Archives mensuelles : juillet 2016

Clermont-Ferrand (Auvergne) : Toc, toc, toc ! Marteau : 1 / Police : 0

lu et copié sur Brèves du Désordre

 

ndy Bruxelles, 30/06/16

Dans la nuit du 27 au 28 juin, les portes vitrées du commissariat municipal de Clermont-Ferrand (situé place de la Poterne à côté de la mairie) ont été défoncées à coups de marteau.

Ce bâtiment est notamment le siège du centre de supervision des caméras de vidéosurveillance de la ville, caméras dont le nombre ne cesse de croître depuis leur apparition en 2012. Le prochain quartier visé est celui de la gare, fin 2016. La multiplication de ces dispositifs de contrôle témoigne bien de la volonté dégueulasse (bien que logique) du pouvoir de renforcer son emprise sur les rues, par l’intimidation et la répression.

Frapper à cet endroit précis, en plein cœur de Clermont, c’est un pied de nez jubilatoire lancé à la gueule de ces ordures : vos caméras ne sont qu’une contrainte dépassable face à un peu d’imagination et de détermination.

C’est aussi une manière de saluer et d’appuyer la belle offensive de ce week-end contre le commissariat central (http://cettesemaine.info/breves/spip.php?article1748&lang=fr)

Et puis c’est une accolade solidaire donnée à celleux qui, de jour ou de nuit, individuellement ou collectivement, à Clermont comme ailleurs, affûtent leur révolte et passent à l’attaque, non pas contre une loi ou pour un travail, mais pour quelques instants respirer un peu plus librement.

Rage Ruse Révolte

Valence [Drome]: Des mauvais moments pour les bleus


Dauphiné libéré
03/07/2016 à 11:19

Nuit agitée : véhicules brûlés et policiers caillassés

Des policiers visés par des jets de projectiles. Trois véhicules brûlés en moins de trois heures.

Des policiers visés par des jets de projectiles. Trois véhicules brûlés en moins de trois heures. La nuit de samedi à dimanche a été agitée à Valence. Ces événements sont-ils tous liés ? Les enquêteurs du commissariat valentinois poursuivent leurs investigations.
Sapeurs-pompiers et policiers sont dans un premier temps intervenus samedi, vers 23h30, dans la rue Charles Gounod, quartier Fontbarlettes, pour un feu de voiture. Un heure plus tard, quartier du Polygone, c’est un scooter qui était détruit par les flammes. Moins de 15 minutes plus tard, les policiers municipaux, venus sécuriser l’intervention des sapeurs-pompiers pour prendre en charge une femme victime d’un malaise dans la rue Biberach, quartier Fontbarlettes, ont été caillassés. Enfin, vers 2h30, place Camille Saint-Saëns, sur le même secteur, un scooter a été incendié. Intervenant, là-encore, pour sécuriser les soldats du feu, les policiers nationaux ont été insultés par une trentaine d’individus, puis visés par des jets de projectiles. Un véhicule du commissariat a été dégradé.

Espagne/Allemagne : la compagnonne accusée de braquages extradée & solidarité( mise à jour)

lu et copié de Brèves du Désordre
Mise à jour :
Barcelone : attaque en solidarité avec la compagnonne arrêtée le 13 avril

Dans la matinée du 22 juin, nous avons décidé de rompre avec la routine de la ville de Barcelone et de montrer notre solidarité avec la compagnonne arrêtée le 13 avril et qui sera prochainement extradée vers l’Allemagne, en faisant éclater les vitres des bureaux de la FEDA (école de commerce allemande).

La FEDA (Formación Empresarial Dual Alemana), située rue Provenca dans le quartier ’del Clot’, s’occupe de former des dirigeants, ceux qui aspirent à devenir nos futurs chefs et exploiteurs, la chiourme capitaliste. La dite école est directement liée à l’Etat allemand mais nous n’oublions pas que ce sont l’Etat espagnol et les Mossos d’Escuadra qui ont réalisé l’arrestation. En attaquant ces bureaux, nous envoyons une forte accolade à la compagnonne et nous en profitons pour encourager cette solidarité multiforme qui utilise l’action directe.

N’oublions pas que les nuits nous accompagnent et que les attaques contre les structures du pouvoir doivent se multiplier !

