À propos d’un projet de bibliothèque autonome dans la prison nord de la ville de Mexico.
… L’idée de fonder une bibliothèque Aux compagnon-e-s rebelles
À tous ceux qui construisent leur chemin d’autonomie, j’écris pour rappeler qu’à l’intérieur de ces murs nous tentons d’arracher notre temps vital à la machinerie en créant des moments de lucidité dans ce monde asphyxiant.
C’est ainsi que durant ces années ont surgi des propositions de résistance, de combats isolés en cris qui se perdent dans l’obscurité jusqu’aux moments d’organisation collective informelle dans le quotidien de la vie en régime ouvert, c’est à dire la population carcérale en général. C’est là qu’a surgi depuis presque trois ans l’idée de créer un espace différent où les prisonnier·e·s puissent crier que toute cette destruction doit cesser. Nous savons que le système carcéral est conçu pour soumettre nos corps et nos esprits aux lois du commerce, c’est pour cette raison que nous n’allons pas leur demander de changer. Nous savons que l’argent est le langage des puissants et nous n’avons donc aucune requête à leur faire. Désormais, nous voulons auto-gérer nos vies à l’intérieur de ces murs, contrôler nous-mêmes nos mentalités, puisque ce que visent leurs programmes de réadaptation sociale est la création d’êtres soumis, repentis, coupables et qui de ce fait acceptent le travail, esclaves aux mains des fonctionnaires de la prison.
C’est ainsi qu’est née l’idée de fonder une bibliothèque alternative dans l’auditorium de la prison Nord mais, pour que ce projet d’autonomie grandisse et qu’il puisse fonctionner, nous avons besoin de votre appui et de votre solidarité car, à intérieur, nous sommes réprimé·e·s de façon méthodique. C’est pourquoi nous lançons cet appel à tous ceux qui se savent en guerre, nous avons besoin de vous_!!! Car c’est seulement ensemble que nous réussirons à trouver la force d’affronter la logique de ce système de putréfaction.
Ne nous laissez pas seuls dans la construction d’un espace supplémentaire d’autonomie. Notre lutte est tout aussi importante, nous aussi sommes esclaves, enfants d’une guerre, nous sommes pauvres, ils nous appellent délinquants et pour cela nous marginalisent, mais ensemble avec vous, nous démontrerons que nous sommes capables de vivre la liberté ici et maintenant, même entre ces murs de pierre.
C’est pour poursuivre ce projet que nous vous demandons de nous soutenir.
« La bibliothèque autonome » dans la prison Nord
Avec amour et force pour tous et toutes.
– Fernando Bárcenas –
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Situation actuelle du projet de bibliothèque autonome à l’intérieur de la prison.
Cher-e-s Compagnon-ne-s
Quelques mots pour vous informer de la situation actuelle du projet de bibliothèque autonome à l’intérieur de la prison.
Tout d’abord, merci de votre participation et, par les pressions exercées, de nous avoir permis d’obtenir un espace qui a rendu possible l’acceptation du projet de bibliothèque. Votre soutien est toujours nécessaire puisque, maintenant, il nous faut construire les meubles et aménager l’espace. Jusqu’à présent en effet, nous n’avons eu les moyens d’acheter ni les matériaux ni les outils nécessaires.
J’ai entendu dire qu’il y avait des personnes disposées à soutenir économiquement et en donnant des livres. C’est pourquoi il est important de dire que, pour l’instant, le principal est de collecter des fonds afin de pouvoir acheter le matériel nécessaire_: des planches de bois, des tire-fonds et des vis, des chevilles expansées, en bois, des clous, des agrafes industrielles, etc. Tout ceci est primordial car il ne sert à rien d’entasser des livres si nous n’avons pas auparavant un endroit aménagé avec des meubles pour les ranger…
L’idée est de travailler pendant ce temps de façon à ce que la bibliothèque puisse être inaugurée à la mi-décembre. Ce sera ainsi un lieu où s’exerce l’autonomie à l’intérieur de ces murs, comme un espace culturel pour la population en général de cette prison, la mise à disposition d’outils destinés à transformer la réalité de cet univers carcéral.
Loin des dogmes idéologiques, religieux et scientifiques, la proposition est d’ouvrir un espace réel pour se retrouver soi-même.
Ceux qui participent à ce projet remettent profondément en question l’assistanat, la « charité » et les fétichismes qui conduisent différentes associations et collectifs du dehors à participer à des projets de diverses sortes à l’intérieur de la prison.
C’est pour cela que nous rappelons à toutes celles et ceux qui ont l’intention d’entrer à l’intérieur de ces murs que nous nous opposons à ce type d’activités. Car la prison est partout ; la lutte anti-carcérale ne doit pas être centrée sur « les prisonnier-e-s » des « prisons physiques » mais doit amener chacun d’entre nous à reconnaître son enfermement quotidien. Et c’est par la rupture insurrectionnelle que nous parviendrons à prendre soin de nous, chacun incendiant ses propres prisons.
Assez de prisonnierisme*! Construisons de réelles alternatives pour qu’à nouveau nous soyons ceux qui attaquent ce système… Car on ne doit pas se souvenir de façon nostalgique «d’un-e compagnon-ne prisonnier-e» mais le revendiquer dans chaque acte de guerre qui accélèrera le déclenchement de l’insurrection généralisée.
Beaucoup de courage
– Fernando Bárcenas –
* presismo en espagnol: assistanat carcéral