[Paris] Harcèlement policier des migrant-e-s de la Chapelle

source:Sans Papiers Ni Frontières

Contre les frontières et leurs prisons

Un tract distribué lors de l’expulsion du campement sous le métro aérien entre Barbès et la Chapelle, le matin du 2 juin 2015 :

AU MILIEU DE L’INDIFFERENCE GENERALE

Tôt dans la matinée du mardi 2 juin, un important contingent de flics a procédé à l’expulsion du camp entre Barbès et la Chapelle où 400 personnes survivent depuis plusieurs mois sous le métro aérien. Pendant que les« migrants » se faisaient embarquer sous la commande du trio travailleurs de la mairie-crs-représentants associatifs, quelques dizaines d’individus solidaires étaient rassemblés à proximité, gueulant des slogans et manifestant leur solidarité derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire : « L’épidémie c’est le capitalisme et ses guerres, ses flics et ses frontières. Solidarité aux migrants. »

Ce « camp de migrant », ce « bidonville », ces « abris d’infortunes », nous n’avons pas l’indécence de défendre leur occupation, car personne ne désirerait vivre dans de telles conditions. Pas d’indignation, la larme au coin, dans nos propos. De la rage. Rage de voir la salle patte de l’autorité de l’État derrière des fonctionnaires envoyés pour trier ces individus selon une origine qu’ils n’ont pas choisi, comme on trie les bêtes dans un cheptel. Rage face à un monde ravagé par les guerres et l’exploitation des êtres et des choses au noms du profit. Rage face aux sbires en uniformes s’attelant à une expulsion qui signifie aussi, aujourd’hui ou plus tard, arrestations,enfermement en centre de rétention et expulsion, mais aussi contrôle diffus, humiliation, résignation,exclusion. Rage donc face à l’État qui s’attribue le droit de décerner des permis d’existences, et donc réprime, enferme, exclut, humilie, et à l’économie qui dicte nos vies selon ses impératifs. Tous chair à patron, gibiers à flics, bétail à frontières.

Il y a tout juste un mois, à 100 mètres de là ouvrait la nouvelle brasserie Barbès, cossue et branchée où une faune friquée peut s’envoyer une côte de bœuf à 30 euros sous l’oeil bienveillant de ses protecteurs les policiers. Mis en perspective ces deux événements nous rappellent, mieux que le plus brillant des discours, une évidence claire comme l’eau du matin : le rôle de la police est d’assurer la soumission de tous aux lois du frics, à des lois faites pour perpétuer une économie basée sur l’exploitation et pour assurer à l’État sa mainmise sur le bétail humain réduit à la condition de marchandise.

Le train train quotidien, la banalité et la surexposition à la misère la plus visible ont-il si bien atrophié notre sensibilité que l’on en est tristement parvenus à composer avec ? Quelles valeurs a la vie si en guise d’entrailles il ne nous reste que des viscères ?
Les politiciens, ces infâmes réussiront-ils éternellement à voiler la pauvreté et la violence qui minent les rapports entre les êtres, propageant le cannibalisme social et l’indifférence générale au sort de chacun, quand en lieu et place de celà l’entraide et la solidarité entre les exploités et les révoltés pourraient envoyer valser tous ces salauds, exploiteurs et gouvernants, plein de sous et avides de pouvoir, et renverser l’ordre qu’ils maintiennent et qui leur confère du pouvoir sur nos vies ? Nos cœurs sont-ils si profondément avilis que nous pouvons nous contenter de reproduire cet existant délétère, sacrifiant l’essentiel de nos journées à se vendre pour quelques sous qui finiront dans les coffres des propriétaires et des marchands de tous types, abandonnant la possibilité de la révolte, seule capable de créer des horizons où y semer notre imagination, de donner vie à nos désirs de liberté et à nos élans les plus généreux ?

Il existe une épidémie plus nuisible à nos existences que l’épidémie imaginaire qui sert de prétexte à cette opération de police ; cette épidémie c’est la peur, cette épidémie c’est la résignation, cette épidémie c’est la guerre entre pauvre, cette épidémie c’est d’attendre indéfiniment que l’on nous accorde ce que l’on aura que par nous mêmes.