Des anarchistes

[Traduit de l’espagnol par solidaridad sur Indymedia Nantes de contramadriz, junio 28, 2016]
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Hier, mercredi 29 juin, vers 17 heures, des matons du centre pénitentiaire de Soto de Real se sont présentés dans la cellule de la compagnonne arrêtée le 13 avril pour l’informer de son transfert immédiat et lui faire emballer toutes ses affaires.

Cela signifie que le processus d’extradition – normalement mené dans le silence vis-à-vis de l’extérieur, sans donner la possibilité d’avertir la personne transférée – a déjà eu lieu, ou qu’il se déroulera aujourd’hui au plus tard. Ainsi devient effectif le mandat d’arrêt européen émis début avril par l’Allemagne à l’encontre de notre compagnonne accusée d’avoir participé à l’expropriation d’une agence bancaire de la Pax Bank dans la ville de Aachen en 2014.

Nous savons que la compagnonne emmène avec elle non seulement la détermination et la conviction de ses principes politiques révolutionnaires, mais aussi toutes les manifestations de solidarité et de soutien que vous lui avez exprimées tout ce temps là, lui rappelant qu’elle n’est pas et ne sera pas seule face à un Etat qui poursuit et attaque toutes celles et ceux qui se rebellent contre son ordre de misères.
Nous appelons d’ici à manifester dans la rue notre soutien envers elle et toutes les personnes en lutte réprimées et nous rappelons qu’en réponse à l’extradition un rassemblement a été appelé à Manresa, demain vendredi 1 juillet à 20h sur la Plaça Sant Domènec.

Nous continuerons à informer

Nous la voulons libre, nous la voulons près de nous !
Solidarité avec les personnes accusées d’avoir exproprié des banques à Aachen !
Liberté pour toutes les personnes en lutte emprisonnées et poursuivies !

[Traduit de l’espagnol d’Indy Barcelone, 30 jun 2016]
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Barcelone : sabotage d’une agence bancaire de la Deutsche Bank en solidarité avec la compagnonne arrêtée le 13 avril.

Le 21 mai dernier, nous avons attaqué une agence de la banque allemande Deutsche Bank située dans la rue Gran de Sant Andreu. Toutes les vitres ont été brisées, de même que l’écran du DAB. Des tags ont été laissés, exigeant la remise en liberté de la compagnonne arrêtée le 13 avril, accusée d’avoir braqué une banque du Vatican dans la ville allemande de Aachen.
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Nous incitons à poursuivre les actions et les expressions de solidarité
avec les personnes emprisonnées et réprimées pour lutter.

La lutte est le seul chemin.

Barcelone, été 2016

[Traduit de l’espagnol de Indy Barcelone, 01 jul 2016]
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_Affiches collées à Barcelone au cours de ces dernières semaines en
solidarité avec la compagnonne arrêtée le 13 avril

Il y a celles et ceux qui rêvent peu et désirent moins encore.
Qui se satisfont de banalités,
Qui se divertissent au lieu de vivre,
cultivant leur MOI propre jusqu’à disparaître dans l’oubli.

Il y a celles et ceux qui débordent d’idées merveilleuses,belles et destructrices,
Mais qui hésitent à l’heure de les mettre en pratique, se cachant derrière des discours de pureté tiède,
ils finissent par parcourir insatisfaits
la triste topologie de l’indécision.

Mais il y a aussi ces quelques-un-e-s aux rêves confus
mais pleins de conviction.
Qui demandent tout, mais sont aussi capables de donner encore plus.
Qui savent être contagieu-ses avec leur élan, leur enthousiasme et leur
audace.
Persistant-e-s, irréductibles, obstiné-e-s.
Qui ne s’accommodent jamais du paraître,
Puisqu’ils et elles cherchent l’intensité de ce qui est réellement
Puisqu’atteindre les confins ne leur suffit pas,
Parce qu’ils et elles ne rentrent simplement pas dans ce monde si plat.

Parce qu’ils et elles ont reconnu que pour réaliser les mondes nouveaux
il faut arracher à vif
les morceaux et les moments de l’existant.
Que pour avancer, il faut se lancer en avant,
parfois même dans le vide, en toute conscience du danger,
mais en croyant dans la victoire.

Que la cohérence, le compagnonnage et l’humilité
sont la matière première de tout changement violemment nécessaire.
Et surtout, ils et elles se sont rendu compte de cette lugubre vérité

Il n’y a que la réalité, notre conscience et nos décisions …

Liberté pour la compagnonne arrêtée le 13 avril à Barcelone
Pour l’anarchie !
Feu aux prisons !

