Le 7 mai 2012 à Gênes, Roberto Adinolfi, directeur de Ansaldo Nuclerare, une filiale du fabricant d’armes Finmeccanica spécialisée dans la fabrication de réacteurs, le démantèlement des centrales et la gestion des déchets nucléaires, recevait une balle dans la jambe.
Le 11 mai 2012, un texte de la FAI/FRI/Noyau Olga envoyé au quotidien bourgeois Il Corriere della Sera revendiquait l’attaque*.
Le 14 mai 2012, le site anarchiste informa-azione publiait un texte signé par « un anarchiste et quelques libertaires à Gênes (occasionnellement « citoyennistes ») » intitulé Les points sur les i (« I puntini sulle i ») qui se dissociait politiquement de cette attaque.
Le 15 mai 2012, le site informa-azione publiait un texte signé « Individu. Carlo plus ou moins de Gênes » intitulé « A ceux qui ne se se dissocient pas » et qui répondait au précédent.
Il commençait ainsi :
« En lisant le triste document qui vient de sortir, hélas, justement de la ville où je vis, il me semble opportun de donner quelques précisions supplémentaires, pour ne pas finir -je parle à titre personnel- dans la marmite des dissociés gênois.
Ce qui saute aux yeux puis au cerveau, est le motif pour lequel des pseudos-compagnons ont senti l’exigence d’écrire un document que probablement pas même Don Gallo [célèbre curé de Gênes] et toute la communauté de San Benedetto n’aurait réussi à accoucher.
Un document qui ne prend que en considération l’action contre cette merde d’Adinolfi, comme s’il ne méritait pas une balle dans la jambe, et parle de quelque pétard envoyé ici ou là comme du mal absolu.
(…) Pour vous les armes sont un tabou, mais comment pensez-vous pouvoir réagir à tous les abus de pouvoir perpétrés quotidiennement par ceux qui utilisent réellement et en permanence les armes ?
Connaissant plusieurs d’entre vous qui ont formulé ce document à gerber, je sais que vous n’êtes (au moins certains d’entre vous) plus très jeunes, pour ne pas dire aussi vieux que moi, mais la différence entre moi et vous est que je pense à un futur où ces branlettes médiatiques ne seront plus faites par les compagnons à venir, parce qu’ils devront réellement sortir dans la rue, et pas comme nous qui attendons l’appel à la mobilisation générale. »
Le texte de Carlo se terminait ainsi : « Moi je ne me dissocie pas, j’aurai préféré le dire directement aux flics au cas où ils passeraient chez moi pour effectuer leur énième perquisition, mais vous m’obligez à prendre une position MAINTENANT, afin de n’être pas confondu avec des gens qui ont la conscience tranquille et parlent de squatter comme l’objectif maximum à atteindre.
Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire, mais je crois que ma position est claire, et je m’arrête donc là ».
Le 28 avril 2015 à 6h du matin, soit quasi trois années plus tard, le service anti-terroriste des carabiniers (ROS) a effectué une perquisition chez Carlo à Gênes lors de laquelle ils ont pris deux ordinateurs, un disque dur, deux clés USB et du matériel papier. L’accusation est précisément le texte dont nous avons traduit les extraits ci-dessus : « apologie de terrorisme » ! Dans le langage grossier des ordures en toge, cela donne « incitation publique à commettre des actes de terrorisme ainsi qu’apologie publique d’un crime terroriste, en particulier incitation à accomplir des actions directes (c’est-à-dire des actes violents à finalité terroriste) mais aussi apologie du délit de blessures graves avec finalité terroriste perpétré contre Roberto Adinolfi le 7 mai 2012 et revendiqué le 11 mai 2012 par le Noyau Olga/Fai-FRI ».
Si en France l’Etat n’a certes pas attendu l’attaque contre Charlie Hebdo et le supermarché juif pour pénaliser le délit d’ « apologie de terrorisme » qui a été abondamment utilisé depuis (il date en effet de fin 2014), l’Italie et d’autres pays européens se sont par contre immédiatement engouffrés dans la brèche depuis janvier 2015 pour imiter la patrie du terrorisme d’Etat camouflé en droitdelhommisme en votant de nouvelles lois. Et si ici le pouvoir a commencé par s’en prendre à des ivrognes, des jeunes révoltés en embrouille avec les flics ou des internautes plus que confus pour lancer sa chasse à l’ « apologie de terrorisme », de l’autre côté des Alpes c’est contre des idées anarchistes diffusées dans un texte datant d’il y a plusieurs années par un compagnon en réaction à une dissociation qu’il ouvre le bal. Le message ne pouvait être plus clair : avec l’Etat et toutes ses horreurs (appuyé par les cépanoucépanous en cas d’attaque) ou contre lui. Avis aux indécis…
* Le 12 novembre 2013, les compagnons Nicola Gai et Alfredo Cospito ont été condamnés à 9 ans et 4 mois pour l’un, 10 ans et 8 mois pour l’autre. Ils ont revendiqué la responsabilité de l’attaque à l’audience.
lu et recopié à partir de Brèves du désordre