Depuis Le Bon, la Brute et le Truand, on sait, grâce à Clint Eastwood, que « le monde est divisé en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent ». Lui, il creusait donc. C’était dans la nuit de lundi à mardi et le pensionnaire de la cellule 1 004 du bâtiment C de la prison des Baumettes, à Marseille, ne ménageait nullement sa peine. On devrait d’ailleurs décerner une prime à l’inventive détermination fugueuse.Jadis, les détenus qui parvenaient à s’évader sans bris de prison n’étaient passibles d’aucun délit, sinon d’un coup de chapeau côté détenus et d’une grimace durable côté gardiens. Mais on ne fera pas ici l’apologie absolutoire du crime. Pourtant, le détenu qui a tenté ainsi nuitamment de s’évader des Baumettes a causé une belle frayeur à l’administration pénitentiaire. Nous avons reconstitué le film des événements.
Il creuse sous sa fenêtre
Il est environ 3 h du matin. L’impudent, âgé d’une trentaine d’années, parvient à creuser au pied de sa fenêtre sur une hauteur de 20 cm. Juste assez pour se glisser dans l’espace ainsi libéré et pour basculer dans le vide grâce au cordage qu’il a confectionné en nouant plusieurs draps. Pour se faire oublier, comme dans le film La Grande Évasion, il a disposé ses affaires dans son lit, afin de faire croire qu’il dort profondément et de ne pas alerter les surveillants lors de la ronde.Il aurait ensuite, grâce à un bidon plein de liquide, réussi à se hisser au-dessus du grillage du bâtiment. Il lui reste alors à franchir le mur d’enceinte. Mission impossible, d’autant qu’au mirador 3, l’alarme se déclenche. Le 3 alerte le 5. Vaines sommations. Au petit matin, l’homme sera finalement repéré dans un buisson où il s’était caché. À 7 h 15, la partie de cache-cache s’achève. Retour en détention pour le détenu, qui n’est pas qualifié de « gros profil ». C’est même au bâtiment C que l’on caserait « les plus tranquilles », confie-t-on de source pénitentiaire. Après l’agression au couteau de lundi, le jet d’urine sur un surveillant il y a quinze jours, les syndicats sont en colère.
« Situation explosive »
Cyril Antolin, au nom du SPS, dénonce les « dysfonctionnements en série« , le manque d’effectifs. Et rappelle que le 6 juin, son syndicat avait déjà mis le doigt là où cela fait mal, ce qu’il qualifiait pudiquement de « situation explosive ». Aux « Baumettes historiques », les plus anciennes, ils étaient 12 surveillants de garde contre 16 habituellement. « Jusqu’où va-t-on aller ? Que va-t-il se passer demain ? », s’interroge, amer, David Cucchietti, de la CGT après la « tentative déjouée qui a bloqué l’établissement pendant plusieurs heures ». « Surtout ne changez rien, car tout va bien », s’agace la CGT dans un tract.
Attention, un petit trou dans un mur peut creuser de gros trous dans les têtes.
Les précédents les plus audacieux
La « fuite », la « belle », une envie qui ne quitterait donc jamais les pensionnaires des Baumettes. Sous peine d’en mourir d’espoir… Le 31 mars 2016, un détenu avait réussi à franchir plusieurs sas en suivant un infirmier, puis en se faisant passer pour un policier. Sa fuite a échoué devant la dernière porte. Un surveillant vigilant l’a renvoyé dans sa cellule.
25 juillet 1992 : un braqueur récidiviste non dénué d’humour, Djamel Meghoufel, s’évade par hélicoptère. Le 26 juin 1999, un autre hélicoptère vient cueillir cinq détenus au-dessus de la prison. L’un d’eux est tué par les surveillants. Depuis, on s’est résolu à installer des filins anti-évasion.
En avril 2002, un détenu tente de s’évader en se déguisant en surveillant. Mais un collègue est saisi d’un doute. Il exige de voir sa carte. Fausse, forcément. Il est ainsi démasqué. Dans les années 1980, c’est un autre détenu réputé dangereux qui s’était échappé des Baumettes en se cachant dans le camion des eaux usées.
Mais la plus ingénieuse est assurément celle qui a été commise le 6 juin 2001 en Corse. Trois détenus corses sortent à pas comptés de la prison de Borgo grâce à un faux fax à en-tête du tribunal d’Ajaccio adressé à la direction. Faux fax, vraie évasion.