Deux nouveaux collabos de l’enfermement : Sagi & Keas

En janvier 2018, le groupe KEAS a remporté un contrat estimé à plus de 87 millions d’euros (de 20 millions d’euros pour 2019 et jusqu’à 35,5 millions pour 2022), en partenariat avec la société Sagi/Telio, dans le cadre d’un appel d’offre gagné auprès de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) du Ministère de la Justice. Ce contrat, d’une durée de 10 ans, porte sur la fourniture, l’installation, la mise en service et la maintenance de systèmes de brouilleurs de télécommunications mobiles. Cela concerne l’ensemble des centres de détention en France (environ 250).

Par ailleurs, la société Sagi/Telio est celle qui va équiper à ses frais les 50 144 cellules des prisons françaises en téléphones fixes et assurer leur maintenance. En contrepartie, l’entreprise se rémunérera sur les prix des communications téléphoniques passées par les détenus. Sagi/Telio équipe déjà de ses systèmes 35 prisons en Belgique et 12 en Allemagne.

Avec ce contrat des 250 prisons françaises, ils sont devenus le second plus grand fournisseur de systèmes de communication pour prisonniers en Europe.

Sagi appartient au groupe Telio
Telio : hxxp://www.tel.io/fr/
35 Allée des Impressionnistes, 93420 Villepinte
29 Bd Anatole France 69006 Lyon

Président : Oliver Guido DREWS demeurant Rissener Ufer 16 22559 Hambourg, Allemagne
Directeur Général : Kai THIEL demeurant Hammer Dorfstrasse 147 B 40221 Düsseldorf-Allemagne

Le Groupe KEAS (Konsortium Engineering Activities & Securities) est implanté près de Grenoble et s’est constitué de la fusion en 2015 de 3 sociétés industrielles : LEAS, ABCM et EF6. Par ailleurs, le capital du Groupe KEAS est détenu à 8% par Delta Drone depuis 2016
(hxxps://www.deltadrone.com/fr/)

hxxp://keas-group.com/
KEAS
Parc Scientifique ZA La Bâtie
175 Allée de Champrond
38330 St-Ismier

Dirigeant : Jean Angelidis
Co-gérant : Jean-Marc Bouthinon

Jean Angelidis, un des fondateurs de cet acteur français de l’électronique de sécurité


En prison, de très chers forfaits téléphoniques
France 2, 31/01/2019

Pour lutter contre le trafic de portables en prison, une mesure a été annoncée par la Garde des sceaux : des téléphones fixes en cellule. Sauf que question tarif, l’opérateur choisi par le ministère de la Justice n’est pas très compétitif.

Nous avons récupéré les tarifs de ces nouveaux téléphones, difficile de trouver pire sur le marché. Le forfait mensuel avec le meilleur rapport qualité prix est à 40 euros, 10h vers les fixes ou 5h sur des portables, sans possibilité d’être appelé. Des tarifs beaucoup plus chers que les forfaits illimités des opérateurs, entre 7,99€ et 26,99€.

Un prisonnier le dénonce dans un courrier qu’il a adressé à la rédaction : « Au lieu de nous faire payer un forfait en illimité, on nous fait payer à la minute comme dans les années 70 ».

Comment expliquer des tarifs aussi élevés ? La Garde des sceaux l’explique par la nature du contrat passé entre l’Etat et son prestataire privé : « C’est une concession que nous avons passé pour donner un service supplémentaire aux détenus qui ne pèse pas sur les ressources de l’Etat ».

Nous nous sommes procuré le contrat passé entre l’administration pénitentiaire et l’entreprise Telio. La société s’engage pendant dix ans à équiper à ses frais 50 144 cellules et à assurer leur maintenance. En contrepartie, Telio se rémunère sur les prix des communications téléphoniques passées par les détenus.


A La Santé, nouvellement réouverte

Parallèlement, une concession de service public sur la téléphonie fixe a été accordée pour dix ans à Telio, un des leaders européens du secteur. « L’accès au téléphone fixe en cellule est un élément d’apaisement de la détention. Les détenus pourront, sans restriction, appeler leurs familles », sans avoir « besoin de solliciter les surveillants qui pourront se consacrer à d’autres tâches », explique Mme Rotach. Une innovation qui contribuera, espère la Direction de l’Administration pénitentiaire (DAP), à la prévention du suicide et à une meilleure réinsertion.

