Archives mensuelles : janvier 2015

Les pestes religieuses

Pourquoi revenir sur une vieille question comme celle de la religion, à l’heure où les plans d’austérité européens commencent à faire sentir leurs effets un peu partout, où les désastres écologiques s’accumulent et où le contrôle sur nos vies se resserre toujours plus ? Pourquoi s’en prendre à une idéologie, certes répugnante, quand la question des besoins matériels et de la simple survie se fait pressante ? Ben justement, pas besoin de chercher très loin dans le passé pour s’apercevoir qu’autour de nous, l’incertitude du futur et l’insécurité du présent ramènent à la surface tout un fatras qu’on avait un peu trop vite perdu de vue dans nos luttes : nationalisme, famille, religion. Ce trio carcéral qui avait encaissé quelques coups dans les années 70 pourrait trouver une vigueur inespérée par les temps qui courent, servant à nouveau sinon d’amortisseur, au moins de contention/récupération de révoltes qui peuvent exploser vers un monde totalement différent. Autant la restructuration capitaliste des années 80 et 90 pouvait compter sur une pacification sociale assurée par les gestionnaires traditionnels de l’Etat social et de ses affiliés, autant l’instabilité actuelle s’inscrit dans un cadre de concurrence féroce entre plusieurs forces asymétriques (dont les réseaux religieux) où l’Etat a bien moins de miettes à lâcher aux révoltés. C’est aussi dans ce contexte où il apparaît à beaucoup que le capitalisme n’est plus à réformer ou réguler mais à bouleverser, voire à détruire pour les plus radicaux, que les religions tentent de tirer une fois de plus leur épingle du jeu.

Même si la tradition liée au vieux barbu allemand affirmait que « la critique de la religion est la condition première de toute critique », certains autoritaires contemporains pensent que mieux vaut ne plus toucher à la religion dans un premier temps. Cet opium n’étant que la manifestation extérieure de problèmes bien réels –eux–, ne serait-il en fin de compte pas plus intéressant de travailler à ce qui nous réunit minimalement, plutôt que d’évoquer ce qui « nous » sépare malgré tout. « Nous », c’est-à-dire la classe, le peuple, les pauvres, les habitants d’un quartier ou d’un village, le prolétariat, les participants à une lutte… Bref, l’entité collective ou le sujet du moment auquel on s’attache, au sein duquel les individus ne doivent en tout cas pas se diviser sur des « questions secondaires ». Quel intérêt en effet de lutter ensemble sur des intérêts communs (le logement, les conditions d’exploitation, les prisons, les expulsions, etc.), si c’est pour se quitter ensuite sur des questions comme l’inexistence de Dieu ? Bien que d’indécrottables anti-autoritaires aient prétendu que toute religion est au service des puissants et qu’on ne peut mettre de côté la question de la fin, c’est-à-dire savoir pour quel monde on se bat (notamment sans lois – terrestres ou divines, ni maîtres – de la terre ou du ciel), on ne peut pas dire que les acrobates de la tactique n’aient pas eu de fidèles partisans dans leur art d’éviter les questions qui fâchent.

A côté de cette manière, disons « instrumentale », de hiérarchiser ce qu’on pense afin de maintenir la fameuse communauté de lutte, un autre rapport, plus libéral celui-là, s’est immiscé dans la partie : laissons-donc les croyances religieuses au vestiaire, au profit d’autres plus productives, comme la science ou la démocratie. Soyons tolérants, chacun peut croire au fantôme qu’il souhaite, pourvu qu’il n’emmerde pas les autres avec ! A l’image d’une société où l’Etat a conquis peu à peu le monopole de la gestion de l’espace public, et où le Dieu universel qui tient désormais le haut du pavé est la marchandise, cette manière de renvoyer les croyances religieuses traditionnelles à la sphère privée est une autre sorte de compromis possible pour maintenir la fiction unitaire (de la nation pour l’Etat, du groupe ou de la lutte pour les militants).

Mais voilà que tout s’est accéléré et exacerbé cette dernière décennie sur fond de crise. Voilà que pour les partisans de l’option libérale, ce compromis est toujours plus brutalement remis en cause par des minorités religieuses qui revendiquent ici aussi leur place au soleil. Voilà que pour les partisans de l’option tactique, la tâche se complique quand expressions politiques et religieuses sortent de la sphère culturelle pour redevenir une projectualité autonome. Voilà encore que face à deux ennemis qu’il faut tous deux combattre (l’Etat et la religion), l’option gauchiste de la bonne conscience se revigore à son tour (l’Islam est titillé par l’Etat français ? Retrouvons-nous pour défendre une oppression contre une autre, au nom de la lutte contre l’exclusion et les discriminations !) Cette option est en somme dans la même logique citoyenniste –pousser l’Etat à devenir égalitaire alors que c’est un instrument des puissants qui ne fait que sanctionner des rapports de force entre dominants et dominés– qui a par exemple conduit récemment à appuyer une loi comme celle du « Mariage pour tous », plutôt que d’affirmer que l’Etat ne doit fourrer son nez dans les relations de personne, et disparaître définitivement de nos vies.
En temps de restructurations économiques, les tensions sociales toujours présentes entre exploiteurs et exploités, dirigeants et dirigés peuvent parfois prendre des tournures inhabituelles, pas toujours agréables ou émancipatrices d’ailleurs. Si la conflictualité offre mille visages, des grèves sauvages et occupations dans les entreprises aux émeutes et révoltes dans les quartiers, en passant par les insoumissions à l’Etat ou aux sabotages du train-train quotidien, beaucoup sentent en tout cas que les miettes à distribuer s’amenuisent, et qu’il va falloir ramer sec. C’est dans ce cadre où les vis se resserrent pour tout le monde, et où monte l’insatisfaction, que les religieux comme d’autres autoritaires ont une carte à jouer, pour tenter de trouver leur place à la tête de la conflictualité. Comme les néo-fascistes ou plus généralement n’importe quels politiciens, ils vantent les mérites de leur modèle social prétendument relooké, un bricolage de tradition et de modernité prêt à l’emploi en cas de conquête du pouvoir. Et comme les gestionnaires actuels du capitalisme, ils craignent la liberté qui pourrait surgir d’explosions qui bouleverseraient jusqu’aux rapports sociaux. Lois de l’Etat ou lois de Dieu, tous restent d’accord sur l’essentiel : il faut y obéir, il faut de l’ordre, car les gens, les individus, sont incapables, pire, ne doivent en aucun cas décider par eux-mêmes de leurs vies, ni de comment se rapporter les uns aux autres. On ne sait jamais, des fois que surgirait l’expérimentation d’un monde sans argent ni dominations.

En fait, on pourrait presque se réjouir si les religions étaient seulement l’expression d’une aliénation de plus, de simples idéologies auxquelles on n’adhérait qu’en négatif, par conformisme ou par peur. Si on ne s’y accrochait que faute de pouvoir se retrouver dans une perspective plus passionnante que celle d’appartenir à une communauté de croyants où les règles sont dictées d’avance. Mais les religions sont bien plus que cette bouillie de morale, d’autorité et de codes, elles sont aussi quelque chose d’efficient : comme la famille ou la nation, elles maintiennent l’existant en soudant et en pacifiant des antagonismes explosifs. Nous ne sommes plus au temps où l’entièreté d’un monde trouvait son expression dans la sphère religieuse, et où les révoltes partaient donc aussi de là, quitte à s’exprimer sous forme de dissidences sectaires ou hérétiques (qu’on pense par exemple au Bundschuh germanique de 1500, ou aux Ranters et Diggers anglais des années 1640). En ce sens, la récupération provisoire des soulèvements récents de l’autre côté de la Méditerranée nous montre encore comment les religions sont bien plus en continuité qu’en rupture avec le capitalisme.
A présent qu’elles ne sont plus la totalité mais seulement une des formes séculaires de la domination, elles doivent désormais partager leur pouvoir temporel avec l’Etat, dont la bureaucratie constitue un puissant réseau concurrent aux siens. Et d’un autre côté, leur pouvoir spirituel est concurrencé par d’autres fétiches qui ont leur propre logique, comme la technologie ou l’argent. Dans ce système complexe, les religions ne peuvent plus incarner qu’une des formes possibles de réforme du capitalisme, bien qu’elles tentent parfois encore à travers certaines de leurs manifestations marginales de faire passer ces aménagements pour un quelconque changement réel.

Si nous pensons qu’il faut à nouveau s’intéresser à elles, ce n’est donc pas uniquement par esprit de vengeance bien réel de siècles d’oppressions, de massacres et de tortures d’incroyants ou de dissidents. Ce n’est pas non plus parce que cette illusion grotesque ne ferait que détourner une grande partie du prolétariat de son juste combat contre le capital, en le divisant et en lui désignant de faux amis et de faux ennemis. C’est surtout parce qu’en une période peut-être un peu plus angoissante que la précédente (les défuntes Trente Glorieuses qu’on ne regrettera pas), les religions ne représentent plus seulement un des refuges rassurants face aux guerres ou à la misère, mais incarnent aussi davantage l’espoir d’humaniser un capital qui élague le vieil Etat protecteur un peu partout depuis les années 80 (celui des indépendances comme celui du capitalisme d’Etat à l’Est ou en Chine, celui des dictatures militaires populistes d’Amérique du Sud comme celui de l’Etat social occidental). En quelque sorte, on pourrait s’en prendre aux croyances religieuses d’aujourd’hui comme on s’attaquait aux espoirs sociaux-démocrates d’hier : d’un côté en luttant pour un monde radicalement différent, basé non pas sur la masse et l’autorité mais sur les individus et la liberté, et d’un autre côté en combattant ce poison dans chacune de ses tentatives concrètes d’incarner une alternative à la domination et de substituer un ordre par un autre. En les combattant comme autant d’obstacles en travers de nos luttes, mais sans en faire le centre de l’affrontement.
Car il n’est pas dit, même si comparaison n’est pas raison, que les mêmes mécanismes de la politique liés aux périodes agitées du passé ne se reproduisent pas une fois de plus. On verrait alors les uns pratiquer des alliances formelles ou informelles avec certaines factions religieuses au nom d’un ennemi soi-disant commun (l’Etat et ses milices, l’extrême-droite), et les autres finir par cohabiter avec elles dans le cadre de luttes partielles au nom du nombre, y compris en cas de rapport de force défavorable à ces dernières. En somme, la vieille histoire des idylles entre les révolutionnaires autoritaires et les réformistes. Et pour nous, la sempiternelle critique liée à la nécessaire cohérence –vue comme tension sociale et comme éthique– entre les moyens et les fins, vu que les premiers contiennent déjà en eux le monde pour lequel nous nous battons.

Dans les quelques textes qui suivent, nous avons joint les pensées iconoclastes d’une compagnonne à un article qui revient sur le retour en force des manifestations religieuses tant chrétiennes que musulmanes après le 11 septembre 2001, et leur fausse opposition. Et comme il nous semble plus généralement que les idées ne prennent jamais tant de force qu’à travers leurs prolongements quotidiens, nous avons également inséré à la suite quelques critiques pratiques contre des messes singulières au Chili et en Belgique, ou autour de la construction d’une mosquée dans un port méditerranéen. Puissent ces quelques pages apporter leur petite contribution pour alimenter la lutte sans trêve contre toutes les pestes religieuses, divines comme profanes.

