Aalgérie:Une colonie anarchiste : Tarzout . Refuge de déserteurs

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 une colonie anarchiste la fermeTarzout

Algérie Alger le 30 juin 1894

Parquet du procureur général

Monsieur le Garde des sceaux

J’ai l’honneur, comme suite à mes rapports des 19 et 27 janvier dernier, de vous rendre compte du résultat de l’information suivie au tribunal d’Orléansville contre les nommés Regnier, André Reclus, Boisson, Cotinaud, Tracol, Lortal, Cheitanov et Antoine Lopez, inculpés du crime d’association de malfaiteurs, prévu par la loi du 18 décembre 1893.

Cette information a nettement démontré que le sieur Regnier, gendre d’Elisée Reclus, est à Tarzout, le chef reconnu d’une colonie exclusivement composée d’anarchistes français ou étrangers. Les membres de cette colonie entretiennent des rapports suivis avec les anarchistes d’Alger et sont en relations avec les anarchistes de la Métropole et de l’étranger.

Une commission rogatoire envoyée à Genève, à la suite de la saisie opérée au domicile de l’inculpé Cotinaud, a permis d’obtenir certains renseignements sur les déserteurs dont il est question dans la correspondance de cet anarchiste, correspondance dont je vous ai donné l’analyse à l’appui de mon rapport précité du 19 janvier.

Le sieur Combard Ferdinand, a été condamné le 5 juin 1888, par le conseil de guerre de Blida, à huit ans de travaux publics, pour voies de fait envers un supérieur et pour bris de clôture. Quelques mois après cette condamnation, le 16 décembre 1888, il s’évada de l’atelier n°1 et trouva asile à la ferme Regnier à Tartouz. L’inculpé Cotinaud prêta son livret militaire à l’évadé qui fut, grâce à cette pièce, dissimulé aux autorités et gagna Genève. Le livret prêté fut retourné à Cotinaud le 8 mai 1889. Le sieur Combard habita Genève pendant deux ans, il fut expulsé de cette ville le 12 avril 1891, à la suite d’une affaire de coups et blessures dans laquelle il avait joué un certain rôle et se rendit à Bruxelles. Il habiterait encore aujourd’hui la Belgique.

Le sieur Perrare Antonio, a été expulsé de Genève le 16 juillet 1889.

Le sieur Fourgatio (?) a quitté Genève, où il était signalé au mois d’avril 1893, comme anarchiste militant.

Le sieur Philippot a été expulsé de Genève le 16 juillet 1889. Le 6 août de la même année, la même mesure a été prise contre Turino.

L’information ayant démontré que l’inculpé Lopez Antonio, entretenait des relations suspectes avec trois anarchistes d’Oran, ses compatriotes, les sieurs Bernabeu, Antonio Guerrero et Manuel Alcina, ces espagnols ont été également mis en état d’arrestation et impliqués dans les poursuites.

Il n’a pas été toutefois possible d’établir que l’association, non douteuse, existant entre ces divers individus, constituât une association ayant pour but de préparer ou de commettre des attentats, dans le sens où l’entend la loi du 18 décembre 1893.

Une ordonnance de non-lieu a donc été rendue, de ce chef, en faveur de Regnier, Reclus, Boisson, Cotinaud, Tracol, Cheitanov, Antoine Lopez, Bernabeu, Guerrero et Alcina.

Les nommés Boisson, Xixonnet, Cheitanov, Lortal et Tracol qui, lors des perquisitions opérées au domicile du sieur André Reclus, s’étaient rendus coupables d’outrages envers M. le commissaire central et ses agents, ont été déférés au tribunal correctionnel d’Orléansville qui, dans son audience du 21 juin courant, a condamné les prévenus, savoir : le 1er à six mois d’emprisonnement – le 2e à cinq mois – le 3e à quatre mois – le 4e à quinze jours – et le cinquième à 2 francs d’amende par application des articles 223 et 224 du code pénal.

Les nommés Cheitanov (sujet bugare), Bernabeu, Guerra, Alcina (sujets espagnols) ont été remis à l’autorité administrative, qui a déjà pris contre eux des arrêtés d’expulsion.

Le procureur général.