[Traduit de l’Espagnol d’Indy Barcelona, 01 jul 2016]

un texte du livre « Préliminaires », Minuit dans le siècle notes contre le progrès

nous avons diffusé un autre texte de Préliminaires de Miguel Amoros paru à l’édition de la Roue une perspective anti-industrielle le samedi 2 juillet lors de la table de presse lors de la journée anti rep à Eymeud. ce texte on le publie sur le blog

Minuit dans le siècle
notes contre le progrès

« Pour sortir des labyrinthes, il ya des moments où l’on peut passer à travers les murs , il yen a d’autres où les murs sont trop solides, et où il faut que la mémoire parvienne à renouer le fil du temps, pou rejoindre le point de vue central d’où peut découvrir le chemin. Au -delà commence la reconquête d’une puissance d’un jugement critique qui réponde , sur les faits constatables , à l’avilissement de la vie , et qui précipite la scission dans la société, préliminaire à une révolution , sur la question historique par excellence qu’est la question du progrès » Encyclopédie des nuisances ,N° 2février 1985, « Histoire de dix ans , esquisse d’un tableau historique des progrès dans l’aliénation sociale »

Portée par l’esprit philosophique du siècle des lumières , l’idée du progrès était, à son origine, quasi subversive. L’Église avait imposé les dogmes de la création et le fixisme, qui établissaient l’immuabilité des êtres vivants sortis, une fois pour toutes et tels qu’ils sont, du moule divin. C’est pourquoi il se trouve dans l’Encyclopédie peu de lignes sous la rubrique du « Progrès », défini simplement comme « mouvement allant de l’avant ». Par ailleurs, Diderot, et les autres encyclopédistes ne considéraient pas la société civilisée comme étant supérieur à celle des sauvages ; bien au contraire, leur position par rapport au progrès était pour le moins prudente, voir sceptique. Sans doute la lecture des récits de voyages de l’abbé Raynal, du baron de Lahontan ou de Louis-Antoine de Bougainville y contribua -t-elle. D’une façon ou d’une autre, l’idée s’est imposée en Europe à partir de la révolution industrielle. Comme le dit Mumford : « le progrés était l’équivalent , dans l’histoire, du mouvement mécanique à travers l’espace ».C’était l’interprétation du changement comme un fait unidirectionnel d’où la marche arrière , la décadence ou le recul étaient explicitement exclus. La pensée éclairée interprétait la production industrielle comme l’annonce d’un monde libre de préjugés religieux et gouverné par la Raison où tous aurait le bonheur à portée de main. Les faits la contredisait souvent, mais la contradiction était du mouvement ; par exemple,on supposait que la laideur de la société industrialisée était grosse d’un futur ou l’abondance matérielle serait la norme et la liberté son résultat.. En outre , la science résoudrait tous les problèmes, l’économie croîtrait et l’ État démocratique offrirait l’égalité devant la loi à l’heure de la distribution.
Cependant, toute médaille a son revers , et à force de science, d’étatisme et de productivité, le progrés nous a conduit au bord du précipice : la science et la technologie ont transformé les moyens de production en forces toujours plus destructives ; le développement économique a engendré inégalité, injustice sociale et misère partout, en dévastant au passage l’environnement . L’État s’est transformé en monstre bureaucratique tentaculaire qui dévore la vie de ses sujets . Les désastres sociaux et écologiques sont devenus monnaie courante et l’insatisfaction, comme la crises’est généralisée. Les individus, sous le joug de la production et de la politique, sont incapables de dominer leur destin. Ils sont habités par un vide qui ne cesse de s’amplifier depuis plus de deux siècles et qui les empêche de formuler et de communiquer leur mécontentement, alors que pour la première fois d’une façon générale , la croyance d’un avenir meilleur s’est effondrée. Confrontée aà la réalité d’un monde entré dans des difficultés majeures annonçant sa fin à moyen terme, l’idée d’avenir a perdu toute crédibilité. A l’Aune de toutes les régressions que le progrès a finalement produites , les souffrances des générations antérieurs semblent avoir été endurées en vain. Le fait est d’importance , car toutes les idéologies émancipatrices, de la Révolution française à Mai 68, se justifiaient au nom de la raison scientifique et du progrès.