Allons, de l’audace, ni la liberté ni la dignité humaine ne s’accommodent d’un monde si délabré. Et si l’heure est à l’apathie et à la contestation sauce « sauvons le moins que rien démocratique », un jour peut-être, un jour pas comme les autres, un jour sur les barricades…

Le cœur est humain dans la mesure où il se révolte. Pour un monde sans Etats, ni patries, ni nations. Feu aux frontières. Feu aux centres de rétentions.

Une affiche en français et en anglais collée sur les murs du quartier le soir qui a suivi l’expulsion :

L’ ÉPIDÉMIE C’EST…
LE CAPITALISME, SES FLICS, SES GUERRES, SES FRONTIERES

Ce matin, mardi 2 juin, 400 migrant-e-s qui vivaient depuis plusieurs mois sous le métro aérien entre la Chapelle et Barbès ont été expulsé-e-s. Sous prétexte d’une menace d’épidémie, préfecture et mairie espèrent ainsi nettoyer le quartier en pleine rénovation urbaine et disperser les migrant-e-s. Et cela avec la collaboration des associations Emmaus et France Terre d’Asile, cautions humanitaires à la répression des migrant-e-s, qui participent à trier, contrôler des individues selon une origine qu’ils n’ont pas choisie. Associatifs et flics travaillent côte à côte, pour déloger les migrant-e-s en échange de quelques nuits d’hébergement pour les mieux loti-e-s, la rue pour les autres. De l’autre côté des barrières des manifestant-e-s se sont regroupé-e-s avec banderoles, tracts et guirlandes d’affiches pour exprimer leur solidarité aux expulsé-e-s, mais ne parviennent pas à bloquer les cars de la compagnie Savac qui les emmènent. A peine l’opération terminée, sans laisser à certain-e-s la possibilité de récupèrer leurs affaires, le ménage est fait, pour offrir à Vinci l’usage du terrain. Quelques heures plus tard, une centaine de migrant-e-s manifestent vers la mairie du 18ème pour exiger une solution de logement.

L’ expulsion de ce campement participe à la volonté de l’Etat d’isoler, d’humilier, d’empêcher toute organisation des migrant-e-s pour survivre ici ou tenter d’aller vers d’autres pays. Nombre d’entre elles et eux souhaitent en effet rejoindre l’Angleterre en passant par Calais, où deux squatts de migrant-e-s ont été expulsés aujourd’hui même. Là-bas comme ici, l’Etat et ses larbins, détruisent les espaces que s’approprient les migrant-e-s, parlant d’évacuation sanitaire alors même qu’ils sont responsables de leurs conditions de vie précaires par le harcèlement qu’ils leur font subir.

Laissons parler notre rage contre ses flics qui aujourd’hui expulsent, et qui tous les jours font leur sale boulot de contrôle, d’arrestation, d’emprisonnement en centre de rétention de celles et ceux qui n’ont pas les bon papiers.

SOLIDARITE AVEC LES MIGRANTS

A BAS TOUTES LES FRONTIERES

LIBERTE POUR TOU-TE-S

The epidemic it’s …

capitalism, its cops, its wars, its borders

This morning, tuesday June 2nd, 400 migrants who have been living for several months under the elevated railway between La Chapelle and Barbès were evicted. Under the pretext of a threat of an epidemic, prefecture and town council hope to « clean out » this area in complete urban renewal and disperse the migrants. And that with the colla­boration of the associations Emmaüs and France Terre d’Asile, humanitarian backings to the repression of migrants, which help sort out and control individuals according to an origin they haven’t chosen. Associations and cops work side by side to move out migrants in exchange for some nights ‘accomodation for the lucky ones, street for the others.

Behind the fences, some demonstrators has gathered with banner, tracts and posters to express their solidarity to evic­ted people, but they’re not able to block the bus from Savac compagy which take them away. The operation barely over, housework is made to offer the use of the site to Vinci, without letting the opportunity to some people to get their things back. Few hours later an hundred of migrants demonstrate among the town hall of 18th to demand to an accomodation solution.

