SAGE, le séminaire européen des nucléocrates interrompu par des activistes
« Retour d’expérience »
Aujourd’hui 14 mars, nous avons interrompu dès son ouverture le séminaire européen SAGE. Les nucléocrates ont été copieusement arrosés d’oeufs pourris, de purin et de peinture. Juste retour d’expérience, évidemment trop symbolique, pour répondre à leur travail de défense de l’industrie nucléaire.
Le tract ci-joint « Retour d’expérience » (PDF) , a été laissé sur place. Lonesome cobaye not so far away from Belarus.
« Retour d’expérience »
Aux experts nucléaristes européens et à leurs supplétifs réunis au CNAM pour finaliser le programme SAGE*
Parce qu’il est inconcevable pour tout pouvoir d’assurer l’évacuation des zones contaminées, la catastrophe de Tchernobyl a produit 8 millions de cobayes condamnés à survivre sur des territoires dévastés à jamais. Mais elle a aussi produit une nouvelle génération de nucléocrates, VOUS, tout entiers dédiés au contrôle social. Vous déclarez : « (…) vivre sous Tchernobyl, c’est réapprendre à vivre, à vivre autrement, intégrer au quotidien la présence de la radioactivité comme composante nouvelle de l’existence »… et vous organisez l’invisibilité du désastre. Avec les programmes ETHOS* et CORE*, conduits par l’industrie nucléaire, vous avez, en Biélorussie, « aidé » les populations à faire comme si elles pouvaient vivre normalement dans des conditions qui les tuent. Vous appelez cela « le développement durable sous contrainte radiologique ». Armés de compteurs Geiger et puant la bonne conscience, vous êtes allés jusqu’à expliquer aux femmes enceintes qu’elles devraient se « réapproprier leur environnement ». Riche de votre expérience, la Commission européenne a maintenant besoin de vous pour en appliquer les conclusions ici. Car les États européens se sont rendus à l’évidence : le développement actuel du nucléaire « impose d’envisager l’éventualité d’un tel accident ». Le projet SAGE que vous finalisez vise à anticiper une telle « surprise » en formant les habituels relais du pouvoir (professionnels de l’éducation et de la santé) à « une culture de protection radiologique », véritable guide de conduite pour apprendre à crever en comptant les becquerels.
Votre sale boulot prend tout son sens une fois mis en relation avec les dernières décisions de l’État : en effet, les illusoires mesures de seuils de radioactivité viennent d’être revues à la hausse, normalisant une alimentation et une agriculture irradiées. Vous n’êtes qu’un rouage de cette vaste entreprise de camouflage qui consiste à accoutumer les esprits au fait accompli. Et, dans cette scénographie, il ne manque pas d’écologistes collabos (ACRO…), de scientifiques marginalisés (Belrad), pour jouer les faire-valoir de ce projet négationniste. Toute cette affaire vise à organiser l’acceptation et la « confiance sociale » nécessaires à la relance actuelle des programmes nucléaires, civil et militaire (EPR, ITER, uranium appauvri, laser megajoule…). Pour être pleinement efficace, votre travail de dissimulation experte se double d’un spectacle télégénique où figurent girophares, blouses blanches et tenues NRBC, la simulation. Aujourd’hui, dans une station de RER, dans la cour d’un hôpital, sur une base militaire, dans le « périmètre » d’une centrale, dans les champs, les simulations sont partout. La mise en scène militaire de la défaillance et de sa résolution par des praticiens « efficaces » sont les deux faces d’un même projet de domination. Fardée d’images et bardée d’experts, la catastrophe peut alors s’effacer dans un quotidien ininterrompu « d’incidents significatifs », de « disparitions [de sources radioactives] dans le nucléaire de proximité », d’« actes de malveillance », de « retours d’expérience », d’« accidents domestiqués », de distribution de pastilles d’iode et d’« amélioration des méthodes d’interaction avec les populations ». Bien sûr, cette habituation à laquelle vous travaillez n’a pas pour finalité d’empêcher une catastrophe que l’armée est désormais officiellement la seule « habilitée » à gérer.
En réalité, elle est là pour ajuster les rapports sociaux au désastre existant et aux suites des catastrophes à venir. Comme le conseille l’illusionniste prestigieux Jacques Lochard, « nous devons occuper le terrain ». Nous avons tenu cette fois à suivre son conseil et à venir couronner, comme il se doit, votre travail de maquillage en faisant notre « retour d’expérience ».
Paris, les 14 et 15 mars 2005