Mettons les nucléocrates hors d’état de nuire

le 24 mai 20013 le décret d’utilisation du triflorure de chlore a été signé par le premier ministre et sa ministre de l’écologie
L’installation Eurodif (pour European Gaseous Diffusion Uranium Enrichissement Consortium) rebaptisée après l’assassinat d’un gestionnaire d’Etat « usine Georges Besse », est la propriété du groupe Eurodif Production (filialed’Areva). Elle est située sur le site nucléaire du Tricastin, où elle a été construiteà la fin des années 70 pour produire l’uranium enrichi consommé par les centrales nucléaires françaises ainsi que par une partie des centrales d’Europe occidentale et du monde (Japon, Afrique du sud, Chine, …). Eurodif fournit une centaine de réacteurs, soit à peu près le quart de la production nucléaire mondiale.
Son principe de fonctionnement, que nous allons décrire, est simple mais très
consommateur d’énergie : en moyenne 3 des 4 réacteurs nucléaires de la centrale du
Tricastin servaient à sa consommation électrique, c’est à dire que cette usine était la plus
grosse consommatrice d’électricité de France. Le principe mis en oeuvre à Georges Besse
est basé sur la mise en place d’un grand nombre de barrières poreuses, au travers
desquelles passe du fluorure d’uranium gazeux, de façon à l’enrichir au fur et à mesure. A
l’époque, cependant, une autre technique d’enrichissement de l’uranium avait été
développée, utilisée notamment en Russie, au Pakistan et aux Pays-Bas : la méthode par
centrifugation. Cette technologie, si elle n’avait pas un brevet français, avait néanmoins cet
avantage de consommer 50 fois moins d’électricité. Eurodif Production a fini par racheter ce
brevet il y a quelques années et a construit Georges Besse 2, nouvelle usine à
centrifugeuses sur le site du Tricastin. . Georges Besse a été arrêtée et le démantèlement
de ses structures gigantesques est en préparation. L’usine va être déconstruite, de façon
notamment à récupérer ou recycler ce qui peut l’être : par exemple l’acier utilisé dans les
colonnes de diffusion (soit environ 130 000 tonnes).
Mais voilà le hic : l’uranium étant radioactif les parties de l’usine contaminées par celui-ci sont des déchets radioactifs, et ne peuvent donc pas être recyclées ou mises dans des décharges « normales ». Notamment ces 130 000 tonnes d’acier, ainsi que les barrières poreuses métalliques (pas loin de 30 000 tonnes de métal), sont « imprégnées » par quelques centaines de tonnes d’uranium. Areva cherche donc à récupérer à tout prix cet uranium, pour plusieurs raisons :
– Limiter le volume des déchets
– Récupérer les 300 tonnes d’uranium « coincées » et « partiellement enrichi[es] » dans les cascades et tuyaux des installations.
Le Directeur d’Areva Tricastin souhaiterait même que l’acier, une fois traité, soit recyclé sous forme de clous, de châssis de tracteur ou de poutrelles(construction métallique), par exemple ce qui permettrait de le revendre au lieu de payer pour s’en débarrasser. (Une augmentation déguisée de plus du bruit de fond de la radioactivité naturelle.)
– Enfin il y a un enjeu économique à moyen terme : l’entreprise Areva veut montrer sa soi-disant « expertise » en termes de démantèlement d’installations nucléaires, afin de se placer sur le terrain du démantèlement et des futurs marchés qui se profilent dans le monde entier,compte tenu l’âge de la première génération de centrales.
Pour récupérer cet uranium, Areva va utiliser un produit d’une dangerosité et d’une toxicité peu commune : du trifluorure de Chlore (CIF3). Là dessus les responsables du Tricastin sont très discrets, et pour cause ! Ce produit est très fortement corrosif pour les tissus humains et pénètre par la peau dans l’organisme, où il est extrêmement toxique pour le système nerveux. Il peut aussi produire facilement des acides chlorhydriques et fluorhydriques, qui sont des poisons très agressifs particulièrement pour les poumons. Par ailleurs, le CIF3 explose avec l’eau, et brûle à peu près tout, souvent sans avoir besoin d’ignition. Sa combustion dégage des produits fluorés très toxiques. Comment peut-on faire pour l’éteindre alors ? L’amiante et les produits « étouffants » n’ont pas d’effet. Pire encore, un feu de ClF3 ne peut pas être éteint par du sable car celui-ci brûle aussi ! Il semblerait qu’il n’existe pas de solution à ce problème. Pour citer un chercheur américain qui avait travaillée sur les carburants pour fusée, et notamment sur ce produit : « je ne connais
