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« Nous ne laisserons pas le silence retomber, nous n’oublierons pas ! »
Pendant la nuit de samedi à dimanche un manifestant, Rémi, a été tué au cours des affrontements qui se sont déroulés lors du rassemblement contre le barrage de sivens au Testet. Environ 7000 personnes ont convergé sur la zad du Testet après des mois d’attaques policières, de destruction de la zone humide et des habitats de ceux qui la défendaient. En fin d’après midi puis plus tard dans la nuit, des dizaines de personnes s’en sont pris aux forces de l’ordre qui protégeaient le chantier. Elles souhaitaient ainsi marquer leur colère et retarder la reprise des travaux, initialement prévue pour lundi. Elles ont été repoussées à coups de flashballs, de grenades assourdissantes, de désencerclement et de gaz lacrymogènes. D’après les témoignages des camarades du Testet, la personne décédée se serait écroulée suite à des tirs de grenade puis aurait été emmenée par les forces de l’ordre. La Préfecture affirme ne rien vouloir déclarer à ce sujet avant le résultat public de l’autopsie lundi. Le gouvernement a déjà commencé à stigmatiser les manifestants, et tente de diviser pour noyer le poisson. Mais ils savent bien que, quoi qu’ils fassent, cette mort aura des conséquences explosives.
Ce décès révoltant n’est malheureusement pas surprenant dans ce contexte. A Notre dame des landes, au Testet et partout où nous nous opposons à leurs desseins, nous avons dûfaire face au déploiement crû de la violence d’Etat. Si nous avons bien compris de notre coté que nous ne pouvions nous contenter de les regarder docilement détruire nos vies, eux ont démontré qu’ils ne nous feraient aucun cadeau. Pendant les mois d’expulsion de la zad de Notre Dame des Landes, de nombreux camarades ont été blessés gravement par des tirs de flasballs et grenades. Sur la seule manifestation du 22 février 2014 à Nantes, 3 personnes, visées à la tête par des flashballs ont perdu un œil. Depuis des semaines au Testet plusieurs personnes ont été blessées elles aussi et d’autres accidents tragiques ont été évités de justesse lorsque des opposants se sont faits délogés, notamment des cabanes qu’ils avaient construites dans les arbres. Pourtant c’est bien, entre autre, parce que des milliers de personnes se sont opposées physiquement aux travaux, aux expulsions, à l’occupation policière de leurs lieux de vie que le projet d’aéroport de Notre dame des landes est aujourd’hui moribond, et que le barrage du Testet et ceux qui devaient lui succéder sont largement remis en question. C’est cet engagement en acte qui a donné une puissance contagieuse à ces luttes et qui menace partout aujourd’hui l’aménagement marchand du territoire.
Plus quotidiennement la répression s’exerce face à ceux qui luttent dans les prisons, dans les quartiers et dans les centres de rétention et entraîne là aussi son lot de morts trop souvent oubliées, plusieurs dizaines chaque année. Face aux soulèvements et insoumissions, la démocratie libérale montre qu’elle ne tient pas seulement par la domestication minutieuse des individus et des espaces de vie, ou par les dominations économiques et sociales, mais aussi par un usage déterminé de la terreur.
Nous appelons à occuper les rues et lieux de pouvoir partout dès demain, pour marquer notre tristesse, saluer la mémoire du camarade tué ce samedi et pour exprimer notre colère face à la violence d’Etat. Nous ne les laisserons pas nous tuer avec leurs armes dites « non létales ». Réagissons avec force pour qu’il y ait un avant et un après cette mort. Affirmons plus fort que jamais notre solidarité avec tous ceux qui luttent au Testet et ailleurs contre leurs projets guidés par les logiques de contrôle et de profit,barrage de sivens mais aussi avec tous ceux qui tombent plus silencieusement sous les coups de la répression partout ailleurs. Nous ne nous laisserons ni diviser ni paralyser par la peur. Nous continuerons à vivre et lutter sur les espaces qu’ils rêvent d’anéantir, et à leur faire obstacle.
Nous ne laisserons pas le silence retomber, nous n’oublierons pas !
