Quand la science justifie la domination sociale.

Face à la propension de certaines et certains de psychologiser notre vie quotidienne. Par exemple un débat qui a lieu au café assiociatif de valence: »le cause toujours »( atelier découverte psychogénéalogie)on confond pas la sociobiologie à la psychogénéalogie mais pour nous cette pratique porté par une psychologue, qui justifie la pratique du nouveau Centre éducatif Fermé de valence( dont le programme éducatif intense lié à une approche “santé mentale”) et aussi celle du nouveau centre pénitentiaire (Ce centre pénitentiaire de valence se veutà »réinsertion active »). Les deux lieux d’enfermement cités(on a repris des publicités parues dans le journal local .Face à ce débat du 15/12/2015, que nous avons volontairement ignoré car ce n’est pas dans un café associatif café associatif là qu’on a choisi de batailler contre ces structures d’enfermement et domination dont le système a besoin. Voici une réponse.Nous on publie ce texte.
trouvé dans non fides:

[Voici quelques notes à l’occasion de la discussion « Sociobiologie : quand la science justifie la domination sociale », qui a eu lieu à la bibliothèque anarchiste La Discordia le mercredi 28 octobre 2015. Vu l’intérêt que le sujet a suscité, on les partage ici par écrit.]

Précisons tout de suite que nous ne sommes pas des experts en la matière et que les questions d’ordre technique ne seront pas traitées par nous. Tout simplement parce que ça ne nous intéresse pas ; notre intention est de nous libérer des entraves de ce monde de merde, y compris de celles qui nous sont imposées par la science. Dans ce cadre nous voulions proposer de discuter de la sociobiologie, qu’on pourrait décrire comme une manière d’expliquer nos rapports sociaux, nos émotions et nos comportements par des facteurs biologiques. Les discours défendus par les idéologues de ce discours scientifique – des chercheurs aux journalistes, des corporations aux politiques – portent souvent sur un gène particulier ou sur le fonctionnement de certaines zones du cerveau (neurosciences) ou de certaines hormones qui sont supposées identifier une cause matérielle précise comme étant à l’origine de phénomènes qui les dépassent grandement. On cherchera ainsi, par exemple, le gène du délinquant, l’hormone de la fidélité, ou les phéromones de l’instinct maternel, et une fois qu’on aura « identifié » cette cause on proposera d’y palier, puisqu’elles posent problème, par des moyens eux aussi biologiques, par exemple par des produits proposés par des labos qui financent ces mêmes recherches.

Un texte nommé « L’obscurantisme triomphant des neurosciences » donne un bon exemple de ce type de discours scientifique. Il porte sur une conférence donnée à Genève dans le cadre de La Semaine du cerveau par Larry J. Young, en 2014, sur le thème de l’amour et de la fidélité. Des souris et des campagnols soumis aux effets de certaines hormones sont répartis ensuite entre fidèles ou volages selon la nature des produits employés et servent d’exemples au conférencier pour parler des mêmes comportements chez les humains. Ainsi la cause identifiée de l’adultère se réduira à une surproduction ou un déficit d’une certaine hormone, et Young proposera des produits commerciaux tels que le spray nasal chargé d’ocytocine pour y palier, garantissant les mêmes effets que la morale conjugale, mais sans la contrainte qui y est associée. Déjà, précisons que, pour nous, les normes sociales humaines dont celles portant sur le désir, la fidélité, l’amour ou la sexualité, c’est-à-dire les vraies causes des problèmes, ne peuvent se voire opposer de critique valable si on ne tente pas de les comprendre dans leur contexte trivial, celui des individus appartenant à l’espèce humaine et de leurs spécificités (historiques, culturelles). Et non pas par les rapprochements possibles chez les différents animaux entre la production d’une certaine hormone et de certains comportements qui y sont associés, tout simplement parce qu’elles n’ont pas les mêmes incidences, ni les mêmes significations chez les différentes espèces. Ce faisant, la sociobiologie sert à donner des réponses à toute une masse de gens crédules attendant ce qu’ont à dire les « experts » du comportement pour prendre leurs décisions et régler leurs problèmes émotionnels ou affectifs au moyen de thérapies et d’ordonnances, exactement comme des croyants attendant les sermons des prêtres, dont la compréhension du divin permet de mieux connaître les spécificités de l’âme humaine. On utilisera pour cela de mêmes images de conte de fée ; une fois que tout le monde vivra dans le fabuleux royaume de l’état psychique parfait, on pourra trouver princes ou princesses tout aussi émotionnellement régulés, avec lesquels croître et multiplier.

