Quand les matons font grève et bloquent les prisons, les prisonniers trinquent et dans certains cas se révoltent : diminution voire suppression du temps de promenade, fin des activités sportives et/ou culturelles, refus de parloirs aux proches, aggravation des conditions de survie au sein de la taule (accès aux soins et à l’hygiène, approvisionnement en eau, etc…).
Le mouvement des geôliers (contre tous les risques que comportent leur sale métier) dure maintenant depuis plus d’une semaine, et il n’est pas rare qu’à l’intérieur jaillissent des révoltes. C’est qui s’est passé dans certaines taules, où des prisonniers se sont révoltés contre un quotidien rendu encore plus insupportable.
Jeudi 18 janvier à Fleury-Mérogis, plus d’une centaine de prisonniers ont refusé de réintégrer leurs cellules à l’issue de la promenade écourtée, qui se sont mis à taper sur les portes et à insulter le personnel. Cette insoumission des prisonniers s’est d’abord traduite au sein du bâtiment B1 en restant immobiles à l’issue de la promenade, ce qui a nécessité l’envoi des ERIS vers 10h30 pour rétablir l’ordre. Puis c’est au sein du bâtiment B2 que plus d’une centaine de prisonniers ont refusé de remonter dans leurs cellules après la promenade du midi. Là encore, l’AP a immédiatement eu recours aux ERIS pour mettre fin à la protestation, qui a duré plus d’une heure.
Samedi 20 janvier à Maubeuge (Nord), la colère des prisonniers était encore plus palpable, à en croire un article de la Voix du Nord : c’est en fin de matinée que la mutinerie a commencé, lorsqu’un groupe d’une vingtaine de détenus s’est rassemblé dans les coursives du bâtiment A2 et s’est mis à détruire des vitres et du mobilier, à entasser des poubelles et à déverser de l’eau savonneuse pour perturber toute intervention des ERIS ou autres. Par ailleurs, 70 autres mutins ont saboté les serrures de cellules dans trois autres ailes de la prison, d’après un maton de Force Ouvrière. Cinq mutins présumés ont été placés en quartier disciplinaire.
Dehors, la colère gronde aussi du côté des proches et des membres de familles de détenus en raison de cette situation invivable qui dure depuis le début de semaine. « On est venu mercredi et vendredi pour voir notre cousin, explique l’une d’entre elles. Ça nous a été refusé. On l’a eu au téléphone, à l’intérieur, ils n’en peuvent plus d’être coincés dans leur cellule. Ils sont énervés […] »
Le lendemain après-midi, la protestation des prisonniers s’est poursuivie à la prison de Maubeuge, où une quarantaine d’entre eux a refusé de regagner leurs cellules.
A Longuenesse (Pas-de-Calais), près de Saint-Omer, un détenu a agressé deux matons en début de soirée dimanche (21 janvier 2018), à l’aide d’un pied de table (une barre de fer de 80cm de long, de 5 cm sur 5 cm). Les deux souffrent de contusions au bras et ont passé quelques heures à l’hopitalLe maton syndiqué FO, Julien Martin, n’a pas hésité à qualifier cette attaque de « guet-apens » et de « tentative d’assassinat ».
Mardi 23 janvier, 28 détenus de la prison de Nantes ont refusé de remonter en cellule après la promenade vers 17h, par crainte de se voir complètement supprimer les parloirs. A Uzerche (Corrèze), il y a eu un début de rébellion dans la matinée après que l’ensemble des prisonniers s’est vu refuser l’accès à la cantine. Dans l’après-midi, un détenu mineur de la maison d’arrêt de Pau, énervé par le mouvement d’humeur des matons, frappait la porte de sa cellule à coups de pied lorsqu’une surveillante est venue lui ouvrir. Elle s’est mangée la porte en pleine face. Sonnée, elle a été immédiatement emmenée à l’hosto par les flics venus suppléer les matons en grève. Ces derniers sont suppléés la nuit par trois membres du groupe ERIS, les Equipes régionales d’intervention et de sécurité venus de Bordeaux, un policier de la Bac et deux officiers de l’ENAP, l’école nationale d’administration pénitentiaire, basée à Agen.
Dans la matinée de mercredi 24 janvier à Epinal (Vosges), des détenus ont répondu par le feu au blocage des matons : certains d’entre eux ont multiplié les foyers d’incendie dans l’une des coursives de la taule. D’ailleurs, ce début de révolte a fait reprendre du service aux matons « en grève », qui ont épaulé pompiers, flics et ERIS pour rétablir l’ordre.