Des occupant-e-s de la zad de Notre dame des Landes
Barrage de Sivens : les circonstances de la mort du manifestant restent floues
Le Monde.fr | 27.10.2014 à 11h40
Prévue lundi à 14 heures, l’autopsie de Rémi Fraisse, 21 ans, retrouvé mort dans la nuit de samedi à dimanche sur le chantier du barrage de Sivens (Tarn), devait permettre d’éclairer les circonstances du décès de ce jeune homme, originaire de Plaisance-du-Touch dans l’agglomération toulousaine. Au même moment, un rassemblement devait avoir lieu devant la préfecture à Albi.
Dimanche en fin d’après-midi, environ 450 opposants au barrage ont convergé Place de la Libération à Gaillac (Tarn) en mémoire de leur camarade. Des échauffourées ont ensuite opposé « une soixantaine de cagoulés » aux gendarmes qui ont riposté aux jets de pierres avec des gaz lacrymogènes. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a dénoncé ces violences, énumérant « des dégradations dans la ville », des drapeaux tricolores brûlés et un tag inscrit sur le Monument aux Morts. Plusieurs magasins, principalement des banques, ont été également pris pour cible par les émeutiers.
« Ils ont envoyé des grenades »
La tension est à son comble. Lundi matin, le site militant reporterre. net a publié le témoignage laissant entendre que Rémi Fraisse avait été touché par une grenade lancée par les forces de l’ordre.
« Il était à trente mètres de moi sur ma gauche, raconte au site le témoin qui déclare se prénommer Camille. Je l’ai vu se faire toucher alors qu’il y avait des explosions à côté. Ils ont envoyé des grenades explosives, des tirs de flashballs. Après, cette personne s’est retrouvée à terre. » Les jeunes occupants de la « zone à défendre » (ZAD), qui tentent depuis des mois de s’opposer aux travaux en grimpant dans les arbres, dénoncent régulièrement « les violences policières » dont ils sont l’objet.
Rémi est « une victime du fascisme d’Etat » estime tout de go Eric Pététin, ancien leader de la lutte contre le tunnel du Somport, venu rejoindre les rangs des « zadistes » du Tarn.
Des éléments matériels pourraient contredire la version des manifestants. À l’heure du décès de Rémi Fraisse, une seule grenade offensive aurait été lancée par les militaires et les types de lésions que ces grenades occasionnent ne seraient pas compatibles avec les blessures de la victime. Enfin, les gendarmes s’interrogent sur le contenu du sac-à-dos du défunt. Les restes carbonisés du bagage seraient en cours d’analyse.
« L’extrême droite sous les cagoules »
Officiellement, les autorités insistent sur les conditions dans lesquelles les gendarmes ont découvert son corps vers 2 heures du matin à proximité de l’aire aménagée pour servir de parking aux engins de chantier.
« Les gendarmes présents sur site étaient retranchés dans l’aire de stockage des engins de chantier et ont été attaqués en règle par le groupe de manifestants violents, approximativement une centaine qui jetaient des cocktails Molotov, des engins pyrotechniques et des pierres sur le grillage et à l’intérieur depuis l’extérieur », a rapporté le procureur de la République, Claude Dérens, lors d’une conférence de presse dimanche soir à Albi. Selon le procureur, les gendarmes auraient récupéré le jeune homme, blessé, et lui auraient porté les premiers secours avant l’arrivée des pompiers, qui ont constaté le décès.
Sur place, des traces de sang ont été découvertes sur le sol. « Les opposants au barrage ont été obligés de sécuriser le lieu présumé où a été découvert le corps de Rémi », s’indigne Guillaume Cros, conseiller régional (EELV) tarnais. Le procureur de la République indique que les enquêteurs n’avaient pas pu se rendre sur place dimanche en raison de « l’hostilité » des manifestants.
M. Dérens attend les résultats de l’autopsie, qui doivent être connus dans la journée de lundi, pour se prononcer sur les causes du décès. Pour lever toute ambiguïté, il devrait dans les heures qui viennent saisir les « boeufs-carottes » de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale et les militaires de la Section de recherches de Toulouse. Ils seront chargés notamment de l’audition de tous les gendarmes présents sur le site lors de la mort de Rémi Fraisse.
