voici un extrait d’un livre « Du Progrès Dans La Domestication » écrit par René Riesel paru en 2003 chez l’encyclopédie des nuisances ce livre suit 2 autres livres : »Aveux complets des véritables mobiles du crime commis au CIRAD le 5 juin 1999″- « Déclarations sur l’agriculture transgénique et ceux qui prétendent s’y opposer » en (2000)
« L’histoire des hommes, cette marche erratique qui a déjà si souvent perdu le fil de l’humanisation , a vu naître et s’effondrer de multiples manières des formes d’organisation sociale diverses . La société industrielle, au stade où elle est parvenue, n’est sûrement pas la première à se donner pour achevée, à se montrer obsédée d’elle même , inapte à se représenter ou se concevoir différemment.. Finalement, on ne la dit moderne ( certains prétendent étrangement que cela aussi est achevé) que parce qu’elle présente sur les sociétés traditionnelles et les civilisations « immobiles » la supériorité de prétendre les connaître et cette autre de les dissoudre toutes à son contact. Elle est la première à fonder sa remuante immuabilité non sur l’oubli final ou la mystification du passé, mais sur son dédain , persuadée qu’elle est d’avoir recueilli et réalisé tout ce qui valait dans le legs, unique, indépassable et perpétuel aboutissement ..La société totale ne sait rien voir d’autre que sa préhistoire dans les sociétés qui l’ont précédée
Quant à sa propre histoire , elle préfère l’ignorer , ne sachant au mieux la saisir que comme histoire immédiate, histoire morte précipitamment embaumée. Elle sait que ce travail bâclé1 devra être fréquemment restauré ( remastérisé se comprend peut -être mieux aujourd’hui) et qu’il est par nature promis à la relecture au reconditionnement, à la révision
Ces considérations seront jugées bien emphatiques, mesurées à la réalité somme toute triviale qu’elles embrassent , ou inaptes à éclairer l’étonnante indifférence dont font montre les contemporains envers ce qu’ils vivent au présent.. C’est pourtant la même chose . La société du mouvement , que subjugue l’innovation, qui rêve de jeunesse éternisée, est plus statique qu’aucun autre avant elle ; elle a foncièrement besoin d’écraser le temps .Elle ne sait en faire qu’un espace parallèle à celui de de son présent permanent.Il devient un temps magmatique comme dans l’heroic fantasy, un non lieu halluciné où tout se vaut , le fameux «temps réel »auquel seule l’électronique donne enfin accès.D’autres l’ont déjà montré mieux que je ne le ferais.. Mais c’est de là que provient la pénible impression de ne croiser partout que le plus terrifiant chaos mental.
Dans je ne sais quelle ville chinoise, abritée des vents dominants par une haute colline et asphyxiée par sa pollution industrielle, les experts locaux ont conçu l’an dernier le projet, logique, de raboter de quelque centaines de mètres la colline gênante..Cette démence prête à rire . Soit. Mais qu’on imagine de répandre de la limaille de fer à la surface des océans pour inciter le plancton à collaborer plus activement à la réduction de l’effet de serre, de remorquer l’eau douce des icebergs jusqu’au golfe Persique, de dresser des montagnes de polystyrène expansé pour accrocher les nuages sur le Rub al- Kali, ou bien qu’on projette effectivement l’érection d’un gratte-ciel d’un kilomètre de hauteur, flanqué d’un champ de capteurs de cinq cents hectares , au sud ouest de Sidney, cette babélienne centrale solaire étant destinée à fournir aux citadins d’Australie deux cents mégawatts de confort domestique , on n’a manifestement pas fini de vouloir creuser le Bielmorkanal dont rêvait la bureaucratie stalinienne.
C’est bien la même démesure, reposant sur d’identiques certitudes techniciennes détraquées, fondées ou pas sur des postulats scientistes plus ou moins vérifiables qui donne leur air de parenté à ces délires enroue libre2La démesure demeure donc- lors même qu’elle nourrit des ambitions plus microscopiquement exorbitantes , bio et nanotechnologiques par exemple, pour ne pas citer que les plus voyantes-, et il semble à première vue n’être question que de reconduire le projet moderne de maîtriser , égaler ou asservir les forces ou les ressources naturelles .
