Archives mensuelles : mai 2019

Ambert, France : Silence obstiné et contrôle acharné (et inversement)

Cela fait maintenant un an que deux personnes sont inculpées et placées sous contrôle judiciaire dans le cadre d’une instruction criminelle, accusées d’avoir tenté de brûler un véhicule d’Enedis à Ambert en juin 2017. Ce CJ les empêche notamment de rentrer en contact l’un avec l’autre ainsi qu’avec 5 autres personnes, les contraint à ne pas quitter le département et à pointer deux fois par semaine.

Sortir de prison, ne pas attendre le jour du procès en détention provisoire est réjouissant. Mais assez logiquement, en tant qu’alternative à la prison, le contrôle judiciaire est loin d’être une partie de plaisir, surtout lorsqu’il s’accompagne d’effets insidieux : la pression des flics lors du pointage ou la surveillance dans la rue… mais aussi la stigmatisation de l’entourage, le rejet ou la fuite de celleux qui ont peur d’avoir leur blaze dans le dossier d’instruction, l’injonction à avoir une vie rangée… Autant d’éléments qui vont du désagréable à l’insupportable suivant les jours et qui participent de cet outil mis en place par la justice pour tenir en laisse et isoler, le tout à ciel ouvert.

Récemment, les deux compagnons ont demandé la levée de leur contrôle judiciaire. La juge d’instruction vient de leur refuser, avec des motifs assez significatifs. Elle leur reproche le silence au moment de l’enquête sociale, le peu de garantie de représentation qu’ils offrent, des comportements suspects (éviter d’être tracé, utiliser des alias), le fait de ne pas travailler, et pour finir, leur refus de collaborer aussi bien avec elle qu’avec les enquêteurs-rices.

Il est évident que la justice s’accommode mal du silence et de la résistance des personnes qu’elle cherche à mater. En avril 2018, alors que les deux compagnons assistaient à l’audience pour l’appel de leur mise en détention, le procureur avait déjà mentionné dans son réquisitoire qu’ils resteraient en prison jusqu’à qu’ils choisissent de parler (un des OPJ disait que les juges cherchent à « attendrir la viande »). Heureusement, la suite lui prouva que non.

S’il n’est pas question ici de se plaindre d’un traitement injuste, il nous semblait important de rappeler quelles peuvent être les conséquences de l’absence de collaboration. De récents exemples de longues détentions préventives, de contrôles judiciaires stricts et de refus de demandes de mise en liberté suite à des choix de ne pas discuter avec les flics et la justice sont parlant (eux). Ce choix du silence sur le long terme, bien que probablement dur à assumer au vu de ses conséquences, est une belle épine dans l’œil de la répression. Bien sur il permet de donner le moins de billes possible à ces ordures, qui arrivent déjà suffisamment à nous mettre dans la merde grâce aux outils et aux quelques informations dont elles disposent. Et si parfois la tentation d’ouvrir la bouche se fait sentir – parce qu’on nous fait comprendre que ça peut être dans notre intérêt ou qu’on bouillonne devant l’absurdité de la situation – gardons à l’esprit qu’en face de nous se tient un.e ennemi.e dont le seul objectif est de nous faire rentrer dans le rang, la tête basse et le regard éteint.

Il ne s’agit pas de se plaindre donc, mais juste de transmettre des éléments sur une pratique (parmi d’autres) dont on s’imagine bien que les baveux.ses elleux-mêmes ne font pas trop la promotion. Pour que le choix du silence se fasse en connaissance de cause et qu’il s’assume ainsi avec fermeté et détermination.

Que crève la justice !
On ne bavarde qu’avec nos potes !
Liberté pour tou.te.s !

[Publié sur indymedia nantes, lundi 20 mai 2019]

Florence, Italie : Comme Paganini, je ne répète pas* – 15 mai 2019

Je me tenais là, planté tel un pylône dans le béton, dans cette ville jadis ombragée de brigands, de bandits et d’aventures et maintenant brillante de vitrines et de richards.
Regardons les choses en face, ma vie était d’un ennui mortel : je relayais, je relayais, je relayais !
C’est ainsi qu’une belle nuit d’il y a presque une semaine, j’ai décidé de m’éteindre en m’illuminant.

Prenant exemple sur tous ceux qui m’ont précédé aux quatre coins du monde, je me suis suicidé pour réaffirmer ma liberté du joug de la contrainte de devoir relayer.
Je remercie les allume-feu et l’essence qui m’ont filé un coup de main.
Une chaleureuse (c’est vraiment le cas de le dire !) accolade à ceux qui choisiront de suivre mon exemple !
Relais de tous pays, unissez-vous… dans un grand feu de joie !

Je dédie mon suicide à tous/toutes les anarchistes poursuivis et incarcérés en Italie et à travers le monde !
Une forte accolade de vie à la compagnonne Anahi Salcedo et une forte accolade de mort à ses tortionnaires.
Avec Punky Mauri en mémoire et dans le coeur.

|Traduit de l’italien de Roundrobin.info, 18.05.2019]

* NdT : célèbre proverbe italien attribué au violoniste virtuose et compositeur Niccolò Paganini (1782-1840) : alors que le futur Roi de Savoie lui avait demandé après un brillant concert turinois de refaire un de ses morceaux, le musicien qui aimait improviser lui répondit « Paganini ne (se) répète pas ». Vexé, le futur Roi lui retira la permission d’exécuter son troisième concert. Ici c’est un prétexte pour un jeu de mot, puisqu’un relais se dit un répétiteur (ripetitore) en italien. Ce sabotage incendiaire d’un relais de téléphonie mobile s’est déroulé à Florence Sud, la nuit du 14 au 15 mai vers 4h30 du matin, via diVillamagna.

Italie : Opération « Prometeo »

Ils/Elles sont accusés d’avoir envoyé des colis piégés en juin 2017 aux procureurs de Turin Roberto Sparagna [proc en charge de l’opération Scripta Manent] et Antonio Rinaudo. L’enquête aurait démarré suite à l’envoi d’un colis piégé au directeur du Département de l’administration pénitentiaire au sein du ministère de la justice à Rome, Santi Consolo.

Les trois personnes auraient été identifiés par le biais d’une caméra de vidéo surveillance d’une église située près du magasin où les enveloppes ont été achetées dans la ville de Gênes, de recherches au cyber concernant les adresses des destinataires (à Gênes également), des écoutes téléphoniques et filatures.

L’enquête est toujours en cours et des perquisitions auraient eu lieu aujourd’hui en Italie et à l’étranger.