À propos des incidents de samedi, Jean-Luc Mélenchon estime de son coté que « l’extrême droite se trouvait sous les cagoules ». Le leader du Parti de Gauche a été pris a parti par quelques manifestants qui l’ont bombardé avec du yaourt lors de son arrivée sur le site de la manifestation, samedi après-midi. José Bové, député européen (EELV), a également essuyé des quolibets de manifestants hostiles à la présence d’élus sur le site. Des voitures de journalistes ont aussi été prises pour cible, taguées par certains, rapidement nettoyées par d’autres.
Gaillac : un millier de personnes pour l’hommage à Rémy, le jeune opposant au barrage décédé à Sivens ; des échauffourées en début de soirée.
Le tarn Libre, 26/10/2014 à 23h03
Près d’un millier de personnes se sont rassemblées dans le centre de Gaillac ce dimanche 26 octobre à partir de 18 h pour rendre hommage à Rémy, 21 ans, le jeune opposant mort dans la nuit de samedi à dimanche aux abords du chantier du barrage de Sivens alors que se déroulaient des affrontements entre gendarmes mobiles et opposants les plus radicaux. Le collectif des opposants présents à Sivens pour la 2e journée de la manifestation nationale d’opposition au projet de barrage avait appelé en milieu d’après midi à participer à une marche blanche au départ de la place de Libération. Le rassemblement s’est tenu aux abords du monument aux morts sur lequel une main anonyme avait inscrit les mots « Ni oubli, ni pardon ». Après une minute de silence que beaucoup ont observée poing levé, c’est dans une ambiance électrique et alors qu’un hélicoptère de la gendarmerie survolait la ville, que s’est amorcée une forme de forum à propos de la tonalité à donner à l’hommage, entre proposition de « die in » dans les rues ou sur la place et appels à aller s’en prendre aux bâtiments de la gendarmerie ou à la police. Pendant presque trois quarts d’heure l’assemblée a ainsi écouté les argumentaires se succéder au micro. Cependant entre 60 et 70 personnes cagoulées, ou le visage dissimulé par un foulard se positionnaient en bordure de place, au rond point de la Caisse d’Epargne, signifiant bruyamment ou en allumant des fumigène leur volonté d’en découdre. Des militants soucieux de garder à la protestation son caractère pacifique, s’interposaient à plusieurs reprises pour éviter des dégradations de vitrines, avec succès.
Peu avant 19 h, des gendarmes mobiles en nombre se sont positionnés à l’entrée du Boulevard Gambetta. Le temps du « forum » était fini. Le petit groupe de militants au visage dissimulé déversait des pierres sur la chaussée, lançait des fumigènes en direction des forces de l’ordre, allumait des feux. Des tirs de grenades assourdissantes et des jets de lacrymogènes suivaient de la part des gendarmes mobiles enfumant toute la place de la Libération, un grand nombre de personnes refluant dans les voies adjacentes coté rue de la Madeleine et des frères Delga notamment. Opposants au barrage et Gaillacois qui passaient à ce moment là ou « voulaient voir » cherchent à fuir, s’arrêtent pour tenter de se dégager les bronches en crachant, ont les yeux rougis, tentent de se protéger avec mouchoir ou revers de la veste, ne parvenant plus à respirer.
A 19 h 15, les forces de l’ordre ont pratiquement repris la place de la Libération. Des détonations sporadiques résonnent encore. L’hélicoptère braque son projecteur sur le petit groupe d’opposants radicaux encagoulés qui tente encore de tenir la confrontation. Vers 19 h 25, cinq véhicules supplémentaires de gendarmerie gagnent le centre par l’avenue Jean Calvet pour renforcer avec une cinquantaine d’hommes supplémentaire le dispositif des forces de l’ordre. Eclairé par leurs phares, un panneau d’affichages apparaît, saturé d’affiches appelant au rassemblement national de samedi contre le barrage de Sivens.
Peu après 20 h, le calme était totalement revenu dans le centre ville. Au bilan, on décomptait 3 vitrines brisées et du mobilier urbain taggé, ainsi que le monument au mort.