Texte:4 nouveaux mouvements de contestation contre « le tourisme qui détruit le monde »

« La montée du ressentiment contre les touristes est un problème à prendre au sérieux » avance le secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme.

Le tourisme détruit le monde! », c’est ce que l’on pouvait lire sur les planches protégeant la vitrine d’une agence de voyages locale à Valence dans la Drôme où s’étaient réunies le 2 février plus de 5000 personnes dans le cadre des mobilisations hebdomadaires de gilets jaunes. Jusqu’alors, lorsque l’on pensait contestation de l’activité d’entreprises et d’autres acteurs économiques, on pensait aux activités extractives, au nucléaire, à l’agrochimie, aux biotechnologies (OGM), à la finance ou encore à la « malbouffe », mais assez peu au tourisme, a fortiori dans un pays qui s’enorgueillit d’être la première destination mondiale du tourisme international. Est-ce en train de changer?
On ne peut pas dire à proprement parler que l’on assiste à un tourismebashing en France, mais on peut tout de même remarquer à propos de ce secteur que l’on retrouve les quatre formes de critiques courantes des activités des entreprises. Certaines de ces critiques relèvent de la « tourismophobie », pour reprendre l’expression de Paul Arseneault, c’est-à-dire d’un rejet de l’industrie touristique, de ses partenaires institutionnels (administration publique, municipalité, offices du tourisme) ou commerciaux (hôtels, AirBnb, transporteurs), tandis que d’autres prennent la forme d’une « touristophobie », soit d’un rejet des touristes en tant que tels, ce rejet pouvant aller jusqu’à des agressions dans certains cas.
On a ainsi pu voir émerger ces dernières années en France, comme ailleurs, quatre formes de contestation du développement de l’activité touristique de masse. La première de ces critiques est de nature intellectuelle. Elle est émise par des chercheurs et des universitaires. Elle peut être indirecte, à l’instar de ces chercheurs de l’université de Sydney qui ont publié en 2018 une étude dans la revue Nature Climate Change sur la base d’une évaluation des émissions de gaz à effet de serre du secteur touristique (qui représenteraient 8% du total des émissions de GES), ou bien plus directe. Certains universitaires développent, en effet, une critique d’ordre éthique du tourisme. C’est le cas du sociologue Rodolphe Christin, auteur d’un Manuel de l’anti-tourisme (Editions Ecosociété, 2018), de L’Usure du monde. Critique de la déraison touristique (Editions L’échappée, 2014) et qui a co-dirigé avec Philippe Bourdeau un ouvrage collectif intitulé Le tourisme: émancipation ou contrôle social? (Editions du Croquant, 2011).
La seconde forme de contestation émane du monde des ONG et des associations à l’instar des associations britanniques Tourism Concern, qui publie notamment un Guide du voyage éthique, ou The Travel Foundation ou en France, de l’Association pour le tourisme équitable et solidaire. Ces associations jouent un rôle de « vigie éthique » face à un certain nombre de dérives du tourisme de masse et tendent à défendre un tourisme durable ou un tourisme équitable et solidaire. Cette critique peut être aussi le fait d’autres types d’associations qui ont été amenées à s’intéresser au tourisme, comme des associations environnementalistes –l’association France nature environnement (FNE) a publié en 2015 une étude dans laquelle elle estimait qu’un paquebot à l’arrêt polluait autant qu’un million de voitures (en termes d’émission de particules fines et de dioxyde d’azote), l’ONG allemande Nabu a, quant à elle, mesuré les émissions de particules fines des paquebots à Marseille et l’ONG World Animal Protection a dénoncé les selfies de touristes pris avec des animaux sauvages qui feraient l’objet de maltraitance.
