repris de sans attendre demain
Mercredi 16 mai, des occupants du site de Clignancourt sont parvenus à exclure de leur occupation une bande de dangereux agitateurs à prétentions révolutionnaires.
La bande en question, constituée selon nos estimations de deux à cinq individus, se seraient – selon les dires des occupants – rendus coupables d’un crime de lèse-université : ils auraient, dit la rumeur (ou la légende ?) eu l’extrême impudence de taguer « MORT A L’ETAT » sur l’un des murs du site de Clignancourt. Il faut avouer que l’existence de tag dans cette belle institution, chèrement défendue par ses occupants (une telle passion pour l’ordre a de quoi laisser planer le doute sur la radicalité desdits bloqueurs…), pouvait légitimement surprendre, puisqu’un comité informel de gestionnaires avait interdit toute dégradation du complexe universitaire-carcéral, au nom du bon déroulé de ses négociations avec l’administration (s’inscrivant ainsi dans la plus sombre tradition réformiste).
Ce comité de bons citoyens avait également eu la courtoisie de signifier à notre bande de dangereux agitateurs que cette occupation était la leur, et non pas celle de n’importe qui (comprenez : la fac appartient à ceux qui la gèrent).
A ce premier crime, suivi d’une menace d’exclusion (notre comité ayant la politesse de prévenir avant de vous mettre dehors à coup de bureaucratie au cul), s’était ajouté le très vandale débranchage (!) de deux caméras de surveillance, dans l’optique de comploter en toute tranquillité contre la prise de pouvoir par les gestionnaires de l’occupation de Clignancourt.
Heureusement pour nos bureaucrates en devenir, ces malheureux agitateurs furent renvoyés sur vote du Comité de mobilisation (ce conseil de discipline auto-institué aura eu le mérite de tracer la continuité entre l’autoritarisme administratif et ses défenseurs dans les rangs de la lutte). Notons, au passage, que pour d’ardents partisans du citoyennisme, nos apprentis-flics se passent facilement du vote de l’AG pour renvoyer ce qui risque de la mettre en péril – par ailleurs, ces charmants bureaucrates ne semblent pas avoir de problème à laisser l’UPR discourir dans « leurs » AG. Il faut donc en conclure que, pour les occupants de Clignancourt et son pouvoir reconstitué, Asselineau vaut mieux que l’expression sous-subversive de quelques individus en mal d’absolu – qu’on aurait peut-être d’ailleurs pas dû sous-estimer, dans la simple mesure où une lutte intestine dans les règles de l’art aurait au moins eu le mérite d’animer l’ambiance cafardo-cadavérique qui règne sans partage sur les AG de Paris IV.
En somme, les nouveaux bureaucrates de Clignancourt auront démontré ce jour-là qu’à force d’oublier de tuer le flic dans nos têtes, on finit par en devenir un soi-même.
[Publié sur non-fides, dimanche 20 mai 2018]