eux aussi par­ti­cu­la­risés et atomisés que cer­tains vont vite nommer « Les Charlies ». On passe alors à un contenu social, à une représen­ta­tion d’un col­lec­tif en lutte, d’une com­mu­nauté d’engage­ments, d’une soli­da­rité, d’une proxi­mité intel­lec­tuelle ou affec­tive, etc. C’est l’indi­vidu-social-Charlie. En ce sens on peut avan­cer qu’il y a bien eu dans le moment-Charlie, une acti­va­tion de la ten­sion entre l’indi­vidu et la com­mu­nauté humaine. (cf. Chapitre sui­vant « La ten­dance vers la com­mu­nauté »)


Mais cette désigna­tion « Les Charlies » est-elle équi­va­lente à celle qui, à partir des années 1970 va nommer les col­lec­tifs ouvriers en luttes défen­si­ves contre les restruc­tu­ra­tions et les sup­pres­sions mas­si­ves de force de tra­vail ? On se sou­vient « des Lip », en 1973, au moment de la grève à ten­dance auto­ges­tion­naire des ouvriers de l’entre­prise d’hor­lo­ge­rie. Par la suite, c’est au sub­stan­tif plu­riel qu’on par­lera des col­lec­tifs ouvriers en luttes défen­si­ves contre leur licen­cie­ment (« Les Conti », « Les Michelin », etc.).


« Charlie » ne relève pas ici de cette référence à la com­mu­nauté de tra­vail ; mais il ne relève pas non plus de la com­mu­nauté citoyenne. Il s’agit davan­tage d’un rap­port indi­vi­duel à une mémoire, à une his­toire (française) de l’irrévérence, de l’imper­ti­nence, de la liberté d’expres­sion ; autant de « valeurs » supposées partagées par le plus grand nombre, car toutes issues de la Révolu­tion française. «


L’irréligio­sité fait aussi partie de ces valeurs, mais elle reste mino­ri­taire, comme elle l’a d’ailleurs tou­jours été, en France, depuis la révolu­tion. Car la cri­ti­que de la reli­gion que contien­nent aujourd’hui des cari­ca­tu­res de Charlie Hebdo n’a de portée que visuelle, gra­phi­que (un « visuel » comme on dit dans la com.) et non plus théorique ou ima­gi­naire. C’est une cari­ca­ture de la cri­ti­que de la reli­gion. On assiste à un affai­blis­se­ment de « l’emprise de l’ima­gi­naire » nous dit une cor­res­pon­dante.


Quelques rares com­men­ta­teurs de l’événement ont sou­ligné le décalage des cari­ca­tu­res irréligieu­ses de Charlie avec l’époque actuelle. Mais il n’y ont vu qu’une différence dans la répres­sion étati­que du délit d’opi­nion. Ce n’est pas le cas avec les cari­ca­tu­res de Charlie aujourd’hui. Nous préférons y voir l’épui­se­ment poli­ti­que des ancien­nes cri­ti­ques de la reli­gion dans la société bour­geoise qui ne trou­vent plus guère d’oppor­tu­nité pour se déclarer dans la société capi­ta­lisée. On a bien accusé récem­ment les catho­li­ques de vou­loir remet­tre en cause la loi sur l’avor­te­ment ou de se cacher derrière les mani­fes­tants de la « manif pour tous », mais c’est très abusif et réduc­teur. Là aussi l’ins­ti­tu­tion reli­gieuse — comme tant d’autres de l’État-nation et de l’ancienne société bour­geoise — a du plomb dans l’aile et la ten­dance au « conser­va­tisme des valeurs » est beau­coup plus large que chrétien puis­que, comme on le sait, il tra­verse lar­ge­ment la gauche laïque et républi­caine.


En effet, peut-on, au xxie siècle, après l’échec de tant de « révolu­tions » se référant au matéria­lisme, manier l’irréligio­sité comme le fai­saient les Libertins du XVIIIe siècle ou les anticléricaux du XIXe ; c’est-à-dire avec des formes deve­nues cadu­ques de la cri­ti­que de la reli­gion chrétienne lors­que celle-ci était la seule ins­ti­tu­tion reli­gieuse domi­nante et répres­sive ?


Dans la société bour­geoise, les reli­gions chrétien­nes, catho­li­ques et réformées, cons­ti­tuaient une média­tion cen­trale dans les contra­dic­tions socia­les et notam­ment dans la neu­tra­li­sa­tion des luttes de classe. D’abord et avant tout reli­gion des propriétaires, catho­li­cisme et pro­tes­tan­tisme — cha­cune avec leurs croyan­ces et leurs modes d’action sin­gu­liers — opéraient comme un puis­sant régula­teur social des « clas­ses dan­ge­reu­ses », phénomène encore plus accentué dans des pays comme l’Italie et l’Espagne. Ce n’est plus le cas aujourd’hui12 où l’islam tend à deve­nir l’opérateur de contrôle social et mental qui, pour les pou­voirs poli­ti­ques, serait le plus appro­prié à l’enca­dre­ment des milieux « sen­si­bles » et des popu­la­tions en déshérence ; ceci dans les pays où il n’est pas reli­gion d’État.


Dire ici que la tou­jours néces­saire cri­ti­que de la reli­gion ne doit pas se trom­per d’époque c’est tenir compte de ses échecs suc­ces­sifs et répétés, aussi bien dans le sta­li­nisme et les natio­na­lis­mes que dans le consumérisme social-libéral ou l’auto­no­misme gaucho-liber­taire.


