Parution:Benjamin Péret, l’astre noir du surréalisme

Benjamin Péret.

Benjamin Péret

Benjamin Péret, un poète rentre dedans, anti militariste, bouffeur de curé, anti colonialiste et anti-autoritaire…

De Dada au surréalisme, Benjamin Péret (1899-1959) est l’un des principaux acteurs des mouvements d’avant-garde qui ont secoué la poésie et l’art moderne au XXe siècle. C’est aussi l’un des moins connus du public. Peu de rééditions, de très rares monographies. Le sort s’est acharné contre ce grand poète dont le rôle et l’importance ont généralement été minimisés par les historiens du surréalisme.

Son engagement dans les mouvements révolutionnaires de son temps, notamment pendant la révolution espagnole aux côtés du POUM et des anarchistes » les amis de Durruti » , n’est peut-être pas étranger à cette occultation. Sur sa tombe, au cimetière des Batignolles, ses amis ont fait inscrire une épitaphe qui résume sa vie de révolté permanent : « Je ne mange pas de ce pain-là. »

Cette biographie (suivie d’une petite anthologie) replace la trajectoire de Benjamin Péret dans les enjeux utopiques du surréalisme,

L’auteur : Barthélémy Schwartz est né à Paris en 1963. Coanimateur de la revue de bande dessinée Dorénavant (1986-1989), du collectif Ab irato (en 1992), puis de la revue de critique sociale Oiseau-tempête (1997-2006), il a publié Le Rêveur captif (L’Apocalypse en 2012).

 

Publié dans Socialisme ou Barbarie, en décembre 1959.

À la mémoire de Benjamin Péret

Notre camarade et ami Benjamin Péret n’est plus. Avec lui, le mouvement révolutionnaire a perdu, en septembre 1959, un des rarissimes esprits créateurs qui ont, toute leur vie durant, refusé de monnayer leur souffle en argent, prix Goncourt ou Staline et cocktails chez Gallimard. Péret restera pour nous un exemple, car il a garanti ses idées par son existence non seulement en quelque circonstance exceptionnelle, mais jour après jour, pendant quarante ans, par son refus quotidiennement renouvelé d’accepter le moindre compromis avec l’infamie bourgeoise ou stalinienne.

La presse bourgeoise et « progressiste » avait tenté de l’enterrer sous son silence pendant qu’il était vivant ; elle a encore essayé de mutiler son cadavre en parlant de lui, à l’occasion de sa mort, comme si Péret n’avait été qu’un littérateur. Mais ce qu’est la « littérature » pour ces Messieurs, était aux yeux de Péret une abomination. Il était resté, avec André Breton, un des rares surréalistes du début pour qui le surréalisme avait intégralement gardé son contenu révolutionnaire, une négation non seulement de telle forme de la littérature, mais de la littérature et du littérateur contemporain comme·tels. La révolution dans la culture était pour lui inséparable de la révolution dans la vie sociale et inconcevable sans elle. Et cette unité de la lutte pour la libération spirituelle et matérielle de l’homme n’est pas restée chez Péret un vœu ou une profession de foi. Elle a pénétré à la fois son œuvre d’écrivain et sa vie. Militant au Parti communiste lorsque celui-ci méritait encore ce nom, il s’est très tôt rallié à l’Opposition de gauche rassemblée autour de Trotski. Combattant pendant la guerre d’Espagne, il a été conduit par l’expérience du stalinisme dans les faits à réviser les idées de Trotski et à comprendre qu’il ne subsistait plus rien, en Russie, du caractère prolétarien de la révolution d’Octobre. Il a été ainsi amené à critiquer violemment les positions du trotskisme officiel, dans Le Manifeste des Exégètes, brochure publiée en 1945 à Mexico. Après sa rupture avec le trotskisme, survenue définitivement en 1948, il a continué, avec des camarades français et espagnols, ses efforts pour la reconstruction d’un mouvement révolutionnaire sur de nouvelles bases.

Il nous a paru que nous ne pouvions pas mieux honorer sa mémoire qu’en reproduisant ici Le Déshonneur des poètes, publié à Mexico en février 1945 et qui est resté à peu près inconnu en France. Car en montrant dans ce texte comment les valeurs les plus élevées de la poésie et de la révolution, loin de s’opposer, convergent, en montrant comment la prostitution au chauvinisme a conduit les Aragon et les Éluard à la fois à trahir le prolétariat et à revenir aux canons bourgeois de la beauté, Péret y exprime à la fois la vérité de sa propre vie et ce qui de cette vie doit rester pour nous un exemple impérissable.