La tournée de conférences de Paul François et de Fortuné dans la région lyonnaise
Le 30 janvier 1892, dans La Révolte, paraît une annonce : « Camarades,
Convaincus que pour être réellement efficace, la propagande ne doit pas se borner aux grandes villes et aux principaux centres mais doit, au contraire, pénétrer jusqu’aux plus petites localités et surtout à la campagne ; les compagnons Fortuné et Paul François entreprendront, du 1er février au 15 mars prochain, une tournée de causeries-conférences dans toute la vallée du Rhône entre Lyon et Marseille.
Voyageant à petites journées, se rendant au besoin à pied dans les communes non desservies par les lignes ferrées, ils s’arrêteront partout où une salle, un café, un local quelconque pourra être mis à leur disposition et où il se trouvera deux amis pour faire la déclaration exigée par l’autorité.
Document Fragments d’Histoire de la gauche radicale.
Que tous les groupes, tous les compagnons, tous les amis, même inconnus qui, sans se déclarer partisans de nos idées, leur sont cependant sympathiques et qui désirent les approfondir davantage, que tous, dis-je, nous adressent, le plus promptement possible, leur adhésion, les subsides dont ils voudront bien et pourront disposer et surtout les renseignements de toute nature à nous faciliter cette tournée.
Au fur et à mesure que nous avancerons sur la route, nous aviserons plus particulièrement et directement les amis des localités dans lesquelles nous devions nous trouver deux ou trois jours après.
En avant, toujours et quand même pour l’anarchie !
Fortuné, Paul François »
Dès le 2 février, la Sûreté transmet au Préfet de police de Paris, la demande d’information du préfet du Rhône à propos de Fortuné. Le 8 février la Préfecture du Rhône transmet un complément d’information : il loge en garni chez Monsieur Cottet, 111 rue Rabelais au 3ème étage où il s’est fait inscrire sous le nom de HENRY Jean, comptable, âgé de 23 ans, né à Brévannes ( Seine et Oise), venant de Paris.
Le 24 février la Préfecture de Seine et Oise confirme l’état civil et précise que Henry habite tantôt 7 quai de Valmy à Paris, tantôt à Brévannes chez sa mère. Commencent ici les difficultés de la police et de son organisation, pour traiter le cas de Fortuné Henry. En effet lorsqu’il habite Paris, il dépend de la Préfecture de police de la capitale mais lorsqu’il séjourne à Brévannes, il relève de la Sûreté nationale. Les deux services ne surent jamais vraiment qui devait traiter son dossier !
Ces précisions permettent à la Préfecture de police de Paris de retrouver Fortuné Henry : celui-ci prend le pseudonyme de « Fortuné », il habite depuis septembre 1890, 7 quai de Valmy où il occupe une chambre de 130 francs de loyer annuel. Il habitait auparavant 5 rue de Jouy. Mais la police a encore du mal a le distinguer de son frère Émile, tous deux semblent utiliser ce pseudonyme « Fortuné », à tour de rôle. C’est ainsi que le Fortuné qui est signalé le 15 mai 1892, comme étant membre du groupe de Levallois, serait en fait Émile.(1)
Quant à Émile Henry, il cherche à avoir des nouvelles et fait même passer une « brève » dans le Père Peinard (2) : « Le compagnon Fortuné de Lyon, est prié de donner son adresse à son frangin ». En février 1892 Émile Henry semble s’occuper de l’animation du groupe anarchiste de Levallois : il envoie une carte postale à Leboucher pour lui demander de faire une conférence. (3)
Le 6 février, Durey dit Paul François et Fortuné Henry font une conférence à la salle du Théâtre de Givors. Les deux conférenciers sont logés depuis trois jours chez Serindas, ouvrier verrier gréviste. Quatre vingt personnes assistent à la conférence dont le sujet est : « La crise économique et ses conséquences ». Pour eux la propriété individuelle a fait son temps, il faut la transformer en propriété sociale. Il faut aussi supprimer l’autorité et le gouvernement qui n’ont été établis que pour défendre la propriété bourgeoise : « On parle de liberté, mais tant que l’autorité existera, nous ne serons pas libre, il y aura toujours deux classes de citoyens : les exploités et les exploiteurs ». Le soir a lieu une deuxième conférence mais 24 personnes seulement y assistent. Parlant de patriotisme, Fortuné déclare que les gouvernements bourgeois sont les moins patriotes et cite comme exemple « M. Carnot qui adresse des lettres de félicitations à l’empereur Guillaume à l’occasion de la naissance d’un prince, c’est à dire d’un nouvel ennemi ». Parlant de l’armée, il dit qu’elle n’a été crée que pour garder la propriété des bourgeois et n’est qu’une entrave pour l’ouvrier. « Vous l’avez vu d’ailleurs, au moment de la dernière grève à Givors, trois ou quatre gendarmes ont suffit pour maintenir une masse d’ouvriers et cependant où les grévistes ont agi avec violence, les patrons ont été obligés de céder ». Il cite comme exemple la grève des Omnibus où dès le premier jour les grévistes ont coupé les freins et il fait allusion au meurtre de Watrin dont les auteurs n’ont pu être découverts grâce au silence des ouvriers, poussant ainsi indirectement ces derniers à la révolte contre les patrons en leur faisant comprendre qu’ils pourraient en se concertant commettre des violences sans être inquiétés.
