Italie : Révoltes suite à la mort d’un détenu au centre de rétention de Turin (+ quelques infos sur les luttes à l’intérieur)

Une personne est morte le 7 juillet au soir, au sein du CRA Brunelleschi à Turin, sa mort n’a été remarqué que le lendemain matin. Celle-ci avait demandé des soins suite à un viol subi au sein du centre de détention et aux blessures qui lui avaient été infligés lors de l’agression. En réponse, elle a été envoyé à l’isolement, pendant plus de dix jours, dans de très mauvaises conditions de santé (physiques et mentales) sous 40° avec seulement un litre d’eau potable (distribuée chaude) par jour. Les autres détenus dans les jours qui ont suivi l’incident, se sont jetés sur ses agresseurs, dont l’un a été plus tard déporté, l’autre arrêté.

Après avoir appris la nouvelle de sa mort, les détenus ont commencé une série de protestations, avec des battitures, le refus de nourriture et du bordel toute la journée avec des départs de feu (plusieurs matelas ont cramé). Dans la soirée lors d’un rassemblement devant le CRA en solidarité, des personnes dehors ont pu apercevoir des colonnes de fumé et entendre les cris de colère des détenus. Les flics sont intervenus en les tabassant, balançant des lacrymos et canons à eau pour mater la révolte à l’intérieur. Les protestations ont duré plusieurs jours.

Aux dernières nouvelles les détenus seraient tous en grève de la faim.

En 2008 une autre personne est morte de pneumonie au sein du CRA.

Les détenus sont de manière générale, « soignés » avec un cocktail de paracétamol et d’anxiolytiques, les ambulances n’entrent pas dans le CRA, sous prétexte qu’une infirmière est à « disposition » à l’intérieur du centre.

Quelques infos de plus :

À Rome, la section masculine du centre de détention de Ponte Galeria, restructurée et réouverte il y a environ un mois, a finalement été inaugurée de la meilleure façon possible : entre le 5 et le 6 juillet, une révolte a éclaté dans une des sections. Plusieurs dizaines de détenus se sont attaqués au mobilier et mis feu au matelats, et certains ont réussi à échapper aux forces d’intervention sur place. 12 personnes sont finalement parvenues à retrouver leur liberté. mais d’autres ont été arrêtés et renvoyés en détention. 

Au CRA de Caltannissetta, en Sicile, 72 personnes se sont mises en grève de la faim pendant plusieurs jours pour protester contre les déportations de 18 personnes vers la Tunisie et contre la rétention. Ces derniers mois, des prisonniers avaient tenté à plusieurs reprises de s’opposer aux déportations, en se révoltant et en tentant de s’évader : les 3 février, 23 janvier et 28 décembre. Le centre a été réouvert début décembre 2018 après les travaux de rénovation, suite à la révolte du 9 décembre 2017, lorsque trois sections avaient été détruites par le feu. Après l’incendie, cinq personnes ont d’abord été arrêtées pour « dévastation et pillage », trois ont été acquittées et libérées et les deux autres ont été jugés, un a été acquitté et un autre a reçu une lourde peine de 10 ans.

Suite aux incendies et à la tentative d’évasion au CRA de Bari (Sud est de l’Italie), 7 personnes ont été arrêtés, dont 3 à l’intérieur du centre, les 4 autres étaient à l’extérieur lors de leur arrestation et ont été arrêtés dans différentes villes d’Italie.

En fRAnce, le 8 juillet, au sein du bâtiment 1 du CRA de Vincennes des détenus ont incendié une cellule pour protester contre leur enfermement et leurs conditions de vie au sein du CRA. (L’info est disponible sur le site abaslescra.noblogs.org).

À Lyon depuis mardi 2 juillet les détenus du centre de rétention administratif de Lyon Saint-Exupéry ont entamé une grève de la faim afin de dénoncer leur enfermement. (Leur communiqué est disponible sur le site rebellyon.info).

Fin juin, tout le bâtiment 9 du CRA2 de Mesnil-Amelot (en région Parisienne) a brûlé suite à la révolte des prisonniers. Quelques semaines plus tôt les prisons pour étranger·ère·s de Oissel puis de Rennes étaient en partie détruites par des révoltes (on apprend ces jours-ci qu’au CRA Rennes un drone aurait été utilisé afin de surveiller les détenus suite à un parloir sauvage).

Résumé depuis hurriya.noblogs.org et autistici/macerie

Montjoie-en-Couserans ,Ariège : ferme en sursis : besoin de l’aide de tous

 reçu par mail du collectif [hors.norme]

Bonjour,

Un eleveur est accusé à tort de mauvais traitement sur ses animaux. Il
lui est demandé de vendre ses animaux et donc de cesser son activité.

Il s’appelle Jean Fauroux et est éleveur à Montjoie-en-Couserans. Il a
58 ans et vit avec sa soeur dans la ferme familiale. Depuis l’âge de
seize ans, il y a élevé des animaux, fait la traite à la main, les
foins et tout le reste.

Le 10 mai dernier, l’administration qui « s’occupe » des éleveurs, la
DDCSPP, a procédé à un contrôle en l’absence de Jean sur sa ferme.
La DDCSPP, qui avait déjà Jean dans le collimateur, aurait reçu un
« signalement » de l’association « Les amis de Brigitte Bardot ». Suite à
ce contrôle, La DDCSPP le met en demeure de se séparer de ses bêtes
(3 bovins, 70 ovins, 3 équins et 10 caprins). Il est accusé de
maltraitance animale et un PV à charge, ubuesque, a été transmis au
procureur.

Les bêtes de Jean sont pourtant convenablement soignées, même si sa
situation n’est pas facile : il faut sortir le fumier à la main, les
vieux bâtiments et les clôtures doivent être réparées.. Après la
mise en demeure, et avec le soutien de voisins, il a fait ce que lui
demandait l’administration : prophylaxie, identification, etc. Ensuite
Jean et Marie ont bien réfléchi et ils ne peuvent accepter cette
pression à vendre leurs animaux. Ils veulent les garder, et décider
par eux-mêmes comment continuer. Ils veulent notamment réorganiser les
locaux afin que les chèvres ne soient plus dans un bâtiment menaçant
ruine.