Pour les progressistes ,, la science révélait des lois économiques et sociales inexorables dont la nécessité historique ne pouvait être contestée, car elles étaient inscrites dans la nature des choses et se situaient au-dessus du dessein des humains : il s’agissait simplement de les observer et de leur obéir pour être équitable et juste.. a loi la plus importante postulait – selon Godwin , le plus ancien référent de la pensée anarchiste– la perfection continue et illimitée de l’être humain grâce au régne de la raison scientifique. Fourrier disait que c’était le désir de la nature que d’aller par étapes de la barbarie vers la civilisation .. Proudhon affirmait même que l’idée du progrès remplaçait l’idée d’Absolu en philosophie.Marx désignait la classe ouvrière come son principal agent historique en tant que « force productive principale ».Le processus historique, selon Hegel, « l’autel où ont été sacrifiés le bonheur des peuples , la sagesse des États et la vertu des individus » était le sillage que l’Idée—le progrès– laisse dans sa marche.Marx, son disciple , nous enseignait que ce processus n’était rien d’autre qu’un enchaînement naturel d’étapes économiques obéissant à des lis contre lesquelles la volonté humaine ne pouvait rien ; de plus, celle-ci était déterminé par celles -là. Le  devenir historique associé au développement scientifique et technique de la production allait occuper le centre de la doctrine marxiste –fortement critiquée par Bakounine– dans laquelle il était implicite que la connaissance scientifique de ses lois illuminerait une classe de dirigeants qui , organisé en parti, guiderait les masses révolutionnaires vers le meilleur des destins dans une société sans classe. C’était là des coups terribles portés à la métaphasique et à la religion, mais qui, loin de les abattre , allait les renforcer par le biais d’une nouvelle superstition : la superstition scientifique.
Le fétichisme scientifique est la substance de l’idée du progrès..Pour les progressistes de toutes les écoles , la science apparaissait comme le remède à tous les maux.. La totalité de la pensée n’avait plus qu’à adopter ses méthodes et accepter ses conclusions . Les réflexions sur la vérité, la justice ou l’égalité qui ne ressortissaient pas à la science, seraient qualifiées de digressions métaphysiques . Si la religion était chose du passé, la science appartenait au développement futur , au progrés. Toutefois, elles étaient moins incompatibles que l’on pourrait pu le croire. Dans le progressisme, la science se révélait être non seulement connaissance, mais aussi foi. Saint- Simon,l’un des premiers réformateurs socialistes, considérait ses premiers adeptes comme les « évangélistes de l’ingénieur » et les « apôtres de la nouvelle religion de l’industrie », suscitant en lui un « désir noble d’incorporation honorable dans l’existence suprême »qui , en conséquence , le portait à une « unité parfaite » avec le « grand Être », forme définitive de l’existence.. Un des livres les plus populaires du v dix neuvième siècle , cent ans après, ou l’An 2000, une utopie techno-scientifique écrite par Edward Bellamy, décrivait la prise de conscience de l’inhumanité des relations sociales sur le plan religieux:le lever du soleil , après une nuit si longue et si noire , dut être éblouissant. Du jour où les hommes comprirent qu’après tout l’humanité n’avait pas été créée pour rester éternellement naine , mais qu’elle se trouvait au seuil d’un avatar de progrès illimité , la réaction fut irrésistible , rien ne put arrêter l’enthousiasme qu’inspirait la foi nouvelle […..]]Pour la première fois depuis la Création, l’homme se tint droit devant Dieu[…] la route s’ouvre infinie et [..] son extrémité disparaît dans la lumière . Car l’homme doit revenir à Dieu. »La divinité avait placé dans le cœur des hommes l’idée du Progrès, «  qui nous fait trouver insignifiants nos résultats de la veille et toujours plus éloigné le but à atteindre » L es racines arrachées récemment au terrain religieux s’implantaient maintenant sur un autre , similaire , grâce à la fascination que provoquait la magie scientifique. En achevant de mettre à bas l’autorité divine, la nouvelle foi promettait de changer les hommes en dieux mortels habitants l’olympe techno-scientifique. Mais lorsqu’elle a fondé l’économie sur la séparation entre les individus , sur la séparation entre eux et le produit de leur activité et entre celui-ci et la nature , son développement soutenu par la science a apporté une plus – value d’irrationalité.
Très tôt sont apparues dans la nouvelle «  espèce » dirigeante, nourrie de présupposés scientifiques, des tendances suspectes, qui avec le temps allaient devenir éclatantes , à L’Est comme à l’Ouest, aussi bien dans le camp libéral qu dirigiste:par exemple, la tendance à légitimer les moyens par la fin , le présent par le futur, le réel par l’idéal ; la classe dirigeante faisait appel aux impératif urgent de la situation.du moment pour supprimer la poésie de la révolution libératrice , n lui substituant sine die une justice et une liberté qui devenaient de moins en moins concrètes.