En plus de son rôle d’autorité morale, rappelons que la sociobiologie fournit également les armes nécessaires au contrôle social moderne. On peut prendre comme exemple, certes un peu facile car cela se fait souvent plus subtilement, l’idée du gène du délinquant ou des signes biologiques (comme la production de testostérone) qui permettraient d’opérer une sélection et un contrôle le plus tôt possible de potentiels fauteurs de troubles. Au sujet de telles prédispositions, on peut songer au ridicule de la phrénologie au XIXe siècle qui tâchait d’identifier les types particuliers de criminels selon la forme de leurs crânes, et ignorait tout simplement les conditions d’existence des personnes et leur histoire personnelle. Pour résumer, l’arme principale de la science est comme toujours l’exploitation de l’ignorance et si on veut prouver que tel gène est à l’origine de comportements agressifs, il suffira pour les comités d’experts, ou les politiques, d’aller trouver le bon article, montrant le résultat qui les intéresse sur des rats ou des humains de laboratoire et d’étendre cette « étude » à une explication universelle et par conséquent incritiquable de comportements jugés déviants.

Rappelons-nous qu’à vouloir toujours identifier une racine du mal (l’âme mauvaise, l’humeur bilieuse, l’excès de telles hormones, le gène du délinquant) on retombe facilement sur un moralisme quasiment religieux servant à justifier la résignation : « Je voulais me révolter mais on me dit que le problème c’est moi, mon comportement, mon mauvais gène et non la société qui fonctionne parfaitement » ou, au contraire, mon manque d’emprise sur moi-même : « J’ai un problème indépassable, je suis violent, je ne peux rien y faire, hormis prendre un traitement ». L’eugénisme qui opère un départage des individus selon la « qualité » de leur matériel génétique n’est que la continuation de cet esprit de correction des corps par des moyens extérieurs. Afin d’éviter les problèmes possibles liés aux « mauvais gènes », qu’ils agissent sur la santé, le caractère ou les capacités des personnes, autant les sélectionner avant afin d’éviter tout problème, ce qui repousse encore toutes les excuses et possibilités d’une vie meilleure à un avenir hypothétique : « Attendons encore quelques décennies que les recherches avancent et il n’y aura plus que des humains sains, proches de la perfection. »

La sociobiologie, en particulier lorsqu’elle s’appuie sur la génétique, peut toujours être utilisée pour appuyer n’importe quel discours en recherche de vérité comme les différentes formes de racisme ou de racialisme. (Rappelons que Watson qui a proposé le modèle de la molécule d’ADN en double-hélice avec Crick l’avait fait afin de déterminer la supériorité de la race blanche.) Ou bien elle peut servir aussi des visions bien arrêtées sur les genres, comme celle des néo-évolutionistes pour lesquelles les divergences entre hommes et femmes dépendent d’une mythologie anthropologique d’hommes chasseurs et de femmes au foyer. Ce qu’on peut y voir en résumé, c’est qu’il est facile de calquer des modèles complètement construits, vite observés et ne comportant rien d’autre qu’une vieille morale de comptoir sur l’ensemble de la vie humaine lorsqu’on se réclame de vérités scientifiques et de prendre les effets que nos corps subissent confrontés à cette société de merde comme étant la cause des problèmes.

Aussi, en guise de questionnement, et pour laisser la parole à qui veut la prendre, la question serait : comment s’en prendre au monde scientifique concrètement mais sans se présenter soi-même comme un porteur de vérité ?