Au sujet de la patrie, il déclare « qu’il ne doit pas y avoir de frontière, que les prussiens ne sont pas de l’autre côté du Rhin, mais en France, dans l’État, dans les rouages du gouvernement, dans la police et tous ceux qui nous exploitent ».
Pour couvrir les frais de la conférence, l’entrée est fixée à 25 centimes mais considérant le petit nombre de spectateurs Fortuné et Duray, à bout de ressources doivent faire une quête pour se procurer les moyens nécessaires afin de pouvoir se rendre à Rive de Giers.
A la mi-février Fortuné et Durey sont toujours dans la région lyonnaise mais leur situation est très précaire.
Ils prévoient d’entreprendre une série de conférences dont le but essentiel est de se procurer des ressources. A Firminy la réunion a lieu le dimanche 14 février, salle de la Rotonde devant un auditoire réduit : une quarantaine de personnes.
Le compagnon Paul François traite de la crise économique, de ses causes et ses conséquences. Pour lui « le principal motif de la crise, c’est la propriété individuelle. L’ouvrier est à la fois le grand producteur et le grand consommateur. Les capitaux et le progrès de la science ont mis aux mains de la bourgeoisie tout un système de machines qui fait produire à l’ouvrier trop de marchandises, à un prix trop réduit. Les salaires n’étant pas assez élevés, les ouvriers doivent réduire leur consommation. Par la suite les marchandises accumulées ne sont pas été achetées, les magasins ne se vident pas et les industriels devant cette crise de la vente doivent réduire peu à peu le nombre des travailleurs qu’ils occupent. En conséquence du chômage, le prix de la journée de travail s’est encore abaissé. Moins on a besoin de bras, plus de bras veulent être occupés, et c’est à qui offre son travail à un taux moins élevé que ses camarades.
Dans l’état social actuel, l’ouvrier ne gagne donc pas ce qui est absolument nécessaire aux besoins de la vie.
Ici encore c’est la propriété individuelle qui est la cause du mal. Si les industriels et les compagnies minières, par exemple se décident à augmenter le salaire de leurs ouvriers, il est évident que, pour ne pas trop perdre, ils se voient dans la nécessité d’augmenter leur prix de vente.
Comme conséquence alors, l’ouvrier perd comme consommateur, ce qu’il y gagne comme producteur et la question n’est pas résolue ».
De toutes ces observations, Paul François déduit que « tout le mal est dans le système actuel où les bourgeois détiennent le capital et les machines. Inutile de songer à réformer cet état de choses par une série de moyens pacifiques ou parlementaires : on se heurterait à la loi qui a été faite par les bourgeois et pour eux. La transformation de la propriété individuelle en propriété sociale ne sera possible que grâce à la révolte ».