[Extrait de Subversions, revue anarchiste de critique sociale, n°3 (Paris), août 2013.]

source non fides

 

[Pénisule Ibérique] Opération pandora/lettre de quelque compagnons prisonniers

La tempête déchaînée par Pandora

 traduction de la lettre de Quelques anarchistes poursuivi-e-s par l’Opération Pandora

Aux nôtres, à tous les compagnons et toutes les compagnonnes de nous connu-e-s ou non, qui embrassent les idées anarchistes et à toutes les personnes solidaires et intéressées.

Le matin du 16 décembre, un grand déploiement policier a fait irruption dans les quartiers de Sant Andreu, de Poble Sec et de Gràcia à Barcelone, à Manresa, à Sabadell et dans le quartier madrilène de Carabanchel, envahissant nos maisons au cri de « police ! » et, après une perquisition méticuleuse, nous arrêtant nous, 11 anarchistes. Simultanément, l’athénée libertaire de Sant Andreu, l’athénée anarchiste de Poble Sec, la Kasa de la Muntanya et les logements d’autres compagnon-ne-s ont eux aussi été fouillés, sans que cela ne mène à d’autres arrestations.

Lorsque les flics se sont fatigués de manipuler, d’enregistrer et de recueillir de supposés indices, les arrêté-e-s en Catalogne avons été conduit-e-s séparément dans différents commissariats des extérieurs de la ville de Barcelone, afin de rendre tout geste de solidarité plus difficile, puis avons été transféré-e-s 48 heures plus tard à 600 kilomètres de là, à l’Audiencia Nacional de Madrid. Après de longues heures d’attente lors desquelles l’hostilité mutuelle était à couper au couteau, 4 compagnon-ne-s ont été relâché-e-s sous contrôle judiciaire, et 7 d’entre nous avons été conduit-e-s en prison préventive sous la charge de constitution, soutien, direction et appartenance à organisation terroriste, dégradations et possession d’engins explosifs et incendiaires.

Nous avons dans un premier temps tou-te-s été transféré-e-s dans la maxiprison de Soto del Real (Madrid), où on nous a appliqué le régime FIES 3, réservé pour les délits d’organisation armée. Toutes nos communications sont interceptées et bien que nous n’ayons pas de nombre limite pour le nombre de lettres que nous pouvons recevoir, nous ne pouvons en envoyer que deux par semaine.
Notre arrestation et incarcération a lieu dans le cadre de « l’Opération Pandora », orchestrée conjointement par l’Audiencia Nacional et les Mossos d’Esquadra, contre une organisation terroriste fictive à laquelle ils attribuent des actions dont nous ignorons encore tout. Nous comprenons ce dernier assaut répressif comme une attaque contre la conjonction d’idées et de pratiques anarchistes, à un moment où l’État a besoin d’ennemis intérieurs pour justifier une série de mesure chaque fois plus oppressives et coercitives qui renforcent les formes actuelles de totalitarisme.

Avec la crise et l’insécurité en toile de fond, nous avons assisté au renforcement du contrôle aux frontières et des rafles racistes, des expulsions de logement, des violences hétéropatriarcales et de l’exploitation au travail, quelques choses au sein d’un grand etcétéra qui se traduit par des conditions de vie toujours plus misérables pour l’immense majorité.

Ces froides parois entre lesquelles nous sommes aujourd’hui enfermé-e-s ont caché les sourires qui se dessinent sur nos visages en sachant que nos proches, ami-e-s et compagnon-ne-s sont resté-e-s des heures et des heures devant les portes des commissariats et de l’Audiencia Nacional, se souciant de nous malgré le froid et la distance. De la même façon, savoir qu’une grande manifestation de solidarité combative à eu lieu à Barcelone et dans d’autres lieux nous remplit de joie, ce sont des gestes qui nous comblent de force et d’entièreté pour affronter la situation de la façon la plus digne qui soit.

Nous envoyons nos saluts, toujours combatifs, à Francisco Solar, Mónica Caballero, Gabriel Pombo Da Silva et à tous et toutes ces indomptables qui, au-delà des frontières imposées et malgré l’enfermement, les harcèlements ou les difficultés, ne baissent pas la tête et continuent de choisir la lutte.
Notre cœur reste avec vous.

Maintenant et toujours, mort à l’État et vive l’Anarchie.

repris de contra info

Voir le texte traduit en italien.

Terreur et union nationale

C’est tous les jours que ce monde produit de l’horreur. Dans les guerres que se mènent les États entre eux, ou contre des groupes qui, s’ils ne sont pas à proprement parler des États, ne rêvent que de pouvoir et de domination sociale et politique. A coups de bombes et autres armes frappant plus largement que les seuls adversaires soi-disant visés, c’est-à-dire frappant des centaines et des milliers d’individus qui ne demandaient pas à prendre part à ces guerres, en tout cas qui ne souhaitaient pas en crever. Cette tuerie et cette mutilation permanentes s’étendent jusque dans les conséquences sociales dues au capitalisme : par son travail, son industrie, ses nuisances, les maladies qu’il provoque en pagaille. Jour, après jour, après jour.

Document-1-page1

Cette horreur diffuse devient banale, on ne l’évoque qu’en citant des chiffres : dix morts par-ci, trente morts par-là, des centaines et des milliers de blessés. Banale comme une hécatombe suite à un tsunami, un tremblement de terre, fatale comme le sont les fureurs et le déchaînement périodique de la nature. On l’évoque donc (il est parfois plus profitable pour certains d’évoquer le drame que de le taire, les larmes mêmes pouvant être productives de façon intéressante dans ce monde pourri), on la glisse dans un bulletin d’information, rapidement, car on n’a au fond rien de bien substantiel à en dire. N’oubliez-pas, citoyens, le drame est là, la mort frappe toujours à nos portes, et face à elle, combien est douce la sécurité et la stabilité que l’État et l’afflux de marchandises vous apportent ! Que le petit quotidien de la survie continue et tout ira fort bien.

Mais tout à coup, voilà qu’un fait parmi d’autres arrête le temps qui passe, qu’une horreur parmi d’autres crève l’écran, que la normalité fait une pause, voilà qu’on devrait se mettre à réfléchir, alors que le reste du temps il faut juste courir vers nulle part. Voilà qu’il ne s’agit plus de quelques « brèves de l’horreur », lointaines et insignifiantes, mais de l’Horreur, avec sa figure terrifiante, la mort terroriste juchée sur un puissant scooter et revêtue de noir, qui a la fourberie de se masquer sous un casque intégral, pour échapper aux preux chevaliers de la police judiciaire. Elle laisse sept morts derrière elle.

Revenons rapidement en arrière. Oui la mort frappe continuellement, pas la mort qui vous enlève tranquillement la vie, pas juste celle qui fait que vous vous endormez dans votre lit un soir sans vous réveiller le lendemain matin. Pas juste celle qui vient vous rappeler que, bon gré, mal gré, la vie des êtres humains ne dure que quelques décennies et qu’il y a une fin à toute chose. Non, celle qui tape brutalement, qui laisse son paquet d’estropiés et d’amputés dans son sillon, en plus des cadavres ; celle qui laisse aussi la terreur, qui cherche à l’inscrire dans le crâne de ceux qui survivent. Qui veut frapper les esprits pour mieux paralyser le corps, déposséder les individus de toute prise en main autonome et concrète de leur existence. Comme nous le disions, cette mort-là a des médiateurs, des responsables particuliers. Ils agissent toujours au nom d’une idéologie, qu’elle soit politique ; démocratique ou non, ou bien religieuse, peu importe quelle religion particulière historiquement, ou bien tout ça à la fois. La faux qui s’abat pour occire et terroriser ne tombe pas du ciel, ou si cela arrive, c’est par un avion bombardier, ou par un lance-missile à longue portée, et pas par les foudres divines. Elle ne vient pas d’une « main invisible », mais d’un bras souvent vêtu de kaki, et peu importe quel écusson y est épinglé.

Dans le cas qui amène ces réflexions, il aurait été en effet fort plausible que sous l’habit noir du « motard déséquilibré », se cache aussi le kaki, puisqu’une des premières éventualités énumérées était qu’il s’agisse d’un ancien para à tendance néo-nazie voulant épancher ses pulsions racistes sur d’anciens collègues trop basanés à son goût, et sur des personnes identifiées comme « juives ».
Ce qui, accordons-nous sur ce point, était de l’ordre du possible. Mohamed Merah, l’homme identifié et finalement exécuté par le RAID, avait par le passé tenté de s’engager dans l’armée, au sein de la Légion étrangère. Il aurait donc tout aussi bien pu tuer autrement, et ailleurs. On l’a vu il y a quelques semaines, lorsqu’un G.I. américain en poste en Afghanistan est sorti de son camp pour aller tirer dans le tas dans un village voisin, massacrant indistinctement plusieurs personnes. Et oui, l’armée française est bien active en Afghanistan -et ailleurs- sous l’égide de l’OTAN ; occupation que les États appellent « mission de sécurisation, d’assistance et de transferts des compétences en ce domaine à l’État Afghan », et que nous appelons simplement guerre et occupation militaire. Cela signifie, à moins de vouloir changer la signification des mots, bombarder, tuer, massacrer, pacifier par la force et la contrainte, contrôler, humilier, perquisitionner et au besoin exécuter. Si le « tueur de Toulouse » avait été engagé à l’époque dans l’armée, force aurait été de conclure qu’il aurait été formé à l’école même de l’État. On ne l’aurait alors pas désigné comme « tueur sanguinaire », mais comme « simple soldat ». Dans le cas de Toulouse et de Montauban, l’acte d’appuyer sur la gâchette n’a pas été donné par le commandement militaire, et les cibles n’ont pas été désignées par lui. Pas cette fois-ci, précisément. Mais dans bien d’autres situations, dans bien plus de situations, ça l’est.

Aussi quand l’État décide de rayer de la carte des villages et des villes entières, donc des milliers de vies humaines, par le napalm, la bombe thermonucléaire, les fameuses frappes chirurgicales ou toute autre joyeuseté en sa possession, c’est la raison qui parle, la civilisation, la démocratie, et même, allons-y dans le cynisme, le Progrès et la « liberté ». Il y a donc l’horreur et les massacres justifiés, les guerres justes et les guerres saintes, et puis il y a le « tueur à scooter de Toulouse ». Celui-ci est, selon une foule d’experts qui accoure la bave aux lèvres dés que le sang coule sur le trottoir, un « fou isolé », un « déséquilibré aux motivations idéologiques », un « terroriste individualiste » (sic). Soyons clairs et nets : un type comme celui-là, on ne va pas pleurer sa mort. Mais ceci dit soyons clairs et nets jusqu’au bout : qu’est-ce qui, ces derniers jours, a fait la teneur de ce que politiciens, médias et représentants communautaires ont qualifié de « drame national » ? Voilà qu’une réponse fuse, évidente : « on ne s’en prend pas aux enfants » et « s’attaquer à des personnes en fonction de leur religion, couleur de peau, ou origines supposées, c’est de la barbarie ».

