Turin (Italie) : De la taule pour briser les luttes

[Nous traduisons ici quelques articles tirés de Macerie, avec quelques mises à jour, à propos des arrestations de quatre compagnons. Bien que certaines formes de lutte pratiquées à Turin ces dernieres années et certaines positions des compagnons là bas nous laissent critiques, on ne peut que se serrer les coudes entre ennemis déclarés de l’État, notamment quand celui-ci présente l’addition.]

Ce matin, mercredi 20 mai, la police a arrêté Erika, Paolo, Toshi et Luigi. Marco, également sous mandat d’arrêt, est heureusement au vert. Certains ont été arrétés chez eux, d’autres chez des amis, ce qui laisse penser à des filatures dans les jours précédents. La police est entrée dans la maison occupé de Via Lanino pour chercher Marco et donner une interdiction de territoire à un co-inculpé. Ces interdictions de territoire, pour cinq personnes au total, valent pour Turin et son département.

Ce coup répressif est justifié par la Juge d’instruction Loretta Bianco avec les accusations de résistance à agent de police, interruption de service publique et violence, avec l’aggravation que les faits contestés auraient été commis en réunion et que quelques uns des auteurs avaient le visage « caché ». La Juge d’instruction à suivi la ligne du Procureur, selon la presse il s’agirait du Proc’ Rinaudo, toujours lui. Il faudra quelques semaines pour qu’il y ai des nouvelles sur le plan judiciaire.

Les compagnons sont accusés d’avoir essayé d’entraver une rafle de sans-papiers, le 2 février, dans ce même quartier. On a pu lire dans le dossier que la Procureur inscrit les faits du 2 février au sein de la lutte contre les centres de rétentions et les rafles de sans-papiers : ils vont jusqu’à rappeler des révoltes dans le CRA en 2007, des incendies des zones de vie du CRA et des rassemblements dehors. La Procureur a raison : à Turin il y a des personnes qui veulent lutter contre les prisons pour sans-papiers et les rafles par lesquelles la police les remplit ; ces personnes luttent depuis bien avant 2007 et lutteront jusqu’à ce que ces prisons soient fermées. Les arrêtés font partie de ces personnes. L’existence même de ces lieux est, parmi les nombreuses injustices qui façonnent nos villes, une de celles qui provoquent le plus immédiatement de la rage, une de celles qui font bouillir le sang dans les veines ; pas surprenant qu’on cherche des façons de s’y opposer. Il faudrait plutôt se surprendre de ceux qui regardent toujours ailleurs, même quand ceux qui sont embarqués et enfermés sont leurs voisins, quelqu’un qu’ils connaissent, ou bien juste un passant quelconque qui a comme seule faute celle d’être tombé sur un contrôle avec dans sa poche un document non valable. Et il faudrait se surprendre encore plus pour ceux qui, sur ce problème, se font embobiner par les acrobaties verbales d’adjoints au maire et conseillers communaux, qui, plus ils condamnent les CRAs et en souhaitent la fermeture, plus ils permettent au contraire leur réactivation, après une longue période pendant laquelle leur dépassement pouvait paraitre imminent.

Nos compagnons sont accusés, entre autre, d’avoir essayé d’ouvrir les portes d’une camionnette de police où des sans-papiers avaient été garés dans l’attente d’être emmenés au poste et ensuite, probablement, au CRA. Le problème de la Procureur sera de prouver qu’ils ont vraiment essayé de le faire, même sans y parvenir ; notre problème à nous (et nous espérons, pas qu’à nous) reste celui de comprendre comment réussir à ouvrir pour de vrai ces portes, la prochaine fois qu’il y aura une telle occasion. Que les journaux écrivent leurs conneries et titillent autant qu’ils veulent les sujets sensibles des peurs urbaines, avec les anarchistes qui défendent les dealeurs et autres sottises de ce genre. La vérité est celle qu’on vient de vous dire et que même le dossier judiciaire affirme, beaucoup plus simple et linéaire : il suffit de vouloir et pouvoir la comprendre.

