[IACAM !]
Que faire de la notion de « lutte dans la lutte » ?
Le mythe du Grand Soir a vécu. Sa fin emporte avec elle le Parti qui le prépare, son programme, ses étapes, l’obéissance de ses militants à sa ligne, et, plus fondamentalement, l’idée que c’est plus tard que se résoudra le problème des rapports de dominations et d’autorités dont ce monde est fait. Mais on ne va pas attendre la Révolution pour ouvrir des possibilités d’émancipation. Alors que faire quand il n’est plus question d’obéir en attendant un futur radieux ? Décréter qu’on abolit l’autorité et les rapports de pouvoir pour échapper à ce monde ? C’est tomber dans l’illusion de l’alternative et éluder la question révolutionnaire. En pensant échapper à ce monde, on y construit son nid, et c’est à la révolution qu’on échappe. Faire valoir l’exigence fondamentale que changent les rapports de domination et de pouvoir ici et maintenant ne peut se réaliser que dans la perspective d’une conflictualité globale avec l’existant, donc dans une perspective révolutionnaire. Et, réciproquement, cette conflictualité globale contient en elle des luttes internes contre les rapports de domination et de pouvoir qui s’y reproduisent. C’est ce que signifie sans doute la notion de « lutte dans la lutte ». Face à ce constat, notre drôle d’époque propose une drôle de porte de sortie (sortie de la perspective révolutionnaire qui implique sans doute trop de risques et de plongée dans l’inconnu pour le rapport au monde « assuranciel » qui se généralise). C’est l’idée qu’on pourrait s’impliquer dans les luttes internes à la perspective révolutionnaire, sans se soucier de la question révolutionnaire. Les luttes dans la lutte, mais sans la lutte, en somme. Se libérer des rapports de pouvoir et de domination sans la révolution, voilà ce que propose aujourd’hui la post-modernité triomphante à une époque qui n’attendait qu’elle pour tenter de mettre fin aux souffles révolutionnaires qui avaient traversé jusque là l’humanité et son histoire. C’est cette question qu’on propose de discuter, à partir d’une contribution à la réflexion en cours autour des Mujeres Libres dans la révolution espagnole et de la question de la « non-mixité », à lire ici.