Malgré ces actes de mise aux normes, malgré l’évidence de la bonne
santé de la plupart des animaux, l’administration est toujours après
lui : chantages, mépris.. Parmi les humiliations diverses qu’il subit,
n’est pas des moindres pour un vieux paysan celle de se voir faire la
leçon par des fonctionnaires qui n’ont à l’évidence jamais passé une
seule journée de leur vie à sortir le fumier à la fourche, une nuit
à rentrer du foin ou à nourrir des chevrEaux…  Jean comprend qu’on
veut qu’il arrête tout, qu’il abandonne ses animaux, que sa ferme soit
rayée de la carte.

Depuis lors, Jean et sa soeur vivent avec cette menace, mais aussi avec
l’espoir de ne pas céder, de garder leurs animaux, de prouver qu’ils ne
sont pas les tortionnaires incompétents que la DDCSPP montre du doigt.

Nous pensons que cette histoire est triste et grave, et que c’est
l’administration qui maltraite encore une fois un éleveur.
Nous pensons que l’administration continue son oeuvre de destruction des
petites fermes qui ne sont pas dans les normes de notre époque si
performante.

Nous pensons au contraire que si l’on veut renouer avec la nature, nous
avons avant tout besoin de ces lieux d’humanité, où l’on n’a pas peur
du sauvage, où la rentabilité n’est pas la priorité.

Pour défendre Jean et sa ferme, pour faire face à cette attaque de
l’administration, violente et sans scrupule, nous avons besoin d’être
nombreux et déterminés.

Dans un premier temps, il faudrait que la DCSPP et le tribunal qu’elle a
saisi, se rendent compte très vite que cette agression ne passera pas
inaperçue.

NOUS VOUS PROPOSONS DE VOUS ADRESSER RAPIDEMENT ET DIRECTEMENT À LA
DDCSPP, POUR DÉNONCER CE QU’ILS FONT, SOUTENIR JEAN ET SA FERME. VOUS
POUVEZ ÉCRIRE, ENVOYER UN MAIL, OU MÊME TÉLÉPHONER. IL SERAIT BIEN
D’ÉCRIRE AUSSI AU PROCUREUR. VOUS POUVEZ SI VOUS LE SOUHAITEZ VOUS
SERVIR DE LA LETTRE TYPE PROPOSÉE (pj).

Vous trouverez en pièce jointe 4 longues lettres qui expliquent un peu
la situation (doc « compil lettres »), ainsi que les documents de
l’administration (doc « fauroux » : la mise en demeure, le rapport de
contrôle, et le PV). Et vous trouverez ci-dessous les adresses des
administrations concernées.

Il est important que vous nous envoyiez une copie de vos courriers.

Nous espérons que vous nous aiderez à faire circuler cette
information.

Merci à tous, et à bientôt

Manu, Angèle, Martha, Antoine, Karin et les autres

Collectif contre les normes industrielles en agriculture

DDCSPP, Service santé protection des animaux et environnement,
ddcspp@ariege.gouv.fr [1], 9 rue du L. Paul Delpech, BP 130, 09003 FOIX
Cedex

Monsieur le Procureur, TGI de Foix, BP 78, 09008 FOIX Cedex

courriers

compil de lettre en PDF

lettre type en, PDF

 

Italie : Tommy est sorti de prison

Tommy est sorti de prison !!!!!!
Mercredi 10 juillet, la demande de libération de Tommy a été acceptée !
Maintenant, après 96 jours de prison infâme, il est assigné à résidence avec toutes les restrictions*… nous espérons pouvoir le voir bientôt parcourir les rues de ce monde de merde !
TOMMY LIBERO !!!!!
TUTT* LIBER* !!!!!!

Depuis csakavarna.org

* Généralement, interdiction de voir du monde, de communiquer avec l’extérieur (téléphone, courrier, internet) entre autres.

Italie : Un après-midi agité à Crémone

valence Drôme: Une soirée avec Ravachol le 11 juillet 2019

belle soirée dans la cour devant le laboratoire  anarchiste avec plein de poto et des inconnus que certains ont rencontré aux rond point..l’énumération me donne que le tournis. le nombre la quantité ce n’est pas le but, mais il n’y avait plus de chaises pour discuter et chanter et boire des coups. j’ai découvert un anarchiste naturien, mais ça fait plaisir qu’on se retrouve !

Un compagnon a chanté deux slams et des chants poétique révolutionnaire irlandais

des discussions autour du débat entre Malatesta et G. Gavilli. » les bandits rouges »et des discussions sur la rencontre de montceau les mines(: des gilets jaunes de toute la France réfléchissent à la suite du mouvement) .  une  Java a été jouée à la guitare  :chanson anarchiste datant des années soixante, attribuée,  à Raymond Callemin dit Raymond-la-Science (de la bande à Bonnot)  texle texte des parles ont  déjà circulé sur les murs de la ville pour l’affiche de la saint Ravachol

 la java des bons enfants

Dans la rue des bons enfants,
On vend tout au plus offrant.
Y’avait un commissariat,
Et maintenant il n’est plus là.

Une explosion fantastique
N’en a pas laissé une brique.
On crut qu’c’était Fantômas,
Mais c’était la lutte des classes.

Un poulet zélé vint vite
Y porter une marmite
Qu’était à renversement
Et la retourne, imprudemment.

L’brigadier et l’commissaire,
Mêlés aux poulets vulgaires,
Partent en fragments épars
Qu’on ramasse sur un buvard.

Contrair’ment à c’qu’on croyait,
Y’en avait qui en avaient.
L’étonnement est profond.
On peut les voir jusqu’au plafond.

Voilà bien ce qu’il fallait
Pour faire la guerre au palais
Sache que ta meilleure amie,
Prolétaire, c’est la chimie.

Les socialos n’ont rien fait,
Pour abréger les forfaits
D’l’iinfamie capitaliste
Mais heureusement vint l’anarchiste.

Il n’a pas de préjugés.
Les curés seront mangés.
Plus d’patrie, plus d’colonies
Et tout pouvoir, il le nie.

Encore quelques beaux efforts
Et disons qu’on se fait fort
De régler radicalement
L’problème social en suspens.