Mais la stratégie spontanée de la guerre-éclair a déjà rencontré ses limites.. Deux siècles de terre brûlée et de dégâts collatéraux, humains en particulier ont rendu toute retraite matériellement inconcevable et ne laissent d’autre issue à la coalition industrielle de l’économie et de la technologie que de poursuivre l’offensive . Cette poursuite lui commande de produire dorénavant par elle- même l’intégralité des conditions qui y paraissent indispensable s, quitte à bricoler autant de dispositifs qu’il faudra pour se convaincre qu’en posant une prothèse devant l’autre on pourrait encore clopiner vers un avenir possible. Sans jamais cesser de guetter les chocs en retour du moindre battement d’aile du papillon industriel.
On admet fréquemment que , directes ou indirectes méthodiquement négligées ou seulement imprévues, les conséquences de l’industrialisation ont commencé à dresser un obstacle devant certain excès de l’impavidité techno scientifique et la trop grande idolâtrie du progrès qui rabote les montagnes .. Il demeure en me temps parfaitement hérétique d’avancer que les connaissances ou les réalisations technologiques pourraient rencontrer des limites autres que provisoires, ou que ces limites renseigneraient sur un obstacle qui le contient déjà. C’est ce que manifestent lourdement , chacun à sa manière, ce projet de tour solaire australienne ou la relance du programme international ITER de fusion thermonucléaire: l’optimisme scientiste reste bien vivace , et pas eulement dans des discours de propagande. Pour l’heure l’obstacle qu’on va tenter de contourner , c’est la rébellion déconcertante, le profond dérèglement du soubassement fonctionnel à quoi la société industrielle a réduit la nature en n’y voyant qu’un stock de ressources et un collecteur pour ses effluents et déchets .. Le stock menace épuisement , l’égout déborde..
Ce qu’on a appelé la « prise de conscience écologique » naît bien de la nausée provoquée par ce débordement ,tôt pressenti par Élisée Reclus : « Là où le sol s’est enlaidi , là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s’éteignent, les esprits s’appauvrissent, la routine et la servilité s’emparent des âmes et les disposent à la torpeur et à la mort3 »Elle se fait jour il y a une quarantaine d’années, dans les pays industriels, quand on découvre la menace du printemps silencieux4 sur la planète malade.. Elle est d’abord une sensibilité mais qui sait percevoir la montée, poussée par ces eaux puantes, de obscénités des nouveaux conformismes, de l’isolement stérile, de la solitude hygiénique des multitudes désodorisées et gavées .On n’a pas encore appris à distinguer l’épuisement des ressources de l’épuisement de l’humanité, éreinté par les injonctions de la société de masse, spirituellement bridée par la rationalité instrumentale, physiquement séparé du monde naturel tenue en laisse par les commodités de la pauvreté marchande , internée dans le système spectaculaire des apparences.C’est aussi contre tout cela que se dressera la dernière insurrection de la perception sensible , le dernier grand assaut frontal lancé contre les capitalismes réels, le « Mai français » en étant l’expression la plus aboutie, à travers le rejet simultané du socialisme de caserne et du Welfare State auquel parviennent alors les pays occidentaux.
L’écologisme proprement dit n’est qu’un produit de la débandade qui suivra la défaite, un des nombreux « terrains de luttes » parcellaires et succédanés de rébellion ( féminisme , homophilisme, droguisme, terrorisme, consumérisme, etc) à longue demi vie qui vont contribuer à moderniser l’ordre restauré ; un pacifisme intégral du sauve- qui -peut collectif revendiquant pour tous , comme un droit , l’accès gratuit à la capot, au masque à gaz et à la pastille d’iode. L’écologisme s’illustrera tout particulièrement par ses nuisibles contributions aux oppositions au « nucléaire civil », comptabilisant les Becquerels lançant ses contre-experts dans d’ineptes évaluations du coup des KW/h, responsable, déjà, au point de préférer à la« psychose »l’hébétude craintive des populations, mendiant la sécurité des mesures fiables, s’indignant bien haut du supposé secret en vérité insolemment public5, entretenu sur leurs activités par les nucléaristes ; et s’interdisant toujours d’articuler la seule question directement pratique : quels étranges besoins avaient conduit les hommes à l’état dans lequel ils se trouvaient, à subir la nucléarisation du monde ? Sur ce seul terrain , d’élection, l’écologisme résumait déjà à lui seul toute la dérobade machinale de l’homme contemporain qui « dans son angoisse face à l’angoisse 6 », persiste à se persuader ,après la bombe, et Tchernobyl, Seveso, Bhopal, vingt marées noires, un trou dans l’ozone, des milliers de kilomètres carrés de flocages amiantés, des millions d’hectares de forêt primaire nettoyés, et toute la litanie morbide des lamentations écologistes, qu’il pourrait être humainement possible de continuer à ne faire que se demander comment sortir de l’enfer en y restant.