Reformulé depuis leur presse

Fortuné Henry tournées de conférence entre Lyon et Marseille

Fortuné Henry, le commis-voyageur de l’anarchie : La tournée de conférences de Paul François et de Fortuné dans la région lyonnaise

La tournée de conférences de Paul François et de Fortuné dans la région lyonnaise

Le 30 janvier 1892, dans La Révolte, paraît une annonce : « Camarades,

Convaincus que pour être réellement efficace, la propagande ne doit pas se borner aux grandes villes et aux principaux centres mais doit, au contraire, pénétrer jusqu’aux plus petites localités et surtout à la campagne ; les compagnons Fortuné et Paul François entreprendront, du 1er février au 15 mars prochain, une tournée de causeries-conférences dans toute la vallée du Rhône entre Lyon et Marseille.

Voyageant à petites journées, se rendant au besoin à pied dans les communes non desservies par les lignes ferrées, ils s’arrêteront partout où une salle, un café, un local quelconque pourra être mis à leur disposition et où il se trouvera deux amis pour faire la déclaration exigée par l’autorité.

Document Fragments d’Histoire de la gauche radicale.

Que tous les groupes, tous les compagnons, tous les amis, même inconnus qui, sans se déclarer partisans de nos idées, leur sont cependant sympathiques et qui désirent les approfondir davantage, que tous, dis-je, nous adressent, le plus promptement possible, leur adhésion, les subsides dont ils voudront bien et pourront disposer et surtout les renseignements de toute nature à nous faciliter cette tournée.

Au fur et à mesure que nous avancerons sur la route, nous aviserons plus particulièrement et directement les amis des localités dans lesquelles nous devions nous trouver deux ou trois jours après.

En avant, toujours et quand même pour l’anarchie !

Fortuné, Paul François »

Dès le 2 février, la Sûreté transmet au Préfet de police de Paris, la demande d’information du préfet du Rhône à propos de Fortuné. Le 8 février la Préfecture du Rhône transmet un complément d’information : il loge en garni chez Monsieur Cottet, 111 rue Rabelais au 3ème étage où il s’est fait inscrire sous le nom de HENRY Jean, comptable, âgé de 23 ans, né à Brévannes ( Seine et Oise), venant de Paris.

Le 24 février la Préfecture de Seine et Oise confirme l’état civil et précise que Henry habite tantôt 7 quai de Valmy à Paris, tantôt à Brévannes chez sa mère. Commencent ici les difficultés de la police et de son organisation, pour traiter le cas de Fortuné Henry. En effet lorsqu’il habite Paris, il dépend de la Préfecture de police de la capitale mais lorsqu’il séjourne à Brévannes, il relève de la Sûreté nationale. Les deux services ne surent jamais vraiment qui devait traiter son dossier !

Ces précisions permettent à la Préfecture de police de Paris de retrouver Fortuné Henry : celui-ci prend le pseudonyme de « Fortuné », il habite depuis septembre 1890, 7 quai de Valmy où il occupe une chambre de 130 francs de loyer annuel. Il habitait auparavant 5 rue de Jouy. Mais la police a encore du mal a le distinguer de son frère Émile, tous deux semblent utiliser ce pseudonyme « Fortuné », à tour de rôle. C’est ainsi que le Fortuné qui est signalé le 15 mai 1892, comme étant membre du groupe de Levallois, serait en fait Émile.(1)

Quant à Émile Henry, il cherche à avoir des nouvelles et fait même passer une « brève » dans le Père Peinard (2) : « Le compagnon Fortuné de Lyon, est prié de donner son adresse à son frangin ». En février 1892 Émile Henry semble s’occuper de l’animation du groupe anarchiste de Levallois : il envoie une carte postale à Leboucher pour lui demander de faire une conférence. (3)

Le 6 février, Durey dit Paul François et Fortuné Henry font une conférence à la salle du Théâtre de Givors. Les deux conférenciers sont logés depuis trois jours chez Serindas, ouvrier verrier gréviste. Quatre vingt personnes assistent à la conférence dont le sujet est : « La crise économique et ses conséquences ». Pour eux la propriété individuelle a fait son temps, il faut la transformer en propriété sociale. Il faut aussi supprimer l’autorité et le gouvernement qui n’ont été établis que pour défendre la propriété bourgeoise : « On parle de liberté, mais tant que l’autorité existera, nous ne serons pas libre, il y aura toujours deux classes de citoyens : les exploités et les exploiteurs ». Le soir a lieu une deuxième conférence mais 24 personnes seulement y assistent. Parlant de patriotisme, Fortuné déclare que les gouvernements bourgeois sont les moins patriotes et cite comme exemple « M. Carnot qui adresse des lettres de félicitations à l’empereur Guillaume à l’occasion de la naissance d’un prince, c’est à dire d’un nouvel ennemi ». Parlant de l’armée, il dit qu’elle n’a été crée que pour garder la propriété des bourgeois et n’est qu’une entrave pour l’ouvrier. « Vous l’avez vu d’ailleurs, au moment de la dernière grève à Givors, trois ou quatre gendarmes ont suffit pour maintenir une masse d’ouvriers et cependant où les grévistes ont agi avec violence, les patrons ont été obligés de céder ». Il cite comme exemple la grève des Omnibus où dès le premier jour les grévistes ont coupé les freins et il fait allusion au meurtre de Watrin dont les auteurs n’ont pu être découverts grâce au silence des ouvriers, poussant ainsi indirectement ces derniers à la révolte contre les patrons en leur faisant comprendre qu’ils pourraient en se concertant commettre des violences sans être inquiétés.

Au sujet de la patrie, il déclare « qu’il ne doit pas y avoir de frontière, que les prussiens ne sont pas de l’autre côté du Rhin, mais en France, dans l’État, dans les rouages du gouvernement, dans la police et tous ceux qui nous exploitent ».

Pour couvrir les frais de la conférence, l’entrée est fixée à 25 centimes mais considérant le petit nombre de spectateurs Fortuné et Duray, à bout de ressources doivent faire une quête pour se procurer les moyens nécessaires afin de pouvoir se rendre à Rive de Giers.

A la mi-février Fortuné et Durey sont toujours dans la région lyonnaise mais leur situation est très précaire.

Ils prévoient d’entreprendre une série de conférences dont le but essentiel est de se procurer des ressources. A Firminy la réunion a lieu le dimanche 14 février, salle de la Rotonde devant un auditoire réduit : une quarantaine de personnes.

Le compagnon Paul François traite de la crise économique, de ses causes et ses conséquences. Pour lui « le principal motif de la crise, c’est la propriété individuelle. L’ouvrier est à la fois le grand producteur et le grand consommateur. Les capitaux et le progrès de la science ont mis aux mains de la bourgeoisie tout un système de machines qui fait produire à l’ouvrier trop de marchandises, à un prix trop réduit. Les salaires n’étant pas assez élevés, les ouvriers doivent réduire leur consommation. Par la suite les marchandises accumulées ne sont pas été achetées, les magasins ne se vident pas et les industriels devant cette crise de la vente doivent réduire peu à peu le nombre des travailleurs qu’ils occupent. En conséquence du chômage, le prix de la journée de travail s’est encore abaissé. Moins on a besoin de bras, plus de bras veulent être occupés, et c’est à qui offre son travail à un taux moins élevé que ses camarades.