Dans la rue des bons enfants
Viande à vendre au plus offrant.
L’avenir radieux prend place,
Et le vieux monde est à la casse ! bis)

et plus difficilement la Ravachole sur l’air Ah, ça ira, ça ira, ça ira

Dans la grande ville de Paris
Dans la grande ville de Paris
Il y a des bourgeois bien nourris
Il y a des bourgeois bien nourris
Il y a des miséreux
Qui ont le ventre creux
Dansons la Ravachole
Vive le son, vive le son
Dansons la Ravachole
Vive le son de l’explosion!.

Refrain
Ah, ça ira, ça ira, ça ira
Tous les bourgeois goûteront de la bombe
Ah, ça ira, ça ira, ça ira
Tous les bourgeois on les sautera! .

Il y a des magistrats vendus
Il y a des magistrats vendus
Il y a des financiers ventrus
Il y a les argousins
Mais pour tous ces coquins
Il y de la dynamite
Vive le son, vive le son
Il y a de la dynamite
Vive le son de l’explosion!.

Refrain

Il y a les sénateurs gâteux
Il y a les sénateurs gâteux
Il y a les députés véreux
Il y a les députés véreux
Il y a les généraux,
Assassins et bourreaux
Bouchers en uniformes
Vive le son, vive le son
Bouchers en uniformes
Vive le son de l’explosion!.

Refrain

Il y a des hôtels des richards
Il y a des hôtels des richards
Tandis que les pauvres clochards
Tandis que les pauvres clochards
À demi morts de froids
Et soufflant dans leurs doigts
Refilent la comète
Vive le son, vive le son
Refilent la comète
Vive le son de l’explosion!.

Refrain

Ah nom de Dieu, faut en finir
Ah nom de Dieu, faut en finir
Assez longtemps geindre et souffrir
Assez longtemps geindre et souffrir
Pas de guerre à moitié,
Plus de lâche pitié!
Mort à la bourgeoisie
Vive le son, vive le son
Mort à la bourgeoisie
Vive le son de l’explosion!

La bonne discipline

ou est passé l’antimilitarisme? on s’en fout du patriotisme sportif dernier refuge d’une  pensée  du « totalitaire »


Par Albert Libertad (1905)

mercredi 13 novembre 2013

L’ordre social ne forme qu’un bloc. Un bloc de même fonte.
On peut, selon les teintes, donner à chaque veine un nom différent.
On y trouve la veine du capitalisme, la veine du cléricalisme, la veine du militarisme et bien d’autres encore. Mais on ne sait porter un coup de pioche contre telle veine sans toucher telle autre tant elles s’entrecroisent, se mêlent, se mélangent. Elles viennent d’une même coulée.

Aussi, lorsque nos amis se proposèrent de fonder une ligue antimilitariste, j’entrai en bataille presque immédiate contre le projet.
Je dis « presque immédiate » car je pensais tout d’abord me trouver en face d’une spécialisation contre tel aspect de la société qui ne s’exclurait pas de souffleter tel autre. Mais je compris vite que là n’était point la méthode employée et que j’étais en face d’une spécialisation exclusive de tout autre mode d’agir.

Successivement, et en me plaçant de ce point de vue anarchiste, auquel je m’efforce de rester le plus possible, je n’eus qu’à noter les multiples boulettes que nos amis roulèrent en leurs doigts.

Je ne reviendrai pas sur l’histoire du congrès d’Amsterdam [1], sur la lettre donquichottesque envoyée à ces messieurs les souverains d’Europe pour leur notifier d’avoir à licencier leurs armées. Frédéric Passy était dépassé, ô combien !
Je ne parlerai pas de la forme ridicule d’Association nationale avec sections nationales, départementales et communales ; de l’établissement d’une carte avec cotisation fixe dont partie réservée pour la section à laquelle appartient le cotisateur, partie pour le groupe central français, partie pour le groupe international – ne nous voila-t-il pas aux beaux jours de l’Internationale ?

J’omettrai volontairement cette manie de s’encarter et de centraliser le travail pour dame Police ; les différents enfantillages, œuvres de mains administrativement inexercées.

Oui, tout cela n’est que tâtonnement par lesquels nous risquons de passer tous chaque fois que nous entreprenons un travail, une lutte un peu ardue.
Mais ce qui fait que l’AIA était à combattre, ou que, pour ma part, je crus ce travail de toute utilité, ce fut ce cantonnement exclusif dans l’antimilitarisme et cette fusion – dans ce but – avec tous ceux qui se targuaient de ne pas aimer l’armée.

De ce fait un pacte fut quasi conclu entre anarchistes et socialistes, voire radicaux, en vue de combattre le militarisme. Certes, chacun devait prendre en dehors de cette lutte sa liberté entière. Mais nos amis qui se jetèrent tête baissée dans cette forme de propagande n’eurent plus le temps de se reprendre.

Dans plusieurs villes, à Paris même, dans quelques arrondissements, les groupes de l’AIA furent entièrement socialistes – et ce n’est d’ailleurs pas ceux qui remplissent leur « devoir international » le plus mal –, car les individus qui se sont rencontrés la veille, prêts à se casser la figure dans une réunion électorale par exemple, ne sont pas prêts à marcher ensemble ; le reste, ce fut le petit nombre, fut exclusivement anarchiste. Même des sections se partagèrent pour se trouver d’une même idée et pouvoir lutter plus utilement.

Mais dans les sections anarchistes, où l’idée d’autonomie devait nécessairement régner, ce fut bientôt autre chose. Elles n’attendirent pas les ordres, la ligne du comité national : elles agirent.

Et voilà tout le problème qui se soulève à nouveau, nous obligeant à porter les yeux sur ce milieu que la présence de nos amis rend malgré tout intéressant.

En effet, dans Le Libertaire, qui est l’organe français de l’AIA, sous la signature E. M., deux articles viennent de paraître. Avec des atténuations, des restrictions, les sections – anarchistes, cela se lit à travers les lignes et dans les « fautes » qui leurs sont reprochées – reçoivent la leçon du comité national.