En conséquence, la vie sociale impulsée d’abord par la bourgeoisie, puis par la classe bureaucratique née de la révolution, a été réglé sur la base de critères pragmatiques : renonçant aux préceptes de la raison objectives, ceux ci se réduisaient à leur dimension utilitaire, subjective et formaliste.. Ainsi, tandis que la conduite morale se dissolvaient dans l’égoïsme mesquin, l’ordre économique et politique était garanti .  Auguste Comte dont la devise était « ordre et progrès », avait déjà spécifié que «  dans tous les cas les considérations sur le progrès devaient être subordonnées à celle de l’ordre ».. t en remontant plus loin dans le cours de l’histoire, un illustre précurseur comme Fontenelle soutenait que la vérité, détermination principale de la Raison, devait être subordonnée à des critères d’utilité et qu’elle pouvait même être sacrifié si les convenances sociales le nécessitaient . La même chose pouvait être dite des autres déterminations. La Raison, en se réconciliant avec le pouvoir absolu , s’ auto-immolait.. La classe bourgeoise et à sa suite la bureaucratie, en liquidant la Raison, inventaient une nouvelle métaphasique pseudo-rationaliste qui se manifestait comme une foi aveugle dans les développements économique ; cette foi se dénommait «  matérialisme »et cette destinée débouchait sur un présent perpétuel d’injustice et de barbarie. Le stalinisme, par exemple, allait démontrer que le trop célèbre « progrès historique » ne fut rien de plus qu’une idéologie au service d’une nouvelle classe dominante : la bureaucratie de parti, qui devait imposer une oppression aux dimension colossales.
A partir d’un certain niveau de progrès, celui qui a conduit à la première guerre mondiale et à l’essor du nazisme, les effets négatifs l’emportent largement sur les acquis positifs, jusqu’à constituer une menace pour l’espèce humaine ; dans l’étape suivante du développement, le moment ultime du progrès se révélerait comme la fin de l’humanité, matérialisé d’abord dans l’armement nucléaire, dans l’état policier et l’industrialisation du vivant, et enfin dans la pollution , l’extension des OGM et le réchauffement climatique. Si l’histoire suit le cours marqué par l’hybris progressiste, qu’elle en soient les variantes, le point final sera la désolation et non l’Éden de l’heureux consommateur ou le paradis communiste.
L’idée de progrès postule une trajectoire ascendante depuis les sociétés dites primitives jusqu’à la civilisation moderne actuelle. Dans la pratique, cela signifie une transformation incessante du milieu social et un renouvellement constant des conditions économiques qui le déterminent : le présent n’est qu’une étape passagère sur le chemin d’un avenir meilleur . L’idée de Progrès amène donc à considérer la société présente comme supérieure à toutes les époques antérieures, mais plus que cela, et surtout, elle n’envisage l’avenir que comme son propre aboutissement. En réalité, celui-ci n’est rien d’autre que l’apogée du présent : le futur se dissout dans l’idéologie et cesse de signifier le mouvement du temps pour devenir une vulgaire apologie de l’existant. C’est pourquoi toute la classe dominante, politique et économique , revendique le progrès comme un signe d’identité , car dans la mesure où elle domine le présent, récrit le passé dont elle se sent l’héritière et évacue du futur la part qu’elle ne peut contrôler , son progrès est le progrès .  Les dirigeants progressent – je prends le risque de me répéter— grâce au progrès de l’ignorance et du contrôle, en mettant en place des organisations toujours plus gigantesques où, pour revenir à Hegel, on suppose que devrait se manifester «  l’inquiétude du subjectif, du concept , posée en dehors du sujet »
On peut imaginer les possibilités de domination qu’offrent les technologies de surveillance, la culture de masse—cette sorte de coléreuse négativité inhumaine–, sans parler de la propagation du modèle éducatif.étatique(dans lequel les premiers progressistes mettaient leurs espoirs) créateur d’une forme d’ignorance structurelle que l’espace virtuel a généralisée. Ainsi s’explique le fait que les individus soient moins que jamais maître de leur destin, bien que la science ait progressé.
Ce qui s’appelle aujourd’hui Progrès ne conduit aucunement au développement de l’intelligence ni de l’autonomie personnelle, car il vise essentiellement à la croissance économique et au mode de vie consumériste qui lui est associé.. Le pouvoir séparé qui le revendique a besoin de créatures égoïstes, apeurées ou mieux encore robotisées.il n’aime pas les individus ayant un jugement indépendant, capables d’ orienter leur conduite morale en accord avec la connaissance objective ; il préfère des gens irréfléchis et uniformisés, absorbés par l’accessoire et l’instantané, et tenaillé par la peur.. Des gens programmés pour se soumettre aux messages envoyés dans l’appareil de domination . La standardisation et la marchandisation de toutes les activités humaines produisent cette déraison typique que les dirigeant consacrent sous le nom de Progrès ; pendant ce temps le génie génétique construit ses fondements biotechnologiques. Vérité et justice ne sont plus les fruits de cet arbre mort, mais son prestige sert d’alibi à l’esclavage et à l’oppression. Les prétendues avancées sociales sont toujours accompagnées par l’inconscience, la déshumanisation et l’anomie, de sorte que ce fameux progrès élimine le plus grand de ses postulats : l’idée même de l’individu libre et émancipé.