Dans l’état social actuel, l’ouvrier ne gagne donc pas ce qui est absolument nécessaire aux besoins de la vie.

Ici encore c’est la propriété individuelle qui est la cause du mal. Si les industriels et les compagnies minières, par exemple se décident à augmenter le salaire de leurs ouvriers, il est évident que, pour ne pas trop perdre, ils se voient dans la nécessité d’augmenter leur prix de vente.

Comme conséquence alors, l’ouvrier perd comme consommateur, ce qu’il y gagne comme producteur et la question n’est pas résolue ».

De toutes ces observations, Paul François déduit que « tout le mal est dans le système actuel où les bourgeois détiennent le capital et les machines. Inutile de songer à réformer cet état de choses par une série de moyens pacifiques ou parlementaires : on se heurterait à la loi qui a été faite par les bourgeois et pour eux. La transformation de la propriété individuelle en propriété sociale ne sera possible que grâce à la révolte ».

Puis c’est au tour de Fortuné de prendre la parole, son intervention est beaucoup plus courte. Il fait le procès du patriotisme qu’il affirme être un des moyens par lesquels les bourgeois conservent le monopole de leurs privilèges : « C’est une religion qu’on crée, pour se préserver du peuple, les gouvernements affolés se sentent sapés par les principes de l’anarchie. Il faut combattre cette religion, il faut la détruire, alors seulement, on pourra songer à l’émancipation sociale, alors seulement, on pourra rêver de créer cette société harmonique que préconise l’anarchie et où l’humanité régénérée sera désormais heureuse ». (4)

Fortuné n’hésite pas à recourir aux formules rhétoriques habituelles des orateurs anarchistes, son discours est beaucoup moins construit que celle de son aîné Paul François.

A la fin de la conférence un compagnon déclare qu’une collecte va être faite parmi les assistants pour couvrir les frais de la réunion mais elle ne rapporte guère, puisque la propriétaire de la salle ne touche que 4 francs au lieu de 15, prix de la location. Cela ne doit pas renflouer les caisses des deux anarchistes.

 

D’ailleurs Fortuné se retrouve à l’hospice de l’Antiquaille à Lyon du 17 au 26 février, sans doute avec les indigents. Il quitte Lyon aussitôt pour aller à Saint-Chamond d’où il doit ensuite se rendre à Charleville (5). Mais on le retrouve à Paris.

Le 5 mars 1892, une réunion (6) à laquelle assistent une quarantaine de personnes a lieu 281 rue Saint Denis, l’ordre du jour est le suivant : Le 1er mai et la propagande par le fait.

Millet est l’orateur principal, il expose la situation misérable des ouvriers des différents pays d’Europe, provoquée par le perfectionnement des machines et l’exploitation capitaliste. Pour mettre un terme à pareil état de chose, il ne voit que la révolution sociale, c’est à dire l’anéantissement de la bourgeoisie. Millet engage ensuite tous les anarchistes à se trouver dans la rue le jour du 1er mai : « il est bon de profiter de toutes les circonstances et l’on pourrait essayer à cette date de tenter un mouvement révolutionnaire ».

Fortuné Henry est présent à cette réunion, il n’est pas encore connu des indicateurs qui rédigent des notes à la Préfecture de police. Le rapport évoque « un autre compagnon, dont le nom est resté inconnu ». Mais une note manuscrite a été ajoutée à la main : «Henry Fortuné » et dans la marge, il est indiqué qu’une copie du rapport doit être classé dans son dossier.

Fortuné explique, devant l’auditoire, que le mouvement anarchiste va en s’accentuant dans les principales villes de France, notamment à Lyon et à Saint-Étienne. Il déclare avoir fait tout récemment une tournée de propagande dans le Midi (7) et constate que les idées révolutionnaires ont fait un grand pas dans l’esprit des masses ouvrières.

Le 6 mars à 16 heures, le Cercle anarchiste international se réunit 13 rue Aumaire, salle Horel, une soixantaine de compagnons sont présents dont Fortuné qui ne prend pas la parole (8).

Le 14 mars les anarchistes de Reims se réunissent au café Hureaux. On y discute du journal régional le Déchard, du Père Peinard et de la Révolte. On s’y plaint de ne pas avoir trouvé de vendeur pour le Déchard, journal anarchiste qu’il faut soutenir énergiquement jusqu’au 1er mai.

Cliquer sur l’image pour lire le numéro en entier.

Leroux, un compagnon de Reims assure la distribution du Père Peinard. Celui-ci a reçu de Pouget une lettre annonçant que le compagnon Fortuné va faire une tournée de conférences dans les Ardennes et qu’il s’arrêtera à Reims si toutefois il y a quelque « argent à gagner » (9). Les anarchistes rémois vont chercher une salle pour y tenir une réunion publique.

Aussitôt le préfet de la Marne informe la Direction de la Sûreté générale de la possible arrivée de Fortuné et réclame des informations à son sujet.

La machinerie policière se met en branle : la Préfecture de police de Paris, dans un courrier adressé à la Direction de la sûreté générale le 19 mars (10), donne des explications sur la motivation de cette tournée dans les Ardennes : « J. B. Clément, directeur de la Fédération ouvrière des Ardennes, ayant fait mettre à l’index par les fédérés ardennais le journal Le Père Peinard, le sieur Pouget, directeur de cette feuille, pour combattre J. B. Clément,a engagé le sieur Henry Fortuné, pour se rendre dans les Ardennes afin de faire une tournée de conférences anarchistes. Celui-ci qui devait partir le 14 mars courant a dû emporter des affiches et des proclamations destinées à le précéder et à annoncer sa venue dans les différents centres qu’il compte visiter. Ses premières stations doivent être Charleville et Mézières.

Jean-Baptiste Clément par Nadar.

Armé d’un revolver et d’un couteau-poignard, le sieur Henry à l’intention de s’en servir si J. B. Clément l’attaque trop vivement. »

Ces informations sont communiquées dès le 19 mars aux préfets de la Marne et des Ardennes, le Directeur de la Sûreté générale ajoutant que Fortuné « se trouve dans une situation précaire et paraît entreprendre une tournée de conférences principalement dans le but de se procurer des ressources (11) ».

Mais des événements inattendus vont bouleverser ces projets. Le groupe anarchiste Les Sans Patrie de Charleville qui doit assurer la logistique des conférences de Fortuné dans les Ardennes et le groupe de Reims ont prévu de faire déserter un soldat, originaire de Charleville, faisant son service militaire à Reims. Le 16 mars Leroux aide ce soldat en lui fournissant des vêtements civils mais peu après le déserteur se constitue prisonnier. Le 18 mars Leroux est arrêté et inculpé d’excitation et de provocation à la désertion de militaires (12). Il est condamné le 30 mars à 18 mois de prison, Moray et Mailfait des Sans Patrie (qui sont en fuite) à 3 ans d’incarcération (13).

