Tract diffusé dans les rues de Caen (Calvados) sur la lutte en cours.
RIEN N’EST FINI…
Le mouvement dit des gilets jaunes semble être arrivé à un tournant. La répression et la fatigue ont fait leur œuvre, comme les appels incessants à rentrer dans des logiques institutionnelles (Grand débat, élections, RIC…), ou encore le manque de réaction face à la présence de groupes d’extrême-droite et de leur idéologie dont la seule volonté est de renforcer un ordre qui nous piétine. C’est pourquoi nous devons retrouver la force et la détermination de décembre et début janvier. Rappelons-nous le 5 janvier où nous étions nombreux et nombreuses à exprimer notre colère en restant solidaires et en assumant de prendre l’initiative. C’est d’ailleurs l’un des Actes où il y a eu le moins d’interpellations.
Pour nous, retrouver cette force peut passer aujourd’hui par clarifier nos positions contre le système capitaliste et lutter concrètement contre l’exploitation, les inégalités et la domination en général. Déjà, à plusieurs endroits, des Pôles emplois, ces lieux de répression des chômeurs et chômeuses, sont visés en semaine par des personnes en lutte. Des jonctions se font aussi avec des salarié-es grévistes et des boîtes en lutte. Ailleurs, ce sont des locaux de partis politiquesqui sont attaqués, tandis que globalement des actions de blocage économique continuent, que ce soit par des perturbations ou par des sabotages. A nous de trouver un second souffle localement.
La force du début du mouvement était dans sa détermination etsa capacité à imaginer de nouvelles actions, y compris des actions coups de poing en dehors des actes rituels du samedi. Ne pas être là où les flics nous attendent nous donne un avantage. Les reculs du gouvernement lors de la réforme des retraites de 1995, lors du Contrat Première Embauche en 2006, ou plus récemment à Notre-Dame-des-Landes contre le projet d’aéroport international, ont été arrachés par l’action déterminée, en multipliant les blocages et les occupations, en affrontant les flics quand c’est nécessaire, en perturbant le cours normal des choses jour après jour. Marcher n’est pas suffisant pour établir un quelconque rapport de forces. Et l’agglomération caennaise ne manque pas de cibles: lieux institutionnels (Préfecture, mairies, conseil régional), locaux d’élu-es et de partis, dépôts pétroliers, gare SNCF, centre routier de Cormelles, aéroport, périphérique, péage autoroutier de Dozulé, port de Caen-Ouistreham, pôle emploi, Direction départementale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi à Hérouville, zones industrielles de Blainville, d’Ifs ou de Carpiquet, commerces, banques, centres d’impôts, Data center etc.
Il y a encore beaucoup de pistes à expérimenter: des jonctions avec des habitants et habitantes des quartiers populaires, avec des salarié-es, avec des chômeurs et chômeuses, avec des lycéen-nes et des étudiant-es, toujours en s’auto-organisant à la base à travers des groupes affinitaires et des assemblées de lutte indépendantes des bureaucraties syndicales. Les assemblées sont des lieux de discussion, d’échange, de coordination et de prise de décisions. Elles regroupent des individu-es en lutte, syndiqué-es et non-syndiqué-es, en essayant que tous et toutes soient à égalité. Elles ne doivent se transformer ni en chambre d’enregistrement de décisions prises ailleurs (sur des réseaux sociaux, dans des commissions ou des groupes constitués), ni en agora où tout se discute mais rien ne se concrétise. Tout n’a pas à se décider en assemblée –par exemple un sabotage n’a pas besoin de permission –mais sans elle il est difficile d’être une force collective.
Au-delà, l’auto-organisation n’est pas seulement un moyen de lutter. Elle montre que nous sommes capables de se prendre en mains et de nous défaire de nos dépendances aux élu-es, au patronat et à l’Etat. A travers des assemblées de boîtes, de quartiers, de villages, des mutuelles d’entraide, des cantines populaires, des solidarités de base, des bandes de potes rebelles, des communautés séditieuses, nous pouvons nous auto-organiser de manière autonome et sans hiérarchie. C’est ce qui a commencé à se vivre sur les ronds-points. Nous n’avons pas besoin de chefs, seuls les chefs ont besoin de nous et de notre soumission.
L’arrivée des syndicats dans le mouvement n’est d’ailleurs pas une bonne nouvelle. S’ils peuvent contribuer à étendre le conflit en posant des préavis de grève, ce sont aussi les champions de la transformation de la lutte en mise en scène inoffensive et de la cogestion du système. Cela fait des années qu’ils nous baladent sans jamais vraiment lutter. En décembre, la plupart des directions syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU) s’étaient ralliées au gouvernement en condamnant la violence des gilets jaunes. Aujourd’hui, après 4 mois de gazet de coups de matraques, certaines se découvrent des affinités avec la lutte en cours… Mais les syndicats savent très bien faire semblant de mener des actions directes, mimant des blocages en réalité négociés à l’avance avec la Préfecture et le patronat.Ils nous ont déjà fait le coup à plusieurs reprises, comme lors du mouvement contre la réforme des retraites de 2010, où les blocages étaient rendus effectifs qu’à la condition de déborder ceux prévus et négociés par les syndicats. Prévenu à l’avance, lepatronat s’était évidemment organisé en amont et legros descamions de marchandises était déjà parti. Quelques feux de palettes pour les caméras ne créent pas de rapport de force. Souvenons-nous aussi que la CGT avait en 2016 maintenu un espace entre la tête de manifestation et le reste du cortège à la demande du chef de la sécurité publique Papineau afin de faciliter l’intervention des flics… Un exemple parmi tant d’autres de ce que cogestion syndicale veut dire. C’est pourquoi nous avons tout intérêt à maintenir fermement notre autonomie par rapport aux syndicats. Des anarchistes.
[Reçu par mail]
c’est san attendredemain qui a reçu. Mais on le fait suivre