Il ne pouvait pas manquer, dans le mandat d’arret, la référence aux expulsions d’habitations, aux arrestations d’il y a un an et à la lutte pour les maisons à Turin. Belle intuition, au Palais de Justice : les luttes, notamment dans un quartier comme celui-ci, sont presque toutes liées et, comme confirmation, voilà que juste hier deux des habitants d’une maison occupée Via Soana, après avoir été expulsés, ont fini au centre de rétention parce que sans-papiers. On sait d’ailleurs que la procureur en fait sont honneur de poursuivre toute lutte sociale dans cette ville, avec toute la dureté dont elle peut faire preuve ; on l’a compris et on ne s’en plaint pas. Nous faisons cependant remarquer que cette fois elle a trouvé une juge d’instruction tellement obéissante et désireuse de faire carrière qu’elle a accepté l’arrestation d’une compagnonne sans casier judiciaire seulement parce que la procureur l’accuse d’être celle qui a appelé par téléphone les autres compagnons quand elle a vu la police en train de rafler des gens. Ou bien de décrire comme « sans liens stables sur le territoire » et donc passibles de s’enfuir, des compagnons qui ici ont leur maison, leur travail, leur amis et leurs luttes – en justifiant donc leur détention préventive.

Vu l’air du moment au Palais de Justice et en ville, des arrestations ce ce type sont somme toute normales, on a compris cela aussi et on ne se plaint pas et, de notre coté, nous somme encore là, déterminés à continuer à lutter. Nous voulons néanmoins remarquer le timing. Signées fin avril, les arrestations ont été effectuées seulement aujourd’hui, la veille de l’audience pendant laquelle le proc’ Rinaudo demandera la surveillance spéciale [1] à sept d’entre nous [dont Paolo, arrêté hier, NdT]. Un hasard ? Ou bien la tentative d’être plus convaincant, en emmenant dans la salle un des possibles surveillés spéciaux en menottes, comme confirmation de sa dangerosité ? A vous de répondre – mais ici aussi la question n’est pas difficile.

On vous répète donc le rendez-vous du dimanche 24, pour le rassemblement devant la prison, en solidarité avec Francesco, Lucio et Graziano. On ne sait pas qui parmi les quatre arrêtés d’hier sera encore à la prison des Vallette, mais ça sera peut-être une occasion de leur passer le bonjour aussi.

***************
Entretemps, depuis l’assemblée de mercredi à l’Asilo, appelée en réponse aux arrestations, une cinquantaine de solidaires est allée devant le centre de rétention de Corso Brunelleschi. Bien que sous une forte pluie, ils ont fait un grand boucan pour se faire entendre par les retenus. L’hostilité envers la machine à expulser est un des fils importants des luttes de ces dernières années, de la lutte des quatre compagnons arrêtés et de plein d’autres et aucun mandat d’arrêt ne la cassera. Les luttes se croisent, et le coucou solidaire d’hier après-midi a aussi été adressé à deux des personnes expulsées de la maison occupée de Via Soana.

L’assemblée d’hier a aussi appelé à un autre rassemblement, sur le lieu du délit, exactement là où, selon la proc, nos compagnons ont essayé de libérer des sans-papiers enfermés dans une camionnette de police. Samedi 23 mai à 15h, rassemblement à Corso Giulio Cesare au coin de Corso Emilia : pour la liberté de Luigi, Erika, Paolo et Toshi, mais aussi contre les rafles, les expulsions de maisons occupées et contre les centres de rétention. Pour la liberté de tout le monde, en somme.

***************
Jeudi matin, donc, a eu lieu l’audience suite à la demande de Surveillance spéciale du proc’ Rinaudo contre sept compagnons turinois. Sur demande de la défense il y a eu un renvoi (au 15 octobre). Paolo était présent, dans la cage des prisonniers, il va bien, il a fait une déclaration et a salué les nombreux solidaires présents dans la salle.

***************

Pour leur écrire :
Erika Carretto
Paolo Milan
Toshiyuki Hosokawa
Luigi Giroldo
C.C. Lorusso e Cotugno
Via Maria Adelaide Aglietta, 35
10151 – Torino (Italie)

Notes

[1] Pour plus d’infos sur les compagnons à l’encontre desquels la proc veut imposer la surveillance spéciale (une série de mesures restrictives de leur liberté de mouvement ou de rencontre), à cause de leur dangerosité, les mêmes arrêtés lors du coup répressif du 3 juin 2014, voir en italien ici
recopié de non fides