Pour sa part le groupe Sans Patrie subit depuis le 20 février une information judiciaire pour association de malfaiteurs, les conditions ne sont donc plus réunies dans l’immédiat pour que la tournée de conférences de Fortuné puisse avoir lieu.

Le 29 mars, d’après l’indicateur Zéro, Fortuné aurait quitté la capitale pour se rendre en province chez un parent, Pouget l’accompagne à la gare. Le rapport porte une mention manuscrite : « Il s’est rendu dans les Ardennes pour faire des conférences » (14).

Le journal le Petit ardennais ne signale, de son côté aucune conférence anarchiste de fin mars au mois d’avril 1892. Fortuné était-il dans les Ardennes durant cette période agitée ? Les archives de police ne fournissent pas de renseignements fiables à ce sujet.

Un autre rapport précise que Fortuné aurait de nouveau quitté Paris le 6 avril pour se rendre en province chez un de ses parents15 mais cette indication correspond aussi à de fréquents voyages chez sa mère à Brévannes.

Z

Le 22 avril une vaste rafle est organisée dans toute la France, Zo d’Axa, animateur de L’En Dehors, explique les motivations du gouvernement : « Le coup de filet policier de ce mois d’avril 92 restera historique.

C’est la première en date parmi les plus cyniques tentatives des temps modernes contre la liberté de penser.

On connaît maintenant les coulisses de l’affaire.

Le gouvernement voulut profiter de l’émotion causée par les explosions de la caserne Lobau et de la rue de Clichy (16) pour englober dans un gigantesque procès de tendance tous les révolutionnaires militants. Le ministère et ses procureurs dociles firent semblant de croire que certaines opinions constituaient des complicités. » (17)

Dans la région parisienne, 50 anarchistes sont arrêtés, dont Zo d’Axa et Pouget le rédacteur du Père Peinard. Tous sont inculpés d’association de malfaiteurs en vertu des articles 265 et 266 du Code pénal (18). Dans le reste de la France 167 compagnons sont arrêtés pour le même motif (19).

A Lyon, 40 mandats d’arrêts ont été délivrés par les juges d’instruction, 25 anarchistes lyonnais sont arrêtés. Sept mandats d’arrêt sont également lancés contre des anarchistes qui avaient récemment quitté la ville et transmis aux autorités judiciaires de leur résidence. Parmi eux se trouve Durey que la justice recherche rue Guillaume Tell à Dijon (20).

A Saint-Quentin, des perquisitions sont opérées chez 21 anarchistes, dix sont arrêtés, des brochures, des affiches sont découvertes mais pas d’explosifs.

A Paris, Fortuné échappe à la répression, il ne fait pas partie des listes de militants dangereux à arrêter, son militantisme anarchiste est encore trop récent. Ce relatif anonymat qui lui permet de passer entre les mailles du filet, il peut se rendre à la gare pour aller à Saint-Quentin où il doit prendre la parole dans une réunion publique. Sans doute par précaution, il est arrivé depuis trois jours.

Neuf ouvriers sont arrêtées à Saint-Quentin, sous la prévention d’anarchisme : Ballenghein Zéphir, rue de Fayet, beau-frère de Brunet, arrêté à Paris ; Baillet Augustin, rue Denfert-Rochereau ; Gabelle, rue d’Ostende ; Catry, rue de La Fère ; Renaud, A la briqueterie, chemin de Savy ; Normand, rue de la Pomme-Rouge ; Loizon, rue Pontoile ; Beauchène, rue de Guise ; Lorendeau, rue Denfert. En outre, des mandats d’amener sont décernés contre cinq autres anarchistes et des perquisitions sont opérées chez sept autres. (21)

Malgré l’arrestation des principaux anarchistes de la ville, le meeting du 23 avril réunit 600 personnes. Il est passé 9 heures quand les quelques centaines de personnes qui stationnent dans la rue Dachery depuis leur sortie des ateliers, peuvent entrer dans la salle du Cirque.

En 1919, les restes du Cirque construit en 1862. Document Monique Séverin.

Les anarchistes n’ayant pas l’habitude de constituer de bureaux, le compagnon Fortuné se présente seul sur l’estrade, jetant un regard de satisfaction sur la salle qui lui semble convenablement garnie et un autre sur le commissaire de police présent, avec son secrétaire.

Il s’en prend d’abord, en termes d’une extrême violence au rédacteur en chef du Petit Express qu il traite de menteur, d’espion et de gredin, pour avoir annoncé son arrestation, prenant ainsi un désir pour la réalité.

Fortuné lors de sa prise de parole s’étonne de n’avoir pas été arrêté ni à son départ de Paris, ni à son arrivée à Saint-Quentin. Toute la soirée, il fait en termes violents l’apologie de Ravachol et de ceux qui voudraient l’imiter : « On a, à la suite des dernières explosions, représenté les anarchistes comme des bêtes féroces altérées de sang, des monstres de cruauté.Tout cela est dénaturé et exagéré à plaisir. Ravachol n’est qu’un de ces aigris par la misère, victime de la justice bourgeoise, qui a voulu tout simplement donner un avertissement aux jouisseurs et aux parasites, aux détenteurs de l’assiette au beurre. Ce n’est pas un criminel ordinaire, c’est un homme qui s’est dévoué à une cause dont un jour, on reconnaîtra la grandeur et la justesse. »

Est-ce à dire que le compagnon Fortuné recommande spécialement la dynamite comme moyen de se venger ? Non. Et l’orateur fait un geste indiquant que, pour se venger d’un homme, le revolver et le poignard suffisent.

Fortuné, se tournant vers la table de la police, prononce de temps en temps quelques mots de défi et son exaltation s’accroît. Il bondit, il montre le poing «Vous pouvez m’arrêter, m’emprisonner, me condamner, me torturer, me guillotiner, crie-t-il, je resterai fidèle à ma cause et je crierai : Vive l’anarchie ! ».

Toutefois à certains moments, il est rappelé à la modération par des compagnons et s’empresse de suivre leurs conseils. La réunion se termine sans incidents à 23h15. (22)

Document Metropolitan museum of art. Alphonse Bertillon. Albumens silver prints. Photographs

Le samedi 21 mai chez Constant Martin (23), un militant libertaire qui tient une crèmerie, 3, rue Jocquelet (actuelle rue Léon-Cladel) se retrouvent à midi, Fortuné, Matha et quelques autres qui décident de suivre les réunions du marquis de Morès (24). Celui-ci vient d’inaugurer le 14 mai 1892, une série de conférences sur l’antisémitisme au Tivoli-Vauxhall devant 800 à 1.000 personnes (25). S’agit-il d’aller perturber ses meetings ? Cet antisémite eut parfois des rapports ambigus avec certains anarchistes. Mais les documents n’en disent pas plus.