Les détenus pourront téléphoner uniquement aux numéros ayant fait l’objet d’une validation préalable. Aucun téléphone ne sera installé dans les quartiers d’isolement ou disciplinaires. L’entreprise financera l’intégralité de l’investissement et se rémunérera par le prix des communications payées par les détenus.

La suite ici: hxxps://www.rtl.fr/actu/debats-societe/diaporama-apres-quatre-ans-de-travaux-la-prison-mythique-de-la-sante-rouvre-lundi-7796137670

[Reçu par mail]

remerciement pour l’infos à sans attendredemain.

 

France : Brèves du désordre et de la répression [21-25 février 2019]

Saint-Jean-de-la-Ruelle (Loiret), 25 février : la vie sans internet

Selon le réseau de téléphonie Orange, c’est un acte de malveillance qui s’est déroulé lundi après-midi 25 février, à Saint-Jean-de-la-Ruelle, où un gros câble Orange a été sectionné. Ainsi, 600 clients Orange résidant à La Chapelle Saint-Mesmin et Chaingy sont privés de téléphone fixe et d’Internet.


Montpellier, 23 février : le DAB au cocktail Molotov

Samedi peu après 22h, l’agence bancaire du Crédit Agricole de Fabrègues, et plus particulièrement le distributeur automatique de billets de l’avenue Georges Clemenceau, a été attaqué à l’engin incendiaire  : un ou des inconnus ont lancé deux cocktails Molotov. L’un a endommagé l’automate par les flammes, l’autre a fait long feu, il n’a pas explosé. Par précaution, les sapeurs-pompiers du Sdis 34 et les gendarmes de la brigade territoriale autonome de Saint-Jean-de-Védas ont installé un périmètre de sécurité et ont fait appel aux démineurs de la Sécurité civile de Montpellier qui ont neutralisé le cocktail Molotov qui n’a pas fonctionné.

Tout danger a été rapidement écarté. Reste le mobile de cet acte nocturne, les investigations sont en cours pour faire éventuellement un rapprochement avec l’acte XV des Gilets Jaunes, dans les rues de Montpellier.

[Repris du Metropolitain, 24.02.2019]


Bure (Meuse), 21 février : la mairie à l’huile de vidange

La façade de la mairie a été souillée par une projection d’huile de vidange au cours de la nuit de mercredi à jeudi. « Il y en avait plein la façade, sans inscription précise. Je n’étais pas là de la journée jeudi, c’est ma secrétaire qui m’a prévenu dans la matinée. C’est la première fois que de l’huile de vidange est utilisée de la sorte. On était tranquille depuis plusieurs mois et là, ça recommence », constate le maire, Gérard Antoine.

La veille, ce sont les inscriptions « Not boring wall », accompagnées de graffitis divers et d’un sigle anarchique entouré d’un cœur, qui avaient été retrouvées sur le mur de l’ancien lavoir de la localité, entre deux volets, côté monument aux morts. « C’est désolant de s’en prendre aux bâtiments communaux, surtout que la façade de la mairie et les volets avaient été refaits à neuf il y a trois ans », poursuit l’élu. Gérard Antoine est bien conscient que rincer l’huile de vidange pour nettoyer la façade pourrait entraîner une pollution [dit ce pro-CIGEO qui a donné son accord pour le projet de la méga-poubelle nucléaire enfouie ici même…]. Qu’il serait même difficile de désencrasser la pierre de taille. C’est pourquoi il envisageait ce vendredi d’appeler les sapeurs-pompiers pour obtenir des conseils. Avant de faire appel à une entreprise spécialisée et d’envoyer la note à l’Andra ». [L’Est Républicain, 22.02.2019]


Bordeaux, 25 février : 2 ans ferme avec mandat de dépôt

Un « gilet jaune » de 36 ans, sans domicile fixe, a été condamné la semaine dernière pour avoir lancé des fumigènes, pavés et bouteilles sur les forces de l’ordre lors de l’ »acte 13″ à Bordeaux. Il a été identifié grâce aux images de vidéosurveillance de la place Pey-Berland de Bordeaux et des rues adjacentes mais aussi par celles diffusées sur les réseaux sociaux.

Placé en garde à vue la semaine dernière, il a reconnu l’ensemble des faits. Déjà connu de la justice, il a été condamné à deux ans de prison ferme avec mandat de dépôt, une interdiction de manifester à Bordeaux pendant deux ans et celle de détenir une arme.


