Valence(Drôme) un non compte rendu du procès de la deuxième mutinerie au centre pénitentiaire (quartier Brifaut)

 

Vendredi 10 janvier 2017 s’est tenu le procès de deux prisonniers Romain Leroy et José Torres, accusés d’être les auteurs de la mutinerie du 27 novembre 2016, au sein du Quartier Maison Centrale du nouveau centre pénitencier de Valence. En l’espace de 2 mois, ce sont deux mutineries qui éclatent … et révèlent les conditions de détention drastiques et inacceptables, qui ne correspondent pas à celles des prisonniers longues peines. Ce qui suit tente de relayer la parole des prisonniers en lutte et de les soutenir.

Un procès public transformé en huis-clos officieusement

Comme au procès de la première mutinerie, c’est une armada de flics sur-armés qui bloquent l’entrée du tribunal. Il sera impossible de passer le pas de porte du tribunalencore moins d’accéder à la salle d’audience. (Sauf, si t’as la carte de presse des médias à la botte de l’état, ou ton écusson de l’administration pénitentiaire, ou ton uniforme bleu …). Seuls quelques proches des prisonniers pourront rentrer en prouvant leur lien familial avec une carte d’identité. Les flics laisseront planer le doute de faire entrer à l’audience la compagne de Romain Leroy pour affirmer leur autorité sur elle et faire monter la pression sur elle, sur lui et enfin sur nous … le procès commence, elle ne peut toujours pas entrer dans la salle d’audience. Les flics ont bien vu qu’elle était accompagnée d’un soutien anticarcéral ! On imagine très bien R. Leroy cherchant inquiet, stressé, énervé de ne pas trouver sa femme à l’audience. Pour J.Torrés, les flics de l’escorte appliquent un autre stratagème pour le faire monter en pression. Ils prétexteront que la sœur filme le procès avec son téléphone et iront rapporter au juge, qui la fera sortir définitivement de la salle. Une manière bien salace de punir les mots de soutien clamés par la famille lors de l’arrivée au tribunal des 2 inculpés .

Les autres personnes qui étaient là pour apporter leur soutien, entendre et relayer la parole des prisonniers, ne pourront pas rentrer. Sans explication, ou plutôt avec des prétextes différents : une fois le tribunal est plein…, une fois c’est un simple non, vous vous ne rentrerez pas, une fois c’est ordre du procureur général… bref l’accès au tribunal est interdit.

Ce procès comme le précédent est censé être public … mais une fois de plus, la justice fera ce qu’elle veut … La police sera à son service et la parole des prisonniers en lutte ne sortira pas…

 

Appel à solidarité avec les mutins et rendez-vous devant le tribunal

Adeline, la compagne de R. Leroy a appelé à un soutien lors d’entretien téléphonique avec les radios de l’Envolée et Papillon ( écouter l’émission de l’envolée du 20 janvier et celle de Papillon du 2 février ). Ce qui en transparaissait, c’était sa détermination, prête à lutter et ne pas laisser ces 2 personnes se faire massacrer et isoler par le tribunal de Valence. Le jour du procès, elle avait les yeux qui brillaient, elle avait même la pêche car c’était son jour à elle aussi, son jour de lutte à côté des 2 prisonniers et contre la pénitentiaire. Elle s’est bougé pour réunir ce monde en soutien.

Nous avons rencontré la famille de José devant le tribunal. Dès l’arrivée du fourgon où se trouvent les prisonniers, toute une équipe de cousins, sœur, père monte au portail, qui sépare la rue, de la cour du tribunal. Ils saluent José avec des mots chaleureux et arrivent même a prendre une photo. et crient leur soutien. Les représailles n’ont pas tardé : à peine le procès a commencé, on a fait sortir la sœur de José en l’accusant de filmer dans la salle…

Mise en scène caricaturale de la « dangerosité » des prisonniers et du soutien extérieur.

Contrairement au procès de la première mutinerie, ni R. Leroy, ni J. Torres ne sont considérés comme des prisonniers particulièrement dangereux pourtant le dispositif de sécurité est une nouvelle fois impressionnant et démesuré. Il manque juste les tireurs d’élite !

L’accès au tribunal est sous surveillance. D’ailleurs deux caméras globes filment la place en continu… A l’entrée, les flics carapacés sont armés de tasers, de gazeuses, de matraques télescopiques … et tout cela serait risible s’ils ne s’en étaient pas servis. Une fois la compagne de R. Leroy entrée, les personnes interdites d’accès à l’audience sont amassées devant l’entrée du tribunal pour montrer leur mécontentement. Une personne se met à chanter une chanson anti-flic dans une autre langue. Et puis, un dialogue s’installe entre le chanteur et une personne passante bien énervée de pas arriver à déposer plainte contre les flics. C’est juste ça qui n’est pas apprécié par les flics et en découle une violente attaque des flics à coups de matraques, de gazeuses, d’étranglements ils embarquent 2 personnes au comico pour une garde à vue d’environ 24 heures. On pouvait lire dans le torchon local (le dauphiné libéré), que suite à une manifestation anticarcérale et des contrôles d’identités se passant mal, les flics ont arrêté 2 personnes. Ces 2 personnes sont accusées de violences et outrages sur personnes dépositaires de l’ordre public. L’attaque des flics à coups de matraques et gaz au poivre était donc un simple contrôle d’identité ! C’est vrai que par les temps qui courent, les gens devraient savoir … que ce sont les pratiques courantes de la police.