Notes :

(1) Préfecture de police Ba 77

(2) Le Père Peinard 31 janvier 1892

(3) Documents saisis chez Leboucher le 16 mars 1892. Ba 1145 Archives de la Préfecture de police de Paris

(4) Rapport du commissaire spécial de Saint Étienne du 15 février 1892. Archives de la Loire 1 M 528

(5) Lettre du secrétaire général pour la police de la Préfecture du Rhône du 8 mars 1892. Archives nationales F7 15968

(6) Rapport du 6 mars 1892. Préfecture de police de Paris Ba 77
(7) On ne retrouve pas trace de ce séjour dans le Midi, mais il s’agit vraisemblablement de son voyage dans la région lyonnaise, aucun document n’évoquant, non plus, une visite à Saint-Étienne

(8) Rapport du 7 mars 1892. Préfecture de police de Paris Ba 1506

(9) Extrait du rapport du commissaire central de Reims 14 mars 1894. Archives de la Marne 30 M 74

(10) Lettre du 19 mars 1892 du chef de cabinet du Préfet de police de Paris. Archives nationales F7 15968

(11) Lettre du Directeur de la Sûreté générale du 19 mars 1892. Archives de la Marne 30 M 74

(12) Extrait du rapport du commissaire central de Reims du 19 mars 1892. Archives de la Marne 30 M 74

(13) Extrait du rapport du commissaire central de Reims du 31 mars 1892. Archives de la Marne 30 M 74

(14) Rapport du 30 mars 1892. Préfecture de police de Paris Ba 77

(15) Rapport du 11 juin 1892. D.2U8 295 Archives de Paris

(16) Le 15 mars 1892, une bombe fait sauter les fenêtres de la caserne Lobau. L’auteur est probablement l’anarchiste Meunier. Le 27 mars 1892, rue de Clichy, le domicile du procureur général Bulot est dynamité par Ravachol.

(17) De Mazas à Jérusalem par Zo d’Axa, Tumult éditions 2015 et Mutines éditions, p. 34

(18) Le Matin du 23 avril 1892 Gallica

(19) État des anarchistes arrêtés sous l’inculpation d’association de malfaiteurs Archives nationales F7 12507

(20) Lettre du secrétaire général pour la police de la préfecture du Rhône du 25 avril 1892. Archives nationales F7 12507

(21)  Journal de la ville de Saint Quentin 26 avril 1892

(22) Rapport du commissaire spécial de Tergnier du 23 avril 1892. Archives nationales F7 15968

(23) Emile Henry y prend ses repas. Rapport du 4 juin 1892. Préfecture de police de Paris Ba 1115

(24) Rapport de Zob du 25 mai 1892. Préfecture de police de Paris Ba 77

(25) La cité du sang-Les bouchers de la Villette contre Dreyfus par Eric Fournier. Libertalia p. 55

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Allemagne : Feu et flammes contre la domination – Chronique d’actions directes du 12 au 14 mai 2019

14 mai 2019, Berlin : Incendie de deux véhicules d’entreprise de sécurité

Deux véhicules d’une entreprise de sécurité partent en fumée au cours de la nuit. Pour la police, c’est clairement intentionnel. Vers 3h, un habitant prévient les pompiers après avoir remarqué la lueur des flammes et la fumée qui s’en dégage. Vers 00h45, un autre véhicule est en feu à Reinickendorf et atteint une voiture garée juste à côté. En rab’, un répartiteur électrique et un lampadaire sont endommagés par l’incendie. Il semblerait donc qu’aucun citoyen ne se baladait dans le secteur à cette heure de la nuit.
(Sources : journal en ligne ‘www.n-tv.de’ et site de brèves des flics)


13 mai 2019, Ravensbourg (Bade-Württemberg) : les réseaux de téléphonie ne répondent plus.

« Après l’incendie d’une antenne de téléphonie mobile sur un toit de gratte-ciel, beaucoup de gens ne peuvent plus passer d’appel avec leurs portables. Sont particulièrement affectés le réseau ‘Vodafone’ et le réseau O2 de ‘Telefónica Germany’. Dans l’agglomération de Ravensbourg, mais aussi la zone de Bad Waldsee, de Biberach ou d’Illmensee, presque plus rien ne passe. Plus personne ne peut téléphoner ou surfer sur internet. On ignore combien de temps durera la panne de réseaux ». C’est par ces mots que la SWR relate ce sabotage dans un article mis en ligne le 14 mai à 9h31. Au moment d’écrire ces lignes, le journal précise que « les enquêteurs travaillent toujours sur le toit de la tour. « La réparation ne pourra commencer seulement lorsque l’endroit sera libéré », confie un porte-parole de ‘Telefónica’. Comme l’a annoncé l’opérateur de téléphonie mobile ‘Telefónica’, il faut notamment remplacer le revêtement du toit de la tour [cramé] avant de changer les antennes et les câbles détruits. Selon la police, des inconnus ont forcé l’accès à la tour de 13 étages dans la nuit de dimanche à lundi et mis le feu aux installations du réseau mobile dressées sur le toit. Selon la police, le feu a provoqué des dégâts à six chiffres [ça donne une idée quand même]. Des saboteurs il n’y a jusqu’à présent aucune trace ».
(Via https://chronik.blackblogs.org/?p=10133)


12 mai 2019, Bamberg/Strullendorf (Bavière) : attaque incendiaire contre un profiteur de la société carcérale

Dans la nuit de samedi à dimanche, plusieurs individus ont pénétré sur le parking de la société « MassakLogistikGmbH », situé sur le zone industrielle de Strullendorf dans l’arrondissement de Bamberg. Quatre camions et une camionnette ont été réduits en cendres.

Cette entreprise s’engraisse chaque jour comme prestataire de service dans les prisons. L’attaque incendiaire a été revendiqué par « Limes et gâteaux » entre autres en solidarité avec le compagnon de la bibliothèque anarchiste Fermento arrêté le 29 janvier à Zurich et Loïc, incarcéré à Hambourg pour les émeutes du G20 de l’été 2017. Les incendiaires ajoutent également « participer au mai subversif en solidarité avec les compagnon.ne.s incarcéré.e.s en Italie [1] ».

« Selon ses propres affirmations, l’entreprise „MassakLogistikGmbH“ est leader lorsqu’il s’agit de tirer profit des besoins des gens.
Werner Massak, qui se met en scène dans des interviews en tant qu’expert pour ces besoins justement, a fondé l’entreprise en 1993. Une entreprise qui ne se cache pas d’être spécialiste en matière de rendement des courses des prisonniers.

MassakLogistik fournit des biens uniformisés d’articles de première nécessité à des prix exorbitants derrière les murs des prisons. Puisqu’il n’existe aucune concurrence en prison pour de tels sous-traitants, l’entreprise Massak peut concrétiser son despotisme dans ce système.
Leurs clients, les prisonniers, sont ainsi privés de la possibilité de choisir eux-mêmes quels biens ils veulent acheter et à quels prix.