Gilets jaunes : un syndicat de policiers dénonce des jets d’excréments

« Abjecte ! UNSA Police section SDSS dénonce des actes prémédités et… dégoûtants ! », a tweeté samedi soir le syndicat au sujet de l’incident, qui aurait eu lieu place du Trocadéro. Contacté dimanche soir, un délégué syndical précise que son « collègue a été visé par un bocal, de la taille d’une bouteille d’1 ou 2 litres, qui contenait de la crotte de chien mélangée à de l’eau ».

« Cette technique, c’est une nouveauté. On avait déjà eu des cocktails molotov à partir de l’acte 13, mais pas ça. Mais on avait bien vu qu’ils en parlaient sur les réseaux sociaux, a-t-il ajouté. Ça peut paraître idiot, ils croient que ça ne tache que les vêtements, mais non, c’est dangereux, c’est plein de bactéries, c’est dangereux si ça nous arrive dans les yeux ou si on l’absorbe…. C’est une idée idiote. C’est grave. »

Cette technique a notamment été employée il y a deux ans par des manifestants contre le président Nicolás Maduro, au Venezuela. Ils avaient même baptisé ces nouvelles armes les « cacatov » (« puputov » en Espagnol), en référence aux cocktails Molotov. Des projectiles similaires ont aussi été utilisés par des occupants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes lors de son évacuation en 2018.

[Le Parisien, 24.02.2019]


Prison de Fleury-Mérogis : un gilet jaune en détention provisoire avec un dossier vide

Antoine, un Jurassien, de 27 ans est maintenu en détention provisoire à Paris depuis plus de 3 mois. Le jeune homme est incarcéré à Fleury-Mérogis depuis le 24 novembre dernier.

Il lui est reproché d’avoir jeté des projectiles sur les forces de l’ordre pendant l’acte 2 des gilets jaunes provoquant une blessure grave : la perte d’un œil d’un policier. Les faits se seraient déroulés le 24 novembre dernier. […] « Dans ce dossier, il n’y a que la préfecture de Paris qui affirme qu’un policier a perdu l’usage de son œil« , commence maître Martin Méchin, l’un des avocats d’Antoine. « Aucun certificat médical ne vient confirmer cette information, à l’heure qu’il est nous n’avons aucune certitude sur l’état de santé du policier« , poursuit le pénaliste. « Nous ne savons pas si oui ou non il a perdu l’usage d’un œil » explique Martin Méchin.

Selon les avocats d’Antoine, il n’y a qu’un seul témoignage à charge dans le dossier, celui d’un policier présent sur les lieux. « Ce policier a changé de version des faits plusieurs fois » s’agace Martin Méchin. Et d’ajouter : « dans un premier temps, il a affirmé avoir vu le projectile, et l’a identifié comme étant une pierre, puis le témoin a parlé d’un éclat d’engin explosif, du type pétard ou bombe agricole, son témoignage n’est pas crédible« .

[France Bleu Besançon, 26.02.2019]


Besançon, 21 février : un « Gilet jaune » placé en détention provisoire pour l’attaque de la BAC lors de la manif du 26 janvier dernier

Lors de l’acte XI, un groupe de flics de la BAC avait été mis en difficulté aux abords de Chamars: il avait notamment essuyé une pluie de projectiles, les faisant reculer sur plusieurs dizaines de mètres avant qu’il ne disparaisse derrière d’autres rang&es de casqués.

« C’est une véritable grenade à fragmentation, artisanale, qui a été ramassée par les forces de l’ordre. Le dispositif n’a heureusement pas explosé. Autour d’un déodorant servant de base à la détonation, avaient été scotchés des pétards, dont la mèche avait été allumée. Un paquet de cigarettes, arrimé à l’ensemble, était rempli de grosses billes de plomb, censées vriller l’air et blesser les gens à proximité. Un Haut-Saônois a été identifié par les enquêteurs de la sûreté départementale. Mis en examen, le suspect reconnaît avoir lancé des pierres, mais pas ce dispositif. Le trentenaire a été présenté à un juge des libertés et de la détention, qui a opté pour l’incarcération provisoire, le temps que les investigations se poursuivent ». [L’Est Républicain, 21.02.2019]

légende des journaflics: « Autour d’un déodorant servant de base à la détonation, avaient été scotchés des pétards et un paquet de cigarettes rempli de billes de plomb ».

pris sur sans attendredemain

Gap, France: Jeudi 28 Février Restitution de dix jours de rencontres à la frontiere du pays basque

Au CESAI  centre social autogéré

19hSalle des luttes

Discussion restitution autour de la rencontre de collectifs luttant
contre la frontière au pays basque et dans nos vallées.