qu’une solution : prévoir de bonnes chaussures de sport, et courir vite ! ». Enfin le trifluorure de Chlore attaque aussi le béton : lors d’un accident industriel où un fut de ClF3 s’est renversé, le produit a traversé environ 30 cm de béton.
Bien sûr le CIF3 est déjà utilisé dans l’industrie, notamment sur la plate forme comurhex du Tricastin, mais en faible quantité, de l’ordre du kilogramme [1]. Mais là, ce seront environ 50 tonnes par an qui seront produites, pour récupérer l’uranium
Évidemment, on nous promet que tout se passera bien, et les institutions préparent des plans en cas d’accident, qui servent essentiellement à rassurer tout le monde, à commencer par les décideurs et les technocrates eux-mêmes. Mais comment peut-on être sûr d’avoir tout pris en compte ? Que feront les pompiers face à un incendie que rien ne peut éteindre, et qui peut leur brûler les poumons ? C’est la même chose que le sodium utilisé dans les surgénérateurs, qui s’enflamme spontanément à l’air et dont on ne sait pas éteindre le feu. Sa récupération est
extrêmement compliquée, et une explosion de sodium a fait un mort en 1994 lors du démantèlement du premier surgénérateur français.
La seule bonne solution consiste, à notre avis, à se poser la question de l’utilité de toutes ces usines nucléaires afin de stopper leur fuite en avant destructrice. Les usines du Tricastin (comurhex II) manipulent quotidiennement des produits radioactifs, très toxiques (les 50 tonnes annuelles de ClF3n’en sont finalement qu’un exemple extrême), et tout ça pour quoi ? Produire toujours plus d’électricité, pour produire un monde nocif pour ses habitants et la planète entière.
Toute cette énergie vise avant tout à nous soumettre à un mode de vie et à un monde que nous n’avons pas choisis, à nous faire accepter des décisions qui nous ont été imposées, et dont le nucléaire est l’illustration parfaite.
L’énergie atomique sert les intérêts de l’État et des capitalistes, peu importent pour eux les dangers qu’elle fait peser sur nos têtes. Ainsi l’industrie nucléaire s’est toujours illustrée en produisant et utilisant les poisons les plus toxiques jamais inventés par l’humanité, dont le CIF3 fait partie.
Il fallait bien faire à Eurodif un peu de publicité citoyenniste, c’est ainsi que nous avons vus une petite protestation des élus d’EELV dans le quotidien local contre l’utilisation ( dauphiné libéré du 13 mars 2012 ) du CIF3.
Personne ne doit oublier que l’expérience de Fukushima nous montre sans risque d’erreur qu’en cas de catastrophe les autorités ne pourront rien faire d’autre que de nous « aider » à vivre en zone contaminée, c’est-à-dire, de nous empêcher d’en partir [2].
Nous, nous ne sommes pas des lanceurs d’alerte. Nous ne participons pas à l’acceptation d’une décision ni à une quelconque manipulation de l’État pour faire accepter des choix politiques qu’il a déjà faits. On se déferra du nucléaire qu’en s’en prenant aux fondements du monde qui l’a produit.Nous ne serons plus jamais des cobayes . Après les désastres encore en cours de tchernobyl et fukushima une immense colère parcours le monde Bien que nous ne soyons que des fourmis face à leur grandiloquence et leur mégalomanie, nous n’avons pas envie de baisser les bras et tenons, coûte que coûte, à faire savoir que nous ne nous condamnons pas à la soumission et tiendrons, malgré eux, notre liberté et nos rêves.
Nucléocrate sers-toi de ta cravate
Août 2013.

des anarchistes C/O lelabo@riseup.net

[1]. Bien sûr nous sommes opposés à toute utilisation de produits aussi toxiques que le ClF3. Cependant, les
consommations sont en général de l’ordre de quelques kilos, ce qui est très loin des quantités astronomiques prévues au
Tricastin
[2] Voir le documentaire Fukushima une population sacrifiée documentaire de D. Zavaglia visible sur dailymotion