L’enfermement systématique des gens, ici sous forme de prisons, est une des formes les plus évidentes de la domination et de l’oppression quotidiennes. En coordonnant entre autres la pauvreté, l’humiliation et la marginalisation, l’Etat décide qui il faudrait enfermer. Celui qui est ensuite enfermé peut être encore plus exploité en prison qu’en dehors des murs. A partir de là, le secteur de « l’industrie pénitentiaire » s’est développé comme une nouvelle forme d’esclavage. Elle n’est nulle part aussi perfide qu’aux États-Unis. […]

Cela nous paralyse parfois et fait nous sentir impuissant.e.s à mesure que nous prenons conscience de l’existant et de ses évolutions. Mais nous continuons à réfléchir à nos idéaux de liberté, de communauté et de solidarité et nous parvenons à ressentir les pulsations de nos cœurs. L’impuissance se transforme en rage.

Pour exprimer notre rage contre ce système de manière pratique, nous sommes sorti.e.s dans la nuit du 12 mai. Avec plusieurs engins incendiaires, nous avons enflammé quatre camions et une camionnette de la société MassakLogistikGmbH. […]

Pour un monde sans prisons ni oppression » !
Contre toute forme « d’esclavage moderne » ! […]
Liberté pour TOU.TE.S les prisonnier.e.s !

(Source : de.indymedia.org)

NdT:
[1] Une traduction existe également en français sur Attaque

les polices française et espagnole collaborent pour continuer la guerre

 

Josu Urrutikoetxea a été de nouveau hospitalisé

L’ancien militant d’ETA a été admis à l’hôpital Hôtel-Dieu dans la soirée de vendredi 17 mai.

 

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Josu Urrutikoetxea était en fuite depuis 2002. © J.L/ Foku

Sitôt interpellé, le militant basque a été hospitalisé du fait de son état de santé délicat. Il a été conduit à l’hôpital parisien de l’Hôtel-Dieu, établissement doté d’une unité pénitentiaire, vendredi soir.

Quelques heures avant, le juge des libertés et de la détention a décidé de l’incarcérer à la prison de la Santé, mais il en a été autrement. Sa famille a précisé que lors de son arrestation sur le parking de l’hôpital de Sallanches, Josu Urrutikoetxea s’apprêtait à subir une opération chirurgicale. Déjà jeudi, il a été admis une première fois à l’hôpital de cette même commune, pendant quelques heures.

L’homme de 68 ans a été arrêté dans cette ville de Haute-Savoie jeudi 16 mai, après 17 ans de cavale, à la suite d’une opération menée conjointement entre les services français de la DGSI et la Garde civile espagnole. Vendredi, la famille a exprimé son inquiétude quant à son état de santé fragile.

note : c’est parce qu’on a lu nationalisme et culture ce livre (une des œuvres les plus précieuses de la pensée libertaire du siècle passé) présent dans la bibliothèque du laboratoire anarchiste. qu’on publie cette information

media bask

Madrid, Espagne : Manif sauvage en solidarité avec les compagnon.ne.s arrêté.e.s lors du dernier coup répressif – 14 mai 2019

Environ 40 personnes solidaires ont manifesté leur soutien devant le bâtiment du tribunal national de Madrid dans l’attente de nouvelles sur la situation des compagnonnes et pour montrer leur soutien après le dernier coup répressif.

Après être resté sur place pendant quelques heures et, après que la plupart d’entre nous ait été identifiés, nous avons poursuivi sur place avec une banderole en criant différents slogans.

Les compagnonnes ont été relâchées vers 15h30 et le rassemblement s’est dispersé sans incident.

Dans la soirée, à 21 heures, un rassemblement sur la Plaza de Tirso de Molina, avait été organisé alors que les compagnonnes étaient libres et que d’autres appels à la solidarité à Barcelone, Murcie et Hernani avaient lieu.

Dès 21 heures, les gens ont commencé à arriver de manière dispersée et une paire de vaches [les flics] qui gardaient les lieux se sont approchées pour tenter d’identifier les premières personnes qui sont venues. Après qu’il aient terminé leur opération dantesque, le reste des compagnon.nes ont déployé une banderole et un groupe plus important s’est formé, auquel se sont jointes les personnes qui ont répondues à l’appel .

La manifestation s’est avancée sur la Plaza de las Vistillas et, le long du parcours, des vitres de banques et agences immobilières ont été brisées. En arrivant à la Plaza de las Vistillas, nous sommes entrés dans le lieu où les festivités de San Isidro (1) étaient célébrées par un concert. Les personnes solidaires sont entrées dans la partie où se trouvait le public avec les banderoles et sont restés un moment à faire tourner  des slogans.

Finalement, tous les participants sont partis et se sont dispersés sans incident ni autres identifications.

C’est toujours positif que ce type d’action se manifeste lorsque des compagnonnes sont attaquées par l’État. Il est toujours nécessaire qu’il y ait des signes de soutien et de solidarité quand ils touchent l’une d’entre nous. Et nous continuerons toujours à miser sur la solidarité qui est l’une de nos meilleures armes. La solidarité se trouve dans la reproduction de la lutte et le conflit avec l’État son meilleur allié. Au-delà de ses lois, de ses appareils judiciaires, de ses sbires policiers et journalistiques, au-delà de concepts tels que « l’innocence » ou « la culpabilité », il y a la matérialisation de la lutte et du conflit contre l’ordre social qui nous soumet et nous exploite.

Aiguisons les griffes : main ouverte aux compagnon.nes, poing serré contre l’ennemi.

Pour les compagnonnes arrêtés dans cette dernière opération anti-terroriste.

Pour toutes les personnes qui ont été impliquées et jugées précédemment dans les différentes opérations : Coumna, Pandora, Piñata, Pandora 2, Ice, [les personnes ayant subi] les représailles pour le G20, les compas arrêtés le 29 octobre dernier, pour Lisa, pour les compagnon.nes attaqué.e.s en Italie, Grèce, France, Chili, Argentine, Indonésie, Ukraine, Russie …

À tous les compagnon.nes et anonymes qui sont en prison pour avoir lutté à travers le monde.

Pour l’anarchie.

[Traduit de l’espagnol de contramadriz.espivblogs.net par Cracher dans la soupe]

NdT:
* Dans la matinée du 13 mai, l’espace Anarchiste L’Embuscade et une autre maison squattée ont été perquisitionnés dans le quartier de Tetuán. L’opération a donné lieu à deux arrestations.
(1) Fête religieuse, de nombreuses activités sont organisées dans toute la ville en « l’honneur » de Saint Isidore dans sa ville natale à Madrid.

Posted on by Sans_Attendre

Hommage à Pastora, militante anticarcérale et mère de José Tarrio (texte et audio) par les Trois Passants

[reçu par mail]

LA COROGNE / TOULOUSE/ MEXIQUE : PASTORA VIT DANS NOS CŒURS

PASTORA VIT DANS NOS CŒURS
AVRIL 2019 – PLAGE DO RIÁS, COROGNE.