De la barbarie, bien. Je ne connais pas, personnellement, de barbares, j’en suis désolé. Je ne connais que des individus devant survivre au sein de la civilisation, entre les mailles de la grande broyeuse économique (qui mange aussi des enfants), que la politique vient souvent racoler sous des fanions verts, bleus, roses, rouges, tous tricolores au final. Certains s’y accommodent assez bien, d’autres n’en peuvent plus ; les uns crient « vive la patrie ! », d’autres en ont marre et se tirent une balle dans la tête ou se pendent, en laissant un mot disant à peu près « Travail m’a tuer ». Les uns se débrouillent comme ils peuvent pour grappiller quelques miettes, quitte à faire une crasse à un autre forcé lui aussi de se débrouiller. Les uns vantent sourire aux lèvres les vertus de cette société, du labeur et de la famille, les autres (parfois ce sont les mêmes en fait) se shootent au Prozac, juste pour… continuer. Il y en a aussi qui en ont plus qu’assez de cette foutue vie de merde, mais qui avant de casser leur pipe se rebellent, mordent la main du maître, pourrissent la vie du donneur d’ordres. Certains parmi eux s’en tirent pas trop mal, d’autres (combien de millions sur cette planète murée ?) finissent derrière des barreaux. D’autres sont assassinés par les flics. D’autres tirent dans le tas, souvent en revendiquant une cause, parfois par ce qu’on appelle par défaut nihilisme.

Je vois très bien tout ça, mais je n’ai jamais vu de barbare. Barbare, barbare… ah oui, le barbare, celui qu’on définit par opposition à la civilisation. Il y a la civilisation, et il y a la barbarie. Les barbares et les civilisés. Les citoyens et les sauvages. Les uns sont courtois et polis, mangent à table et sont propres, sont sages à l’école, utiles à la société, et celle-ci leur rend hommage par une petite dalle de marbre à l’heure dernière. Les autres… Quelle horreur ! Mais là, il s’agissait d’un nouveau type de barbare, un barbare roulant en T-MAX Yamaha et équipé d’armes automatiques. Un barbare à la pointe de la technologie, et animé par une idéologie. Mettons un peu d’ordre dans tout ce merdier. Armes de guerre, puissant engin à moteur, racisme, idéologie, agissement froid et maîtrisé, art de la gâchette et même camera embarquée. Notre barbare n’était pas habillé de peaux de bêtes, il ne tenait pas de gourdin grossièrement taillé, il avait sûrement en tête tout un argumentaire bien raisonné pour expliquer pourquoi il faut méthodiquement et froidement éliminer tout ce qui est « juif » (les militaires, c’est encore autre chose) de la surface du globe. Isolé disait-on ? « Fou » ? « Terroriste » ?

Isolé. Certainement pas. Pour notre grand malheur, des personnes qui, sans peut-être appuyer sur la gâchette à tout va, sont animés par l’idéologie raciste et/ou religieuse, il y en a eu un paquet dans le passé, il y en a encore plein aujourd’hui, et ce à tous les échelons et postes de la société, « serviteurs de Dieu » aussi bien que militaires, simple quidam anonyme ou personnage d’État. Le « tueur à scooter » agissait peut-être seul, mais ce qui le mettait en branle, son idéologie rance, occupe aussi l’esprit d’un grand nombre de gens. En d’autres termes, on parle d’arbre qui cache la forêt ou de pointe visible de l’iceberg.

Fou. Comment dire… Ce terme, en fin de compte, est aussi bancal que celui désignant les fameux « barbares ». Qui est fou, qui est « sain d’esprit » et incarnation de la Raison Pure, vaste question, qui agite peut-être frénétiquement les pensées et calculs des spécialistes, sociologues, médecins, généticiens, psychologues, psychanalystes, psychiatres et autres psychothérapeutes, mais qui à vrai dire nous laisse un peu indifférents. La folie est tantôt décrite comme l’incapacité à se conformer aux normes sociales, tantôt comme résultant au contraire d’une overdose de normalité, on parle des fous d’amour, des fous à lier. L’argent, le pouvoir, l’environnement déprimant, le travail, la jalousie, la voiture comme le métro, la possession et la dépossession, l’enfermement, les médicaments mêmes, rendent les gens « fous ». La société rend « fou ». Parler de folie dans ce cas précis, c’est empêcher de mettre le doigt sur l’idéologie et la logique morbide qui est derrière l’acte.

Terroriste. Pour l’instant, on sait que le tueur a tué, et qu’il a crée une certaine terreur. Peut-être son but était simplement de tuer, peut-être voulait-il à la fois tuer et répandre la terreur. Mais on ne le sait pas. Nous pensons en avoir assez dit au début de ce texte concernant cette question du terrorisme : qu’on invoque le Führer, je ne sais quel Dieu ou prophète, ou la République démocratique, un massacre (plus ou moins discriminé, ça ne change pas grand’ chose à l’affaire) reste un massacre, et le pouvoir reste le pouvoir, la domination veut dominer, et pour cela, tuer en masse et terroriser vont de pair ; terroriser et contrôler (de façon plus ou moins violente), terroriser pour exploiter. L’État est nécessairement terroriste, c’est lui qui a crée le concept de Terreur et la réalité qui va avec.

Et c’est l’État qui prétend, pas seulement depuis ce lundi ou quatre personnes ont été abattues devant et dans une école à Toulouse, mais depuis des décennies, mener la lutte « anti-terroriste ». « La République est bien plus forte que le terrorisme », clame le chef de l’État. On lui répondrait facilement (si on avait cette idée bizarre de vouloir dialoguer avec le pouvoir) : « La République est forte comme le terrorisme, par le terrorisme ». Certes, il serait simpliste de ne voir dans la domination que la résultante de la terreur, imposée avec force. Il y a bien aussi, une forme de consensus, d’intérêt parfois partagé entre l’État et des pans de la société, d’acceptation plus ou moins teintée de dégoût. De la servitude volontaire et de la résignation, de la servilité par lâcheté ou par conviction, par peur ou par résignation. Une résignation monnayée, peu ou prou. Une soumission obtenue par la menace de crever de faim, de se retrouver à la rue. Par la carotte et par le bâton, par le salaire et par la prison.
Toujours est-il que le gouvernement en a profité pour décréter le passage au niveau « écarlate » du plan Vigipirate, soit le niveau maximum, dans la région Midi-Pyrénées et les départements limitrophes. Pas un seul des salauds politiques, adorateurs du pouvoir, ne l’a critiqué sur ce point, et ça n’étonnera que les niais. Voici, dans le verbiage chatoyant propre au langage de l’État, ce que vise le plan Vigipirate élevé à ce niveau : « prévenir le risque d’attentats majeurs (simultanés ou non), mettre en place les moyens de secours et de riposte appropriés, des mesures particulièrement contraignantes pouvant être mises en œuvre, protéger les institutions et assurer la continuité de l’action gouvernementale ». En deux mots comme en mille : occupation policière et militaire à chaque coin de rue, surveillance omniprésente, possibilité de contrôles à tout instant, en tout lieu et sans « justification formelle », peur diffuse. Il s’agit du dernier stade avant l’état d’urgence. La même chose qu’en temps normal, est-on tenté de dire. Oui, seulement avec l’effet d’annonce en plus, et avec un peu plus d’intensité et surtout plus de moyens. Le plan Vigipirate est activé depuis le début des années 90, au niveau « rouge » depuis les attentats de Londres en 2005. Mais la démocratie se réserve tout le temps la possibilité de resserrer et de desserrer l’étau de son contrôle social sur les populations en fonction de la situation : émeutes généralisées, situation pré-insurrectionnelle, état de guerre, catastrophe nucléaire… Les situations dites d’urgence, décrétables et multipliables à l’envie, permettent de mieux ancrer dans l’esprit et la peau de tout un chacun l’habitude d’être parqué, surveillé, déplacé, fiché, fliqué. De réaffirmer le monopole de la violence entre les seules mains de l’État, et de façon visible, démonstrative même. Il est donc vain de s’indigner face à de supposées « lois d’exception » qui seraient l’envers de la normalité démocratique. Les deux sont inséparables.

Que dire aussi de ce monde polarisé en identités imaginaires ? Lorsque le tueur assassine des personnes d’origine musulmane, on convoque les dits « représentants » de la « communauté » musulmane pour exprimer son chagrin. Puis lorsqu’il tue des personnes d’origine juive, on convoque les équivalents juifs. Comme si le chagrin causé par la mort d’un individu ne concernait que ses co-religionnaires, comme si le chagrin devait forcement appartenir à un groupe social bien défini. C’est dans cette confusion identitaire bien typique de l’époque, additionnée à ce que Dagerman appelait la « dictature du chagrin », que le voile nauséeux de l’autorité assoie la domination de ses sujets. Pourquoi le président se sent-il obliger d’aller s’expliquer avec le premier ministre israélien à chaque fois qu’un crime raciste est perpétré contre une personne désignée par ses agresseurs comme juive ? Ces personnes appartiennent elles à l’État israélien ? Ces personnes appartiennent elles à une quelconque communauté avant de s’appartenir à elles-mêmes ? Quand cela arrange le pouvoir, les victimes sont d’abord françaises, des « enfants de la République », et quand il faut brosser dans le sens du poil les lobbys religieux, on use du discours contraire. Quoiqu’il en soit on reste dans le culte de la charogne et les logiques politiques et électoralistes de récupération ou non, selon les opportunités.

Dans une unanimité touchante, nos écolo-socialo-souveraino-centro-frontdegaucho-facho-réacto mêlent donc leurs voix pour entonner : « Vive la République ! Vive l’Union Nationale ! ». Les quelques voix critiquant partiellement ce chantage se sont empressées de préciser qu’elles encourageaient par ailleurs le travail des enquêteurs et des forces de l’ordre, à savoir la Section Anti-Terroriste, et qu’en cas de changement de majorité au parlement, les moyens des services de renseignements seraient augmentés.
L’Union Nationale, parlons-en. Celle qui s’enthousiasmait dés le XIXe siècle pour aller porter les lumières républicaines dans les contrées lointaines à coup de canons, de sabre et de goupillon, celle qui permit la boucherie de 14-18, celle qui porta Pétain sur un trône, celle qui releva le capitalisme en 45 en larguant quelques bombes à Sétif et en laissant bien tranquilles les collabos, qui massacra, tortura et jeta allègrement dans la Seine pendant la guerre d’Algérie. Celle qui permet au pouvoir de mieux isoler, mater et éliminer les rétifs, les rebelles, les sans-patrie, les révolutionnaires, ceux qui crachent sur tous les drapeaux et tous les régimes. Qui refusent d’aller se faire trouer la peau et de trouer la peau des autres pour des intérêts qui ne sont pas les leurs, qui ne le seront jamais.

Nous sommes de ces derniers, et nous comptons bien ne pas rester impuissants dans la posture du refus. Nous refusons et nous combattons à la fois le chantage de l’unité nationale, le ralliement sous la bannière républicaine, qui est toujours l’horreur étatique et capitaliste. Nous refusons tout autant de crier avec les loups avides de racket communautaire et religieux, cette autre forme de muselage universel qui, loin de s’opposer à la domestication politique et au règne de l’argent, en est leur compagnon de route historique, très efficace pour diffuser hiérarchie, fatalisme, obéissance et division entre pauvres.

Si nous autres opprimés, indésirables et révoltés dans ce monde, devons critiquer et combattre jour après jour tout ce qui fait de nous des esclaves, ça ne sera jamais en tirant dans le tas, ni pour répandre la terreur et l’horreur, mais précisément pour en finir avec tout ce qui en est la cause : l’État, le racisme et le nationalisme, l’argent, Dieu.