Bien que n’ayant pas été absen­tes, loin s’en faut, de l’his­toire des luttes de classe, ce n’est pas avec des cari­ca­tu­res que le mou­ve­ment ouvrier révolu­tion­naire avait tenté de dis­sou­dre les reli­gions. Il le fit davan­tage en cher­chant à trans­for­mer les modes de vie et les rap­ports sociaux ; en essayant de réaliser sur terre la com­mu­nauté humaine puis­que, avec Marx, ils affir­maient : « l’être humain est la vérita­ble com­mu­nauté des hommes » (Gloses cri­ti­ques… 1844).


Cet archaïsme de Charlie expli­que en partie ses bais­ses de tirage et son peu d’ancrage dans les nou­vel­les générations. D’autant qu’il est redoublé par un autre archaïsme qui est celui de la cri­ti­que du « beauf », une cri­ti­que typi­que de l’époque des « libérations » des années 1960-70, mais qui porte peu désor­mais quand les clas­ses popu­lai­res pay­san­nes et ouvrières ont perdu toute iden­tité et ont été laminées poli­ti­que­ment et cultu­rel­le­ment par la révolu­tion du capi­tal. Ce sont les « branchés », les « bobos » et non plus les « beaufs » qui sont aujourd’hui majo­ri­tai­res ou du moins qui sont les plus visi­bles et même s’ils ont été très portés à mani­fes­ter leur répro­ba­tion puisqu’ils sont libéraux et ouverts, on peut penser qu’ils ne sont pas non plus très concernés par le combat des fon­da­teurs de Charlie13.


Beaucoup de choses ont déjà été écrites sur les divers sens qui peu­vent être attribués au signi­fiant Charlie du slogan « je suis Charlie », mais bien peu l’ont été sur le « je suis ».


Bien sûr et avec raison, l’accent a d’abord été mis sur l’inten­sité du choc psy­chi­que reçu par les témoins des tue­ries et les habi­tants du voi­si­nage. Mais l’onde de choc s’est répandue dans tout le pays et même dans le monde. Les res­sen­tis à ce choc rem­plis­sent les conver­sa­tions. Le « je » de Charlie est d’abord un indi­vidu meur­tri qui parle de ses affects. Mettre des mots sur les émotions et les trau­ma­tis­mes fut le conseil donné par les psy­cho­lo­gues et les ser­vi­ces de secours. L’indi­vidu-Charlie est com­pa­tis­sant, il se démarque de ceux que lais­sent « indifférents » la mort d’un poli­cier ou de ceux qui se sen­tent « étran­gers » aux actes des jiha­dis­tes. Notre cor­res­pon­dante donne à la nomi­na­tion une portée qui va bien au-delà d’une fonc­tion thérapeu­ti­que. Elle voit dans cette déter­mi­na­tion à se nommer, à se ras­sem­bler, à se reconnaître, à défiler en por­tant le nom je suis Charlie « un soulèvement col­lec­tif imprévisi­ble d’auto-nomi­na­tion ». Ce nom col­lec­tif qui est le contraire d’un mot d’ordre puisqu’il n’a été préparé ni imposé par aucune auto­rité ou ins­ti­tu­tion. Elle le donne comme une « res­pi­ra­tion de liberté, défi à la mort — à la peur de la mort ». Même accom­pagné par le lyrisme de Hugo sur la force du mot, le « je suis Charlie » était-il impli­ci­te­ment por­teur d’aussi vastes espérances chez ceux qui le por­taient ? Peut-être cela fut-il fuga­ce­ment présent dans les ras­sem­ble­ments spon­tanés qui se déroulèrent le soir de la tragédie. Mais on peut en douter au regard de la « marche républi­caine » du diman­che 11 jan­vier.


Porter un nom nou­veau, autre, un nom choisi et le par­ta­ger avec d’autres dans un moment d’émotion col­lec­tive ne suffit pas à faire de ce ras­sem­ble­ment une com­mune d’indi­vi­dus libres, créatifs et se riant de la mort. Au-delà du sans lieu de l’utopie, du hors-temps de l’uchro­nie, les « Charlies » auraient-ils inventé une Cité-du-tout-nommer ? De plus, s’auto-nomi­ner nous laisse tou­jours dans l’enfer­me­ment de l’auto­référence et de l’égoges­tion.


Une fois les minu­tes de silence observées (ou inob­servées) dire l’indi­cible du meur­tre passe encore par des mots et des noms, mais l’élan ini­tial de la nomi­na­tion, de la parole imprévue — ce souf­fle pre­mier que cher­che la poésie — se brise vite sur les lita­nies du nomi­na­lisme et sur les fadai­ses de la prose du monde.

La tendance vers la communauté


Au pre­mier regard et si on parle en termes de sens vers la com­mu­nauté humaine (et non en terme de com­mu­nau­ta­risme) pour caractériser les réactions à l’événement, cela apparaît éton­nant et à contre-cou­rant puis­que notre époque voit resur­gir, au niveau extérieur, un retour des différents sou­ve­rai­nis­mes d’État, alors qu’on est en pleine affir­ma­tion de la glo­ba­li­sa­tion et de la crise conco­mi­tante de la forme État-nation au niveau intérieur. Rechercher le sens d’une com­mu­nauté humaine peut égale­ment sem­bler aller à contre-cou­rant puis­que les références com­mu­nau­tai­res (de type uni­ver­sa­lis­tes) qui par­ti­ci­paient de la sédimen­ta­tion his­to­ri­que, cultu­relle et poli­ti­que d’un pays se conver­tis­sent en une reven­di­ca­tion de sou­mis­sion aux com­mu­nautés de références14 et aux iden­tités.


