source courrier international le 2//02/2016
Face aux difficultés de renvoyer les migrants de certains pays, les autorités allemandes n’hésitent pas à solliciter l’aide des ambassades africaines. Moyennant finances, ces dernières attribuent aux migrants des origines, la plupart du temps fictives, révèle l’hebdomadaire allemand Der Freitag.
Joseph Koroma est Sierra-Léonais. Il a fui son pays en 2006 pour l’Allemagne. Là, après que sa demande d’asile a été rejetée, il a été renvoyé en 2013 vers… le Nigeria. Joseph Koroma est l’un de ces Africains qui a fait les frais d’une politique de coopération entre les autorités allemandes et le personnel de certaines ambassades, qui consiste à attribuer à des individus passibles d’expulsion une nationalité qui facilite cette démarche, révèle Der Freitag.
Beaucoup de migrants n’ont pas de papiers quand ils arrivent en Allemagne, rappelle l’hebdomadaire berlinois, soit parce qu’ils n’en possèdent pas, soit parce qu’ils s’en débarrassent afin de ne pas être renvoyés dans leur pays. “Une nationalité non établie est l’obstacle le plus fréquent à une expulsion”, souligne Der Freitag, qui explique dans son enquête comment s’est mis en place, il y a quelques années, un système d’auditions en masse de migrants par le personnel d’ambassades des pays dont ils pourraient être originaires.
Les auditions ne durent que quelques minutes. A l’issue de l’entretien, le personnel étranger décide si la personne est un ressortissant de son pays ou non. “Quand ils le pensent, ils émettent un passeport de substitution, un ‘certificat de voyage d’urgence’” – ouvrant ainsi la voie à l’expulsion.
Les personnes concernées n’ont le droit d’être accompagnées ni d’un avocat ni d’un interprète. Avant de rencontrer la délégation, elles sont fouillées et leurs affaires saisies. L’audition dure entre trois et cinq minutes en moyenne, et il n’existe pas de compte rendu de l’entretien. (…) Beaucoup de migrants quittent la salle sans même comprendre ce qui vient de se passer.”
“La procédure est tout sauf sérieuse”, dénonce Der Freitag, et pourtant elle est défendue par la police fédérale et même par le gouvernement.
L’hebdomadaire pointe également les conflits d’intérêt – car le personnel des ambassades est payé. Dans le cas du Nigeria, ils touchent 250 euros par entretien et 250 euros supplémentaires en cas d’identification. Pour le Bénin, le tarif est de 300 euros. “Pour l’Allemagne, cela revient moins cher qu’une autorisation provisoire de séjour de plusieurs mois pour ces migrants.”