Pour la liberté.
La liberté pour tous et toutes.

Ni citoyens, ni flics
Ni fascisme, ni démocratie
Ni religion, ni terreur
Ni fric, ni État
Ni patrie, ni nation, ni frontières
Ni maîtres, ni esclaves.

20 mars 2012.

Repris de Non Fides, texte disponible sous forme de brochure sur le site Ravage Editions

Quelques vieilleries sur l’Union sacrée face au terrorisme

[Ces deux textes de réflexions à chaud suite aux attaques du 11 septembre 2001 -malgré un contexte et une période différents- ont certainement encore quelque chose à nous dire, à l’heure où c’est toujours, quoi qu’on en dise, le terrorisme des Etats et de leurs concurrents, comme cela vient d’arriver aujourd’hui, qui tentent de mener le bal pour tenter de liquider la guerre sociale contre toutes les dominations…]

 

Recherche ennemi désespérément

Ça y est, la 3eme guerre mondiale est arrivée. C’est l’onde de choc, le traumatisme mondial. Face à cette déclaration de guerre, cette insulte à la démocratie, à la liberté, à la vie humaine, …
chaque peuple fait bloc autour de son souverain, les bons citoyens offrent leur sang, on prie, on pleure, on compatit, on est choqué, horrifié, en colère, on exige des représailles. Les drapeaux sont en berne, de par le monde un deuil est décrété. Dirigeants et dirigés, exploiteurs et exploités, tous se retrouvent unis face au malheur et à l’inacceptable. Un-front-commun-contre-le-fléau-du-terrorisme. On appelle ça : l’union sacrée. Mais derrière cette orchestration larmoyante, cette mise en scène sacrificielle, ce scénario de politique-fiction plus vrai que nature, que se cache-t-il réellement ? Pour tous les damnés de la terre, tout cela ne présage rien de bon.

Dans les prochains jours, les attaques menées contre les intérêts américains serviront d’alibi au déclenchement d’une offensive militaire de l’OTAN ou des Etats-Unis avec l’appui de l’Europe et de ses alliés arabes. On parle déjà de l’Afghanistan, de l’Irak ou du Pakistan. Et l’on peut être sûr que les propagandistes du nouvel ordre mondial invoqueront, comme par le passé (guerre du Golfe, des Balkans, du Kosovo…) les arguments de la défense du monde libre et de la démocratie pour légitimer leur projet militariste ; en réalité, il ne s’agit de rien d’autre que d’une nouvelle tentative pour les grandes puissances de consolider leurs positions d’hégémonie sur l’échiquier impérialiste, dans le contexte de rivalités entre puissances constituées (les USA, l’Europe) et puissances en voie de constitution. Mais les exploités du monde entier n’ont rien à gagner dans ce jeu sinistre : ni la liberté formelle, source de leur exploitation quotidienne, brandie par les Etats occidentaux, ni la violence aveugle planifiée par une clique de chefs militaro-religieux ayant pour seule ambition de bouleverser l’ordre international à leur profit et d’instituer de nouvelles formes de domination ne leur seront d’aucun recours dans leurs luttes pour l’émancipation sociale.

Une militarisation de l’Etat, sur l’ensemble de la planète, trouvant sa justification dans la menace terroriste (renforcement des appareils de contrôle et de coercition de l’Etat) est d’ores et déjà à l’ordre du jour. Ainsi, dès le jour de l’attaque aux USA est annoncée en France la mise en place du plan Vigipirate renforcé (phase 2) ; or nous connaissons bien la nature et le rôle de ces « mesures de sécurité » : derrière l’alibi antiterroriste, ce n’est rien d’autre que l’intensification de la chasse aux pauvres, à commencer par les sans-papiers, la surveillance informatisée de nos moindres faits et gestes, la répression immédiate contre tout écart à la norme sociale fixée par les maîtres de nos existences et, de manière générale, l’instauration d’un climat de peur et de suspicion brisant toute solidarité collective contre l’oppression permanente. Bref, rien de tel pour accoutumer mentalement les esprits à la loi martiale et à l’univers totalitaire que l’on nous prépare dans les coulisses du pouvoir.

Cette militarisation des démocraties, ce contrôle et cette gestion militaire des rapports et des conflits sociaux permet aussi aux Etats de pouvoir enfin s’attaquer aux spectres de ces ghettos sociaux de plus plus difficiles à contenir.
La logique de guerre omniprésente est à l’œuvre aussi bien dans rapports entre puissances pour l’hégémonie planétaire (plan d’intervention militaires dans toutes les parties du monde, par exemple le plan Colombie, ou les guerres de basses intensités (Chiapas…), gestion humanitaire des rivalités inter-étatiques à travers le rôle dévolu aux ONG et aux organismes caritatifs), mais aussi dans les rapports sociaux de chaque Etat (ghettoisation et ségrégations sociales, gestion carcérale des « nouvelles classes dangereuses », etc).
En dernière analyse, toutes ces mesures, comme tous les discours et toutes les déclarations dont les médias nous abreuvent jusqu’à la nausée, sont destinées à entretenir l’illusion que sans le sang-froid et l’abnégation de nos bien-aimés dirigeants, leurs polices, leurs armées, leurs espions, leurs légistes, leurs diplomates et leurs bureaucraties, nous nous enfoncerions, livrés à nous-mêmes dans la barbarie. Or, c’est de tout le contraire qu’il s’agit : toutes ces institutions ne sont là que pour perpétuer la barbarie, celle des rapports de production capitalistes.

Au plan idéologique, on nous refait le coup de la guerre froide, avec un nouvel ennemi, plus dangereux que le précédent (l’URSS et le « communisme ») car insaisissable, intérieur et extérieur, invisible, disséminé, obscur, nulle part et partout à la fois… A nouveau, le monde se structurerait à les entendre en deux pôles antagonistes : le camp des démocraties occidentales, le « monde libre » emporté par les USA contre un monde arabe fanatisé par une caste de dirigeants intégristes… C’est cette présentation des choses, cette absolue falsification idéologique de la réalité qu’il faut dénoncer et combattre. La bipolarisation au niveau mondial ne se fait pas entre les démocraties et les Etats terroristes et leurs bases avancées, mais entre les exploités du monde entier, d’Occident, d’Orient ou d’on ne sait où, et leur exploitation gérée par la clique de dirigeants politiques et économiques internationaux.

L’opération militaire qui se prépare va faire, comme à chaque fois, un massacre parmi la population civile d’un pays (on ne sait pas encore vraiment lequel, très certainement l’Afghanistan) et l’on nous parlera encore de frappes chirurgicales et de dégâts collatéraux. Là, il n’y aura pas les médias pour nous faire pleurer, pas d’images, pas de cris. Ces morts-là, ces souffrances-là, n’auront pas la même intensité, la même importance aux yeux des Occidentaux. Le non-dit des médias et des politiciens peut se résumer ainsi :  » Ce ne sont pas des Occidentaux, ce ne sont pas des civilisés, qu’ils crèvent en silence ! « 
Nous ne pouvons que renvoyer dos à dos les auteurs des attentats aux USA et les dirigeants politiques qui vont conduire ou cautionner une opération militaire en Afghanistan où ailleurs. Par contre, nous ne pleurerons pas la mort des mollahs talibans et autres milliardaires saoudiens comme nous n’avons pas pleuré la disparition de militaires au Pentagone et de traders au World Trade Center, tous directement responsables de la mort et de la misère de million de gens. Qu’ils s’entretuent tous …

La riposte à notre misère et notre aliénation ne s’est jamais trouvée et ne se trouvera jamais dans le nationalisme, le religieux, la violence aveugle ou l’idéologie de la démocratie, qui ne sont que des leurres par lesquels se perpétuent la domination et l’exploitation. En Palestine, en Europe, au Proche-Orient, aux Etats-Unis et partout ailleurs, il n’y a qu’un seul combat à mener : celui de tous les prolétaires contre toutes leurs exploitations (capitalisme, Etat, religion…) ; et un seul et unique moyen pour parvenir à une libération totale : la guerre sociale.

Paris, le 16 septembre 2001

[Publié dans Cette Semaine n°84, février 2002, p.2]


Guerre sociale sans limite

Depuis les événements du 11 septembre, les dirigeants des démocraties et leurs clans traquent un ennemi sans visage. La réponse présentée comme une  » croisade contre le terrorisme  » n’est en réalité qu’une opération policière de répression planétaire contre tous les pauvres. Les dirigeants, derrière leur masque de compassion pour les victimes, profitent bien de l’affaire. On justifie l’état de siège dans les villes, la surveillance massifiée des communications, l’écrasement accru des employé-e-s ou l’intensification des contrôles lors des déplacements. Le bon citoyen veut-il se sentir protégé ?

En tout cas, les pauvres doivent trembler. Sans-papières, prolétaires turbinant, fraudeurs, petites voleuses, galériens, femmes, arabes, noirs, sans abris, squatteuses… Toutes et tous, exploité-e-s et écrasé-e-s en tout genre, vont l’être encore d’avantage. Tous ceux et toutes celles qui refusent de crever où et comment on leur dit seront laminé-e-s. Et non seulement tout acte de révolte sera durement réprimé, mais l’objectif est de faire passer l’envie, l’idée même de se révolter. Les  » terroristes  » sont ceux et celles qui s’attaquent à ce monde. Quiconque ébrêche l’union sacrée proclamée, par ses choix de vie, ses révoltes, ses  » crimes « , ses insoumissions, en est un-e. Si la justification du pouvoir est idéologique, la répression est bien physique. C’est le principe de tolérance zéro, la théorie du carreau cassé new-yorkaise qui s’étend à la planète entière.
Aucun écart ne sera toléré ; la loi martiale semble décrétée pour l’ensemble de la population. (En France, 2 hommes prennent 2 mois fermes pour, lors d’une embrouille avec les flics, les avoir menacés d’une attaque aérienne sur le commissariat ; un autre prend un an, pour avoir dit  » vive Ben Laden  » ; à Londres, une trentaine d’employé-e-s du métro sont licencié-e-s pour refus de faire les trois minutes de silence en mémoire des victimes.) Les forces policières et militaires se renforcent mutuellement, leurs pouvoirs sont étendus et tout le monde est impliqué dans leurs opérations. La participation est demandée aussi bien aux gardiens de parc, aux vigiles de musée ou de supermarché, qu’à chaque citoyen-ne qui est appelé-e à la délation à chaque instant.

Cette opération policière n’est pas un régime d’exception, c’est une accélération brutale du processus de contrôle permanent et total des populations. Les dirigeants, en agitant le spectre de l’innommable renforcent leur arsenal répressif. La société carcérale (occupation policière du territoire, arrestations et incarcérations de plus en plus nombreuses, surveillance technologique…), tout comme l’idéologie participative qui fait du bon citoyen une balance, ou encore l’exploitation économique (licenciements massifs justifiés par la récession qui suit l’affaire du 11 septembre) ne sont pas des phénomènes nouveaux. C’est une nouvelle offensive, menée par les dirigeants dans la guerre de classe menée contre les pauvres depuis bien longtemps. Les  » terroristes  » qu’ils combattent sont aussi bien les émeutier-e-s des Black Blocks ou d’ailleurs, les ouvrier-e-s qui menacent de faire sauter l’usine si on ne leur donne pas du blé, la jeunesse criminelle qui prend les thunes dont elle a besoin là où elles sont, le  » tireur fou  » de Béziers et les nombreux et nombreuses autres révolté-e-s contre ce monde lugubre. Les moyens qu’ils emploient dans cette guerre ne peuvent nous tromper. Ils sont bien dirigés contre nous, et en nombre et force de plus en plus grands, comme à chaque occasion. Leurs cerveaux pestilentiels cherchent toujours de nouveaux carcans pour nos désirs de liberté. Mais notre rage trouvera toujours, par la ruse, dans la violence et contre l’ordre, les moyens de notre existence.