Or, dans l’inten­sité de l’émotion du mer­credi soir et des jours qui sui­vi­rent, il y a bien eu cette dimen­sion com­mu­nau­taire, du moins une sen­sa­tion de ten­sion vers cette dimen­sion sans aucune inter­ven­tion de l’État dans un pre­mier temps. Un État qui cher­chait même à brouiller les pistes pour éviter que la pro­tes­ta­tion ne prenne de l’ampleur. Ainsi, fit-il son maxi­mum pour occulter la pos­si­bi­lité d’une coor­di­na­tion des atten­tats avant de se rendre à l’évidence. Pour les mani­fes­tants, il ne s’agis­sait donc pas d’affir­mer une com­mu­nauté déjà présente ou déjà référencée, natio­na­lisée et iden­tifiée, mais d’expri­mer une ten­sion des indi­vi­dus vers la com­mu­nauté humaine, vers le genre, mais le genre uni­ver­sel, le genre humain, pas le genre des théories du genre.


Cette ten­sion est fra­gile et ins­ta­ble car son auto­no­mie est très limitée tant qu’elle ne fait que mani­fes­ter une réaction et qu’elle s’expose soit à une reprise en main poli­ti­cienne comme la grande messe du diman­che 11 jan­vier nous en four­nit l’exem­ple, soit que son caractère spon­tané per­dure dans l’immédia­tisme d’une adhésion a-cri­ti­que et consen­suelle.


Que cette com­mu­nauté en général soit ici, à propos de Charlie, une com­mu­nauté non natio­nale et même inter­na­tio­nale ne signi­fie pas qu’elle soit déjà com­mu­nauté humaine. La ten­dance est limitée par de nom­breu­ses autres ten­dan­ces comme disait un de nos maîtres théori­ques. Ainsi, quand la mani­fes­ta­tion de diman­che se met à applau­dir la police qui passe alors que le cada­vre de Rémi Fraisse est encore chaud, un mini­mum de mise à dis­tance s’avère néces­saire.


Ce n’est plus l’unité autour des libertés et des prin­ci­pes, mais une unité pour l’unité, une unité fan­tasmée au-delà des anta­go­nis­mes sociaux et poli­ti­ques. De même, quand on cher­che un peu vai­ne­ment à aper­ce­voir une quel­conque preuve que la pro­tes­ta­tion ou la révolte a aussi touché les ban­lieues15 ou les quar­tiers périphériques. La ten­dance uni­ver­sa­liste rede­vient alors un peu plus abs­traite et vient rap­pe­ler nos défaites his­to­ri­ques dans les luttes de clas­ses et révoltes his­to­ri­ques précédentes.


Si une ten­sion indi­vidu/com­mu­nauté s’est bien mani­festée, reste qu’on a du mal à y per­ce­voir, pour parler en termes dia­lec­ti­ques, le non iden­ti­que, le négatif, l’élément cri­ti­que qui trans­for­me­rait la ten­sion en mou­ve­ment vers quel­que chose d’autre. L’élément cri­ti­que est en fait contenu dans une absence, à savoir que, le temps d’une mani­fes­ta­tion, on est quel­que peu sorti d’une situa­tion dans laquelle l’indi­vidu par­ti­cu­la­risé contem­po­rain ne peut plus comp­ter sur une appar­te­nance sociale liée à son être col­lec­tif. Et dans la ten­sion vers la com­mu­nauté qui s’est mani­festée il y a eu aussi comme une délivrance. Une thérapeu­ti­que a fonc­tionné, celle du ras­sem­ble­ment contre la peur et l’affir­ma­tion — sereine et par­fois joyeuse — de la satis­fac­tion d’être ensem­ble pour défendre une cause uni­ver­selle. Il y avait comme une joie de se libérer de cette quasi-obli­ga­tion aujourd’hui, qui fait que pour exis­ter socia­le­ment, l’indi­vidu doit annon­cer sa référence iden­ti­taire à telle ou telle par­ti­cu­la­rité eth­ni­que, cultu­relle, sexuelle, reli­gieuse, de clan, de réseau, de lobby, de secte, etc. puis­que la référence de classe n’est plus pos­si­ble ou en tout cas n’est plus cen­trale.


Les luttes reven­di­ca­ti­ves tra­di­tion­nel­les repo­sant sur le tra­vail n’étant plus com­pri­ses par le pou­voir, les médias et les indi­vi­dus-démocra­ti­ques de la société capi­ta­lisée, que comme des formes de cor­po­ra­tisme ou de com­bats archaïques pour ne pas dire réaction­nai­res, leurs deman­des comme leurs aspi­ra­tions ne sont sus­cep­ti­bles d’être enten­dues qu’à la condi­tion qu’elles affi­chent leurs références dans la com­bi­na­toire des « goûts », des « choix » et des « chan­ces » qui s’offri­raient désor­mais comme vie à tous les indi­vi­dus. Des vies « privées d’his­toire16 ». Peut-être peut-on alors lire — si on se veut opti­miste — les der­niers événements comme une ten­ta­tive de réappro­pria­tion d’un temps his­to­ri­que.


Dans cette délivrance, dans cette affir­ma­tion de la liberté d’expres­sion, s’exprime aussi un chan­ge­ment d’atti­tude vis-à-vis des reli­gions. Nous avons dit plus haut que l’ancienne cri­ti­que des reli­gions s’épui­sait, mais une nou­velle réaction s’amorce qui n’est pas seu­le­ment d’ordre cri­ti­que mais contient aussi des éléments émotion­nels et réaction­nels contre ce qui apparaît comme un débor­de­ment de la laïcité par la confu­sion de plus en plus grande qui est faite aujourd’hui entre public et privé. En cela d’ailleurs, ces reli­gions ne sont pas archaïques. Revisitées par les par­ti­cu­la­ris­mes, elles sont néo-moder­nes, car elles met­tent en pra­ti­que, dans leur domaine propre, le mot d’ordre « le privé est poli­ti­que ».