Début février, nous etions une bonne quizainne à répondre à
l’invitation de plusieurs collectifs des pays basques (nord et sud soit
français et espagnol). L’idée étaient de présenter la situation à
la frontière avec l’italie, d’échanger sur nos pratiques, sur
l’accueil des personnes concernées, sur les différents acteurs locaux
institutionnels ou non etc …

Suite à ces rencontres nous avions envie de proposer une restitution de
notre séjour mais aussi de s’en servir comme outils pour discuter de différentes
thématiques .

Ce jeudi sera donc notre première tentative !
On vous attend dès 19h autour d’une repas tiré du sac !

Besançon : C’est mal parti pour l’écoquartier

Les sapeurs-pompiers de Besançon ont été appelés peu avant 3h du matin dans la nuit du dimanche 24 au lundi 25 février 2019 pour l’incendie de la maison du projet d’écoquartier des Vaites. La piste criminelle fait peu de doute. Le maire de Besançon et le préfet du Doubs étaient sur place en fin de matinée pour constater les dégâts. Jean-Louis Fousseret a annoncé qu’il s’engageait à reconstruite très vite une nouvelle maison du projet.

Selon les premiers éléments d’enquête, le feu se serait déclaré après une intrusion ne laissant que peu de place au doute quant à l’origine criminelle de l’incendie des trois containers maritimes « de dernier voyage » installés en avril 2018 pour abriter la maison du projet de découverte de cet écoquartier qui doit, à terme, recouvrir une offre de 1.150 logements en accession et à la location au sein de petits collectifs, d’habitat intermédiaire et d’habitat individuel dense. Une alternative selon la Ville de Besançon à l’habitat existant de la rue de Belfort et de Palente qui souhaite donner la possibilité d’habiter en ville et aux portes du centre-ville à un budget accessible.
Inauguré le 17 avril dernier et ouvert depuis le mois de mai 2018, ce centre d’informations mobile de 70 m2 abritait notamment une maquette de l’écoquartier et se voulait être un lieu de dialogue et de rencontre. Après l’annonce de l’incendie, le préfet du Doubs, Joël Mathurin et Jean-Louis Fousseret ont décidé de se rendre sur place afin de se rendre compte de l’étendue des dégâts. Le maire de Besançon s’est dit atterré et a condamné fermement ces actes. « À travers cet incendie, c’est le dialogue que l’on veut museler. En effet, cette maison permettait à chacun de venir prendre connaissance du projet et de se faire son opinion. C’est un lieu de travail, de rencontre pour les riverains, mais aussi pour les entreprises présentes sur le chantier… » […]

news lu sur Attaque..noblogs.org

Valence, France: le 27/02 au laboratoire anarchiste: continuation des courriers aux prisonniers et préparation de la soirée de présentation de Nunatak N°3, N°4

https://valleesenlutte.noblogs.org/files/2019/02/couvertureNunatak4-209x300.jpg

Au fait on a reçu le N° 4 de la revue Nunatak, pour préparer la présentation de la revue N°3et N°4 et aussi nunataken italien on se retrouve le 27 février  au laboratoire entre 17h30 et 20h, on trouvera un endroit tranquille pour discuter  pour l’annonce de la soirée de présentation de la revue, comme « Gargamel » a interdit l’affichage  sauvage( collage , et même le  scotchage) sous peine d’amende conséquente

SOMMAIRE :
Belle époque et xénophobie

/Brigante se more/

Chasse, pêche, nature et réintroduction/

Pour une poignée de riz

/Choucas des tours

/Le bruit du fleuve Congo

n’ empêche pas les poissons de dormir/

Un compteur intelligent n’est pas le contraire d’ un compteur idiot


Edito :

Oscillant entre le constat que les régions de montagne sont parfaitement intégrées au système capitaliste, et notre attachement à ces espaces comme porteurs de possibles, le premier édito de Nunatak définissait notre analyse comme « paradoxale ».

