Note: Pour combattre face l’agriculture high-tech dans la Drôme dans le dauphiné libéré Publié le 02/03/2018
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publié le 20 mai 2018
Le 20 mai 2017, l’éleveur Jérôme Laronze était tué par les gendarmes, suite d’une longue série de harcèlements et de contrôles agricoles à répétition. Un an après, nous avons décidé d’occuper l’administration qui organise ces contrôles dans chaque département, la DDCSPP. Nous étions une bonne centaine, accompagnés de neuf brebis. Ensuite, nous avons fait une manifestation dans les rues de Foix. Voici le texte qui a été lu aux agents de la DDCSPP et diffusé dans la ville.
Qui nous protège de la Protection des populations ?
Le 18 mai 2018, depuis les bureaux de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de Foix (Ariège).
Il y a un an, le 20 mai 2017, Jérôme Laronze, éleveur de vaches dans le Mâconnais, était abattu par un gendarme. Nous sommes aujourd’hui dans vos bureaux parce que l’administration agricole dont vous êtes les agents porte une lourde responsabilité dans la mort de cet homme.
Derrière la violence des forces de l’ordre, c’est le harcèlement administratif de vos collègues de Saône-et-Loire qui a conduit à cette exécution. En 2014, ils décident d’immobiliser la totalité de son troupeau : il ne peut plus déplacer, abattre ou vendre ses bêtes. Tout cela parce qu’il n’a pas déclaré dans le délai légal de sept jours la naissance de 45 animaux à l’ Établissement départemental de l’élevage (EDE). Les bêtes sont pourtant identifiées par des boucles numérotées. À partir de là, la mécanique administrative se met en marche. Les injonctions et menaces de l’administration se multiplient, les contrôles vétérinaires sont systématiquement accompagnés par des gendarmes. En juin 2016, les contrôleurs et les gendarmes font paniquer les vaches qui sont poussées dans la rivière. Cinq d’entre elles sont blessées et meurent dans les jours suivants. Jérôme Laronze n’obtient aucun dédommagement et la DDCSPP continue de lui mettre la pression. L’administration décide d’en finir avec sa ferme. Le 11 mai 2017, les contrôleurs viennent faire le recensement du troupeau en vue de sa saisie. Ce jour là, les gendarmes sont plus nombreux que d’habitude et sont accompagnés de pompiers. Ils veulent embarquer Jérome Laronze pour l’interner en psychiatrie. Il refuse et prend la fuite en tracteur. La traque des gendarmes va durer neuf jours. Le 20 mai au matin, alors qu’il dort dans sa voiture, il est surpris par une patrouille de gendarmes ; il tente une nouvelle fois de s’échapper et est abattu de plusieurs balles dans le dos.
Bien sûr, vous allez nous dire que vous n’êtes pas responsables. Il n’ y a jamais personne de responsable chez vous. Nous sommes pourtant bien à la « Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations ». C’est bien vous qui coordonnez tous les contrôles dans les fermes du département. Vous êtes chargés de faire appliquer les politiques agricoles de l’Europe et du ministère. Votre rôle est de nous imposer, par la contrainte s’il le faut, chaque nouvelle norme que vous mettez en place avec l’industrie agro-alimentaire.
Ce qui est arrivé à Jérôme Laronze, nous le connaissons bien. C’est la logique de votre administration poussée à l’extrême. Celle qui fait disparaître les paysans depuis plus de 60 ans. Sous prétexte de résoudre des crises sanitaires à répétition, vous nous imposez vos règles absurdes. Vous nous obligez à remplir des centaines de formalités administratives qui ne correspondent jamais à notre réalité. Vous imaginez depuis vos bureaux que le travail de la terre rentre dans des cases et des tableaux. Vous vous cachez derrière des considérations de « santé publique » pour imposer des fromageries stériles, des vaccinations dangereuses et des normes de « bien-être animal » qui maltraitent les animaux. À chaque nouvelle norme que vous pondez, des paysans mettent la clef sous la porte parce qu’ils n’ont pas les moyens de les appliquer. C’est la grande machine à trier. Vous faites régner sur le monde paysan un climat de suspicion permanent. Il n’est pas rare de recevoir des courriers de menace de sanctions. Lorsque vous déclarez l’immobilisation d’un troupeau, vous n’avez aucune intention d’aider ni l’éleveur ni les animaux.Vous n’avez aucun problème à saisir des troupeaux entiers et à les envoyer à l’abattoir. Un troupeau, c’est toute une vie et vous n’avez aucun scrupule à la foutre en l’air parce qu’un papier a été mal rempli.
Chaque année, plus de 200 paysans se donnent la mort. Vous appelez cela des « épidémies » de suicide et vous faites des « plans de prévention » qui consistent à raccompagner gentiment vers la sortie « les agriculteurs fragilisés », à coup de médicaments, de blouses blanches et de maisons de repos. Mais Jérôme Laronze, lui, n’est pas mort seul accroché à la poutre de sa grange. Jusqu’au bout, il s’est exprimé sur la condition d’agriculteur aujourd’hui. Avec une grande lucidité, il a tenté de briser le silence des campagnes. On pouvait lire dans le journal de Saône-et-Loire du 19 mai 2017 ses mots :
« L’hyper-administration […] n’apporte rien aux agriculteurs, sinon l’humiliation et les brimades. Cela ne rapporte qu’aux marchands et aux intermédiaires. Mon cas est anecdotique, mais il illustre l’ultra-réglementation qui conduit à la destruction des paysans. Les dossiers de la politique agricole commune sont devenus tellement compliqués que les paysans payent des gens pour faire leurs déclarations. Il y a une solitude de l’agriculteur face aux nombreuses questions des contrôleurs. Pour avoir la paix le paysan va signer tous les papiers qu’on lui tend. […] Le paysan, on le culpabilise du matin au soir. Et le jour où il se déculpabilise, on lui envoie les gendarmes. »
Considérant le sort qui a été fait a Jérôme Laronze, nous avons décidé de nous protéger collectivement de vos services. En attendant la disparition de la DDCSPP, nous exigeons la suppression de toutes les mesures administratives qui ont conduit a l’éxécution de Jérôme Laronze.
Ainsi nous exigeons :
L’arrêt de la présence des gendarmes lors des contrôles sur les fermes ;
L’arrêt des menaces et de la suspicion permanente des contrôleurs ;
L’arrêt des sanctions pour les déclarations de mouvements faites hors des délais légaux ;
L’arrêt des sanctions pour défaut d’identification ;
L’arrêt des sanctions pour la soi-disant « maltraitance animale » ;
L’arrêt des poursuites judiciaires de votre administration contre les agriculteurs ;
L’arrêt des saisies et de l’abattage des troupeaux ;
L’arrêt des hospitalisations sous contraintes ;
Et l’arrêt des contrôles sur les fermes.
Des paysans fragilisés (par l’administration) et leurs soutiens.