Athènes (Grèce) : Attaque incendiaire contre des véhicules d’un proxénète

325 / vendredi 1er février 2019

Qu’est ce qu’il fait, le repaire d’un proxénète sur l’avenue Heraklion, hein ?
Il brûle !

A l’aube de jeudi 20 décembre 2018, une mauvaise surprise a troublé l’entière famille d’Aggelos Giannakopoulos, le patron des boulangeries « Horiatiko » et « Attica Bakeries », dans leur résidence familiale du 29 avenue Heraklion, dans le quartier athénien d’Ano Patisia. Trois des voitures familiales ont été enveloppées par les flammes, la façade a été endommagée et les fenêtres du rez-de-chaussée ont explosé. Cette résidence est le même bâtiment dans lequel, il y a quelques années, les frères Giannakopoulos emprisonnaient, faisaient chanter et prostituaient des femmes venant de l’Europe de l’Est, cela dans des clubs de lap dance qui leur appartenaient, dans des rendez-vous privés et aussi dans des « bars » sordides à travers toute la Grèce.

Histoires policières…

L’été 2007, les flics, le Procureur et des inspecteurs du Service des délits économiques et financiers débarquent dans cet immeuble. La presse relaye l’information que Angelos Giannakopoulos est à la tête d’un réseau international de traite de femmes. Des maquereaux avec les relations avec ldes agences d’emploi dans des pays de l’Europe de l’Est ramenaient des femmes, leur soustrayaient leurs documents d’identité et vendaient leurs corps à des clients. Malgré l’opération « coordonnée », les deux frères Giannakopoulos ont réussi à s’enfuir, tandis que des dizaines de petits poissons sont arrêtés ; parmi eux, ça se fera remarquer l’ex policier Konstantinos Kyrou. Les bénéfices de ce réseau étaient blanchis dans des dizaines de boulangeries et magasins tous à fait « légaux », de propreté des frères Giannakopoulos par le biais d’une société établie à l’étranger. Les recherchés étaient accusés de la traite de femmes adultes et mineures, d’enlèvement, de lésions, de trafic de drogue, de contrefaçon et de blanchissement d’argent. L’acte suivant de ce théâtre se joue seize mois plus tard, en novembre 2008, quand a lieu une deuxième opération de police, coordonnée avec l’Interpol (tout comme la première fois), qui vise les activités de Giannakopoulos.

Il arrive à nouveau à s’enfuir, malgré des dizaines d’arrestations. Tout au long de la période de sa cavale, les boulangeries ouvrent l’une après l’autre et les activités nocturnes fleurissent.

…et aventures judiciaires

Après des nombreux reports, en février 2015 commence le procès pour la première opération. La Cour d’assise condamne Angelos Giannakopoulos « à un total de 10 ans et six mois de prison, Mihail Kretou à 12 ans et six mois de prison, Eliostor Igor (citoyen moldave) à 10 ans et dix mois de prison, tandis que Konstantinos Kyrou est condamné à 10 ans ». Avec le payement d’un total de 340.000€ de caution, tout le monde est libre de continuer les affaires jusqu’au procès en Appel (qui n’a pas encore eu lieu).
En novembre dernier (2018), les trafiquants passent sous procès pour la deuxième affaire et sont acquittés, grâce aussi au fait qu’ils ont comme avocat principal Babis Lykoudis (impliqué dans les affaires Energa-hellas Power, Tsohatzopoulos et Lavrentiadis). Le réseau a pris soin soit de faire changer les dépositions, soit d’éliminer les femmes qui pouvaient témoigner à charge.

Les intérêts commerciaux (publiquement connus) d’Angelos Giannakopoulos

Giannakopoulos participe aux réseaux d’exploitation de la prostitution depuis les années 90. Au même temps, en 1999 il a ouvert le premier magasin « Horiatiko », dans le but évident d’avoir une couverture légale pour blanchir l’argent de son important chiffre d’affaire nocturne. Avant la première opération policière, ses affaires incluaient des dizaines de magasins « Horiatiko », dont K. Kyrou était chef du personnel, plusieurs club de lap-dance (les plus connus étaient le « Star », sur l’avenue Heraklion, et le « Alcatraz », sur l’avenue Sygrou) et une société offshore à Cypre. Dans le période après les poursuites et jusqu’à aujourd’hui, en plus des magasins « Horatiko », qu’il possède directement, des très nombreuses franchises sont ouvertes aussi, la chaîne « Attica Bakeries » est fondée et Angelos Giannakopoulos devient un acteur majeur dans le marché du pain, avec les magasins en mode « camps de travail » ouverts 24 heures sur 24 dans les centres de plusieurs villes. Au même temps, il ouvre des cafés et aussi l’entreprise d’importation de café « Kimbo », tout en continuant avec des nouvelles activités nocturnes et des participations dans le club « Lohan » à Gazi, ainsi que des nightclubs à Mykonos.