Depuis ce premier numéro, de nouvelles personnes ont rejoint le collectif au gré de rencontres, de rendez-vous d’ ’ élaboration de la revue, de présentations publiques. En écrivant, relisant et discutant les articles prochainement publiés, nous revenons de manière régulière à cette ambivalence et aux questions qui en découlent. Comment donner à voir en quoi les montagnes nourrissent nos imaginaires, sans verser dans un discours idéalisé – romantique – de la montagne ? Comment raconter ce qui nous y anime sans surinvestir la montagne comme lieu de résistance ou de liberté ? Sans l’ ériger comme refuge psychologique, partie du monde préservée, où les formes de vie y batailleraient plus ardemment qu’ ailleurs contre les forces obscures du capitalisme depuis leurs pitons rocheux imprenables ?

Si les temps actuels sont politiquement un peu difficiles à avaler, il n’ en reste pas moins évident pour nous que le romantisme politique n’ a jamais semblé constituer le moindre début de solution. Et le cortège l’ accompagnant communément – passéisme, héroïsation, valorisation de vies paysannes rudes et supposément saines, nostalgie d’ un éden pré-capitaliste… – ne paraît pas plus désirable.
Pourtant, des objets d’ articles prêtant le flan à l’ exaltation, qu’ il s’ agisse de la garde de troupeaux ou de hors-la-loi montagnards, il y en a eu quelques-uns. Tous ont amené à des débats au sein de la revue.

Prenons le pastoralisme, par exemple. Comment traiter avec justesse de la condition de berger ou bergère ? Nous sommes plusieurs, voire nombreux·ses, dans et hors de cette revue, à s’ être retrouvé·e seul·e avec mille trois cent brebis et cinq chiens, dans la lumière d’ automne sur les crêtes brumeuses ébouriffées d’ églantiers. Nous avons fondu devant cet espace, cette liberté, ces moutons soyeux et ces systèmes pastoraux cohérents, heureux de la distance que garde encore en partie le métier avec l’ industrialisation de l’ agriculture et ses déclinaisons normatives. Bien sûr que nous souhaitons le partager au travers d’ articles. Et nous avons pourtant été les mêmes à qui une nuit complète et six packs de bières n’ ont pas suffi à raconter l’ ensemble des emmerdes que la garde nous a causé. Salaires de misère, patrons lubriques et misogynes, cabane pourrie ou absence d’ organisation collective – si ce n’ est avec le chien. Alors, comment raconter ce qui nous fait rêver, nous anime ou nous porte dans ce métier sans mettre sous le tapis les coups de pieds aux droits sociaux communs, la marchandisation de l’ imagerie pastorale et le fait que nous n’ y sommes pas à l’ abri des normes, juste quelques mètres devant, et qu’ elles courent vite ?

Quand il s’ agit de figures historiques, cette tension est aussi présente. Qu’ ils soient brigands ou déserteurs, Demoiselles ou maquisards, nous ne désirons pas entretenir des mythes absolus et décontextualisés, créer des imageries de révolté·es montagnard·es aux cœurs purs. Pour autant, au-delà du fantasme, ces personnages et leurs réalités vécues nous intriguent, parce qu’ oublié·es par l’ histoire des vainqueurs, ou en rupture avec celle-ci. Ils nourrissent nos imaginaires, alors comment aborder leurs histoires sans idéaliser l’ illégalisme, qui n’ est pas toujours motivé par un autre mobile que celui de la survie ?

Ce ne sont que deux exemples parmi d’ autres, et ces discussions nous ont amené à un constat : nous n’ avons pas de réponse unique et commune à apporter pour sortir de ce paradoxe permanent.
Si ce questionnement autour de l’ idéalisation de la montagne et de ses singularités nous traverse tous et toutes unanimement, Nunatak rassemble des personnes aux parcours variés, avec leurs rapports spécifiques à la montagne, à l’ écrit et aux savoirs. Habitées de manières différentes par les rebelles, les marginaux, les petites bêtes duveteuses, les loups ou les chasseurs. Certain·es ne s’ interdisent pas une idéalisation cultivée, d’ autres ne s’ y sentent pas plus imperméables que le commun des mortels, d’ autres encore se souhaitent foncièrement matérialistes.
Cette multiplicité de rapports aux thématiques abordées dans Nunatak – qu’ il s’ agisse d’ une figure d’ une époque lointaine du nord du Piémont ou des vertus d’ une plante du Mercantour – a construit cette revue. Nous tentons, et tenterons, de donner à voir cette multiplicité, parce qu’ elle nous paraît plus nourrissante que la modélisation d’ une supposée ligne commune sur l’ imaginaire montagnard. Ainsi, la contrebande fut abordée d’ une certaine manière dans Bétail, sel et fusils (numéro 2), elle le sera différemment dans Pour une poignée de riz au sein du présent numéro.