Puis c’est au tour de Fortuné de prendre la parole, son intervention est beaucoup plus courte. Il fait le procès du patriotisme qu’il affirme être un des moyens par lesquels les bourgeois conservent le monopole de leurs privilèges : « C’est une religion qu’on crée, pour se préserver du peuple, les gouvernements affolés se sentent sapés par les principes de l’anarchie. Il faut combattre cette religion, il faut la détruire, alors seulement, on pourra songer à l’émancipation sociale, alors seulement, on pourra rêver de créer cette société harmonique que préconise l’anarchie et où l’humanité régénérée sera désormais heureuse ». (4)
Fortuné n’hésite pas à recourir aux formules rhétoriques habituelles des orateurs anarchistes, son discours est beaucoup moins construit que celle de son aîné Paul François.
A la fin de la conférence un compagnon déclare qu’une collecte va être faite parmi les assistants pour couvrir les frais de la réunion mais elle ne rapporte guère, puisque la propriétaire de la salle ne touche que 4 francs au lieu de 15, prix de la location. Cela ne doit pas renflouer les caisses des deux anarchistes.
D’ailleurs Fortuné se retrouve à l’hospice de l’Antiquaille à Lyon du 17 au 26 février, sans doute avec les indigents. Il quitte Lyon aussitôt pour aller à Saint-Chamond d’où il doit ensuite se rendre à Charleville (5). Mais on le retrouve à Paris.
Le 5 mars 1892, une réunion (6) à laquelle assistent une quarantaine de personnes a lieu 281 rue Saint Denis, l’ordre du jour est le suivant : Le 1er mai et la propagande par le fait.
Millet est l’orateur principal, il expose la situation misérable des ouvriers des différents pays d’Europe, provoquée par le perfectionnement des machines et l’exploitation capitaliste. Pour mettre un terme à pareil état de chose, il ne voit que la révolution sociale, c’est à dire l’anéantissement de la bourgeoisie. Millet engage ensuite tous les anarchistes à se trouver dans la rue le jour du 1er mai : « il est bon de profiter de toutes les circonstances et l’on pourrait essayer à cette date de tenter un mouvement révolutionnaire ».
Fortuné Henry est présent à cette réunion, il n’est pas encore connu des indicateurs qui rédigent des notes à la Préfecture de police. Le rapport évoque « un autre compagnon, dont le nom est resté inconnu ». Mais une note manuscrite a été ajoutée à la main : «Henry Fortuné » et dans la marge, il est indiqué qu’une copie du rapport doit être classé dans son dossier.
Fortuné explique, devant l’auditoire, que le mouvement anarchiste va en s’accentuant dans les principales villes de France, notamment à Lyon et à Saint-Étienne. Il déclare avoir fait tout récemment une tournée de propagande dans le Midi (7) et constate que les idées révolutionnaires ont fait un grand pas dans l’esprit des masses ouvrières.
Le 6 mars à 16 heures, le Cercle anarchiste international se réunit 13 rue Aumaire, salle Horel, une soixantaine de compagnons sont présents dont Fortuné qui ne prend pas la parole (8).
Le 14 mars les anarchistes de Reims se réunissent au café Hureaux. On y discute du journal régional le Déchard, du Père Peinard et de la Révolte. On s’y plaint de ne pas avoir trouvé de vendeur pour le Déchard, journal anarchiste qu’il faut soutenir énergiquement jusqu’au 1er mai.
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Leroux, un compagnon de Reims assure la distribution du Père Peinard. Celui-ci a reçu de Pouget une lettre annonçant que le compagnon Fortuné va faire une tournée de conférences dans les Ardennes et qu’il s’arrêtera à Reims si toutefois il y a quelque « argent à gagner » (9). Les anarchistes rémois vont chercher une salle pour y tenir une réunion publique.
Aussitôt le préfet de la Marne informe la Direction de la Sûreté générale de la possible arrivée de Fortuné et réclame des informations à son sujet.
La machinerie policière se met en branle : la Préfecture de police de Paris, dans un courrier adressé à la Direction de la sûreté générale le 19 mars (10), donne des explications sur la motivation de cette tournée dans les Ardennes : « J. B. Clément, directeur de la Fédération ouvrière des Ardennes, ayant fait mettre à l’index par les fédérés ardennais le journal Le Père Peinard, le sieur Pouget, directeur de cette feuille, pour combattre J. B. Clément,a engagé le sieur Henry Fortuné, pour se rendre dans les Ardennes afin de faire une tournée de conférences anarchistes. Celui-ci qui devait partir le 14 mars courant a dû emporter des affiches et des proclamations destinées à le précéder et à annoncer sa venue dans les différents centres qu’il compte visiter. Ses premières stations doivent être Charleville et Mézières.