Feu aux commissariats, aux prisons, aux centres de rétention et à tous les centres de répression
Feu aux centres de techno-surveillance…
Contre les guerres capitalistes, pour la guerre sociale
Dévastons ce monde putride

(Ce tract a circulé dans l’est-parisien début octobre 2001)

[Publié dans Cette Semaine n°84, février 2002, p.3]

texte repris sur cettesemaine.info

[Terrorisme d’Etat] : qui saura résister à « l’impératif d’unité nationale » ?

aussi on avait  publié après la mort de Rémi Fraisse un texte avec un lien vers un texte de René Riesel et Jacques Philipponneau, au dessus du volcan
 ce texte ci dessous est reprisd’ici

Attentat à Charlie Hebdo : 650 militaires et 2000 policiers en plus jeudi à Paris

Le Parisien, 08 Janv. 2015, 00h35

La préfecture de police de Paris annonce des renforts sur la capitale et l’Ile-de-France dès jeudi, au lendemain de l’attaque meurtrière perpétrée contre le journal Charlie Hebdo. Une trentaine de pelotons de forces mobiles, c’est-à-dire 2000 policiers, seront déployés.

Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur, conjointement avec la préfecture de police, envoie 650 militaires à la suite du relèvement du plan Vigipirate au niveau « alerte attentats ». Il s’agit du niveau le plus élevé.

Cinq sites seront renforcés en présence policière et militaire, à savoir les grands magasins et les sites touristiques (Tour Eiffel, Louvre, etc.) , les transports, gares et réseaux, les lieux de culte, les aéroports et les médias.

Les niveaux du plan Vigipirate ont changé en 2014. Auparavant, les quatre grades de réponse à une menace portaient des noms de couleurs (jaune, orange, rouge et écarlate). Les transports ferroviaires français avaient été placés en alerte rouge après les attentats de Madrid en 2004, de même qu’après les attaques commises par Mohammed Merah, où le stade écarlate avait été déclenché dans dix départements.


Charlie Hebdo : renfort de CRS, gendarmes mobiles et militaires en Ile-de-France

AFP, 7 janvier 2015

Six compagnies de CRS et escadrons de gendarmerie mobile, soit près de 500 hommes, ont « d’ores et déjà été déployés en renfort sur Paris » après l’attentat commis contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, et 350 militaires vont renforcer le dispositif jeudi en Ile-de-France, a annoncé mercredi le ministère de l’Intérieur.

Les renforts de CRS et gendarmes mobiles portent « à 16 le nombre de forces mobiles engagées sur Paris et la petite couronne. D’autres forces sont en transit ou en position d’alerte », précise dans un communiqué le ministère. Dans un second communiqué envoyé dans la soirée, il précise que ces forces mobiles seront épaulées « en région parisienne dès demain matin par 150 militaires supplémentaires, eux-mêmes renforcés dans la journée par 200 autres personnels du ministère de La Défense ».

« Ainsi, ce sont plus de 800 militaires qui vont être engagés aux côtés des policiers et gendarmes en Ile-de-France dans des missions de patrouilles et de sécurisation », ajoute-t-il. « Sur l’ensemble du territoire, les préfets ont été immédiatement sensibilisés pour qu’ils évaluent la sécurisation de sites devant bénéficier de protections supplémentaires », indiquait plus tôt l’Intérieur.

Le plan gouvernemental Vigipirate a été élevé au niveau « alerte attentat », son échelon le plus élevé en Ile-de-France, avait annoncé Matignon. Les organes de presse, les grands magasins, les lieux de culte et les transports dans la capitale ont été placés en « protection renforcée » en région parisienne.

Une cellule interministérielle de crise regroupant des représentants de l’Intérieur, de la Défense, de la Justice, des Transports, de la Santé ou encore de l’Education nationale, a été mise en place au ministère de l’Intérieur. Elle « a pour vocation de permettre aux autorités en charge des opérations de suivre en temps réel l’évolution des événements et de décider dans les meilleurs délais de la stratégie de réponse », précise le communiqué.


Application de Vigipirate, exemple immédiat à Sarcelles
Sarcelles (Val d’Oise) : Des contrôles routiers anti-attentat après la tuerie à Charlie Hebdo

gazettevaldoise, 07/01/2015 à 23:31

Dans le cadre du plan vigipirate « alerte attentat » des contrôles routiers ont été organisés sur le rond-point de la Croix-Verte et à Sarcelles ce mercredi-soir.

Le plan vigipirate ayant été élevé au niveau “alerte attentat” après la tuerie à Charlie Hebdo qui a fait 12 morts et une dizaine de blessés ce mercredi matin, deux contrôles routiers anti attentat ont été organisés dans la soirée par la préfecture du Val-d’Oise, de 18h30 à 20h30. En zone gendarmerie, à hauteur du rond-point de la Croix-Verte, ou trente militaires, dont certains armés de famas, ont été mobilisés, et en zone police, au rond-point de la RN1 à Sarcelles, avec vingt-cinq fonctionnaires sur place.

Le préfet précise : « L’objectif est de faire ouvrir les coffres afin de vérifier que ce qui ne doit par circuler ne circule pas, notamment des armes.”

Dispositif de surveillance

Par ailleurs, le représentant de l’État a indiqué qu’un important dispositif de sécurité a été mis en place sur le département : « Dès cet après-midi, 59 patrouilles de police, soit 180 fonctionnaires, et 25 patrouilles de gendarmerie, pour 75 militaires, ont été déployés, en plus des patrouilles déjà en place, pour le plan vigipirate. Nous avons rappelé des effectifs en repos. Un dispositif de surveillance sera mis en place dans les centres commerciaux les plus importantes, les gares, les lieux de culte, les écoles et les institutions. Le dispositif sera adapté. Il y aura des surveillances en point fixe, avec la présence de policiers et gendarmes de manière statique, mais également de manière dynamique avec des patrouilles régulières.


Attentat à Charlie Hebdo : Hollande décrète un deuil national jeudi

BFMTV/AFP, 07/01/2015 à 22h21

« Demain sera une journée de deuil national », a annoncé le président de la République lors d’une déclaration solennelle à l’Elysée, précisant que les drapeaux seraient mis en berne pendant trois jours. Il s’agit du cinquième deuil national décrété sous la Ve République, autrement dit, depuis 1958.

Le président François Hollande a annoncé une journée de deuil national jeudi en mémoire des « héros » victimes de l’attentat perpétré mercredi contre la rédaction de Charlie Hebdo, le cinquième deuil national de la Ve République, dans une allocution solennelle télévisée prononcée à l’Élysée.

« Demain sera une journée de deuil national, je l’ai décrété« , a-t-il déclaré, précisant que les drapeaux seraient mis en berne pendant trois jours. Un décret en ce sens signé du président de la République sera publié jeudi au Journal officiel, a précisé son entourage.

« Je veux ici, en votre nom, dire toute notre reconnaissance aux familles, aux éprouvés, aux blessés, aux proches, à tous ceux qui sont aujourd’hui meurtris dans leur chair par ce lâche assassinat« , a déclaré le chef de l’Etat. « Ce sont aujourd’hui nos héros et c’est pourquoi demain sera une journée de deuil national, je l’ai décrété« , a-t-il enchaîné.

Drapeaux en berne trois jours

« Il y aura à 12 heures un moment de recueillement dans tous les services publics et j’invite toute la population à s’y associer« , a-t-il poursuivi, précisant que « les drapeaux seront en berne trois jours« .

François Hollande a également annoncé qu’il réunirait jeudi « les présidents des deux assemblées ainsi que les forces représentées au Parlement pour montrer notre commune détermination« .

«  Aujourd’hui, c’est la République toute entière qui a été agressée « , a-t-il lancé. « La République, c’est la liberté d’expression, la République, c’est la culture, c’est la création, c’est le pluralisme, c’est la démocratie« , a-t-il ajouté.

Douze morts

« C’est ça qui était visé« , a-t-il insisté. Le chef de l’Etat a précisé que onze hommes et une femme avaient été tués dans l’attentat. Le procureur de Paris, François Molins, avait annoncé plus tôt un bilan de 12 morts et 11 blessés, sans préciser le sexe des victimes. « Ce lâche attentat a également tué deux policiers, ceux-là même qui étaient chargés de protéger la rédaction de Charlie Hebdo (…) journal qui était menacé depuis des années par l’obscurantisme et qui défendait la liberté d’expression« , a ajouté François Hollande.

Il avait ouvert cette intervention de 4 minutes 30, déclarant : «  aujourd’hui, la France a été attaquée en son coeur à Paris « . « La liberté sera toujours plus forte que la barbarie (…) et rien ne pourra nous faire fléchir« , a lancé le chef de l’Etat en appelant au « rassemblement sous toutes ses formes« .


« Charlie Hebdo » : le deuil national, une décision extrêmement rare

Francetv info avec AFP, 07/01/2015 | 23:28

François Hollande l’a annoncé pour jeudi. Ce n’est que la cinquième fois qu’un deuil national est décrétée sous la Ve République.

Après l’attaque mortelle qui a visé le siège de Charlie Hebdo, mercredi 7 janvier, François Hollande a annoncé une journée de deuil national pour jeudi, précisant que les drapeaux seront en berne pour trois jours. Il s’agit d’une décision rarissime en France. Ce n’est que la cinquième fois qu’un deuil national est décrétée sous la Ve République.

Le dernier remonte au 14 septembre 2001, trois jours après les attentats aux États-Unis. Le précédent date du 11 janvier 1996, le jour des obsèques de François Mitterrand. Celui d’avant remonte au 6 avril 1974, quatre jours après la mort de Georges Pompidou. Le premier deuil national de la Ve République date du 12 novembre 1970, trois jours après la mort la mort du général de Gaulle.

Un dispositif flou

Le deuil national est une décision prise par décret et signé par le chef de l’Etat. Généralement, les drapeaux sont mis en berne et hissés à mi-mât sur les édifices publics et les administrations peuvent être fermées. Un deuil national peut être accompagné d’obsèques nationales, notamment lorsqu’il s’agit du décès de personnes héroïques ou de personnalités ayant exercé un rôle moral, politique ou social important dans le pays.

« Normalement, les administrations seront donc fermées [jeudi]« , écrit Le Journal du Dimanche insistant sur le flou du dispositif. De son côté, Le Monde rappelle qu’ »il n’existe pas de codification claire de ce qui est entrepris ou mis en place pour marquer le deuil de la nation« .

Pour jeudi, François Hollande a demandé « à l’ensemble des personnels ainsi qu’à l’ensemble des élèves et étudiants de respecter, jeudi 8 janvier à midi, une minute de silence en hommage aux victimes« , annonce le ministère de l’Education nationale.