Mais il est évident que c’est l’Islam et sur­tout ses formes sala­fis­tes qui n’ont aucun mal à se glis­ser dans les nou­vel­les pra­ti­ques poli­ti­ques des iden­tités pour fina­le­ment s’affir­mer comme un pos­si­ble débouché poli­ti­que, mais qui s’expri­me­rait en dehors du jeu poli­ti­que démocra­ti­que. C’est d’ailleurs ce qui peut atti­rer des jeunes dégoûtés par la poli­ti­que poli­ti­carde ou qui sont, de fait ou de droit, mis hors-jeu de celle-ci. Les autres reli­gions sui­vent le mou­ve­ment, mais un mou­ve­ment qui ne leur est plus natu­rel puisqu’elles se sont précédem­ment moulées dans la moder­nité, se sont adaptées pro­gres­si­ve­ment et se sont au contraire pri­va­tisées. Elles sont donc obligées de forcer le ton pour ne pas rester à l’écart (remi­ses en cause des lois sur l’avor­te­ment comme en Espagne, réactions contre le mariage homo­sexuel).


Par exem­ple, l’Église catho­li­que, en dehors de tout fon­da­men­ta­lisme, cher­che à repren­dre pied si ce n’est par un retour de la foi, du moins par une par­ti­ci­pa­tion plus grande aux « débats de société ». Et force est de cons­ta­ter, à l’intérieur de cet aspect général d’évolu­tions des pra­ti­ques des reli­gions, une réaction par­ti­culière vis-à-vis de la reli­gion musul­mane parce que, dans sa variante sala­fiste, elle apparaît comme sor­tant du cadre privé d’exer­cice des pra­ti­ques reli­gieu­ses défini par les prin­ci­pes de laïcité et qu’en défen­dant une iden­tité poli­tico-reli­gieuse axée sur des reven­di­ca­tions cli­van­tes (tenue ves­ti­men­taire, nour­ri­ture halal, maria­ges intra-com­mu­nau­tai­res, obser­vance stricte des rituels, etc.) elle semble redou­bler, pour ne pas dire surenchérir, sur la ten­dance à la relégation dans les quar­tiers où se fait par­ti­culièrement sentir l’ines­sen­tia­li­sa­tion de la force de tra­vail, la domi­na­tion mas­cu­line et les dif­fi­cultés de repro­duc­tion des rap­ports sociaux capi­ta­lis­tes.


Toutes les poten­tia­lités d’une stig­ma­ti­sa­tion et d’une assi­gna­tion iden­ti­taire sont alors réunies avec comme conséquence pos­si­ble une sus­pi­cion à l’égard de l’islam et, conséquence de la conséquence, des réactions com­mu­nau­ta­ris­tes et pour ce qui nous préoccupe ici, l’assi­mi­la­tion de Charlie à un jour­nal « isla­mo­phobe », ce qu’il n’est certes pas, puis­que son objet, entre autres est la cri­ti­que de toutes les reli­gions.


Mais là encore cette ten­dance anticléricale dont Charlie hebdo res­tait un bon représen­tant n’est pas, loin s’en faut, una­nime ni partagée. La majo­rité des indi­vi­dus-démocra­ti­ques (l’opi­nion publi­que) et l’État, en accord d’ailleurs avec le prin­cipe de libre expres­sion, défen­dent plutôt la ligne selon laquelle toutes les reli­gions sont accep­ta­bles (y com­pris la laïque) à partir du moment où elles res­tent modérées et qu’elles peu­vent toutes être rap­portées à un prin­cipe de paix, en dehors donc de ce qu’elles ont été et de ce qu’elles ont fait au cours de l’Histoire.


La reli­gion chrétienne est ainsi lavée des guer­res de reli­gion, de l’inqui­si­tion, du colo­nia­lisme et l’Islam de la conquête et de l’esclava­gisme pour être présentée comme une reli­gion de paix. Le djihad devient un com­por­te­ment de foi indi­vi­duelle, le reste ne serait que du fana­tisme sans rap­port avec les textes sacrés. Il suf­fi­rait alors de séparer le bon grain de l’ivraie pour ouvrir vers une société vrai­ment mul­ti­cultu­relle et res­pec­tueuse de chacun… dans son iden­tité ! C’est ce à quoi s’essaient la plu­part des pou­voirs publics ou privés en défen­dant à la fois Charlie… et les intérêts des représen­tants des différentes Églises ce qui les amène à un cons­tant grand écart qui frise l’hypo­cri­sie et en même temps expli­que l’his­toire des différentes mesu­res prises contre Hara-Kiri puis Charlie. Il faut alors bien reconnaître que la posi­tion la plus cohérente, même si c’est la plus cho­quante pour nous, se trouve chez les médias anglo-saxons qui s’inter­di­sent de présenter la cou­ver­ture de la nou­velle édition de Charlie.


Quant aux islamo-gau­chis­tes, puisqu’il faut quand même bien les men­tion­ner, ils rajou­tent à la confu­sion en met­tant sur le même plan l’enlèvement et le viol de jeunes filles et de femmes par Boko Aram en Afrique et l’acti­visme des sectes pro­tes­tan­tes dans les pays du nou­veau monde ; en s’indi­gnant davan­tage pour des tags sur les mosquées ces der­niers jours, que des assas­si­nats de juifs parce que juifs dans l’hyper­ca­sher ; et cela en nous res­ser­vant le dis­cours sur les pau­vres et « l’Islam reli­gion des pau­vres » comme si toutes les per­son­nes de culture musul­mane17 étaient comme pro­grammées, à terme, à deve­nir dji­ha­dis­tes ou fous de Dieu, soit un déter­mi­nisme mécaniste idiot intel­lec­tuel­le­ment, bête poli­ti­que­ment et mépri­sant mora­le­ment.