Il y est développé avec soin, preuves à l’appui et affirmations surtout, deux théories socialistes : « La centralisation et la spécialisation. »

C’est le comité national qui doit faire paraître brochures, pamphlets, manifestes ; c’est le comité national lorsqu’il le jugera nécessaire qui entreprendra une tournée de conférences. Il pourra en assumer les frais, « la caisse se trouvant constamment et normalement alimentée » ; c’est même le comité national qui se chargerait de la défense des camarades. Il aurait son avocat.
Voilà pour la centralisation.

Et voici pour la spécialisation : « Les sections doivent s’en tenir au rôle nettement déterminé qu’elles se sont librement assigné : la destruction du militarisme », dit E. M.
Et « deux sections, l’une du Midi, l’autre de Paris », sont « amicalement mises en garde contre un système qui, s’il était suivi, ne tarderait pas à constituer un sérieux danger pour la vitalité de l’AIA ».

Quel est donc ce « pêché », véniel d’intention, mais mortel de conséquence ?
Avoir « organisé des réunions qui n’avaient qu’un rapport très lointain avec l’antimilitarisme », une sur « les miracles, la magie et le moderne hypnotisme », l’autre sur « l’immoralité du mariage ».

Et avec des tours et des détours, avec des périphrases flatteuses, couvrant de roses la brassée d’orties avec laquelle il fouette l’insubordination des sections, E. M. en arrive au grand point, utile à résoudre dès maintenant, car la période électorale s’approche à grands pas.

Le comité national ne veut pas être un comité directeur. Que non point. Il veut seulement « indiquer » la marche à suivre, décider de la parution d’une brochure ou d’un manifeste et en choisir les termes. Comme une douce mère, il invite à la sagesse ses enfants, les sections. Voyez ce qui arrive à Lemaire pour avoir fait paraître la brochure Aux conscrits, à Mochet pour un petit manifeste [2] de rien du tout. Le comité nationale donnera l’heure d’agir et notifiera le texte des paroles sacramentelles à prononcer et à écrire.

Et c’est le comité national qui tiendra unis les éléments hétérogènes que joint le plâtre d’un antimilitarisme fictif. Pour les antimilitariste chrétiens, juifs ou francs-maçons on ne parlera pas de religion, ni de simagrées culturelles ; pour les antimilitaristes collés à un numéro féminin selon la loi, on ne touchera pas au mariage ; pour les antimilitaristes politiciens et votards, on ne touchera pas à la politique, au socialisme ; pour les antimilitaristes commerçants, on passera l’éponge sur les falsifications et les vols patentés.

Pourvu que Frédéric Passy, Nicolas Romanoff [3] et Roosevelt, ces partisans de la paix, ne songent pas eux aussi à faire une section qui paierait régulièrement ses cotisations et au nom de laquelle on ne parlerait qu’avec componction de l’impérialisme bourgeois ou féodal.

Les sections se rencontreront donc toutes les semaines, plusieurs fois, pour rabâcher éternellement les mêmes rengaines. Des sous-Guerdat y feront des cours de révolution, de balistique et de dépavage de rues. On se serrera la main, tous unis dans un commun travail, etc., et l’on ira, dans les locaux à côté, dire que les votards sont des idiots et que les anarchistes sont des « quarante sous » [4].

Qu’individuellement les anarchistes se complaisent à entrer dans des associations socialistes soi-disant antimilitaristes, c’est leur affaire. Ils peuvent y faire du travail. Je suis convaincu que, d’avance, ils ne restreindront pas l’envolée de leur propagande. Mais que les anarchistes paraissent avoir fondé eux-mêmes une association antimilitariste où on limitera les sujets parce qu’ils heurteraient les individus encore dans toutes les ignorances, c’est du dernier ridicule.

J’ai autrement confiance dans la logique des idées anarchistes. Je sais qu’elles ne craignent ni le débat ni la contradiction, et dans n’importe quelle section les camarades sauront prendre pied dans la discussion.
Mais cette logique anarchiste nous dit aussi la phrase par laquelle je commençais cet article : L’ordre social ne forme qu’un bloc. Un bloc de même fonte.

Je ne veux m’unir que par affinités en tâchant de conserver le plus possible mon autonomie, et le plus possible celle du groupe d’amis auxquels je me joindrai pour agir.

Craignons de fabriquer nous-mêmes des marchepieds pour escalader le pouvoir.
L’antimilitarisme est de source essentiellement anarchiste. L’antimilitariste ne peut être qu’anarchiste. Seuls ceux qui luttent contre l’organisation sociale tout entière ont le double vouloir de ne pas la défendre et de détruire ceux qui la soutiennent.

Albert Libertad, dans L’anarchie n°34, 30 novembre 1905.


[1L’Association internationale antimilitariste (AIA) est fondée en juin 1904 à Amsterdam.

[2Les éditions de l’Internationale antimilitariste ont publié quelques fascicules marqués : Imprimerie spéciale de l’AIA, 51, rue Saint-Sauveur, Paris.

[3Nicolas Alexandrovitch Romanov, le tsar Nicolas II (de 1894 à 1917).

[4Allusion probable au fait que, entre 1827 et 1853, les Ateliers nationaux rétribuaient quarante sous le travail journalier des ouvriers qui se trouvaient au plus bas de l’échelle.

 

Pas demain, aujourd’hui ! – Les exigences d’un Albert Libertad

 

lu sur  non fides  .fr  jeudi 8 août 2013

 

Pourquoi l’anarchiste Albert Libertad a-t-il toujours été traîné dans la boue, de son vivant comme par la suite ; pourquoi a-t-il attiré autant de haine et de mépris, y compris de la part de libertaires et d’autres révolutionnaires ? Pourquoi tant d’historiens du mouvement anarchiste ont-ils tenté de le virer de leurs récits, de le réduire à un agitateur pittoresque, voire à un provocateur, ne comprenant pas trop de quoi il parlait ? Les réponses à ces questions sont à la portée de quiconque veut prendre la peine de se plonger un peu dans sa vie, ses activités et ses écrits.