Jean-Baptiste Clément par Nadar.
Armé d’un revolver et d’un couteau-poignard, le sieur Henry à l’intention de s’en servir si J. B. Clément l’attaque trop vivement. »
Ces informations sont communiquées dès le 19 mars aux préfets de la Marne et des Ardennes, le Directeur de la Sûreté générale ajoutant que Fortuné « se trouve dans une situation précaire et paraît entreprendre une tournée de conférences principalement dans le but de se procurer des ressources (11) ».
Mais des événements inattendus vont bouleverser ces projets. Le groupe anarchiste Les Sans Patrie de Charleville qui doit assurer la logistique des conférences de Fortuné dans les Ardennes et le groupe de Reims ont prévu de faire déserter un soldat, originaire de Charleville, faisant son service militaire à Reims. Le 16 mars Leroux aide ce soldat en lui fournissant des vêtements civils mais peu après le déserteur se constitue prisonnier. Le 18 mars Leroux est arrêté et inculpé d’excitation et de provocation à la désertion de militaires (12). Il est condamné le 30 mars à 18 mois de prison, Moray et Mailfait des Sans Patrie (qui sont en fuite) à 3 ans d’incarcération (13).
Pour sa part le groupe Sans Patrie subit depuis le 20 février une information judiciaire pour association de malfaiteurs, les conditions ne sont donc plus réunies dans l’immédiat pour que la tournée de conférences de Fortuné puisse avoir lieu.
Le 29 mars, d’après l’indicateur Zéro, Fortuné aurait quitté la capitale pour se rendre en province chez un parent, Pouget l’accompagne à la gare. Le rapport porte une mention manuscrite : « Il s’est rendu dans les Ardennes pour faire des conférences » (14).
Le journal le Petit ardennais ne signale, de son côté aucune conférence anarchiste de fin mars au mois d’avril 1892. Fortuné était-il dans les Ardennes durant cette période agitée ? Les archives de police ne fournissent pas de renseignements fiables à ce sujet.
Un autre rapport précise que Fortuné aurait de nouveau quitté Paris le 6 avril pour se rendre en province chez un de ses parents15 mais cette indication correspond aussi à de fréquents voyages chez sa mère à Brévannes.
Le 22 avril une vaste rafle est organisée dans toute la France, Zo d’Axa, animateur de L’En Dehors, explique les motivations du gouvernement : « Le coup de filet policier de ce mois d’avril 92 restera historique.
C’est la première en date parmi les plus cyniques tentatives des temps modernes contre la liberté de penser.
On connaît maintenant les coulisses de l’affaire.
Le gouvernement voulut profiter de l’émotion causée par les explosions de la caserne Lobau et de la rue de Clichy (16) pour englober dans un gigantesque procès de tendance tous les révolutionnaires militants. Le ministère et ses procureurs dociles firent semblant de croire que certaines opinions constituaient des complicités. » (17)
Dans la région parisienne, 50 anarchistes sont arrêtés, dont Zo d’Axa et Pouget le rédacteur du Père Peinard. Tous sont inculpés d’association de malfaiteurs en vertu des articles 265 et 266 du Code pénal (18). Dans le reste de la France 167 compagnons sont arrêtés pour le même motif (19).
A Lyon, 40 mandats d’arrêts ont été délivrés par les juges d’instruction, 25 anarchistes lyonnais sont arrêtés. Sept mandats d’arrêt sont également lancés contre des anarchistes qui avaient récemment quitté la ville et transmis aux autorités judiciaires de leur résidence. Parmi eux se trouve Durey que la justice recherche rue Guillaume Tell à Dijon (20).
A Saint-Quentin, des perquisitions sont opérées chez 21 anarchistes, dix sont arrêtés, des brochures, des affiches sont découvertes mais pas d’explosifs.