 

Une mutinerie, le seul moyen de se faire entendre pour dénoncer les conditions impossibles de détention en Quartier Maison Centrale :

Les prisonniers protestaient contre le régime de détention trop strict de la nouvelle prison de Valence. « Ça fait 10 ans que je suis en prison, et je n’ai jamais vu ça » raconte Romain. Il parle d’un régime carcéral trop strict, inadapté aux détenus lourdement condamnés, et d’une administration sourde à toute revendication. « On demandait simplement à ce que ça fonctionne comme une vraie maison centrale » enchaîne José, l’autre « meneur » de la mutinerie. Les prisonniers avaient fait part de leurs revendications de manière pacifique à plusieurs reprises auprès de la direction de l’établissement (courriers, refus de réintégration des cellules ou blocages de cour de promenade). Ils avaient alerté l’OIP et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté : « y a un peu tout qui ne va pas dans cette prison. Le problème est le mauvais fonctionnement de cette maison centrale gérée comme une maison d’arrêt disciplinaire (un seul mouvement à la fois, pas de cuisine), les parloirs se passent mal car ils (les surveillants, NDLR) sont tout le temps sur notre dos. Ils ne sont pas capables de livrer les cantines. On veut fonctionner comme une vraie centrale, avec d’avantage de liberté […] On vous parle de longues peines, de plus de convivialité, du mode de vie […] On a demandé à parler au directeur, on les a saoulés avec ça […] Des surveillants sont même venus nous dire de faire quelque chose », a déclaré José Torres. A R. Leroy d’ajouter :

« Voilà dix ans que je suis incarcéré. Le système pénitentiaire français se préoccupe plus de la modernité des nouvelles prisons que de la vie à l’intérieur. Je n’ai pas fait cette mutinerie que pour parler de Valence. Ce n’est pas la seule prison de niveau 4 en France. Il y a un gros problème de communication dans ces prisons ».

Quand des prisonniers se révoltent et se mutinent … ils prennent des risques énormes. L’un des inculpés, José Torres terminait sa peine de 7 ans et demi de prison ( + 18 mois pris à l’intérieur pour un chargeur de téléphone rentré illégalement, ça fait cher payé le chargeur !). Il devait bénéficier d’un aménagement de peine courant 2017. Romain Leroy remarque : « si je casse juste une caméra dans le couloir, on m’enferme au mitard et personne dehors ne saura ce qui se passe ici, alors j’ai tout cassé et voilà, il y a des gens devant le tribunal, voilà la presse qui est venue au procès…» et il conclut que « quand les écrits ne font rien que reste-il à part les actes ? » Lui, a été transféré à Moulins, sous les conditions de détention de maison d’arrêt. Une proche dira, hors de l’audience : « c’est pas vrai que les QHS sont fermés depuis les années 80, ou alors ils ont juste changé de nom et s’appelle maintenant les QMC. »

 

Un verdict sévère, démesuré et des magistrats obnubilés par les dégâts :

Le tribunal n’entendra que l’avocat du centre pénitentiaire qui chiffre les dégâts à 1 696 000 euros. Une somme pareille pour 4 cellules cramées ! Une des proches ajoutera : «  Vous vous rendez compte a ce prix là, tout ce qu’on pourrait construire ! » Les dégâts proviennent très majoritairement de l’intervention des pompiers, alors ça aurait été moins coûteux de tout laisser disparaître ! Et le procureur N. Julia, lui réclame quand même 8 ans de prison ferme… A l’audience, les deux prisonniers ont reconnu s’être emparés des clefs du surveillant mais ont nié les violences. Ils ont reconnu avoir « cassé quelques caméras et ouvert les portes des cellules de 40 détenus », mais ils ont nié avoir incendié les quatre cellules et dégradé du matériel mobilier.

Néanmoins, après 6 heures d’audience, malgré une défense et des prisonniers relatant les conditions de détentions insupportables le verdict est salé : 5 ans de prison ferme pour les deux mutins. Immédiatement, R. Leroy et J. Torres ont fait appel de cette décision.

Solidarité avec les mutins :

Suite à ce procès et cet appel que demandent les 2 mutins, soyons au rendez-vous et restons en contact avec eux. Ne laissons pas l’administration pénitentiaire les isoler, les faire oublier ou tenter de les faire taire.