Nous ne sommes pas des spécialistes des sujets abordés et sommes évidemment traversé·es de subjectivité. Mais au-delà de la part d’ idéalisation dont sont empreints à des degrés divers les écrits publiés, ce qui nous intéresse est ce qu’ ils nous donnent à voir, à débattre ou à questionner. Sans prétendre faire de Nunatak une revue scientifique ou rationaliste, il nous tient à cœur collectivement d’ interroger les réalités matérielles et économiques des sujets abordés dans la revue. Les plantes médicinales des montagnes ne nous font pas oublier la destruction du système de santé – notamment dans les zones reculées – tout comme quelques ares de légumes auto-produits ne suffisent pas à en finir avec l’ agro-industrie.

Les montagnes et ce qu’ elles abritent peuvent prêter à rêver, à s’ organiser, à rire ou à lutter. Nous ne voulons pas choisir entre tout ça, mais partager des récits, des expériences qui nous renforcent, en se défiant du folklore. Nous sommes en équilibre, sur une ligne de crête.
Ce qui est finalement assez normal vu la gueule des terrains arpentés.

 

Publication : C’était nous, mais ce n’Était pas nous*

C’était nous.

C’était nous parce que nous voulons nous réjouir lorsque la Poste, qui fait partie de la machine à expulser, est ardemment sabotée.

C’était nous parce que nous voulons éprouver un bonheur incommensurable lorsque des prisonniers mettent le feu à leur cage, quelles s’appellent CPR (CRA, ndt) ou prison.

C’était nous parce que nous voulons nous réjouir lorsque les locaux de la Lega sont attaqués comme à Ala et ailleurs, lorsqu’un ingénieur de la mort nucléaire est estropié et les structures de recherche militaire attaquées ou lorsque les locaux fascistes sautent comme à Florence, y compris la main et le œil de ceux qui les protègent. C’est pourquoi nous ne pouvons qu’éprouver de la complicité avec toutes les publications et les individus anarchistes qui veulent attaquer ce monde.

Ce nous, cependant, n’est rien d’autre qu’un archipel d’individualités subversives, une galaxie de rapports d’affinité qui se déroulent de manière informelle dans des relations intenses qui se tissent entre ceux qui se sentent poussés par une telle tension révolutionnaire. Il ne peut en effet exister nous collectif, comme ne peuvent exister d’associations subversives telles qu’ils les imaginent. N’en déplaise aux flics, juges et magistrats.

« Dans des appels téléphoniques, dans des conversations, nous avons également réussi à mettre en évidence une matrice idéologique très forte. Ils ont même parlé de révolution, de subvertir l’ordre établi », dit le procureur de Trente Raimondi. Et c’est justement ce que nous faisons, dans nos journaux, dans la rue, avec nos actions. On parle de révolution, de révolte, de subversion. Nous parlons de la violence nécessaire pour laisser la place à une façon d’exister différente et incompatible avec l’autorité et l’asservissement : comme l’a dit un vieux tavernier durant la révolution espagnole, la gaieté de la révolution se heurte au sérieux de la guerre comme un papillon contre un char d’assaut. Ainsi notre joie armée sait savourer la violence comme on sirote un bon vin, auquel on ne se retrouve pas dépendant pour pouvoir saisir de nouveau l’arôme de la liberté. D’autre part, en revanche, le désert des hiérarchies institutionnalise le massacre fondant son propre ordre sur le nécessaire monopole de la violence de l’État.

C’était nous, mais nous ne sommes pas l’État nous*. Un gouffre éthique nous sépare. Lorsque le président de la province de Trente Fugatti déclare que « la violence contre les personnes, les lieux et […] idées, doit toujours être repoussée et combattue avec fermeté », il ne fait que résumer ce que tentent de faire quotidiennement, chacun.e.s à sa façon, ceux qui s’opposent à ce monde : s’opposer fermement, avec la violence nécessaire, au pouvoir de l’État, du Capital et d’un système technologique de plus en plus envahissant.