Charlie Hebdo : tous les responsables politiques reçus à l’Elysée

Le Parisien, 07 Janv. 2015, 23h12

C’est l’union sacrée des dirigeants politiques après l’attentat qui a visé Charlie Hebdo et la liberté d’expression en général, mercredi matin à Paris.

Après l’appel à l’unité, lancé au plus haut sommet de l’Etat, et à une marche républicaine samedi, le chef de l’Etat doit recevoir le patron de l’UMP Nicolas Sarkozy ce jeudi matin à 9h30 et les présidents des deux assemblées, le PS Claude Bartolone (Assemblée nationale) et l’UMP Gérard Larcher (Sénat) ainsi que les responsables des formations politiques disposant d’un groupe politique au Parlement (PS, PCF, PRG, EELV, UMP, UDI).

Une marche républicaine samedi

Dans une déclaration solennelle depuis le siège de l’UMP, l’ex-chef de l’Etat avait exprimé en tout début d’après-midi sa « profonde émotion », appelant « tous les Français à refuser la tentation de l’amalgame et à présenter un front uni face au terrorisme, à la barbarie et aux assassins ». Il a également évoqué un « impératif d’unité nationale » auquel « nul ne peut et ne doit se soustraire » au sein de la classe politique française.

Le Premier ministre Manuel Valls a par ailleurs invité le président de l’UMP à participer, samedi à Paris, à une manifestation en hommage aux victimes de l’attaque.

François Hollande recevra également vendredi les principaux dirigeants des partis politiques ne disposant pas d’un groupe au Parlement comme Marine Le Pen (FN), François Bayrou (MoDem) et Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche).

Une cérémonie d’hommage et de recueillement aux douze victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo se déroulera jeudi midi dans la cour d’honneur de l’Assemblée nationale, dans le cadre de la journée de deuil national décrété par François Hollande.

De son côté, François Hollande observera jeudi à midi à la Préfecture de police de Paris, endeuillée par la mort de deux policiers, le « moment de recueillement » prévu dans l’ensemble des services publics après cette attaque sanglante.

[Valence]Nouveau centre pénitentiaire remise des clefs en juin 2015 .Nous nous sommes contre la prison.

La remise des clefs l’administration pénitentiaire du centre pénitentieire de valence doit avoir lieu  en juin 2015 d’après la presse locale . C’est à dire c’est  la fin des travaux des batiments.

 en PDF Affiche à imprimer, sérigraphier, coller…Texte à imprimer, sérigraphier, coller

Nous sommes contre la prison

Nous sommes contre la prison parce qu’elle est née et s’est développée pour défendre les privilèges des riches et des puissants.

Nous sommes contre la prison parce qu’elle est une menace au dessus de toutes les têtes qui sortent du rang, pour les forcer à accepter les règles d’un jeu qu’elles n’ont pas choisi.

Nous sommes contre la prison parce que le sens de justice et d’équité ne seront jamais contenus dans aucun code pénal.

Nous sommes contre la prison parce que les règles de cette société sont basées sur le fric et la compétition et que nous voulons un monde basé sur la solidarité et la liberté. Un monde dans lequel les accords réciproques sont les fondements du vivre ensemble.

Nous sommes contre la prison parce que rien de bon n’a jamais grandi sur la punition et la soumission.

Nous sommes contre la prison parce que les pourris sont ceux qui en détiennent les clés.

Nous sommes contre la prison parce qu’elle nous a arraché trop de jours, de mois, d’années ou d’ami.e.s, d’inconnu.e.s, de compagnon.ne.s.

Nous sommes contre la prison parce que le bruit de la clef dans la serrure d’une cellule est une torture quotidienne, l’isolement une abomination, la fin de la visite une souffrance, le temps enfermé un sablier qui tue à petit feux.

Nous sommes contre la prison parce que nous voulons changer radicalement cette société, pas nous intégrer pacifiquement dans ses métropoles, ses quartiers d’affaires sécurisés, ses places aseptisées et ses supermarchés.

Nous sommes contre la prison parce qu’une société qui a besoin d’enfermer et d’humilier est elle-même une prison.

_______________________________________

[Publié sur Indymedia Nantes le 1er janvier 2015]

Contrôle social et technologies

En pleine contestation des médecins généralistes . Pourquoi pas évoquer la carte vital?. Celle -ci peut permettre une mise en lien informatique de la CAF,  de pôle emploi, des services des impots et la sécurité sociale….et la justice ( avec ses réseaux). C’est en place …ils s’en serventenfants2

 

 

 

 

Le contrôle social est de plus en plus technique, et l’Etat comme les autres organisations qui administrent nos vies utilisent de plus en plus de gadgets et d’innovations technologiques : croisement de fichiers, biométrie, drones, génétique, traitement de données, puces RFID etc. On en est à essayer de faire des portraits-robots avec de l’ADN récolté… Le « système technicien », pour le dire comme le philosophe libertaire Jacques Ellul, qui nous enserre est par nature un système au contrôle social diffus, intrusif et étendu. Notre quotidien se vit sous surveillance. Dans ce sens, l’approfondissement du contrôle social n’est pas seulement le résultat d’une volonté clairement réfléchie et calculée d’oppresseurs pervers, mais surtout du développement technologique et de la pseudo-rationalité scientifique, de l’imaginaire qui va avec et des conditions de vie qu’il fabrique. Le numérique, au même titre que la bombe H, modifie le monde et notre vie quotidienne. Les conditions d’existence avec numérique n’ont rien à voir avec les conditions d’existence sans numérique.

La technique s’impose d’elle-même, même si elle est portée par des technocrates et des capitalistes, et crée les conditions matérielles d’un contrôle social toujours plus intense. Ce serait un comble que l’armée, les flics et les gouvernements ne les utilisent pas ou ne les encouragent pas, alors que c’est leur vocation de se renseigner et de surveiller les populations. Et c’est bien pour cela qu’il faut en finir avec eux pour une société libertaire et égalitaire ! La technique est ainsi devenue de plus en plus autonome : sa logique, celle de l’innovation et du développement des prothèses technologiques pour tout, s’applique systématiquement. Elle vient alors désagréger et s’imposer dans tous les domaines de la vie. D’ailleurs, la technique moderne s’évalue par rapport à son efficience, c’est-à-dire l’optimisation rationnelle de son action. Dans d’autres cultures, l’objet technique peut avoir de la valeur davantage pour sa beauté, sa magie supposée, son contenu symbolique, plutôt que pour sa fonctionnalité. L’artisanat continue de considérer qu’un objet a autant à être bien fait que fonctionnel. Le design essaie sans réussite de faire oublier qu’il n’ait plus question de bel objet dans le contexte industriel et technologique…

Nombre de révolutionnaires sont tombés dans le piège de la croyance dans le fait que la technique serait neutre. Elle ne dépend pourtant pas de l’usage qu’on en fait, contrairement à cette maxime optimiste : la technique contient en elle-même une vision du monde et crée des conditions matérielles qui conditionnent en partie nos existences. Le TGV, la centrale atomique, le champ d’éoliennes industrielles, l’autoroute ou le réseau informatique s’imposent et se construisent en bouleversant les pays et les personnes qui vivent là. Quand Amazon livrera ses colis avec des drones, nous vivrons entourés de drones au-dessus de nos têtes, habitués à cette technologie qui n’est pas sans rappeler les scènes de 1984 décrites par Orwell. Pas tout à fait la même ambiance que le facteur qui passe. La voiture a imposé les trottoirs et l’attention permanente des citadins pour éviter l’accident, vidé les rues de toute animation et remplacé les places publiques par des parkings, en plus d’avoir accéléré le rythme de vie et empoisonner l’air. La cité de la bagnole et des avenues n’a pas tout à fait la même ambiance que la ville pédestre aux ruelles sinueuses et animées. La technique crée un monde, son monde, dont les principes ne sont pas ceux d’une société humaine libre et vivante. La technique n’a que faire des états d’âme et des aspirations à l’émancipation des personnes, ces dernières n’ayant qu’à s’adapter à sa propre logique et aux conditions qu’elle pose. Il y a des valeurs latentes à la technique, à savoir l’efficacité, la performance et la maîtrise sur le monde. C’est donc un rapport particulier à la nature et aux autres, dont Descartes avait commencé à poser les bases : se rendre « comme maître et possesseur de la nature ». La technique moderne contient un rapport de domination.

Contrairement aux idées en vogue, cette domination n’est pas sans responsables. Le fait que tout soit réduit à une fonction d’un système de gestion des masses cache qu’il existe des instigateurs, des profits pour certains, des stratégies… Le projet technique recoupe celui de la classe dominante des technocrates, capitalistes new school dirigeant administrations publiques et industries stratégiques, naviguant entre le public et le privé, shootés au progrès, aux innovations technologiques, aux sections recherche et développement. Ils se sont donné une mission : programmer le devenir du monde dans leurs intérêts et selon leur vision technoscientifique du monde. L’avenir est tout tracé et ne se discute pas : toute nouvelle technologie est bonne à prendre et mène sur les voies du progrès. Ce sera donc le nucléaire, les pesticides, les OGM, la biométrie, la génétique, les nanotechnologies etc. Et ça ne se discute pas. Ils ont de toute façon les moyens de leur imaginaire : la puissance économique et la force étatique, autoalimentées par leurs nouvelles technologies qui renforcent leur emprise, et ainsi de suite.

La technique n’est pas neutre, encore moins aujourd’hui, puisque la recherche technologique est orientée par les capitalistes et technocrates dont le but est de dégager des bénéfices et de réaliser leur monde artificiel idéal, ou par l’armée afin d’améliorer la puissance militaire et les capacités de surveillance. La domination se renforce par les nouvelles technologies ; l’Etat, surtout, loin de se fragiliser, trouve dans les nouvelles technologies une nouvelle puissance : pas seulement les moyens répressifs, mais aussi tous les moyens de gestion de la vie quotidienne. Celui ou celle qui a pointé à Pôle emploi a pu en faire l’expérience. Les technologies qui s’insinuent partout dans notre quotidien, c’est surtout l’instrument d’un monde transformé en machine de gestion du vivant. Nous voici réduits à du bétail, comme dirait l’autre. Davantage que sur des dispositifs et des moyens de contrôle, la domination s’exerce pour la plus large partie des populations grâce à l’abandon des aspirations à la liberté et la résignation. Il faut dire que ce monde ne laisse pas facilement entrevoir d’autres horizons possibles.

Par ailleurs, la technique exerce une influence sur le monde, et ses effets ne sont pas tous anticipés, et sont de toute façon impossibles à anticiper : par exemple, le téléphone portable a été conçu pour téléphoner de n’importe où, mais c’est aussi devenu un magnifique outil de traçabilité et de surveillance, ce qui n’était sans doute pas complètement anticipé. Cet appareil permet de géolocaliser son détenteur à travers une triangulation des bornes téléphoniques, procédé couramment utilisé par les flics pour savoir qui a participé à telle ou telle manif par exemple. Chaque appel localise l’abonné, et tout téléphone allumé permet de suivre les déplacements, y compris a posteriori. Un autre usage récent est celui de devenir un espace publicitaire. Son propre téléphone est envahi de pubs, avec l’envoi de SMS publicitaires à partir de bornes RFID installées dans le mobilier urbain.