L’écologisme n’a d’ailleurs pas tardé à se faire politique : de si bonnes dispositions ne pouvaient demeurer sans emploi.. Elles furent relayées , dés 1972, par quantité de « sommets » et de rapports, raisonnablement spécialisés et alarmistes7 , à la coproduction desquels n’ont cessé de rivaliser , depuis, les bureaucraties internationales de développement et leurs interlocuteurs , organisations néo- gouvernementales et lobbies de la « société civile ».. On y constate invariablement que le progrès a déraillé, que la plupart des objectifs inscrits au programme des grandes organisations internationales après la seconde guerre mondiale demeurent hors de portée, que les conflits armés se succèdent , que la pénurie alimentaire et la malnutrition sont endémiques, que le développement demeure inégal , que les pays riche s l’ont certainement trop subordonné à la croissance économique , à l’accroissement illimité des forces productives, sans en mesurer les « externalités négatives ».. On y détaille les nouvelles menaces , pollution , réchauffement climatique , tarissement des ressources en eau dont la caractéristique est qu’elles ne sont pas circonstrites aux régions du globe où elles sont provoquées. A quoi s’ajoutent, comme l’illetrisme s’ajoute à l’analphabétisme, divers pandémies, le retour (favorisé parla pauvreté , la guerre et la surpopulation) de fléaux qu’on avait cru jugulés, la multiplication des « maladies de civilisation » et de nouvelles pathologies sociales, le développement du crime organisé , le chaos géopolitique , l’insécurité et l’insalubrité des mégapoles et, pour tout dire , une baisse préoccupante de nombreux paramètres de l’index de développement humain.. On tient néanmoins à nuancer cet état des lieux démoralisant en relevant que les indicateurs économiques confirment , ce dont on se serait douté, que la quantité globale de « richesse » n’a cessé de s’accroître dans l’intervalle.. C’est ainsi que dés 1987, la communauté internationale commence à parler de s’engager sur la voie d’un développement durable 8 , inepte chimère dont le succès universel résume à lui seul les progrès de l’enfermement dans la mentalité industrielle.
Rien ne l’illustre lus clairement que les bienfaits attendus de certains travaux de biologie moléculaire.. Ils offriraient une solution élégante, écologique pour tout dire, au problème malaisément gérable de la contamination des sols par certains résidus , les métaux lourds en particulier, permettant ainsi de rendre « soutenable » l’activité de nombreux secteurs industriels. Cette jeune spécialité se nomme la phytoremédiation. Partant du constat que quelques plantes sauvages toxiques composés organiques, métalloïdes et métaux lourds, elle se propose d’en dresser l’inventaire , d’isoler leur gêne d’intérêt , de les doper par manipulation ou de transférer directement certains gènes « hyper accumulateurs »à es végétaux mieux acclimatés et en produisant davantage de biomasse. On disposerait ainsi d’un moyen naturel et d’autant moins onéreux que , les pantes étaient incinérées après récolte , on extrairait de leurs cendres une matière première recyclable9
Bien mieux, rapporte encore le journal le Monde : « Dans la fourmillante famille des extrêmophiles, ces bactéries capables de résister aux conditions de température , de pression , d’acidité ou de toxicité les plus épouvantables, Deinococcus radiodurans est un être à part : cette étrange bactérie capable de résister aux radiations selon sa dénomination savante, peut survivre à des niveaux de irradiation 1500 fois plus élevés que la dose mortelle pour tous les autres organismes[…] Certain s espèrent faire de radiodurans , ou d’autres bactéries transgéniques ayant hérité de ses facultés , d’habiles fossoyeurs des décharges nucléaires »10
Des travaux si utiles paraissent en mesure de donner satisfaction à tous les partisans du développement durable . L’économie soutenable y trouverait évidemment son compte. Les amis de l’environnement auraient lieu d’être satisfait s pour peu qu’on adjoigne à ses chimères, lorsqu’elles seront disponibles, les fonctionnalités nécessaires à interdire la dissémination.. Les amis de l’égalité n’auraient plus qu’à veiller à ce que non brevetabilité du vivant en autorise l’accès aux plus démunis..