Deux mots pour terminer :


Le pou­voir ne maîtrise pas tout… Il n’y a pas de « plan du capi­tal »…


Toutefois, rien n’est ins­crit dans le marbre comme on a pu le voir avec Valls recu­lant sur un Patriot act à la française après en avoir annoncé pour­tant l’urgence. Comme le rap­pel­lent les jour­naux, la sécurité est aujourd’hui régie juri­di­que­ment à Bruxelles et Paris a une marge de manœuvre étroite, la Commission européenne des libertés étant très vigi­lante, en bonne libérale/liber­taire qu’elle est quant aux ques­tions du main­tien de la libre cir­cu­la­tion même s’il existe des res­tric­tions au sein d’un espace Schengen. Plus générale­ment on peut dire qu’elle veut le main­tien de l’État de droit en Europe alors que cer­tains États ou frac­tions poli­ti­ques pen­chent pour un État d’excep­tion devant le ter­ro­risme. Cette inter­na­tio­na­li­sa­tion de la jus­tice et des poli­ces n’est d’ailleurs pas complète puis­que le sec­teur des Renseignements n’est pas encore inter­na­tio­na­lisé et reste de la compétence des États natio­naux.


D’une manière générale arrêtons de croire que le pou­voir maîtrise tout quand il passe son temps à enquêter sur les mili­tants de Tarnac d’un côté alors que de l’autre il aban­donne la trace d’indi­vi­dus déjà condamnés pour des actes considérés comme rele­vant du ter­ro­risme ; qu’il laisse prospérer, par faci­lité, le regrou­pe­ment com­mu­nau­taire et par contre­coup le recru­te­ment dji­ha­diste en prison ; ou quand il sacri­fie le budget de la DGSI au profit de celui de la DGSE. Faute d’ennemi vérita­ble­ment iden­ti­fia­ble comme à l’époque des guer­res clas­si­ques et des conflits de clas­ses, il est rela­ti­ve­ment désarmé devant les formes nou­vel­les que représen­tent pour lui les guer­res asymétri­ques et les réseaux dji­ha­dis­tes. Et comme il ne peut chas­ser tous les lièvres à la fois, l’État ne peut qu’opérer des choix arbi­trai­res et budgétaires. En fai­sant cela il ne procède pas autre­ment que dans tous les autres sec­teurs publics (cf. l’école et la réforme des zones prio­ri­tai­res) : il désha­bille Pierre pour habiller Paul au gré d’une ges­tion de l’État au coup par coup que nous avons noté depuis plus de dix ans dans le cadre du pas­sage de l’État-nation à la forme réseau. Nous le répétons à nou­veau : il n’y a pas de « plan du capi­tal » même s’il y a une poli­ti­que du capi­tal18.

 


Temps cri­ti­ques

Notes


1 – Cf. inter­ven­tion de D. Cohn-Bendit dans Libération du 8 jan­vier 2015.


2 – Pour une cri­ti­que sur ce point on pourra se repor­ter au texte d’Y. Coleman : « Camarades votre loi du talion ne sera jamais la mienne », dis­po­ni­ble ici : http://mon­dia­lisme.org/spip.php?arti­cle2228


3 – C’est-à-dire une poli­ti­que volon­ta­riste et raciale fondée par un théori­cien afri­ka­ner avec non seu­le­ment une sépara­tion abso­lue des races, mais aussi une surex­ploi­ta­tion éhontée de la main-d’œuvre noire. Or, si on trouve encore en France des tra­vailleurs sans-papiers d’immi­gra­tion récente, les générations précédentes deve­nues de natio­na­lité française pour un grand nombre, connais­sent un très fort taux de chômage ou pei­nent à entrer sur le marché du tra­vail sans pour cela cons­ti­tuer une armée indus­trielle de réserve qui vien­drait peser sur le niveau de salai­res. Elles sont seu­le­ment davan­tage vic­ti­mes d’une ines­sen­tia­li­sa­tion de la force de tra­vail qui touche l’ensem­ble des tra­vailleurs.


4 – Saint-Just conce­vait ce mou­ve­ment ins­ti­tuant de la nation sans la domi­na­tion d’un État comme suit : « Il y a trop de lois, trop peu d’ins­ti­tu­tions civi­les. Je crois que plus il y a d’ins­ti­tu­tions, plus le peuple est libre. Il faut peu de lois, là où il y en a tant, le peuple est esclave ». Chez Babeuf et les babou­vis­tes, l’ins­ti­tuant révolu­tion­naire c’est l’égalité de tous devant la propriété et d’abord devant la propriété foncière. Dans notre époque, cette concep­tion d’une com­mu­nauté humaine ins­ti­tuante et uni­ver­selle a été réactivée par des cou­rants issus de l’opéraïsme. C’est le cas, par exem­ple, chez Negri qui cher­che à fonder la « mul­ti­tude ». Mais cette notion reste chez lui d’abord inter­sub­jec­tive, trans­ver­sa­liste, en rhi­zome ; elle se détache mal des par­ti­cu­la­ris­mes et des réseaux. La « mul­ti­tude » negrienne peine à s’objec­ti­ver. Lorsqu’elle le fait, elle vise davan­tage les assemblées cons­ti­tuan­tes que les mou­ve­ments ins­ti­tuants (cf. T. Negri, Le pou­voir cons­ti­tuant : essai sur les alter­na­ti­ves de la moder­nité, PUF, 1997).


5 – Dont il a fait le titre de son livre paru au Seuil en 1975. En 1969, René Lourau a interprété l’insur­rec­tion de Mai 68 comme un puis­sant moment ins­ti­tuant opposé aux forces de l’ins­titué et com­bat­tant son ins­ti­tu­tion­na­li­sa­tion. Cf. R. Lourau, L’ins­ti­tuant contre l’ins­titué, Anthropos, 1969.


