ce texte a été reçu par mail envoyé par des personnes, qui sont à Calais depuis de longs mois,
Ce devait être une opération d’évacuation éclair, humanitaire et de tous ces qualificatifs de la novlangue employée par un pouvoir politique, médiatique toujours prêt à manipuler la réalité pour gagner des élections dont nous en connaissons les résultats.
Mais les faits sont là, parlent d’eux-mêmes à J+5. Près de mille huit cents mineurs sont hébergés au Centre D’Accueil Provisoire (CAP), occupant ces dizaines de conteneurs, protégés vingt quatre heures sur vingt quatre par les CRS en faction. Cette partie de la lande calaisienne est finalement rendue aux adolescents, qui fréquentaient l’endroit des dizaines d’années auparavant en se rendant au centre aéré Jules Ferry, qui lui est toujours utilisé pour héberger les femmes, les douches, cuisiner et servir les repas aussi, un petit déjeuner et un lunch par jour. Les conditions sont loin d’être correctes. A minima, ils sont mieux là que dans les pattes des passeurs et autres abuseurs, à dormir sous des abris de fortune. La mission de l’état semble s’arrêter là car du côté social, un regroupement familial quand il est possible s’organise difficilement tant l’idée même de Royaume Uni enflamme tous les esprits. Pour ceux pour qui ce ne sera pas possible, la protection de l’enfance ne s’exercera que plus tard, une fois arrivé dans un centre dédié aux mineurs isolés.
La destruction est en cours, le gros du travail semble fait à l’aide de pelleteuses à chenilles et de tracteurs à grosse bennes. De partout, il reste les cendres d’incendies volontaires dont l’origine reste inconnue. Des restes de cette vie menée par des milliers d’hommes pendant dix huit mois sont étalés sur le sol sablonneux. Des jeunes se sont installés le temps d’un repas, d’une veillée autour du feu. Ils sont seuls, ont récupéré des vélos et tournent en rond en attendant le résultat d’une interview avec le « home office », institution britannique dédiée à la famille.
A J+5, c’est repos, les bénévoles accourront moins nombreux. Demain, un dernier rassemblement célébrera la fin, en silence, au son des chants érythréens devant cette église sauvée deux jours de la destruction implacable. L’école laïque des dunes n’aura pas survécu vendredi à l’attaque conjointe des mini bulldozers.
Depuis le premier jour de l’expulsion, il règne sur le camp un silence presque pesant. La journée, le bip des engins se fait entendre, associé au bruit des chenilles. Les soirées lacrymogènes sont finies, plus personne à gazer mais en ville, les rafles se sont multipliées. Pour de simples contrôles d’identités, les migrants sont conduits au centre de rétention administrative – la prison des sans – papiers – de Coquelles, voire ailleurs par la suite. Car ils ont le tort d’avoir un faciès d’étranger, ne plus avoir de papiers, ce qui est suffisant pour leur république d’être privé de liberté
L’opération d’expulsion est déclarée terminée par la préfecture depuis mercredi. Sans heurts et en maintenant les opposants à bonne distance grâce à l’arsenal policier et réglementaire, l’état aura réussi sa mission au détriment de la liberté des migrants. Mais rien n’est fini et tout commence. D’une part la manœuvre de dispersion est bien anticipée et chacun installé aux quatre coins de france ne sera pas abandonné mais suivi, accompagné dans ses démarches. Chaque centre ouvert est recensé et suivi pour que les conditions d’accueil soient « dignes ».
Mais c’est à Paris finalement que les conséquences de l’expulsion se sont déplacées, gonflant le nombre de migrants sur le trottoir. D’autres destinations ont certainement reçues ces ex-calaisiens de la jungle, Belgique et ailleurs sans s’étaler plus que çà sur des lieux évidemment devenus secrets pour échapper à l’oppression policière.
« Jungle never finish », c’est la réponse au « jungle finish » tant désiré par l ‘état, les calaisiens, les associations en première ligne pour dénoncer les conditions indignes de vie tout en acceptant des containers comme dortoir, des douches en nombre insuffisant, l’interdiction d’entrer du matériel de construction.
Cette opération de communication visant tout de même à déporter des être humains pour une partie sans leur consentement pourrait se résumer à ces trois faits.
Le premier fut la conférence de presse de certaines des associations présentes sur le camp écourtée par un mouvement intempestif de policiers. Car au même moment, se déroulent des arrestations arbitraires de mineurs à quelques dizaines de mètres. Des militants donnent l’alerte, le cordon policier se déploie, empêche tout mouvement, gaze des journalistes accrédités et profite de la belle occasion pour interpeller trois militants sans autorisation. Car il fallait faire partie des autorisés pour accéder au camp en démolition. L’état si sûr de lui avait bien prévu d’éloigner toute contestation par arrêté préfectoral annulé le jour du référé ! La conférence est interrompue, les militants repoussés, les associatifs en colère et l’état joue une fois de plus sur du velours.
Le deuxième fait est plus mystérieux. Faute de contrôle sur place et en amont, la jungle a pris feu, détruisant par les flammes ces centaines d’abris montés un par un grâce à l’aide massive humaine et financière. Nul ne saura qui a allumé ces feux, est-ce important ? Ce qui l’est plus est le paradoxe sécuritaire entre le contrôle des accréditations tout autour du camp et la facilité avec lesquels ces incendies ont été allumés. Nous pouvons désormais dire que l’état joue avec brio de sa capacité à prendre le peuple pour une bande d’idiots formatés à la communication des merdias, relayée par son représentant la préfète expliquant sourire aux lèvres une tradition afghane de tout détruire en partant. Oui mais pas que !
A travers cette opération, nous obtenons confirmation que l’état n’hésite pas utiliser tous les outils en sa possession pour asseoir sa domination. Il s’agit de républicanisme autoritaire taisant son nom utilisant clairement les méthodes de fascisme rampant. Il aura réussi à annihiler une opposition moribonde en l’occurrence les non moins célèbres « no border » réduit au silence tout comme ce journaliste de Taranis interpellé au nez et à la barbe de tous dans un silence aveugle –
le troisième fait.Il est clair qu’une telle faiblesse conceptuelle, politique, mediatique et d’actions devront servir d’exemple pour muscler toujours plus nos résistances autonomes, nos solidarités collectives pour ne pas se retrouver hors-jeu avant d’avoir tiré le premier coup de canon.