Les incivilités que déploie la nature pour se rappeler au souvenir de la première société qui ait jamais songé à la traiter en barbare, à la reléguer dans un lointain arrière- plan de la civilisation, ne font que s’accroître. A juste titre , on ne l’en tient que davantage pour une menace omniprésente, aux portes , planant au -dessus des têtes, menaçant , à la façon du « nuage brun » du sud est asiatique, d’obscurcir le ciel de la techno sphère sociale.celle-ci découvre qu’elle n’a pas les moyens de son indépendance , que sa survie dépend toujours de cet en-dehors hostile.. lle craint de ne pouvoir y substituer assez vite le monde totalement artificialisé qui lui permettrait de s’en émanciper définitivement. Mais elle s’y emploie. Un nommé Philippe Malière , fondateur et directeur scientifique d’Evologie, société où travaillent une vingtaine de chercheurs « en collaboration avec le Génoscope à Evry et le Scripps Research Institute à la jolla ( Californie) », présente ainsi fièrement ses projets : « l’objectif est de reprogrammer les organismes vivants pour les doter d’un alphabet génétique , soit élargi, soit rétréci.. Nous comptons relancer les processus de l’évolution dans des directions qui n’ont pas été spontanément explorées par la nature. Il s’agit d’engendrer des descendant s de bactéries adaptés aux besoins de l’industrie et de environnement .[…] Les risques liés au développement technologique ne doivent jamais être écartés à priori. Nous nous employons activement à les contenir . […] Le naturalisme est le carcan de la science biologique.Ce n’est pas en scrutant , angström après angström, l’existant que nous progresseront mais en fabriquant des bio diversités artificielles et alternatives11 »
On guetterait en vain la moindre objection à l’expérimentation pathologique de ces fantasmes totalitaires. Silence das les rangs .. a moins de prendre au sérieux les bouffées de fièvre symptomatique qui affectent quelque tenants d’un naturisme ultra- on pense à la deep ecology, à l’hypothèse Gaïa de James Lovelock, ou au « primitivisme » d’un John Zerzan – dont on voit vite , au de-là des différences superficielles de ce qui leur tient de pensée, comment ils vont au bout d’une très moderne haine de l’histoire humaine finalement peu éloignée des élucubration d’un Fukuyama.. Mais pas un média-philosophe des sciences, pas un techno-perplexe, pas un sociologue de l’intervention, pas un échangiste des savoirs , pas gâte-sauce éthique , pas le moindre pense-petit universitaire , tous évidemment accaparés par de plus brûlants sujets , pour sonner le tocsin .. Chacun joue des coudes pour se tailler un domaine de compétence, vaque à sa quête généalogique des sources de la modernité ( la faute à Moïse, à Platon, à Descartes , aux lumières??), piste les métamorphoses du sentiment de la nature , cherchent l’outil épistémologique qui les hissera au moins jusqu’aux guêtres de Heidegger. Et, parce qu’il faut bien sortir pour montre le masque à gaz ne dépare pas leur livrée, ces humanistes munichois plaident pour le moindre mal, suggèrent dans leur pathos spécial qu’il est urgent de réfléchir aux conditions dans lesquelles on pourrait tenter de reconsidérer, non la guerre mais les modalités de la guerre que mène la société industrielle contre la nature et la nature humaine , et ne proposent rien de moins que « d’aller chercher la société dans ses fondements juridiques, de faire bouger le droit 12» »