6 – Il n’était donc pas pos­si­ble de trou­ver un équi­va­lent au « Nous sommes tous des juifs alle­mands » de Mai 1968. C’est même plutôt le contraire. Aujourd’hui les juifs gênent parce que beau­coup les assi­mi­lent à la poli­ti­que d’Israël dans les ter­ri­toi­res occupés, parce que d’autres les assi­mi­lent à la banque juive et plus générale­ment à la finance (cf. 2008), parce que leur supposé pou­voir (dans les médias et la culture) par rap­port à leur poids démogra­phi­que réel est jugé dis­pro­por­tionné et donc anor­mal (cf. le succès de Dieudonné et la résur­gence récentes de pra­ti­ques dans la lignée de celles du « gang des bar­ba­res »). Toutes les condi­tions sont ainsi réunies pour en faire à nou­veau de par­faits boucs émis­sai­res.


7 – Une ten­dance uni­ver­sa­liste dont le pou­voir ne sait que faire, empêtré qu’il est dans ces ses conces­sions au mul­ti­cultu­ra­lisme qui l’amène à chaud à cette double injonc­tion simul­tanée et contra­dic­toire en direc­tion des musul­mans : réagis­sez en citoyens pour mon­trer que vous êtes français… et en membre de la com­mu­nauté musul­mane en dénonçant les crimes de musul­mans et en disant que ce n’est pas le vrai Islam qui… Cela peut aussi être ramené à ce que nous avons dit sur la théorie sub­jec­tive (dite « française ») de la nation. Cette théorie révolu­tion­naire de 1789 qui para­doxa­le­ment n’est plus sou­te­nue que par les partis de droite deux siècles après (res­tric­tion à la natio­na­lité auto­ma­ti­que des enfants nées en France dans les années chi­ra­quien­nes) a été réaffirmée par un être social col­lec­tif éphémère rejouant La Liberté (d’expres­sion) gui­dant le Peuple de Delacroix mais dans une concep­tion et des com­po­san­tes plus moder­nis­tes que popu­lis­tes. Cet être col­lec­tif fra­gile mais non illu­soire doit être dis­tingué de ce qui s’est passé en 1998 avec la vic­toire de l’équipe de France de foot­ball au cours de laquelle l’équi­li­bre entre idéologie natio­nale et idéologie mul­ti­cultu­ra­liste a été main­te­nue à tra­vers l’ima­ge­rie « blacks/blancs/beurs ». Un équi­li­bre aujourd’hui inte­na­ble (cf. l’affaire des « quotas » dans les clubs de foot­ball) dans un sport busi­ness mon­dia­lisé dans lequel les joueurs chan­gent de natio­na­lité au gré des oppor­tu­nités du marché.


8 – Par exem­ple la laïcité n’est pas vrai­ment une référence concrète puis­que son prin­cipe est mis à mal tous les jours et se trouve de moins en moins res­pecté. C’est d’ailleurs pour cela que ce qui reste de l’État-nation, à tra­vers les ins­ti­tu­tions tra­di­tion­nel­les de la républi­que, essaie de com­bler le manque par un surcroît de lois. Mais son concept fonc­tionne encore comme sédiment de l’his­toire générale des indi­vi­dus de ce pays, dans lequel les indi­vi­dus des différentes stra­tes d’immi­gra­tion suc­ces­si­ves sont venues s’ins­crire. Ces références au « pays des droits de l’homme » nous font peut-être mal parce que nous les enten­dons avec les oreilles de ceux qui cri­ti­quent ce qui est devenu une des idéolo­gies prin­ci­pa­les de l’Occident capi­ta­liste, mais pour beau­coup, c’est encore une recher­che de filia­tion avec le passé révolu­tion­naire quand le fil rouge des luttes de clas­ses a été rompu. Cette recher­che de filia­tion se retrouve de la place Tian’anmen, à la place Tahir en pas­sant par Taksim et plus récem­ment encore Hong-Kong.
Rappelons ici la dernière phrase de l’arti­cle « Sur le rap­port indi­vidu-com­mu­nauté, le temps des confu­sions », Temps cri­ti­ques, no 9 (1996) : « La dif­fi­culté réside dans le fait qu’aujourd’hui, la société du capi­tal a pro­duit un tel niveau d’indi­vi­dua­li­sa­tion et de par­ti­cu­la­ri­sa­tion des indi­vi­dus que les ten­sions vers la com­mu­nauté sont plus réacti­ves qu’acti­ves ». Même dans son aspect actuel le plus vivace, la référence à la com­mu­nauté en général – et c’est bien de cela dont il s’agit plus que de com­mu­nauté natio­nale depuis le mer­credi 7 jan­vier – semble s’être auto­no­misée pour sim­ple­ment figu­rer le « col­lec­tif » à l’intérieur de cette société du capi­tal qui se pose en com­mu­nauté désin­carnée. En note nous indi­quions que ce phénomène était déjà per­cep­ti­ble dans le sens du Tous ensem­ble de 1995.