Notre chère compagnonne Pastora Dominga González Vieites, mère de
l’ex-prisonnier anarchiste Xosé Tarrío, est décédée d’un infarctus
le 25 avril 2019. Nous étions un peu plus d’une centaine hier, samedi,
à nous retrouver sur la Plage do Riás, à La Corogne, pour dire adieu
à Pastora, mère de Xosé Tarrío, l’auteur du libre Fuis, homme, fuis.
Journal d’un prisonnier FIES, qui avait succombé à une paralysie
cérébrale en janvier 2005 après une longue agonie, conséquence de
son état de santé délabré suite à son passage par la plupart des
prisons de l’État espagnol.

Malgré le ciel menaçant toute la matinée, peu à peu, des ami·e·s,
des proches, des compagnon-ne-s venu-e-s des quatre coins du pays et
d’ailleurs arrivaient sur la plage, jusqu’à ce que l’on se retrouve à
plus de cent personnes. La cérémonie des adieux a eu lieu en début
d’après-midi, dans un bois près de la plage, où l’on a rendu hommage
à Pastora avec de la musique et de la poésie, et appelé à ce que sa
lutte ne meure pas. Pour terminer, les proches ont dispersé ses cendres
et planté un arbre à cet endroit. Les cendres de Pastora reposent
maintenant avec celles de son fils Xosé.

Xosé Tarrío nous a fait entrer dans la dure réalité du régime FIES
(Fichiers d’Internes en Sûreté Spéciale)* grâce à son livre Fuis,
homme, fuis. Journal d’un prisonnier FIES. Ce livre qui décrit
précisément les vexations, tortures, mauvais traitements et dures
conditions de vie des prisonniers FIES, ainsi que les fugues et les
mutineries auxquelles a participé Xosé, a marqué toute une
génération. Tarrío a été incarcéré pour des délits de droit
commun, mais c’est en prison qu’il a peu à peu acquis une conscience
politique anarchiste. Ex-héroïnomane et atteint du SIDA, il a passé
dix-sept ans en prison au cours desquels il a connu la plupart des
prisons de l’État espagnol. Mis en liberté en 2004 vu son état de
santé critique, il a passé les derniers mois de sa vie à l’hôpital ;
il est tombé dans le coma en octobre de la même année et a succombé
à une paralysie cérébrale en janvier 2005. À sa mort, de nombreuses
manifestations ont eu lieu dans toute l’Espagne et par-delà ses
frontières.

Sa mère, Pastora, prenant conscience à la lecture du livre « Fuis,
homme, fuis » de la situation dans laquelle vivait son fils, quitta la
Suisse où elle avait émigré et revint en Galice pour le soutenir et
s’engager dans la lutte contre les prisons. Elle est devenue une figure
du combat contre les tortures, les mauvais traitements et l’existence
même des prisons. Fondatrice de l’Association Nais contra a impunidade
(Mères contre l’impunité), elle a poursuivi la lutte après la mort de
son fils en continuant à dénoncer le système carcéral, l’impunité
des matons et des forces de sécurité. Avec ses compagnonnes de Nais
contra a impunidade, elle a fait l’objet de poursuites judiciaires pour
avoir dénoncé la mort d’un jeune homme dans la caserne de la Guardia
Civil d’Arteixo. Les Nais ont finalement été acquittées.

Pastora a porté de nombreux projets et en avait encore bien d’autres
en tête. Elle a participé activement à l’Athénée Libertaire Xosé
Tarrío, à La Corogne, où elle a toujours réussi à organiser des
cantines de soutien à la lutte anticarcérale; elle avait aussi le
projet de créer des cantines sociales : « Pour que personne ne manque
d’un repas », disait-elle à ses camarades de l’Athénée. Pastora
participait aussi au projet d’association de proches de prisonnierEs et
victimes de répression au niveau national, intitulé « Familles face
à la cruauté carcérale ».

Pastora avait aussi un autre projet qu’elle n’a pu mener à bien : il
s’agissait d’acheter un terrain et une maison pour accueillir les
ex-prisonnierEs sans famille, de façon à leur donner un foyer et leur
faire travailler la terre, dans l’idée de leur permettre de gagner en
puissance et, à terme, d’être capables d’accueillir les nouveaux
ex-détenu·es arrivant.

_ TU NOUS LAISSES TANT DE CHOSES…_

_ « Pastora, chérie, papillon, sœur, compagnonne, amie… Tu
représentes tant pour nous toutes et tous, tu nous as tant laissé que
nous n’avons pas de mots pour l’exprimer, nous n’avons pas les mots
qu’il faut pour dire combien nous t’aimons. Nous te portons, dans notre
cœur et sur le chemin, nous ne te disons pas adieu mais nous continuons
à t’accueillir avec une immense tendresse, tu nous manques infiniment,
tu nous fais tant défaut. Reçois maintenant dans nos bras une
étreinte pleine de montagnes, de rivières, de fleuves, d’oiseaux, de
mers et de fleurs de toutes les couleurs comme tu les aimes. Merci pour
tout, pour chaque mot, pour chaque conseil, chaque éclat de rire,
chaque cri de rage contre la douleur qu’ils nous imposent, pour chaque
pas parcouru côte à côte avec nous, et avec ces milliers de personnes
qui aujourd’hui, ressentent le grand manque que tu laisses. Nous nous
souvenons de cette merveilleuse chaleur que tu dégageais pour nous
parler, chanter, nous embrasser fort et sincèrement. Tu es là, tu
seras toujours là, tu nous laisses rempli·e·s de bien des choses, de
beaucoup de rage et d’amour pour continuer… et bien sûr que la lutte
ne meurt pas._

_ C’est dur de ne pas pouvoir t’embrasser aujourd’hui, mais on pense à
toi et on sait qu’il reste beaucoup à faire et à parcourir. Nous le
ferons en t’ayant toujours à l’esprit, chère papillon aux couleurs
chatoyantes »._

_ À bientôt sur la Plage des Rias._

LES TROIS PASSANTS

PASTORA VIT DANS NOS CŒURS « QUE LA LUCHA NO MUERA »

Depuis avril 2017, grâce à un documentaire anti-carcéral réalisé
au Mexique comme point de départ intitulé « Ils nous ont volé nos
nuits », un échange s’est construit entre Pastora et plusieurs mères
et compagnonnes qui vivent l’enfermement de leurs fils, leur père,
leurs compagnons et depuis, nombreuses ont été les choses qui se sont
tissées.

Apprenant la disparition le 25 avril de notre très chère compagnonne
Pastora, nous voulons partager avec vous un enregistrement, traduit
simultanément, réalisé le 9 avril 2017 à Toulouse, lors de sa
participation à une rencontre qui avait eu lieu autour de la
présentation du documentaire : « Ils nous ont volé nos nuits, femmes
face à la prison, regards croisés, vécus et luttes ». Nous
rassemblons également ici plusieurs lettres écrites par les
compagnonnes et protagonistes de ce documentaire.