A Paris, Fortuné échappe à la répression, il ne fait pas partie des listes de militants dangereux à arrêter, son militantisme anarchiste est encore trop récent. Ce relatif anonymat qui lui permet de passer entre les mailles du filet, il peut se rendre à la gare pour aller à Saint-Quentin où il doit prendre la parole dans une réunion publique. Sans doute par précaution, il est arrivé depuis trois jours.
Neuf ouvriers sont arrêtées à Saint-Quentin, sous la prévention d’anarchisme : Ballenghein Zéphir, rue de Fayet, beau-frère de Brunet, arrêté à Paris ; Baillet Augustin, rue Denfert-Rochereau ; Gabelle, rue d’Ostende ; Catry, rue de La Fère ; Renaud, A la briqueterie, chemin de Savy ; Normand, rue de la Pomme-Rouge ; Loizon, rue Pontoile ; Beauchène, rue de Guise ; Lorendeau, rue Denfert. En outre, des mandats d’amener sont décernés contre cinq autres anarchistes et des perquisitions sont opérées chez sept autres. (21)
Malgré l’arrestation des principaux anarchistes de la ville, le meeting du 23 avril réunit 600 personnes. Il est passé 9 heures quand les quelques centaines de personnes qui stationnent dans la rue Dachery depuis leur sortie des ateliers, peuvent entrer dans la salle du Cirque.
Les anarchistes n’ayant pas l’habitude de constituer de bureaux, le compagnon Fortuné se présente seul sur l’estrade, jetant un regard de satisfaction sur la salle qui lui semble convenablement garnie et un autre sur le commissaire de police présent, avec son secrétaire.
Il s’en prend d’abord, en termes d’une extrême violence au rédacteur en chef du Petit Express qu il traite de menteur, d’espion et de gredin, pour avoir annoncé son arrestation, prenant ainsi un désir pour la réalité.
Fortuné lors de sa prise de parole s’étonne de n’avoir pas été arrêté ni à son départ de Paris, ni à son arrivée à Saint-Quentin. Toute la soirée, il fait en termes violents l’apologie de Ravachol et de ceux qui voudraient l’imiter : « On a, à la suite des dernières explosions, représenté les anarchistes comme des bêtes féroces altérées de sang, des monstres de cruauté.Tout cela est dénaturé et exagéré à plaisir. Ravachol n’est qu’un de ces aigris par la misère, victime de la justice bourgeoise, qui a voulu tout simplement donner un avertissement aux jouisseurs et aux parasites, aux détenteurs de l’assiette au beurre. Ce n’est pas un criminel ordinaire, c’est un homme qui s’est dévoué à une cause dont un jour, on reconnaîtra la grandeur et la justesse. »
Est-ce à dire que le compagnon Fortuné recommande spécialement la dynamite comme moyen de se venger ? Non. Et l’orateur fait un geste indiquant que, pour se venger d’un homme, le revolver et le poignard suffisent.
Fortuné, se tournant vers la table de la police, prononce de temps en temps quelques mots de défi et son exaltation s’accroît. Il bondit, il montre le poing «Vous pouvez m’arrêter, m’emprisonner, me condamner, me torturer, me guillotiner, crie-t-il, je resterai fidèle à ma cause et je crierai : Vive l’anarchie ! ».
Toutefois à certains moments, il est rappelé à la modération par des compagnons et s’empresse de suivre leurs conseils. La réunion se termine sans incidents à 23h15. (22)
Document Metropolitan museum of art. Alphonse Bertillon. Albumens silver prints. Photographs
Le samedi 21 mai chez Constant Martin (23), un militant libertaire qui tient une crèmerie, 3, rue Jocquelet (actuelle rue Léon-Cladel) se retrouvent à midi, Fortuné, Matha et quelques autres qui décident de suivre les réunions du marquis de Morès (24). Celui-ci vient d’inaugurer le 14 mai 1892, une série de conférences sur l’antisémitisme au Tivoli-Vauxhall devant 800 à 1.000 personnes (25). S’agit-il d’aller perturber ses meetings ? Cet antisémite eut parfois des rapports ambigus avec certains anarchistes. Mais les documents n’en disent pas plus.
Notes :