9 – Sur Twitter, le hash­tag #je­Sui­sChar­lie dépasse tous les précédents records d’occur­rence depuis que ce réseau existe. Il fait la une des jour­naux et la cou­ver­ture des maga­zi­nes du monde entier. Des mots-vali­ses fleu­ris­sent (Charliberté, Chialercharlie), des rues, des places sont baptisées « je suis Charlie ». Des joueurs de foot­ball por­tent ces mots sur leurs maillots, des chan­sons et des poèmes expri­ment leur émotion devant l’événement. La com­mer­cia­li­sa­tion du slogan s’est immédia­te­ment développée et donne lieu à des conflits d’intérêt avec le gra­phiste désigné comme son inven­teur. Sollicité pour des dépôts de marque, l’Institut natio­nal de la propriété indus­trielle décide de ne par enre­gis­trer le slogan, au motif « qu’il ne peut pas être capté par un acteur écono­mi­que du fait de sa large uti­li­sa­tion par la col­lec­ti­vité ». L’ancien terme « d’émotion » employé pour désigner une émeute ou un soulèvement semble ici appro­prié pour rendre compte des mani­fes­ta­tions et des réactions qui ont suivi les atta­ques des ter­ro­ris­tes isla­mis­tes, à savoir la mise en mou­ve­ment d’un ensem­ble d’indi­vi­dus engendrée par un événement inat­tendu et heur­tant pro­fondément la sen­si­bi­lité humaine. Cf. M. Tournier, « Émotion popu­laire, petite note lexi­co­lo­gi­que », Mots. Les lan­ga­ges du poli­ti­que, ici : http://mots.revues.org/3483


10 – Texte dis­po­ni­ble en ligne ici http://temps­cri­ti­ques.free.fr/spip.php?arti­cle53


11 – Aveuglé par son gau­chisme borné et son anti­fas­cisme daté, A. Badiou, se dit irrité par les mani­fes­ta­tions « tri­co­lo­res » qui ont suivi les atten­tats « fas­cis­tes » perpétrés par trois jeunes français « embri­gadés fas­cis­tes ». Il en appelle à un ral­lie­ment massif des « prolétaires des ban­lieues » à la bannière rouge ; et il précise son credo : « avec le plus pos­si­ble de jeunes filles, voilées ou non, cela n’importe pas ». Cf. Le Monde, 28/01/15, p. 13. Comme naguère R. Garaudy, et plus récem­ment le ter­ro­riste Carlos, A. Badiou en vien­drait-il à donner l’islam comme l’utopie com­mu­nau­taire anti-capi­ta­liste seule à même de per­met­tre désor­mais à l’huma­nité de réaliser le com­mu­nisme ? Ces trois-là ont pour pre­mier point commun de saisir un échec de leur par­cours marxiste-léniniste et d’en attri­buer la faute à l’absence de la dimen­sion com­mu­nau­taire dans la révolu­tion prolétarienne ; comme second point commun, ils sai­sis­sent bien le sens littéral du concept de reli­gion, le fait qu’elle relie ce qui est essen­tiel dans une société contem­po­raine analysée comme vic­time de l’indi­vi­dua­li­sa­tion ; comme troisième point commun, leur marxisme vul­gaire leur fait chan­ger de sujet révolu­tion­naire : les prolétaires deve­nues introu­va­bles ou embour­geoisés cèdent la place à des pau­vres tou­jours plus nom­breux mais concentrés dans les ban­lieues occi­den­ta­les et les pays du Moyen Orient menacés par Israël représen­tant de l’impéria­lisme dans ces zones ; et enfin, quatrième point, le lien néces­saire entre les pau­vres et la dimen­sion com­mu­nau­taire que ne peut représenter le Parti, les amène à repor­ter leur espoir sur l’islam qu’ils don­nent comme la reli­gion concrète des pau­vres.


12 – Le concile Vatican II préparé dès la fin des années cin­quante du XXe siècle dont les effets se pour­sui­vent, sous diver­ses formes, jusqu’à nos jours, marque la fin de l’hégémonisme mon­dial de la reli­gion catho­li­que romaine. L’actuel dyna­misme du catho­li­cisme aux Philippines ne change pas la ten­dance générale puis­que cette reli­gion reste très mino­ri­taire dans les pays asia­ti­ques et qu’elle a aban­donné tout prosélytisme. Théolo­gi­que­ment le Dieu catho­li­que a perdu ses anciens attri­buts de puis­sance alors qu’Allah, le Dieu de l’islam, a gardé et même accru les siens. Quant aux églises et sectes pro­tes­tan­tes — dont la crois­sance reste varia­ble et inégale — en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique, elles ne présen­tent pas les ten­dan­ces hégémonis­tes et triom­pha­lis­tes de l’islam ; leurs théolo­gies relèvent davan­tage d’un mes­sia­nisme qui cher­che à séparer la sphère indi­vi­duelle de la sphère poli­ti­que. Ces divers cou­rants évangélistes pro­tes­tants peu­vent cons­ti­tuer des lobbys, pren­nent par­fois des formes mafieu­ses ou mili­cien­nes, sont impliqués dans les affron­te­ments cla­ni­ques et reli­gieux mais ils n’ont pas de stratégie étati­que et moins encore des­po­ti­que.


13 – Le jour­nal paie aussi, depuis la direc­tion de Val, une option plus « engagée » que « bête et méchante » qui n’est pas sans risque quand la réflexion cri­ti­que se résume à des accu­sa­tions ou insul­tes peu avérées de part et d’autre (Val isla­mo­phobe et Siné antisémite par exem­ple au moment de la sépara­tion).