«Le fait qu’il y ait des épisodes de violence répétés, le fait que l’on invite à l’exercice de la violence de manière publique et de manière clandestine, le fait que dans l’exécution de ces projets, des épisodes de violence se mettent en œuvre ne peut être retenu par quiconque comme une forme de dissidence ou l’affirmation d’idées sur la société, la vie, la politique, mais comme des faits graves qui doivent être combattus efficacement au niveau national», observe le procureur adjoint Romanelli. Cependant, tant que nous serons libres, et pour ce que nous réussirons à faire même dans les prisons d’État, nous continuerons à souffler en tant qu’individualités subversives sur le feu de l’insubordination: invitant à l’exercice de la violence, au développement de mille projectualités révolutionnaires, à l’action directe.

Pour la libération, toujours la tête haute! Tout.e.s hors des prisons!

 cracher dans la soupe a traduit  Frangenti (Italie) n°36, 22/02/2019

Frangenti, il numero 36 di solidarietà

Sète, France : La seule église qui illumine…

Comme bien souvent, les médias nous informent de certains actes d’hostilité contre ce monde d’autorité uniquement lorsque la maison poulaga obtient des résultats. C’est ce qui s’est passé il y a quelques jours à Sète, dans l’Hérault.

Vendredi 22 février, on apprenait par le Midi Libre que le portail de l’école Saint-Vincent à Sète avait été recouvert d’un tag : « La seule église qui illumine est celle qui brûle » (à Grenoble, ce slogan a trouvé quelques échos, il y a quelques semaines). C’est aussi précisément ce matin-là que plusieurs personnes habitant Montpellier (et que les flics relient à « un groupuscule d’extrême-gauche ») ont été placées en garde à vue. Les enquêteurs les soupçonnent d’être les auteurs de ces tags anti-chrétiens et d’autres sur plusieurs autres murs de la ville. Les inculpées ont été identifiées à cause des bandes de vidéo-surveillance de la ville (capuche-écharpe, la base^^).

Volontarisme Par Luigi Galleani (juin 1916)

 

 D’abord la volonté, puis la force, enfin la victoire »

Multatuli.

Ne vous laissez pas tromper par le titre. Mon article ne se veut pas une dissertation philosophique. Je mets en discussion un problème indubitablement ancien, auquel la guerre donne une nouvelle force et un nouveau goût d’actualité. Il s’agit de chercher à savoir si la volonté est un facteur révolutionnaire. Dans des termes plus explicites : s’il est vrai que les facteurs historiques sont rigoureusement liés, s’ils sont déterminés et dirigés par une loi naturelle de causalité mécanique, qui n’admet pas d’exceptions ; si dans le cours de l’histoire, le « saut » est possible ou non, si la volonté humaine peut ou ne peut pas, par un acte de violence audacieux, donner au développement historique de la société une orientation nouvelle, créer un nouvel ordre des choses, en renversant les rapports sociaux existants.

Il y en a qui conçoivent la lutte de classe comme un fait universel indépendant de notre volonté, qui pensent que la question sociale trouvera une solution quasi fatidique, indépendamment de la volonté humaine, précisément parce qu’elle est déterminée par les rapports économiques, à la base de la formation sociale, et produite par une évolution mécanique, lente, et donc pacifique.

C’est la tendance fataliste appliquée aux problèmes économiques, générée par l’interprétation matérialiste de l’histoire, qui tire son nom de Marx, pour l’unique raison que le penseur allemand en fut le vulgarisateur, le défenseur le plus tenace, au point de l’ériger au rang de dogme indiscutable et absolu.

À l’opposé de cette tendance se situe l’anarchisme, qu’à cet égard on pourrait définir comme la théorie de la volonté du pouvoir.

Expliquons-nous : à bien étudier le mouvement historique, on s’aperçoit immédiatement et clairement que ce dernier a toujours dépendu de facteurs économiques : certains inhérents aux conditions du lieu, au climat, au sol, c’est-à-dire des facteurs universels et éternels ; d’autres relatifs aux formes de production et de consommation, c’est-à-dire des facteurs contingents et passagers.

La déduction qu’en tire Marx, et avec lui les meilleurs interprètes de l’anarchie, est aussi indiscutablement vraie : c’est la vie qui domine la pensée, non pas la pensée qui domine la vie.

Mais il est également indéniable que les facultés intellectuelles et morales acquises par les hommes, réagissent et influencent à leur tour les conditions matérielles de la vie.