La traçabilité est constante dans la vie quotidienne moderne : par l’usage du téléphone bien sûr, mais le péage autoroutier conserve les données de déplacement, la carte bancaire indique les achats et les déplacements, les cartes de transport tracent les déplacements, les badges électroniques renseignent sur l’heure d’entrée chez soi, au parking ou sur son lieu de travail, les puces RFID géolocalisent l’objet pucé, chaque usage d’internet laisse des traces etc. L’usage de la plupart des services est aujourd’hui conditionné à l’identification. Les données sont moins issues d’une surveillance secrète que des données qu’on livre plus ou moins volontairement, et à partir desquelles se construisent nos « profils » de consommateur, de citoyen ou de délinquant. L’existence est réduite à des comportements typiques et des profils qui permettent d’anticiper la gestion du cheptel humain. Certains métiers, comme chauffeur routier, commercial, livreurs ont été profondément transformés par l’apparition du GPS : le patron peut savoir quel chemin et en combien de temps vous avez fait le trajet, où et quand vous avez fait une pause etc. La traçabilité, c’est d’abord la rationalisation du temps pour augmenter la productivité et exploiter davantage : on appelle ça l’optimisation des comportements. Comprenez réduction de l’exercice de notre liberté et soumission accrue au monde de l’économie, bref, que ça pue grave.

Les systèmes techniques changent en profondeur le contrôle social, puisqu’ils lui donnent des capacités immenses. Par ailleurs, le contrôle social change de nature : la technique objective, gère, mais ne donne pas de sens au contrôle social. Pas de valeurs et de grands récits qui font sens, juste une gestion de plus en plus totale de la vie sociale. L’exercice de la domination à l’ère industrielle est d’abord administration de chacun de nos gestes. Tout n’est plus que rouage d’un vaste système de gestion : le paysan n’est qu’une fonction du système d’alimentation des masses, l’éducateur reproduit des citoyens conformes aux exigences de l’Etat et du capital, l’irradié comptabilise ses doses quotidiennes et rationnalise sa vie en fonction. L’intensité de la vie a cédé à la gestion des stocks de ressources, humaines ou autres. Mais l’administration, si elle est puissante et exerce une domination de tous les instants qui frappent particulièrement les rebelles, les migrants et les classes populaires n’épuise pas les possibilités de révolte. Elle ne rend que plus nécessaire les velléités révolutionnaires, de loin le plus sûr chemin pour espérer retrouver ce sentiment si puissant de liberté.

repris du site sous la cendre, site initié par l’assemblée libertaire de Caen

[Laragne-Montéglin] Projection/débat & Concerts “Enfermés vivants”

31janv-83532

 Le Hublot, Le Cinéma Voyageur, Ciné 2000, La France entière et Bboykonsian vous invitent :

Le samedi 31 janvier 2015 : Projection, débat et concert à Laragne-Montéglin
18H, PROJECTION au cinéma Le Hublot du film « Enfermés vivants » réalisé par Félix Gonzales-Debats http://cine2000.org/) + Débat avec le réalisateur et Jean-Marc Rouillan

“2 anciens prisonniers et un acteur sont invités dans un décor de cellule. Tout les 3 vont jouer dans une fiction racontant le quotidien de 2 taulards chamboulé par la venue de Jean, « l’arrivant ». Ben et Franc ont vécu une incarcération différente mais tout aussi difficile. Ils se livreront tantôt avec spontanéité, tantôt avec recul, en allant d’anecdotes en réflexions théoriques. Jean se nourrira de cette rencontre pour renforcer son personnage fictionnel, mais également pour se forger sa propre opinion sur la prison…”

Continue reading

Un mois de décembre à Calais

lu et repris ici
Repris de Calais Migrant Solidarity L’hiver est arrivé avec ses tempêtes et ses averses. Les
grandes jungles et le squat de Galloo sont toujours là ; la jungle de Tioxide a vu le jour de deux
restaurants, d’une école,d’ une église, dune mosquée et d’un magasin ! (voir plus bas les infos sur
les expulsions à venir). Environ 2000 personnes vivent dans ces différents endroits. Un hangar a
été ouvert certaines fois pendant les nuits de grand froid avec 350 lits. Il est situé loin du
centre-ville et même lorsqu’il est ouvert, ses horaires d’ouverture réduits ne le rendent pas
accessible facilement.

Le mois de décembre a vu un grand nombre de violence policière, concentrée sur les parkings pour camions et les embouteillages en direction de l’euro tunnel et du port. Les attaques ont été sporadiques et les tabassages apparement aléatoires. Leur but étant de décourager les migrants d’essayer de traverser pour l’angleterre et d’exprimer le racisme policier. La police a repoussé des réfugiés dans la circulation venant en sens inverse, a cassé beaucoup de membres et a fait l’utilisation régulière de gazs lacrymogènes à bout portant. Elle a détruit systématiquement les caméras et appareils photos lorsque des gens ont essayé de filmer ces actes de violence illégale.

Les personnes arrêtés dans les rues voisines des jungles ont souvent été emmenées dans des centres de détention très loin de Calais, comme à Rennes, Metz, Nîmes, Strasbourg ou Paris. Certaines personnes ont même été transportée vers ces centres en avion, en passant par l’aérodrôme de Marck (à côté de Calais).

La frontière implique de nombreuses formes de violence. Les contrôles des mouvements migratoires trangressent les droits des femmes, au travers du racisme et du sexisme, ce qui fait que ces deux systèmes d’oppressions s’entrecroisent étroitement.

L’hôpital de Calais refuse de pratiquer des avortements sur les migrantes, et s’explique sur cette décision de manière plus que lâche. La direction du service base en effet sa décision sur une loi qui dit que l’on a pas le droit de venir séjourner en France dans le but d’avorter. Manifestement ce n’est pas du tout le cas des femmes dormant dans les jungles de Calais ! Les femmes qui ne peuvent pas prouver avoir un lieu de résidence officiel en France sont systématiquement renvoyé vers l’hôpital de Grande Synthe, qui se trouve à 50km. Ils prétendent agir de cette manière pour la sécurité des femmes concernées, puisque l’avortement est censé être un « acte médical spécifique » (bien qu’il s’agisse d’un acte médical comme n’importe quel autre, avec très peu de risques). Ils affirment que c’est trop dangereux pour les femmes de retourner dans la jungle après l’intervention. Oui, bien sûr, rester enceinte contre leur propre volonté est plus sain et plus sûr pour ces femmes…

Après la création d’un dossier à ce sujet relayé par plusieurs associations, l’hôpital devrait être rappelé à l’ordre par le ministère de la santé, la pratique sélective de soins médicaux étant complétement illégale !

Quoi qu’il en soit tout ne fut pas sombre durant ce dernier mois. Il y a eu plusieurs moments festifs, une manif pour la journée internationale des migrants le 18, deux petites soirées de Noël dans les jungles et une grosse fête pour le Nouvel An au squat de Galloo. La manif a été organisée par plusieurs associations en réponse au « mur de la honte » : une grande barrière de sécurité installée par le gouvernement anglais pour rendre plus efficace la surveillance du port des ferrys. Cette barrière avait déjà utilisée pour le sommet de l’OTAN à Cardiff. La manifestation a été une réussite avec plus de 1000 participants. Toutes les soirées se sont déroulées dans la bonne humeur, avec aucun acte de violence de la police ni d’autres incidents – seulement des danses endiablées sur une play-list très variée et super ambiance générale !

A quoi doit-on s’attendre en janvier ?

[ A partir de la semaine prochaine, le cours d’auto-défense pour les femmes, trans* et queers va commencer ! Chaque mercredi à 14h au Centre Social Espace Fort Yves (2B rue d’Ajaccio). On espère ici que cours va prendre place de manière régulière – on est toujours a la recherche de profs qui ont envie de se joindre au projet et d’intervenir lors d’un ou de plusieurs cours ! ]

Un avis d’expulsion, sans dante spécifique, a été affiché par les CRS en face de la jungle soudanaise et du bois Dubrulle (la forêt en face de Tioxide, habitée principalement par les communautés afghanes et éthiopiennes). Plusieurs demandeurs d’asile vivant dans les endroits concernés sont prêts à s’opposer à cette décision d’expulsion devant la Justice.

Les dernières annonces faites par la préfecture prétendaient qu’il n’y aurait pas d’expulsions de lieu de vie jusqu’à l’ouverture du nouveau centre de jour. Quand ces expulsions vont-elels se produire ? La distribution de nourriture est censée commencer là-bas à partir de la mi-janvier et la date originale de l’ouverture du centre est à la fin du mois. Mais il semblerait qu’à cause des travaux à l’intérieur du centre, la date soit repoussée, donc on ne sait pas encore vraiment quand le centre va ouvrir ses portes pour de bon. De toute façon on n’attend pas ce jour avec une grande impatience, le centre faisant partie d’une stratégie anti-migration à plus grande échelle, et s’intégrant dans d’autres accords entre Natacha Bouchart (maire de Calais), Bernard Cazeneuve et le Royaume-Uni (plus de présence policière à Calais, création d’une enceinte de sécurité autour du port…). A partir du moment où le centre de jour va ouvrir, tous les jungles et les squats sont censés disparaître, une « politique de tolérance zéro » à leur encontre a déjà été annoncée. Tous les services pour les migrants sont censés être centralisés dans cet endroit, loin du centre-ville, dans le but de concentrer tous les migrants loin de Calais. Il n’y aura aucun lit pour les hommes, et un campement sera toléré dans les champs avoisinants. Le résultat de tout cela sera encore plus de ségrégation officielle entre les habitants de la ville et les migrants, parqués au beau milieu de nulle part.

La gratuité est l’arme absolue

lu dans siné mensuel : Interview du situationniste historique par un de ses vieux potes.

Membre de l’Internationale situationniste de 1961 à 1970, Raoul Vaneigem est l’auteur du Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations (Gallimard, 1967), d’où furent tirés les slogans les plus percutants de Mai 68, et d’une trentaine d’autres livres. Dernier titre paru : L’État n’est plus rien, soyons tout (Rue des Cascades, 2011).

Siné Mensuel : Peux-tu donner une brève définition des situationnistes ?

Raoul Vaneigem : Non. Le vivant est irréductible aux définitions. Ce qu’il y avait de vie et de radicalité chez les situationnistes continue à se développer dans les coulisses d’un spectacle qui a toutes les raisons de le taire et de l’occulter. En revanche, la récupération idéologique dont cette radicalité a été l’objet connaît une vague mondaine dont les intérêts n’ont rien de commun avec les miens.

S. M. : Que voulaient dire les situs quand ils affirmaient que le situationnisme n’existait pas ?

R. V. : Les situationnistes ont toujours été hostiles aux idéologies, et parler de situationnisme serait mettre une idéologie où il n’y en a pas.

S. M. : Pour quelles raisons as-tu rompu avec l’Internationale situationniste en 1970 ? Avec le recul, que penses-tu de Guy Debord ?

R. V. : J’ai rompu parce que la radicalité qui avait été prioritaire jusqu’en mai 1968 était en train de se dissoudre dans des comportements bureaucratiques. Chacun a alors choisi ou de poursuivre seul sa voie, ou d’abandonner le projet d’une société autogérée. Peut-être Debord et moi étions-nous plus dans la complicité que dans l’affection, mais qu’importe la rupture ! Ce qui a été sincèrement vécu n’est jamais perdu.  Le reste n’est que l’écume de la futilité.