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Notes critique Tout paralyser

Brèves du Désorde
Tout paralyser

Le petit incendie d’un puits de câbles à « Bahn-Nadelöhr » la nuit du 7 juin 2016 dans le nord de Zurich a paralysé « la moitié de la Suisse »*. Un petit incendie, que n’importe qui a pu allumer. « Si on veut intentionnellement nuire un système, on trouvera toujours des manières pour le faire, » précisait le porte-parole de Pro Bahn Schweiz, l’association des navetteurs, sans bien sûr vouloir inciter à commettre de tels actes. Un effet décisif, facile à faire et impossible de surveiller tous les câbles et les puits où ces câbles se rejoignent… Bonne nouvelle donc pour tous ceux qui ont à coeur de saboter la machine économique dans laquelle on est tous contraints de tourner.
Les médias ont essayé de présenter « les navetteurs » comme des sortes de victimes. Nerveux, stressés, en retard, ayant raté leur vol d’avion. Mais à quel point est-ce vraiment grave que le quotidien, pressé dans un train bondé, en route pour la journée tellement belle de travail, d’école, d’examens… soit quelque peu bousculé ? Nous ne croyons pas, comme les médias cherchent à le représenter, que les gens d’ici soient déjà tellement abrutis qu’ils n’arrivent pas à s’imaginer autre chose que la routine ordinaire. Joliment lisse, chaque jour pareil. Mais si c’était quand même le cas, il serait temps de les amener à réfléchir un petit peu. Car, contraint à rester sur la voie de l’habitude, le potentiel humain reste généralement dans l’impasse. Une impasse qui consiste en trains bondés, en trottoirs stressants et en activité mécanisée, avec comme panorama la grisaille du béton des murs et des rues. Une impasse où l’homme tourne frénétiquement en rond, pour gagner sa vie, afin de ne pas rester complètement sur le carreau. Emprisonné dans une machine, comme le rouage d’un mécanisme, qui bientôt ne l’utilisera même plus en tant que tel…