La troisième est une critique des activités ou de projets de nature touristique à un échelon local par une partie des riverains dans une logique de type NIMBY (Not In My Back Yard, pas dans mon arrière-cour ou à côté de chez moi), et notamment par des agriculteurs qui voient une partie de leurs terres expropriées, mais aussi par des élus locaux. Des habitants de grandes villes comme Barcelone, Venise ou Dubrovnik se sont, en effet, mobilisés depuis 2015-2016 contre les effets d’un « surtourisme »: détérioration des lieux visités, nuisances diverses (bruit, pollution, incivilités), impact sur le prix des loyers, etc. En France, on a pu voir un tel phénomène à Marseille où des habitants des quartiers nord, notamment réunis dans l’Association Cap au Nord, se plaignent de l’impact environnemental des grands paquebots de croisière. Une partie des riverains se sont opposés également à divers projets de nature touristique –projet de Center Parcs en Forêt de Poligny dans le Jura ou à Roybon en Isère (projet actuellement bloqué), de station de ski sous dôme à Elancourt dans la région parisienne (projet qui a été abandonné), de parc à thème autour du roi Arthur (Avalonys) à Guipry-Messac en Ille-et-Villaine (projet abandonné dans ce lieu) – ou à des projets visant à attirer de nombreux touristes, comme Europacity, un projet d’espace commercial et de loisirs dans le triangle de Gonesse comprenant notamment des hôtels et des restaurants. Enfin, des élus locaux ont à plusieurs reprises dénoncé l’impact du développement des locations meublées saisonnières de type AirBnb dans leur ville, notamment sur la disponibilité des logements pour la location, sur les prix des loyers et la désertification des centre-villes. Ce fut le cas d’Anne Hidalgo à Paris, comme des municipalités d’autres villes comme Amsterdam, Barcelone, Berlin ou Londres.
Enfin, la quatrième forme de contestation correspond à des actions directes menées par des individus ou des groupes radicaux contre des activités ou des projets touristiques dans une logique généralement anticapitaliste. En France, cela concerne plus particulièrement des projets touristiques assimilés par ces activistes à ce qu’ils appellent des « grands projets inutiles imposés ». Le cas le plus emblématique est bien évidemment celui du projet de Center Parcs à Roybon qui a été bloqué depuis 2014 à la fois d’un point de vue pratique avec la mise en place par ces activistes d’une Zone à défendre (ZAD) et d’un point de vue juridique. Ces actions de blocage, voire de sabotage, peuvent concerner aussi des projets susceptibles de favoriser les flux de touristes, comme des aéroports (Notre-Dame-des-Landes) ou des lignes de TGV (par exemple la ligne Lyon-Turin). À l’étranger, des actions directes antitouristiques quelquefois violentes ont pu être menées notamment en Espagne ou aux Etats-Unis. Le groupe anticapitaliste et indépendantiste catalan Arran a perpétré des actes de vandalisme contre des installations touristiques ou des actions « coup de poing » dans des lieux touristiques: prise d’assaut d’un bus de touristes à Barcelone ou irruption dans un restaurant à Palma de Majorque avec un déploiement de banderoles, des jets de confettis et l’utilisation de fumigènes. Aux Etats-Unis, un groupe animaliste radical a provoqué en 1998 un incendie de cinq bâtiments et de quatre remonte-pentes dans une station de ski du Colorado pour dénoncer un projet d’extension de la station dans une zone d’habitat naturel du lynx d’Amérique du Nord.
Tout ceci reste néanmoins très minoritaire. Mais, on ne peut qu’être d’accord avec Taleb Rifai, le secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), lorsqu’il affirme que « La montée du ressentiment contre les touristes est un problème à prendre au sérieux », d’autant plus si ce rejet du tourisme et/ou des touristes tend à coïncider avec d’autres tendances négatives pour le tourisme, comme l’impact du changement climatique, les actions terroristes visant des zones touristiques ou l’évolution du prix de l’énergie (et donc des coûts de transport).

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C’était le 2 février 2019 lorsque le maire de valence et le préfet .. contraignaient les habitant-e-s de ne pas sortir . Le Maire de valence  est chargé du  tourisme et du thermalisme  dans l’appareil politique de la région Aauvergne Rhones Alpes

publication:

Salut,

 

Je fais suivre un lien que Rodolphe nous a envoyé où il est question de tourisme (et de projets Center Parcs).

 

Henri

 

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