En vérité, il faut parler du facteur économique comme d’un des facteurs, et non comme le facteur de l’histoire.

De même pour la volonté.

Cependant, je suis d’avis que si les conditions économiques de la civilisation capitalisto-bourgeoise ont creusé la division de classe, elles en ont aussi exacerbé l’antagonisme, et ont donné le premier élan à la lutte ; dans la phase aujourd’hui déclenchée par la grande conflagration, mondiale plus qu’européenne, l’intervention consciente du prolétariat révolutionnaire est nécessaire et urgente : la volonté devient le facteur majeur pour pousser la lutte vers sa phase finale : la révolution.

Pour le dire en quelques mots : les conditions économiques ont déterminé le « fait », c’est-à-dire la division de classe ; la volonté doit maintenant nous guider et nous pousser au « à faire », c’est-à-dire à l’expropriation du capitalisme, à la ruine de l’État, à la révolution.

Mais je suis aussi persuadé que l’on ne peut pas parler de véritable lutte de classe si les ouvriers n’en ont pas « conscience », ou qu’elle n’est ni éveillée ni énergique, même si les conditions économiques sont partout à peu près identiques. Je suis convaincu que la lutte se transforme en collaboration si les masses, n’ayant pas une volonté propre, remettent leurs destinées dans les mains d’autrui en élisant des représentants et des tuteurs.

Et parfois la lutte peut carrément s’éteindre, jusqu’à la fusion des deux classes opposées, quand, comme dans le cas de la guerre européenne, les individus et les masses se retrouvent soudain à vivre dans une phase et un environnement psychologiques spéciaux, la première créée, le second déterminé, par la volonté forte et robuste d’une minorité décidée.

Car les minorités capitalistes comptent sur leur volonté et l’exercent, réagissant contre les circonstances extérieures qui menacent leur domination, leur existence.

La guerre, ils l’ont voulue, et non pas, comme on peut les entendre, subie presque comme une fatalité. Toutes les nations belligérantes l’ont voulue, pour renforcer leur empire, pour l’agrandir, pour en rallonger l’existence, l’éterniser si possible.

En Amérique, nous assistons à une renaissance des énergies et des facultés volitives des classes dirigeantes, qui, pour ne pas dégénérer et mourir, prennent de nouvelles positions, empoignent de nouvelles armes, et insufflent un nouveau sang et une vigueur nouvelle aux fils mous de l’aristocratie de l’argent, plongés dans la paresse mentale et la luxure, satisfaisant leur besoin inné de travail par des parties de golf.

Les fatalistes y pensent-ils ?

Oh, ces derniers attendent la manne du ciel. Que voulez-vous y faire, vous disent-ils, il est inutile de faire des efforts, il est inutile de vouloir, puisque le socialisme sera le même, il sera, c’est une fatalité, il viendra par la force des choses. Les choses ? Les choses ne se font pas toutes seules, l’homme ne doit pas être à leur service. Au contraire, c’est l’homme qui doit se servir des choses pour ses brillantes et audacieuses créations.

Ils disent : « Les anarchistes sont fous à lier. Ils veulent l’acte violent, la révolution qui force le cours naturel de l’histoire, qui crée le monde ex novo. Dans l’histoire comme dans la nature, ils veulent faire les « sauts  » impossibles ».

Ignorants : la nature inconsciente ne peut pas faire de sauts ; mais sachez que l’homme, avec sa volonté créatrice, a trouvé le moyen d’abréger la période de gestation des animaux et la période de germination des végétaux, à transformer à sa guise la forme et la couleur des fleurs comme le goût des fruits.

Pour finir, je voudrais prévenir une objection de la part de ceux qui comprennent de travers, parlent à tort et à travers, et qui, comme d’habitude, pourraient répéter :

Volontarisme ? Métaphysique des anarchistes…

Nous ne parlons pas de la volonté abstraite et métaphysique, celle de Schopenhauer ou de Nietzsche ; mais de la volonté active et créatrice des individus et de la grande masse : des premiers plus que de la dernière. Volonté qui doit être, en même temps, puissance et action.

Free-lancer [Luigi Galleani].
In Cronaca Sovversiva, année XIV, n. 25, 17 juin 1916.
Repris de la brochure Le problème de la liberté, Gigi Damiani, Anar’chronique éditions, janvier 2019.

non fides

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