Libertad était de ces anarchistes qui n’économisaient pas leurs flèches. Il ne visait pas seulement les maîtres, mais pointait aussi la résignation des esclaves, la soumission du prolétariat, et les faux critiques qui prêchent la Révolution de demain en échange de l’attente et de l’acceptation de la misère d’aujourd’hui. Il était un caillou dans les chaussures des juges et des riches, contre lesquels il fulminait sans merci, mais aussi des foules qui ont une fâcheuse tendance à toujours suivre. Tirer sur les bergers ne l’empêchait pas de jeter à la face du troupeau la responsabilité de l’existence moutonnière.

Rien d’étonnant à ce que ce miteux vagabond de Libertad, arrivé à Paris sur ses béquilles, se fasse vite une réputation de chamailleur et de bagarreur, dont les mots étaient aussi craints que les cannes. Il saisissait chaque occasion pour affirmer ce qu’il avait à dire : au milieu d’une messe à la cathédrale, lors d’une réunion des socialistes, chez le boulanger, face à son propriétaire, dans la rue.

Mais ne nous précipitons pas à travers sa vie, et prenons plutôt le temps d’une rencontre avec notre Libertad, par-delà les frontières du temps et de l’espace. Ne fût-ce que parce qu’il est des fils parcourant l’histoire qui nous donnent le sentiment de nous y reconnaître, qui renouent avec le passé, avec lesquels on peut dialoguer et, comme c’est sans aucun doute le cas avec Libertad, qui peuvent encore donner un beau coup de pied dans ce qui s’est encroûté ou pétrifié.

« Je ne veux pas échanger une partie d’aujourd’hui pour une partie fictive de demain, je ne veux rien lâcher du présent pour le vent du futur. »

La résignation va presque toujours de pair avec une sorte de promesse d’avenir. Demain ça ira mieux, demain quelque chose changera, demain sera différent. Entre temps, la machine continue de tourner, dévore la vie, et demain reste toujours demain. Chaque compromis au quotidien, chaque petite concession, chaque suicide partiel broie, comme le décrit Libertad, une partie de notre confiance en nous, de notre individualité, de notre volonté de vivre en cohérence avec nos idées. Libertad réduit en miettes tous ceux qui s’emploient à inventer des raisons pour justifier le sursis de la vie ; et il s’acharne plus durement encore contre ceux qui enrobent leur retraite de phrases révolutionnaires.

Le défi qu’il lance à la vie, son exigence, c’est celle de l’immédiat, du tout ici et maintenant. Et pas juste à propos de quelques aspects de la vie, mais bien de chaque expérience, de chaque sentiment, de toute joie et plaisir. Il ne s’agit pas de subsister en attendant le règne de l’abondance, mais de manger, ici et maintenant, manger ce qu’il y a de meilleur. Il ne s’agit pas de s’entasser dans un taudis, mais d’habiter dans une maison, et dans la plus belle qui soit. Il ne s’agit pas de refréner ses désirs sexuels et de les limiter au mariage ou à un seul partenaire pour toujours, mais d’engager, quitte à ce qu’elles se rompent, des relations amoureuses de réciprocité, non pas pour assouvir quelque besoin naturel, mais pour jouir abondamment de tout baiser, de toute caresse, de toute câlinerie.

Irréaliste ! Utopique ! Rêverie ! crie le troupeau en chœur. Certes. Exagérés, excessifs, exigeants, passionnels, voilà les désirs de Libertad. De là part sa révolte. Il ne se satisfait d’aucun placebo – quand la société d’aujourd’hui repose sur leur distribution –, et se confronte ainsi directement aux murs des institutions, aux chaînes de l’exploitation, à la résignation de ses semblables, aux habitudes et aux traditions. L’exigence de l’immédiat fait de chaque aspect de la vie un champ de bataille où il faut en découdre ; où seule la révolte permet d’ouvrir une brèche. Et qu’apporte une telle révolte, demanderont de manière accusatoire les réalistes ? « La joie du résultat est déjà dans la joie de l’effort. Celui qui fait les premiers pas dans un sens qu’il a toute raison de croire bon, arrive déjà au but, c’est-à-dire qu’il a la récompense immédiate de ce labeur. » Le but de la révolte n’est pas séparé des moyens qu’elle se donne, ils sont étroitement imbriqués.

Alors, quoi de surprenant à ce que la révolte de Libertad se serve de toutes les armes et jette par-dessus bord tout légalisme ? Quoi d’étonnant si ceux qui veulent manger ici et maintenant à leur goût, l’arrachent au commerçant qui en a fait une marchandise ? De même, la diffusion du journal l’anarchie, dont Libertad était une des forces motrices, allait de pair avec la diffusion de différents illégalismes (du vol à l’escroquerie en passant par le faux-monnayage) chez les anarchistes ; tandis que s’opérait d’autre part un rapprochement entre la canaille dont grouillait Paris et des cercles anarchistes. Après la mort de Libertad, ce sont de cercles autour de l’anarchie que surgiront « les illégalistes », qui se consacreront à aller piller, les armes à la main, les coffres-forts des banques.

« Qu’importent les gestes mauvais, les gestes inutiles, les gestes empoisonneurs ? Il faut vivre. Or travailler, c’est empoisonner, piller, voler, mentir aux autres hommes. Travailler, c’est mélanger de la fuscine aux boissons, fabriquer des canons, abattre et débiter en tranches de la viande empoisonnée. Travailler, c’est cela pour la viande veule qui nous entoure, cette viande qu’il faudrait abattre et pousser à l’égout. »

Combien de révolutionnaires n’ont-ils pas opposé à l’exploitation une exaltation du travail, dessinant un avenir qui ressemblait plutôt à un grand camp de travail volontaire ? Pas surprenant alors que le mouvement ouvrier -socialistes et syndicalistes inclus- en soit généralement resté à une remise en cause partielle de l’économie, à une critique de ses formes (les conditions de travail, le rapport entre travail et capital) plutôt que de son essence même. La critique du capitalisme doit s’accompagner de celle du travail, si elle veut toucher les fondations de cette société. Libertad ne fustige pas uniquement la propriété, mais aussi le travail en tant qu’activité nocive, non seulement pour soi, sa santé et son esprit, mais aussi pour les autres et l’environnement. Or de nos jours, sans doute encore plus qu’hier, l’économie produit surtout des objets inutiles et toxiques (des appareils cancérigènes à la nourriture industrielle,…).