Au quotidien, qui devient si vite habitude, il ne reste alors guère de temps pour réfléchir. Quand on devient un être-condamné-à-végéter, on a certes du temps pour réfléchir, mais cela ne nous fait pas avancer, car dans une telle situation on est coupé de toute possibilité d’agir. La réflexion tourne alors en rond. Une interruption de la normalité, provoquée par un court-circuit, peut toujours être une source de lumière dans ce scénario. Une grande comme une petite. Ce qu’il faut, c’est de l’imagination et du courage. De l’imagination pour faire sortir la réflexion des méandres de l’habitude ; le courage pour agir en conséquence.
Le sabotage – un moyen utilisé depuis des siècles par les exploités et les exclus afin de combattre la machinerie qui produit leur situation – suscite souvent le mécontentement chez ceux qui ont pourtant toutes les raisons pour (aussi) se réjouir des défaillances qui en résultent. Les esclaves heureux, ou tout simplement les peureux, qui défendent le cadre de l’habitude, alors que… Alors que l’habitude a toujours été le pilier le plus costaud de la servitude volontaire : celui qui préfère sauvegarder le joug même s’il était possible de s’en défaire sans danger. Si nous étions à l’inverse pas si bienveillants et si heureux que ça, mais plutôt opposés et obstinés contre les cages du quotidien, on pourrait probablement imaginer comment profiter d’une telle situation de rupture. Une telle situation chaotique peut en effet rendre beaucoup de choses possibles, ne serait-ce qu’en mettant par là en évidence à quel point beaucoup de gens s’accrochent sans grande raison à la normalité habituelle. Et si c’était vraiment vrai que les gens ne peuvent plus s’imaginer autre chose, alors cela offrirait un terrain favorable supplémentaire pour répandre des idées anarchistes et défendre le sabotage et la révolte afin de stimuler la capacité d’imagination. Si les gens voulaient saisir cette occasion pour défendre à tout prix les structures et les institutions de la domination, et bien alors, malgré tout, une telle situation ne laissera au moins pas de place pour se tenir à l’écart. Car celui qui veut vraiment la liberté doit d’abord commencer par arrêter de demander la permission !

L’identification avec l’ensemble du réseau de travail et de contrôle peut très bien être répandue dans nos contrées, qui sait ? Au moins ce sabotage a-t-il pas mal essayé de le mettre en évidence. Mais je peux à peine m’imaginer que la réjouissance suite à une paralysie des transports ne soit pas du tout diffuse… même si elle reste aujourd’hui souvent silencieuse. « L’opinion publique » fonctionne comme une priorité, et vient vite faire passer le fait d’avoir raté un examen ou le début de la journée de travail ou d’école quasi comme une sorte de catastrophe personnelle… Comme si tous ces gens étaient partis joyeusement, le sourire enthousiaste aux lèvres, pour débuter leur magnifique quotidien. Oui, la psyché de l’animal de labeur reste pour moi un mystère, et j’ai du mal à ne pas douter de son existence. Il est certes connu que de nombreuses personnes se mettent une immense pression intérieure pour être performantes et pouvoir fonctionner comme un rouage. Mais il est aussi connu que cette pression intérieure mène aussi vers des effondrements divers et variés comme la dépression, le burnout, le suicide,…
Mais si on est fatigué de tout et qu’on est pas prêt nous aussi à intérioriser la pression que ce monde de travail et de consommation nous impose, mais qu’on cherche plutôt à s’en débarrasser le plus possible, alors le sabotage est un des moyens qui est bien plus à portée que ce qu’on croit généralement. Souvent le sabotage n’est pas trop compliqué à réaliser, il n’est pas nécessaire d’être un génie technique. Tout ce qu’il faut, c’est garder les yeux et les oreilles ouverts. Trouver un point faible, et allonger la main. C’est cela que prouve notamment le sabotage de début juin. Un petit incendie qui a paralysé « la moitié de la Suisse ». Il y a des milliers de raisons pour la paralyser, et ce sabotage aura certainement eu ses propres motivations. Je crois que le plus intéressant, ce n’est pas de spéculer sur ces motivations, mais d’attaquer ce monde de travail oppressant avec ses propres raisons, idées et possibilités.

[Traduit de l’allemand de Dissonanz, anarchistische Zeitung, n° 30, 22 juin 2016 (Zurich, Suisse)]

* Coupures de presse (NdT.)
« Les grandes lignes, les trains internationaux et les RER sont fortement perturbés autour de Zurich, en raison d’un incendie que la police qualifie d’intentionnel. Des milliers de pendulaires ont été affectés. Le trafic ferroviaire est paralysé mardi entre Zurich-Oerlikon et Zurich-Aéroport à cause de l’incendie intentionnel de câbles des CFF. Plus aucun train ne relie la ville à son aéroport. Il faut prendre le tram ou faire un important détour pour prendre l’avion. »
« Le feu s’est déclaré à 3h dans un conduit de câbles des CFF, le long du tronçon reliant Oerlikon à l’aéroport. Tout indique que l’incendie est d’origine criminelle [le feu a été bouté en deux endroits], écrit la police municipale. Les flammes ont pu être rapidement éteintes, mais des installations techniques sont endommagées. »
« Le tronçon est resté bloqué jusqu’à 19h00 pour le trafic grandes lignes. Le trafic régional a été rétabli progressivement à partir de 20h00. »