__

Ville de Mexico, 25 avril 2019.
Compañeras de la Campagne contre la répression politique et la torture sexuelle.

 

 

AUDIO – Enregistrement de Pastora, traduit en simultané, réalisé le 9 avril 2017 à Toulouse, lors de sa participation à une rencontre qui avait eu lieu autour de la présentation du documentaire : « Ils nous ont volé nos nuits, femmes face à la prison, regards croisés, vécus et luttes »

Pour écouter l’audio cliquez ici.

__

_ »Ce matin, en me réveillant, la première nouvelle qui m’est arrivée
est celle de ton départ. Je n’ai pu éviter l’incrédulité, ni que mes
yeux se remplissent de larmes. J’ai tout de suite pensé à la vidéo
que tu nous avais envoyée, tes paroles, ta lutte, toi. Des larmes, je
suis passée à un sentiment de rage, en me souvenant tout ce que
t’avait fait vivre ta lutte pour la liberté de Tarrio, Cheché, ton
fils chéri, pour d’autres compas, pour la liberté elle-même.
Compañera Pastora, tu es et resteras une femme qui, bien que nous
n’ayons pas eu l’occasion de nous rencontrer personnellement, nous avons
partagé un petit morceau de nous-mêmes, je te sens si proche et
aujourd’hui ton départ me fait mal. Je te remercie pour ta force, ton
esprit indomptable qui maintenant vole et s’infiltre dans nos cœurs. Je
me souviens combien j’ai eu du mal à lire tes écrits, tant est grande
l’impuissance générée par la farce carcérale « parce qu’elle te
détruit et t’arrache toute envie de vivre » comme tu le disais si
justement. Les larmes se mettent de nouveau à rouler et mon cœur se
serre, je pense à toi et la seule chose que je peux te dire c’est que
la lutte ne mourra pas, que ta lutte a laissé des graines que nous
continuerons d’arroser face à l’adversité. Compañera nous sommes
près de toi, nous te regrettons._

_ À tous tes proches, à tous ceux et celles qui t’ont accompagnée
dans ce long chemin, je les embrasse, j’espère qu’ils réussiront
rapidement à retrouver le courage et la façon de continuer. Une
étreinte forte, chaleureuse et solidaire, nous pensons à vous et nous
vous accompagnons depuis ces terres »._

VILLE DE MEXICO, 25 AVRIL 2019
MARIANA GONZÁLEZ
(compagne de Miguel Betanzos compagnon anarchiste condamné a 50 ans de
prison).

____

_ « Compas, je vous exprime mes plus sincères condoléances à
l’occasion du décès de Pastora, lutteuse infatigable contre les
prisons, mère courage, femme solidaire, beau caractère et grand cœur,
la mort de cette grande femme laisse un vide énorme dans la lutte
anti-carcérale et dans le mouvement anarchiste. Moi Celia, mère d’un
prisonnier (Luis Fernando Sotelo), je regrette cette perte et je vous
envoie mes plus sincères condoléances._
_ Je vous envoie un fraternel abrazo [une forte accolade] et mes
salutations »._

VILLE DE MEXICO, 25 AVRIL 2019
CELIA ZAMBRANO
(mère du prisonnier Luis Fernando Sotelo Zambrano)

____

_Pastora,_

_ « Femme, mère, guerrière infatigable, tu ne mourras jamais parce que
tu seras toujours présente comme un exemple de force pour toutes les
femmes que nous sommes et qui vivons d’une façon ou d’une autre la
maudite répression, l’enfermement de nos enfants, le chemin de la lutte
jour après jour sans jamais faiblir et bien que nous ne nous soyons pas
rencontrées physiquement, nous avons parcouru le même chemin dans ces
maudites prisons ; tes paroles qui un jour m’ont remise debout alors que
je me sentais si seule et que je n’en pouvais plus. Compañera, cela
restera gravé à jamais dans mon cœur »._

_ Compañera Pastora toujours vivante dans nos cœurs !_
_ Avec tout mon amour un fort abrazo!_

VILLE DE MEXICO, 25 AVRIL 2019
ANA MARIA CASTILLO
(mère du compagnon ex-prisonnier anarchiste Fernando Barcenas
Castillo)

____

Grenoble, Isère: Le 25/05 Face à la prison,proches de prisonnièr.e.s partages d’expériences et de luttes

 

[reçu par mail]

Face à la prison, proches de prisonnièr.e.s partages d’expériences et de
luttes – le 25 mai 2019 à Grenobleau 102 rue d’Alembert, à partir de 16h

Le système carcéral n’enferme pas qu’une personne et la justice n’en
condamne pas qu’une non plus. Celles et ceux qui sont à l’extérieur
soutiennent leurs proches et font face chaque jour à un système
arbitraire et brutal. Pour l’état, l’enfermement et la justice sont des
outils majeurs pour imposer un système politique raciste, capitaliste et
colonialiste et maintenir une paix sociale. Normative et détestable.

Souvent ce sont des femmes qui sont soutien et présentes à l’extérieur
et ce rôle est invisibilisé. Nous aimerions que la parole de celles que
la prison marque dans le quotidien enferme emmerde mais aussi enrage
puisse résonner lors de cette journée. Ces personnes nous ne les
entendons jamais assez et pourtant on aurait envie de crever la taule
avec leur force et leur rage !

+ d’infos en pièce jointe

https://mail.riseup.net/rc/?_task=mail&_mbox=INBOX&_uid=6945&_part=2&_action=get&_extwin=1&_mimewarning=1&_embed=1

 

Romans sur isère, Drôme:cinq nuits d’émeute au quartier de la Monnaie

radio france bleu Drôme Ardéche  le 16 mai

La nuit a été agitée quartier de la Monnaie à Romans-sur-Isère. Les pompiers se sont déplacés à plusieurs reprises pour des incendies. D’abord vers 23 heures mercredi soir pour une voiture en flammes. Les sapeurs-pompiers sont intervenus sous escorte de plusieurs policiers de Romans mais aussi de Valence.

Jets de pierres et de cocktails Molotov

L’intervention a été compliquée par la présence d’un groupe de 25 à 30 jeunes. A bonne distance des policiers, ils ont lancé des pierres mais aussi deux cocktails Molotov.

Les pompiers ont ensuite été appelés vers minuit pour une voiture et une poubelle en feu dans le même secteur. Le calme est revenu dans le quartier vers 1 heure du matin.  Les auteurs des violences n’ont pas été identifiés et personne n’a été interpellé.

Deux autres voitures ont aussi été incendiées du côté du centre-ville de Romans, derrière Marques-Avenue.

Le daupiné libéré du 17 mai

Déjà cinq nuits de violences urbaines à la Monnaie

Déjà cinq nuits de violences urbaines à la Monnaie