S. M. : Quel regard portes-tu sur le mouvement des Indignés ?

R. V. : C’est une réaction de salut public, à l’encontre de la résignation et de la peur qui donnent à la tyrannie du capitalisme financier son meilleur soutien. Mais l’indignation ne suffit pas. Il s’agit moins de lutter contre un système qui s’effondre qu’en faveur de nouvelles structures sociales, fondées sur la démocratie directe. Alors que l’État envoie à la casse les services publics, seul un mouvement autogestionnaire peut prendre en charge le bien-être de tous.

S. M. : L’utopisme est-il toujours à l’ordre du jour ?

R. V. : L’utopisme ? Mais c’est désormais l’enfer du passé. Nous avons toujours été contraints de vivre dans un lieu qui est partout et où nous ne sommes nulle part. Cette réalité est celle de notre exil. Elle nous a été imposée depuis des millénaires par une économie fondée sur l’exploitation de l’homme par l’homme. L’idéologie humaniste nous a fait croire que nous étions humains alors que nous restions, pour une bonne part, réduits à l’état de bêtes dont l’instinct prédateur s’assouvissait dans la volonté de pouvoir et d’appropriation. Notre « vallée de larmes »  était considérée comme le meilleur des mondes possibles. Or, a-t-on inventé un mode d’existence plus fantasmatique et plus absurde que la toute-puissante cruauté des dieux, la caste des prêtres et des princes régnant sur les peuples asservis, l’obligation de travailler censée garantir la joie et accréditant le paradis stalinien, le Troisième Reich millénariste, la Révolution culturelle maoïste, la Société de bien-être (le Welfare state), le totalitarisme de l’argent hors duquel il n’y a ni salut individuel ni salut social, l’idée enfin que la survie est tout et que la vie n’est rien ? À cette utopie-là, qui passe pour la réalité, s’oppose la seule réalité qui vaille : ce que nous essayons de vivre en assurant notre bonheur et celui de tous. Désormais, nous ne sommes plus dans l’utopie, nous sommes au cœur d’une mutation, d’un changement de civilisation qui s’esquisse sous nos yeux et que beaucoup, aveuglés par l’obscurantisme dominant, sont incapables de discerner. Car la quête du profit fait des hommes des brutes prédatrices, insensibles et stupides.

S. M. : Explique-nous comment la gratuité est, selon toi, un premier pas décisif vers la fin de l’argent.

R. V. : L’argent n’est pas seulement en train de dévaluer (le pouvoir d’achat le prouve), il s’investit si sauvagement dans la bulle de la spéculation boursière qu’elle est vouée à imploser. La tornade du profit à court terme détruit tout sur son passage, elle stérilise la terre et dessèche la vie pour en tirer de vains bénéfices. La vie, humainement conçue, est incompatible avec l’économie qui exploite l’homme et la terre à des fins lucratives. À la différence de la survie, la vie donne et se donne. La gratuité est l’arme absolue contre la dictature du profit. En Grèce, le mouvement « Ne payez plus ! » se développe. Au départ, les automobilistes ont refusé les péages, ils ont eu le soutien d’un collectif d’avocats qui poursuit l’État, accusé d’avoir vendu les autoroutes à des firmes privées. Il est question maintenant de refuser le paiement des transports publics, d’exiger la gratuité des soins de santé et de l’enseignement, de ne plus verser les taxes et les impôts qui servent à renflouer les malversations bancaires et à enrichir les actionnaires. Le combat pour la jouissance de soi et du monde ne passe pas par l’argent mais, au contraire, l’exclut absolument.

Il est aberrant qu’une grève entrave la libre circulation des personnes alors qu’elle pourrait décréter la gratuité des transports, des soins de santé, de l’enseignement. Il faudra bien que l’on comprenne, avant le krach financier qui s’annonce, que la gratuité est l’arme absolue de la vie contre l’économie.

Il ne s’agit pas de casser les hommes mais de casser le système qui les exploite et les machines qui font payer.

S. M. : Tu prônes la désobéissance civile. Qu’entends-tu par là ?

R. V. : C’est ce qui se passe en Grèce, en Espagne, en Tunisie, au Portugal. C’est ce que résume le titre de mon pamphlet écrit pour des amis libertaires de Thessalonique : L’État n’est plus rien, soyons tout. La désobéissance civile n’est pas une fin en soi. Elle est la voie vers la démocratie directe et vers l’autogestion généralisée, c’est-à-dire la création de conditions propices au bonheur individuel et collectif.

Le projet d’autogestion amorce sa réalisation quand une assemblée décide d’ignorer l’État et de mettre en place, de sa propre initiative, les structures capables de répondre aux besoins individuels et collectifs. De 1936 à 1939, les collectivités libertaires d’Andalousie, d’Aragon et de Catalogne ont expérimenté avec succès le système autogestionnaire. Le Parti communiste espagnol et l’armée de Lister l’écraseront, ouvrant la voie aux troupes franquistes.

Rien ne me paraît plus important aujourd’hui que la mise en œuvre de collectivités autogérées, capables de se développer lorsque l’effondrement monétaire fera disparaître l’argent et, avec lui, un mode de pensée implanté dans les mœurs depuis des millénaires.

S. M. : Tu désapprouves le système carcéral mais, en 1996, à la suite de l’affaire Dutroux, tu as participé à Bruxelles à la « Marche blanche » qui, selon la presse française, réclamait une répression accrue des actes de pédophilie. N’est-ce pas contradictoire ?

R. V. : Voilà bien un exemple de contre-vérité journalistique manifeste. Si les parents des victimes de Dutroux avaient réclamé la peine de mort pour l’assassin, la foule aurait abondé dans leur sens. Or, c’est le contraire qui s’est passé. J’admire le courage et le sens humain de Gino et Carine Russo, qui se sont opposés résolument à toute idée de peine de mort (ils ont même prévenu qu’ils n’accepteraient pas que le meurtrier soit, comme de coutume, liquidé par les autres prisonniers). La Marche blanche a été l’exemple rarissime d’une émotion populaire qui en appelait au refus de la pédophilie au nom de l’humain et du refus des prédateurs, et non par le biais de la répression pénale. Il y avait là une dignité tranchant avec l’ignominie populiste qui consiste à se servir de l’émotion pour promouvoir la bestialité répressive, la vengeance. Où voit-on aujourd’hui une réaction collective dénoncer cette stratégie du bouc émissaire qui, pour empêcher que la colère des citoyens s’en prenne aux mafias affairistes, qui les ruinent, sonne le tocsin de la peur et du sécuritaire pour désigner comme menace et ennemi potentiel l’autre, l’étranger, le « différent » – juif, arabe, tzigane, homosexuel ou, au besoin, simple voisin ?

S. M. : Tu as plusieurs enfants. Ne trouves-tu pas cruel de faire délibérément naître de nouveaux êtres dans ce monde-ci ?

R. V. : J’exècre la politique nataliste qui, en multipliant mécaniquement les enfants, les condamne à la misère, à la maladie, à la désaffection, à l’exploitation laborieuse, militaire et sexuelle. Seul l’obscurantisme religieux, idéologique et affairiste y trouve son compte. Mais je refuse qu’un État ou une autorité, quelle qu’elle soit, m’impose ses ukases. Chacun a le droit d’avoir des enfants ou de n’en avoir pas. L’important est qu’ils soient désirés et engendrés avec la conscience que tout sera fait pour les rendre heureux. Ce sont ces nouvelles générations – tout à fait différentes de celles qui furent les fruits de l’autoritarisme familial, du culte de la prédation, de l’hypocrisie religieuse – qui aujourd’hui sont en train d’opposer, si confusément que ce soit, la liberté de vivre selon ses désirs au totalitarisme marchand et à ses larbins politiques.

S. M. : Parle-nous de la cause animale, dont les penseurs révolutionnaires n’ont longtemps tenu aucun compte.

R. V. : Il s’agit moins d’une cause animale que d’une réconciliation de l’homme avec une nature terrestre qu’il a exploitée jusqu’à présent à des fins lucratives. Ce qui a entravé l’évolution de l’homme vers une véritable humanité, c’est l’aliénation du corps mis au travail, c’est l’exploitation de la force de vie transformée en force de production. Notre animalité résiduelle a été refoulée au nom d’un esprit qui n’était que l’émanation d’un pouvoir céleste et temporel chargé de dompter la matière terrestre et corporelle. Aujourd’hui, l’alliance avec les énergies naturelles s’apprête à supplanter la mise à sac des ressources planétaires et vitales. Redécouvrir notre parenté avec le règne animal, c’est nous réconcilier avec la bête qui est en nous, c’est l’affiner au lieu de l’opprimer, de la refouler et de la condamner aux cruautés du défoulement. Notre humanisation implique de reconnaître à l’animal le droit d’être respecté dans sa spécificité.

S. M. : En Belgique, le vote, en principe, est obligatoire. As-tu déjà voté dans ta vie ? Tu paies les amendes ?

R. V. : Je ne vote jamais, je n’ai jamais reçu d’amende.

S. M. : Quelle leçon peut-on tirer de cette longue année pendant laquelle la Belgique s’est passée de tout gouvernement ?

R. V. : Aucune. Pendant le sommeil lucratif des hommes politiques – 55 ministres qui n’ont pas de problèmes de fins de mois – les mafias financières continuent à faire la loi et se passent très bien des larbins qui sont à leur botte.

S. M. : Comment vois-tu la « révolution » en cours dans les pays arabes ? L’islam te semble-t-il une menace pour elles ?

R. V. : Où le social l’emporte, les préoccupations religieuses s’effacent. La liberté qui se débarrasse aujourd’hui de la tyrannie laïque n’est pas disposée à s’accommoder d’une tyrannie religieuse. L’islam va se démocratiser et connaître le même déclin que le christianisme. J’ai apprécié le slogan tunisien : « Liberté pour la prière, liberté pour l’apéro ! »

S. M. : Finalement, tu restes un optimiste irréductible, non ?

R. V. : Je pourrais me contenter de la formule de Scutenaire* : « Pessimistes, qu’aviez-vous donc espéré ? » Mais je ne suis ni optimiste, ni pessimiste. Je me fous des définitions. Je veux vivre en recommençant chaque jour. Il faudra bien que la dénonciation et le refus des conditions insupportables qui nous sont faites cèdent la place à la mise en œuvre d’une société humaine, en rupture absolue avec la société marchande.

Propos recueillis par Jean-Pierre Bouyxou
Illustration : Etienne Delessert

* L’écrivain belge Louis Scutenaire (1905-1987) est l’auteur de Mes inscriptions. Raoul Vaneigem lui a consacré un livre dans la collection « Poètes d’aujourd’hui » (Seghers, 1991).

Le questionnaire de Siné Mensuel

Votre blague belge favorite ?
Je les oublie, le temps d’en rire.

Le livre que vous préférez ?
Le Discours de la servitude volontaire de La Boétie.

Le métier que vous vouliez faire, enfant ?
Tous, pour être malheureux, et aucun, pour avoir le temps de fabriquer un  peu de bonheur.

Si vous étiez un animal ?
Je serais une proie et un prédateur, comme tant d’abrutis qui peuplent le monde. Qu’on me laisse le plaisir de devenir de plus en plus humain et de continuer à choyer mes chats.

Paru dans Siné Mensuel N°2 – octobre 2011