Evidemment, le refus du travail ne signifie pas le refus de toute activité, comme ont essayé de nous le faire croire les marxistes et leurs cousins pendant plus de 150 ans. Ce refus signifie par contre le choix de l’activité qui a du sens, de l’activité qui satisfait, aussi bien nos besoins matériels que nos passions et désirs les plus fous. Voilà pourquoi Libertad parle tellement de joie et de plaisir. Face aux funèbres sirènes de l’usine, il joue la mélodie de la vie.

« Ce n’est pas avec la quantité de la foule qu’on fait un mouvement, c’est avec sa qualité. Et si c’est presque impossible d’avoir cette qualité de la foule, disons que ce sera avec la qualité de ceux qui jetteront les foules sur les voies de la révolte. »

Libertad ne s’est jamais efforcé de séduire ou de charmer les masses. Au contraire, il maniait le fouet pour fustiger leur résignation, leur collaboration avec la domination. On ne trouvera chez Libertad pas un mot en faveur de ce qui est ou veut faire « masse » : du « peuple » au « prolétariat », des partis aux syndicats. Il fulmine contre les foules qui vont à la caserne pour accomplir le service militaire, qui se traînent vers les usines pour aller se crever au travail, qui sont prêtes à lyncher quiconque offense leur morale (à base de monogamie, d’honneur, de patrie et de religion). Mais il ne voulait rien avoir à faire non plus avec les tours d’ivoire, ce mépris bourgeois pour la plèbe qui n’est pas alimenté par l’orgueil individuel, mais par le dégoût. Il savait saisir chaque occasion pour discuter et aussi éliminer les obstacles qui parsèment le chemin vers le libre développement de l’individualité. Quant à ceux qui n’en voulaient rien savoir, ils ont tâté de ses béquilles.

Le parcours de sa vie est traversé par le fil du quantitatif et du qualitatif. Loin de pousser des cris d’allégresse quand des milliers de gens descendent dans la rue, il dirige immédiatement son regard vers le contenu de cette protestation, vers les moyens dont elle ose se doter, au-delà de la légalité, vers les obstacles qu’une révolte arrive à détruire d’emblée. A plusieurs reprises, il suggérera qu’une œuvre de chirurgien est indispensable, affirmant en même temps la force « purificatrice » du feu anonyme qui consume les usines et les institutions. Selon Libertad, il ne faut pas chercher la qualité chez la masse amorphe, elle suivra toujours les bergers de service. La diffusion d’idées anarchistes ne sert pas à entraîner les gens dans un éternel combat pour quelque Paradis, mais doit les encourager à vivre ici et maintenant en hommes libres, débarrassés de tout préjugé moral et religieux. Libertad tenait beaucoup à cette diffusion, à cette propagande comme on l’appelait à l’époque. Il avait presque toujours des brochures et des journaux anarchistes dans sa poche ; il organisa inlassablement avec d’autres compagnons les fameuses Causeries Populaires, des soirées où étaient discutés tous les thèmes imaginables. Ces causeries avaient lieu toutes les semaine en divers endroits, dans les faubourgs de Paris comme dans d’autres villes, et connaissaient un grand succès. Elles attiraient tant de personnes et étaient si passionnées qu’elles se terminaient souvent en bagarre – contre les flics… ou entre soi.

« Pour entretenir le culte des morts, la somme d’efforts, la somme de matière que dépense l’humanité est inconcevable. Si l’on employait toutes ces forces à recevoir les enfants, on en préserverait de la maladie et de la mort des milliers et des milliers. Si cet imbécile respect des morts disparaissait pour faire place au respect des vivants, on augmenterait la vie humaine de bonheur et de santé dans des proportions inimaginables. »

Libertad n’était pas le premier à le dire, ni le dernier : cette société aime la mort et refoule la vie. Partout, ses habitudes et ses coutumes, son travail et ses structures, sa morale et ses valeurs sèment la mort, empoisonnent et écrasent. Et quand la mort n’est pas au rendez-vous, la vie elle-même est dénuée de sa plénitude, de sa multiplicité infinie d’expériences et de sentiments, pour se voir réduite à une espèce d’ersatz qui suffit pour tenir le coup, qui nous fait survivre. Et tandis qu’on rend hommage aux morts, tout en méprisant les vivants, on se suicide à petit feu, et jour après jour nous détruisons une partie de nous-mêmes.

Le misérabilisme régnant dans les cercles révolutionnaires est une vraie plaie. Non seulement l’attitude qui consiste à attendre tel ou tel moment conduit souvent à l’abandon et à la dépression, mais elle nous bouffe aussi peu à peu la vie. En attendant des temps meilleurs, on se contente de nourriture insipide, de logements insalubres, on se perd en petits compromis avec des propriétaires, des fonctionnaires, des patrons. Et au fur et à mesure, ces petits compromis en deviennent des grands, une espèce d’attitude face à la vie. On s’efforce de se convaincre que les « années folles de notre jeunesse » étaient une rébellion sans contenu ; on s’adapte ; la pression du milieu est trop grande et la révolte paraît trop exigeante. Les désirs indomptables, la joie de la révolte laisse la place à la logique de gains et de pertes, de résultats et de rapports de force réalistes, de calculs. Les idées se transforment en politique ; les désirs deviennent des analyses et, pas à pas, on oublie que la joie est dans l’agir même, dans le fait même de parcourir notre propre chemin. Que la subversion commence dans nos propres vies, en ce moment même – et qu’aucun mirage, pas plus qu’un quelconque réalisme, ne nous fera renoncer à la joie que nous procure notre œuvre destructive.

Libertad aspire sans trêve à la vie pleine, il refuse toute séparation entre ses différents aspects. Sa révolte est indivisible, ne supporte pas d’ajournement et s’exprime à tous les moments – opportuns ou pas, souhaités ou pas, petits ou grands. Pour lui, pas de fossé entre les grandes batailles et les petits combats, il entremêle tout à tort et à travers, parce que partout c’est son individualité, c’est lui qui est en jeu et se met en jeu.

[Traduit du néerlandais. Paru comme introduction dans Albert Libertad, Niet morgen, vandaag !, Tumult Editions, Bruxelles, avril 2011.]