14 – Sur la différence entre com­mu­nauté de référence et références com­mu­nau­tai­res ren­voyons à l’arti­cle signé Phil Agri et Léon Milhoud, Temps cri­ti­ques, no 9, automne 1996 : « Sur les rap­ports indi­vi­dus-com­mu­nauté : le temps des confu­sions » ici : http://temps­cri­ti­ques.free.fr/spip.php?arti­cle216


15 – Il y a 10 ans, à propos des émeutes de l’automne 2005, nous par­lions certes de « révolte des ban­lieues » et de « jeunes en rébel­lion » mais en sou­li­gnant qu’il serait erroné d’y voir une quel­conque réalité « prolétarienne » à relier à d’autres luttes qui seraient sala­ria­les et ouvrières. Nous mon­trions com­bien les anciens modèles marxis­tes ou anar­chis­tes des insur­rec­tions révolu­tion­nai­res étaient inap­pro­priés pour rendre compte de ces événements. Au contraire, nous sou­li­gnions déjà le caractère ter­ri­to­ria­lisé et iden­ti­taire de ces révoltes, mais sans ou avec peu de caractère reli­gieux. En effet, les grou­pes de jeunes étaient encore très com­po­si­tes mélan­geant sou­vent jeunes « gau­lois » et jeunes immigrés (si on en croît les sta­tis­ti­ques sur les per­son­nes arrêtées) cou­pant court à l’époque à tout dis­cours sur une pos­si­ble ins­tru­men­ta­li­sa­tion par les isla­mis­tes, ces der­niers ayant même semblé jouer un rôle modérateur dans cer­tains quar­tiers. Par ailleurs nous met­tions en évidence les dif­fi­cultés de l’État pour par­ve­nir à repro­duire les rap­ports sociaux dans les ban­lieues. Cf. « La part du feu », Temps cri­ti­ques, no 14, ici : http://temps­cri­ti­ques.free.fr/spip.php?arti­cle137.
Mais aujourd’hui, si cette dernière dif­fi­culté reste non seu­le­ment présente mais s’est accrue, la révolte n’a pas grandi dans les mêmes pro­por­tions. On peut dire que c’est même le caractère de révolte ori­gi­naire qui a dis­paru. L’isla­misme radi­cal ne fabri­que pas des révoltés mais des sol­dats ; les jeunes recrutés en prison ne par­ti­ci­pent pas aux révoltes des pri­sons mais se font les plus dis­crets pos­si­bles pour échap­per aux repérages et ficha­ges ; les références au Coran ne fonc­tion­nent pas comme référence cultu­relle com­mune ou a for­tiori ouverte, mais comme appren­tis­sage d’une sou­mis­sion à un nouvel ordre qui doit s’impo­ser si ce n’est à tous du moins à tous les croyants. D’où là encore la force d’un sala­fisme qui veut que s’affi­chent les signes reli­gieux pour premièrement créer une « ambiance » dans cer­tains quar­tiers et deuxièmement pour repérer les récal­ci­trants et faire pres­sion impli­ci­te­ment ou expli­ci­te­ment sur eux.


16 – Cf. J. Guigou, partie 1 du no 4 d’Interventions, avril 2004 dans une ver­sion actua­lisée http://temps­cri­ti­ques.free.fr/spip.php?arti­cle201. Tout cela a aussi été développé, à l’époque, dans le livre de J. Wajnsztejn, Capitalisme et nou­vel­les mora­les de l’intérêt et du goût et nous avons connu depuis une exa­cer­ba­tion de ces ten­dan­ces iden­ti­tai­res et sur­tout leur légiti­ma­tion dans le dis­cours du capi­tal. cf. J. Wajnsztejn, Rapports à la nature, sexe, genre et capi­ta­lisme, Acratie, La Bussière, 2014. URI : http://temps­cri­ti­ques.free.fr/spip.php?page=ouvrage&id_ouvrage=12).


17 – À ce propos il y en a assez que les médias nous ser­vent sans cesse du 6 mil­lions de musul­mans en France en confon­dant sciem­ment culture et reli­gion assi­gnant ainsi à une iden­tité reli­gieuse des dizai­nes de mil­liers d’athées.


18 – Cf. l’ensem­ble du no 17 de Temps cri­ti­ques. Ici :
http://temps­cri­ti­ques.free.fr/spip.php?page=numero&id_numero=17

 

 


[Ain]Hauteville-Lompnes Bugey c’ trip Hiver 6ème édition

source; 

Le festival culturel et engagé est de retour les 20 et 21 février à la salle des fêtes d’Hauteville-Lompnes !
Nouveauté pour cette édition hivers 2015 du Bugey C Trip, on commence dès le vendredi !

Vendredi 20 février                                                                      
- dès 20h : Spectacle « revenons à nos moutons » par Bernard Villanueva

Samedi 21 février
- dès 15h « COMMENT ORGANISER LES RÉSISTANCES AUX IDÉES D’EXTRÊME ET NÉO-LIBÉRALES », Conférence de Maurice Rajsfus ( résistant et militant)
- Enquête de conscientisation organisé par les CRAASH,

-avec la participation du collectif VISA ( Vigilance Initiative Syndicales Antifasciste)

*animation enfant et ados

*pause poétique ,  Stand _table de presse

- 19h:Concert de reagget and the superstars (jazz manouch)

19h30 repas (salade d’endives, quenelle au comté/ riz , fondant au chocolat

- 19h30 : Repas/Spectacle : la compagnie Xanadoo présente   « lendemain difficiles » (spectacle politique)

Elza Davidson ( contorsion)

- 22h30 : Concert
- denge dinan (musique kurde revisitée)
- panic gastrik (ska-punk bugiste)
- irieginal breda (hip-hop, ragga, dencehall)
- kayass [king hifi] (dub digital)

 

 

 

[Ariége] émission de radio: Le sale air… de la peur

source de ce message d’une radio libre

Émission de radio diffusée par la Locale en Ariège. Réactions “à tiède” sur les attentats et leurs conséquences de Janvier 2015

C’est peu de dire que l’air du temps schlingue. Une émission des potos de La Locale tente de réfléchir un peu sur les suites du 11 septembre français, le totalitarisme républicain, l’islamophobie, le racisme d’Etat, et toutes ces joyeusetés dont la période nous abreuve jusqu’à la nausée.

Ca se podcaste là : Le sale air de la peur

source : http://blackmir.blogspot.fr/2015/01/le-sale-air-de-la-peur.html

Contre l’intoxication sécuritaire, semons la confusion dans les rangs des puissants.!