The eviction of this camp takes part in the will of the state to isolate, humiliate, prevent any organization of migrants to survive here or try to get other countries. Indeed many of them want to reach England via Calais, where two mi­grants’ squats were evicted today. There, as here, the state and its stooges destroy spaces appropriate by migrants, spea­king of medical evacuations while they are responsible for their precarious living conditions through the harassment they inflict on them.

Let’s express our rage against these cops who evict today, and all the days make their ugly job of controlling, arresting, imprisonning in retention centers the ones who don’t have the good documents.

Solidarity with migrants !

No borders !

Freedom for everyone !

Un texte qui raconte l’expulsion de la halle Pajol où les migrant-e-s s’étaient installé-e-s après avoir été viré-e-s le 5 juin du square Saint Bernard par les flics :

TRAQUE SANS RÉPIT DES RÉFUGIÉES DANS LE 18ÈME

Hier, lundi 08 juin 2015, en début d’après midi, les réfugiées expulsés de la chapelle, ont à nouveau été délogés, violemment, du campement provisoire installé rue Pajol, devant la bibliothèque Vaclav Havel. A 13h40, ils étaient une centaine quand les CRS ont débarqué pour les chasser. Seules quelques personnes solidaires étaient sur place à ce moment là.
Une distribution de nourriture venait de commencer. les CRS ont rapidement encerclé les réfugiées et commencé à les embarquer dans un car qui est parti dans la foulée. Les divers réseaux d’alerte ont été activés et des militantes, voisines etc ont accourus sur les lieux. La résistance a été très forte. Des chaînes humaines se sont mises en place. La résistance des réfugiées et personnes solidaires a considérablement ralenti le travail des flics. Plusieurs réfugiées
ont réussi à s’échapper de la nasse. Vers 17h, le deuxième car est parti avec difficultés, plusieurs dizaines de personnes ayant tenté de bloquer son départ en se mettant sur la chaussée. Les CRS quittent les lieux sous les huées du quartier. Les 80 réfugiés arrêtés ont été envoyés au commissariat de l’Evangile dans le 18e, 30 d’entre eux ont atterri en centre de rétention (14 à Vincennes, 16 au Mesnil Amelot). 17 réfugiés ont fini la soirée aux urgences de l’hôpital Lariboisière: un réfugié a le pied fracturé, un autre a un testicule explosé…
Le soir même, les réfugiés étaient à nouveau nombreux à se regrouper devant la halle Pajol. Les personnes solidaires sont là aussi. On ne lâche rien. La nourriture commence à arriver. Immédiatement, un nouveau débarquement policier a eu lieu. Les CRS empêchent les gens de récupérer les matelas et diverses affaires. Les renforts policiers affluent. Pas de relâche pour la chasse!! Les réfugiés ne pourront pas encore souffler ce soir. A nouveau, la solidarité se met en place. Plusieurs personnes du voisinage accueilleront pour la nuit des réfugiés. Un autre groupe trouvera refuge à l’ENS. Et la majorité est accueillie au Bois dormant (un jardin partagé) situé à deux pas de la Halle Pajol.
La solidarité ne faiblit pas. Envers et contre tout. Contre les discours mensongers de la mairie et de la préfecture qui prétendent outrageusement que l’évacuation s’est fait avec humanité, qui prétendent que les réfugiés ont refusé de demander l’asile, qu’ils et elles ont tous eu un hébergement… Voisins, militantes, personnes solidaires ne s’en laissent pas compter. La solidarité s’accroît et s’élargit, la résistance aussi. C’est tout le quartier de la Chapelle, et bien sûr au delà, qui est désormais mobilisé et qui résiste contre cette politique de traque aux réfugiées.
Réfugiées, voisines, personnes solidaires, nous ne lâcherons rien !
DES PAPIERS POUR TOUS !
DES LOGEMENTS POUR TOUS !
REFUGEES WELCOME!
SOLIDARITÉ AVEC LES RÉFUGIE-ES !

Mise à jour 11 juin 2015