Des textes de Libertad.

 

nouveau texte Temps critiques à propos du RIC

Merci Jacques pour ces rappels historiques, ces comparaisons et ces parallèles qu’il faudrait peut-être ramener à de plus justes proportions, c’est tout un peuple qui était en ébullition pendant la Révolution de 1789-1793, les 500 000 Gilets jaunes, eux, ne représentaient qu’ 1% environ de la population française, même si cela est considérable pour notre époque et pendant une si longue période (c’est ce « rapport de force » qui a permis à ce gouvernement de prédateurs, pléonasme, de réprimer ce mouvement social sans aucun scrupule et sans trop de dommages pour lui… Si nous avions été 10 millions dans la rue à bloquer le pays, ils auraient moins fait les matamores, et la violence émeutière aurait été moins nécessaire de la part des révoltés…)

A lire ou relire sur ces exigences et ces pratiques populaires de démocratie directe pendant la Révolution française :

http://etudesrobespierristes.com/notre-patience-est-a-bout-1792-1793-les-ecrits-des-enrage-e-s

https://unsansculotte.wordpress.com/2013/02/11/varlet-sade-et-les-enrages-le-mandat-imperatif-et-la-democratie-directe-1792/

Albert Soboul également qui a bien montré dans sa thèse de 1958 sur les Sans-culottes que la démocratie directe au quotidien, c’est pas de la tarte ! On y trouve,
c’est étonnant, des rapports de force même entre dominés, et l’on découvre, ça alors, que tout le monde ne devient pas nécessairement beau et gentil du jour au lendemain dans ces assemblées populaires… (Marc Ferro a bien montré aussi cela dans son histoire de la Révolution de 1917 parue en 1967) :

https://www.persee.fr/doc/rnord_0035-2624_1959_num_41_164_5578_t1_0333_0000_2

https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1960_num_38_2_2317_t1_0521_0000_2

https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1962_num_9_3_2814

C’est peut-être ce qu’oublie de préciser l’auteur de ce texte de 1957 qui n’a été longtemps accessible qu’à des happy few, militants révolutionnaires, et qui est maintenant accessible à tous grâce au CRAS de Toulouse. C’est à ma connaissance la description théorique la plus complète et la plus précise de ce que pourrait être – de ce qu’aurait pu être quand il y avait encore des ouvriers avec une conscience de classe (un mythe ?) – une société autogérée fonctionnant en démocratie directe. Je veux parler bien sûr de  » Sur le contenu du socialisme » de Chaulieu/Castoriadis (même les Situationnistes, bien meilleurs pour l’autopromotion que les socio-barbares il est vrai, n’ont jamais été aussi profond et précis sur cette « ‘autogestion généralisée ») :

http://archivesautonomies.org/IMG/pdf/soub/SouB-n22.pdf

Cordialement.
Henri

https://www.youtube.com/watch?v=ycm-SYohQ6A

pièce jointe

Florence (Italie) : Dernières audiences du procès de l’opération « Panico »

Les audiences du 15 au 18 juillet 2019 sont confirmées, mais en l’absence d’un des juges, la sentence, prévue pour le 22 juillet, pourrait être reportée, à priori d’une semaine maximum.

Il a été demandé à Giova, Paska et Ghespe de se rendre aux audiences par leurs propres moyens, donc sans escorte. Il a également été demandé pour Paska, le transfert temporaire de son assignation à résidence, dans une maison près de Florence.

En ce qui concerne la présence au tribunal, Paska devrait donc être présent à toutes les audiences. Giova et Ghespe ne viendront certainement pas à l’audience du 15, mais pour les suivantes, ils n’ont pas encore décidé.

Nous rappelons que les audiences seront les :
15 juillet – Dépôt de la digos sur la dernière partie des interceptions environnementales.
16 juillet – Requisitions du procureur et parties civiles.
17 et 18 juillet – Plaidoiries de la défense.
22 ( ?) Juillet – Lecture de la sentence.

Toutes débuterons à 9h00, dans la salle 28 (sous-sol) du palais de justice de Novoli (Florence).

Note : Au cours du mois de juin 2019, les trois anarchistes incarcérés, Paska, Giovanni et Salvatore (Ghespe) ont été transférés des prisons de Viterbe et Sollicciano (Florence) et assignés à résidence.

Depuis panicoanarchico.noblogs.org


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Pou(r)voir au “Peuple” ?

c’est

Comment ça le “Peuple”?

Le terme est issu du latin Oeuf, Marteau, Menacer, Violence, Peur, Intimider, HitPopulus, désignant l’ensemble des “citoyens” (des individus dotés de droits, et ayant le pouvoir de voter…). Il est également difficilement dissociable de la nation ou du territoire, c’est pourquoi il est très souvent suivi dans sa nomination par un territoire ou une nationalité d’appartenance : le Peuple français, grec, italien, etc… De manière sociologique, il est défini comme une foule, masse ou multitude, partageant des coutumes, institutions, valeurs et “cultures” communes ou une communauté d’intérêt.

Le Peuple a toujours été le cheval de bataille d’une certaine « gauche » nationaliste et souverainiste, ou des régimes populistes et dictatoriaux, allant de la Grèce des colonels qui prétendaient faire le ménage de la corruption et rendre le pouvoir au Peuple, à la présidence « sociale » de Chávez au Venezuela (dont les politiciens actuels de Le Pen à Mélenchon recyclent encore les discours véreux).

Tout ceci ne promet rien de bon.

Ces derniers temps, on voit aussi régulièrement réapparaître le terme “Peuple” (Maisons du Peuple, “Pouvoir au Peuple”) et son adjectif populaire (foot populaire, cantine populaire etc.). La révolte se voit souvent réduite à des initiatives soutenant des revendications matérielles qui correspondent à des besoins réels, mais dont la légitimité reposerait sur le fait qu’elles sont portées par le plus grand nombre. Le moyen devient alors une fin, et des discours engageants voire complaisants remplacent l’expression des aspirations et des perspectives de chacun-e. La mobilisation et la croissance quantitative de ces initiatives se retrouvent finalement mises au service de la négociation (qui participe au maintien de la paix sociale) mais elles contribuent rarement à développer des pratiques subversives, car un espace infecté par la Politique laisse en réalité peu d’espace pour la rencontre, et pour aller au delà d’un point de départ partiel. De la même manière, en invitant la “masse” du peuple à participer ou à critiquer la chose publique à travers différentes instances (projets participatifs ou assemblées populaires) où cohabitent des positions incompatibles, on vide les idées de leur contenu et de leur portée radicale, tout en renforçant la démocratie, où les contradictions sont balayées par la “force” de la majorité ; et pendant ce temps la machine continue de tourner.