Nipson monan opsin
(note du traducteur anglais : expression dérivée du palindrome, en Grec ancien « Nipson anomēmata mē monan opsin », qui signifie « Lave les péchés, pas seulement le visage » ou « Lave mes transgressions, pas seulement mon visage », paraphrasé ironiquement ici de façon à signifier « Lave seulement le visage »)

Tout mafieux qui se respecte se blanchi, dans son temps libre avec… la charité. Angelos Giannakopoulos finance la ONG « Réseau grec-européen pour les femmes » (!) et parraine des syndicats et des victimes de tremblements de terre, ou du moins c’est ce qu’il prétend dans les tribunaux et sur le site de son entreprise. De plus, il attire les flash des paparazzi quand il roule des mécaniques comme un jeun marié ou se fait photographier avec des politiciens et des VIP dans des galas et des fêtes.

Si une façon de se blanchir est le système des célébrités, l’autre est l’État.
En tant que mafieux, mais aussi en tant qu’employeur, Angelos Giannakopoulos n’aurait pas survécu pendant 30 ans sans la tolérance de l’État, sa couverture et son assistance. Des « échecs » de la police à la capturer, à l’Unité d’investigation des délits financiers / Institut d’assurance sociale qui ont trouvé que ses déclarations étaient ok, tous les contrôleurs d’État et les institutions répressives le tirent d’affaire. Son visage est celui du monde du business nocturne, avec trop de cruauté et le culot. Cependant, on le reconnaît pour son image de self-made vedette de films d’amour, ce qui le rend spécial à nos cœurs. Il est le premier proxénète, trafiquant de drogue et racketteur qu’on connaît qui ne se cache pas, mais qui cherche prestige et publicité.

Des femmes brûlées sur le bûcher

Les migrantes prisonnières d’Angelos Giannakopoulos et de sa mafia sont la pointe de l’iceberg d’une société patriarcale, dans laquelle les femmes doivent être soumises à l’homme, au mari, au père, au copain, au frère, au client, au trafiquant et au client sexuel. Les récents assassinats de Helen à Rhodes et d’Aggeliki à Corfu sont des exemples de cette situation. Avec la même facilité avec laquelle elle pointe le doigt et condamne les assassins, la société grecque fait un clin d’œil aux conditions qui produisent les violeurs de la porte d‘à côté. La violence patriarcale, celle due à la classe, au genre, à la race, à la sexualité, à l’age ou tout autre forme de violence exercée par des autoritaires, ne s’arrête pas avec la punition, mais elle va plus loin : elle sert d’exemple, envoyant un message à toutes les femmes pour qu’elles restent silencieuses, obéissantes, « normales », pour ne pas être les prochaines victimes.

Cette violence est omniprésente dans la réalité d’aujourd’hui. Du regard qui déshabille, les commentaires sexistes et le harcèlement dans la rue, les agressions sexuelles sur les lieu de travail, jusqu’aux viols, les agressions et les assassinats, le patriarcat ouvre des blessures dans nos corps et nos êtres, les délimite avec l’idéologie, les institutions et leurs fonctionnement. La moralité chrétienne définit la femme comme inférieure à l’homme, tout en stigmatisant comme hypocrite, fourbe, malhonnête, sale et menteuse chaque femme qui s’éloigne du modèle de la bonne chrétienne. D’un autre côté, ce style de vie réduit la féminité à une image raffinée et lustrée, existant toujours en fonction de l’homme. Au même temps, le Capital lie les femmes aux chaînes de production, pendant que la famille leur impose le rôle exclusif de la maternité, de la procréation et du ménage.

Des migrantes brûlées sur le bûcher

Après le déclin économique et social qui a eu lieu dans l’Europe de l’Est, le Capital « illégal » a établi des réseaux de traite, à travers des agences d’emploi et aussi à travers des enlèvements. Depuis Athènes jusqu’au plus petit village de la Grèce profonde, il y a plein de bars miteux, où des femmes de l’Europe d l’Est sont réduites à être les esclaves sexuelles des trafiquants et des clients, faisant l’expérience de première main de l’exploitation et du bio-pouvoir masculin.

D’un autre côté, les autres migrantes prennent soin de la petite et moyenne bourgeoisie locale, font les baby-sitters, nettoient les maisons et s’occupent des vieux. Et en plus de la décrépitude patriarcale quotidienne, les migrantes font l’expérience du nationalisme, du racisme et de la xénophobie, de façon que la Russe est identifiée à la prostituée, l’Albanaise à la femme de ménage et la Bulgare à la domestique.

Transformant la nuit la plus longue en jour

Les allées et venues de la famille de Giannakopoulos nous ont fait rester éveillé.e.s jusqu’à tard. Du coup, tard dans la nuit du 19 au 20 décembre, nous sommes allé.e.s à l’ex enfer de l’ avenue Heraklion, on a laissé trois engins incendiaires, assez simples (une bougie, de l’essence, du ruban adhésif), sur trois de leurs véhicules et on les a embrasés, éclairant la nuit.

Pour chaque Natacha, Olga, Maria.
Pour toutes.

Pas un centimètre d’espace pour les proxénètes-violeurs.
Le chemin de la liberté passera sur vos cadavres !
Attaque contre les structures légales et illégales du Capital.

 

Cellule « Sofia Perovskaïa », janvier 2019