C’est qui le “Peuple”?

Le mythe du Peuple fait ressurgir une rhétorique démagogique souvent teintée de nationalisme qui valorise les gens dits “ordinaires”, le “Peuple”, dépassant toutes les contradictions et individualités en leur sein. Cette politique de récupération des foules apporte quelques indices quant au terrain vers lequel cette dynamique se dirige. Laisser faire de telles acrobaties, c’est glisser toujours plus vers des mécanismes de racket politique, certes pas nouveau mais à mon sens toujours aussi nauséabonds. On cherche ainsi à unir le Peuple en tant que “Sujet politique” (aujourd’hui sujet révolutionnaire dernier cri) en lutte contre “ses élites”. On en appelle au Peuple, en référence aux dernières luttes des Gilets Jaunes où la rhétorique était très présente, abondamment alimentée par (l’extrême) droite comme (l’extrême) gauche, afin de jouer sur l’émotion collective pour leurs propres ambitions politiques.

Prendre la parole « au nom du Peuple » ou envers le Peuple implique la détermination d’un sujet politique, identifié par le rôle social qui lui est attribué. Or, reproduire des catégories plus ou moins fictives plutôt que de se référer à des individualités et à des aspirations propres, ne conduit à mon avis à rien d’autre qu’au maintien de l’existant. De cette manière, finalement, chacun-e reste reste à sa place (de militant, non militant, citoyen, politicien par exemple). Au lieu d’agir selon ses propres critères, on s’adapte à une situation existante, selon la tendance du moment.

Plutôt que de s’en revendiquer et de la reproduire, il serait en réalité plus intéressant de refuser, individuellement et collectivement, une condition (avec un dedans et un dehors) et de s’y attaquer, afin de détruire jusque dans ses fondements tout ce qui participe à la créer. Cela passe par exemple par la remise en question permanente des comportements autoritaires (qui dépasse la sphère intime), ainsi que par le fait de chercher à dépasser l’ordre actuel en refusant ce que nous sommes pour cette société, et des modèles bien trop connus, basés non seulement sur la gestion, mais aussi sur l’adhésion ou l’intégration forcée à un groupe quelconque. Il s’agit de savoir parler à la première personne et en notre propre nom, sans chercher à représenter quiconque. Aussi, d’avancer avec sincérité, sans cacher nos intentions plutôt que de renforcer des logiques parfaitement compatibles avec le fonctionnement de ce monde, et de les présenter comme le seul horizon possible, en laissant la place à des termes et des modalités qui orientent la lutte vers une impasse.

Le “Peuple” contre l’État?

Le Peuple n’existe qu’en tant que représentation politique, pilier de la démocratie dont la “souveraineté” repose sur l’appartenance au groupe reconnu comme citoyen-ne-s et que l’on flatte par des discours pragmatiques et propagandistes. Les discours qui se contentent de dénoncer la corruption de “nos” élites, les “abus” ou “insuffisances” des pouvoirs publics ou de l’Union Européenne (qui n’est finalement qu’une union d’États), la “trahison” de la démocratie, etc. posent de nombreux problèmes d’ordre politique, éthique et théorique. Ainsi, la notion de peuple implique que les individus se dessaisissent au profit d’une entité (ou identité) souveraine. L’idée que l’État perde de sa souveraineté au profit de superstructures revient à entériner voire à réclamer le pouvoir étatique. De même, le reproche d’exclusion des mécanismes de prise de décisions donne à penser que cet état de fait pourrait être amélioré par quelques nouveaux leaders charismatiques ou des réformes de surface. Car les vieux et plus actuels fantômes du populisme ont ceci de commun qu’ils prétendent changer les choses pour que surtout rien ne change …
Le peuple contre les élites… prétendent-ils, mais le peuple existe parce qu’il y a des élites. Et l’on ne peut les combattre réellement qu’en s’attaquant à la question du pouvoir et de l’Autorité qui les dépasse largement. Pas en défendant l’État et d’autres constructions sur lequel il se fonde, telles que le Peuple et la Nation.

L’idée de ce texte n’est pas de mépriser toute initiative qui cherche à dépasser la seule discussion entre anarchistes, et encore moins de se placer dans une optique élitiste, bien au contraire. Le but est simplement de continuer à combattre toute forme de confusion, en prenant la responsabilité de nos actes et de nos idées au beau milieu d’une époque qui voit monter en flèche différentes formes de populismes, nationalismes et délires autoritaires. Les mots ne sont jamais neutres et portent un message destiné à faire écho dont il ne faudrait donc pas en sous-estimer ou en relativiser la portée au risque d’exacerber certaines dynamiques, néfastes, et loin d’être émancipatrices. Il s’agit selon moi de briser les carcans de la persuasion, du centralisme et de tout dirigisme à travers des discours et des pratiques clairs et sans équivoque. L’individualité, l’altérité, le désir de liberté, et la diversité des êtres (et de nos vies) ne sont pas résumables et ne pourront jamais être enfermés dans une définition aussi obscure et, à la charge historiquement aussi négative que celle de Peuple.

L’imprévu est à nos portes, les derniers événements l’ont démontré. À nous de continuer à lutter pour un maximum de cohérence (de la politique à la vie comme disait l’autre) en cherchant à opposer Désir et liberté à leurs contraires : la contrainte exercée par les institutions et n’importe quel groupe qui exige l’abandon de sa singularité, et l’autorité sous toutes ses formes, y compris populaires, “souveraines” ou démocrates. Une critique intransigeante du Peuple et des populismes ne peut que s’accompagner de l’attaque ici et maintenant des structures mentales et physiques du Pouvoir.

[Repris de Cracher dans la soupe.]