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L’image, la mémoire et l’oubli

note à la  suite d’une conversation avec un ami sur Valence( 26000) et ses déboires : » Et qui devient Seigneur d’une cité accoutumée à vivre libre et ne la détruit point, qu’il s’attende d’être détruit par elle, parce qu’elle a toujours pour refuge en ses rébellions le nom de la liberté et ses vieilles coutumes, lesquelles ni par la longueur du temps ni pour aucun bienfait ne s’oublieront jamais. Et pour chose qu’on y fasse ou qu’on y pourvoie, si ce n’est d’en chasser ou d’en disperser les habitants, ils n’oublieront point ce nom ni ces coutumes….» 

Machiavel (Le Prince).

Cité par Guy Debord, dans la Société du spectacle


 

Rithy Panh a vécu la prise de pouvoir des Khmers Rouges et leur régime de terreur pendant son adolescence. Après un séjour dans un camp de réfugié en Thaïlande, il rejoint la France et fait du cinéma. La majeure partie de ses films traitent à leur manière de cette période, le plus souvent sous la forme du documentaire, et essayent de retrouver et de transmettre une certaine vérité de ce qui s’y est passé, de comprendre ce qu’était et ce qu’impliquait concrètement à l’échelle des vies, ce système qui peut évoquer un camp de travail et de mort à l’échelle d’un pays, y compris du côté des bourreaux. Que ce soit en refaisant faire aux jeunes tortionnaires de l’époque les gestes de la torture dans S21, ou en interrogeant longuement Duch, qui dirigeait S21, le principal centre d’interrogatoires, de tortures et d’exécutions de ceux qui venaient par ces procédures d’être constitués comme « ennemis du peuple ». Ces documentaires sont à la fois des films d’enquête, dans lesquels il filme sa recherche de documents, de faits, ainsi que ce qu’il a pu retrouver, mais aussi des films qui cherchent à comprendre ce qui s’est passé, au-delà des faits et des preuves justement, voire qui construisent eux-mêmes les traces manquantes de la disparition. Car, on y reviendra, l’extermination, qu’elle soit l’œuvre des khmers ou des nazis d’ailleurs, est avant tout une vaste opération d’organisation de la disparition, des gens d’abord, puis du fait même qu’ils ont vécu et enfin des traces mêmes de leur mort.

 

Après la chute de Phnom Penh, à l’aube, dans le nord du pays, les prisonniers du centre M13 reçoivent l’ordre de creuser. Sous le ciel blanc, dans la sueur et la peine, ils préparent une fosse. Combien sont-ils ? Des dizaines ? On ne saura jamais. Ils sont exécutés. De ces charniers peut-être immenses, il ne reste rien. Pendant des années les Khmers rouges ont planté du manioc et des cocotiers qui ont mangé les corps et le souvenir.
Rithy Panh et Christophe Bataille, L’Élimination, p. 43.

C’est contre ce négationnisme qui semble bien inhérent à l’entreprise exterminatrice que Rithy Panh utilise le cinéma pour partir à la recherche des traces de ce qu’a pu être ce régime, ses discours, et sa réalité. Que ce soit dans l’entreprise de propagande du régime, dans la recherche de preuves historiques ou dans le « constat » qu’il en manquerait, sur lequel se fondent les élucubrations négationnistes, l’image se présente comme centrale.

Je crois en l’image, même si, bien sûr, elle est mise en scène, interprétée, retravaillée. Malgré la dictature, on peut filmer une image juste.
Rithy Panh et Christophe Bataille, L’Élimination, p. 102.

Tout en s’inscrivant dans cette démarche, L’image manquante est un film très particulier. C’est la première fois que Rithy Panh produit un récit autour de sa propre expérience du régime khmer rouge et, pour cela, il quitte la forme du documentaire pour fabriquer les traces manquantes de sa propre histoire en proposant une sorte de collage de toutes sortes d’images, qu’elles soient retrouvées ou, au sens propre, reconstruites puisque pour ce film il fabrique une grande partie des images et chacun des éléments qui les composent.
Et en faisant cela, il pose la question de savoir de ce dont on a besoin pour retracer l’histoire d’un événement comme l’extermination en quelques années d’un quart de la population d’un pays, du statut des traces qu’on retrouve, en particulier dans un contexte où la plupart des images qui restent sont des images de propagande, et alors qu’un déni organisé (pouvant aller jusqu’au négationnisme) se développe, de leur nature éventuelle de preuve. De quelles preuves a-t-on besoin pour considérer qu’une entreprise d’extermination a eu lieu ? Et au-delà, d’autres questions : est-ce que ce sont vraiment des images ou des preuves qui manquent ? Quelle vérité cherche-t-on ? De quoi a-t-on besoin pour que le temps ne soit pas une machine qui produit l’oubli, que ce soit à un niveau individuel ou collectif ? Qu’est-ce qui peut aider à se souvenir, à comprendre, à penser, et à son niveau sans doute surtout pour vivre avec, en en faisant quelque chose ? A partir de quoi retrouve-t-on ou élabore-t-on l’histoire, sa propre histoire comme celle de tous ? En quoi les traces de l’histoire de chacun disent-elles l’histoire de tous, en quoi peuvent-elles contribuer à faire histoire commune, en particulier quand il s’agit de l’histoire d’une extermination qui a forcément été, en tant que telle, un sort partagé ?

« Ici chacun disparaît », voix off de L’image manquante

La question centrale autour de laquelle tourne ce film n’est donc pas seulement celle des images ou de ce qu’elles pourraient ou pas montrer ou prouver, c’est aussi plus fondamentalement celle de la possibilité de représenter, voire plus simplement d’expliciter, ce que les termes « extermination » et encore plus sans doute « génocide » ne désignent qu’imparfaitement. La formule prononcée en voix off du film, « Ici chacun disparaît », est une proposition assez simple pour en rendre compte. Car s’il y a extermination, c’est bien qu’il se passe autre chose que l’assassinat d’un grand nombre de personnes. Il s’agit alors de l’entreprise concrète, dans un moment et un lieu, « ici », en l’occurence, de faire « disparaître », ce qui signifie, au-delà de la torture et de la mort, cette volonté de « réduire en poussière » comme le néologisme de l’Angkar le dit — donc de gérer la suppression de la vie mais aussi des traces qu’elle peut avoir laissé, de l’identité, du corps, du souvenir —, « chacun », donc potentiellement tout le monde. Le présent apporte cette durée concrète et actualisée : ça a bien été en train de se passer, et ce que chacun a pu vivre, c’est ce risque imminent de disparaître comme chacun de ceux dont il a pu constater la disparition. Au-delà des pinaillages sur les chiffres, toujours là pour finir par démontrer abjectement que le fait que l’extermination n’ait pas été à son terme est une raison suffisante pour en dénier l’existence, au-delà même du fait que l’extermination se présente toujours comme concernant certaines catégories de la population, il y a toujours centralement cette possibilité imminente, qui contribue à l’horreur vécue par chacun en plus de ce à quoi il assiste, d’être toujours susceptible de subir le sort des autres. Un par un, chacun, donc peut-être tout le monde, disparaît, après avoir vécu comme un fantôme en sursis. Les limites de ce processus ne sont principalement liées qu’aux contraintes techniques de la gestion de la disparition, des vivants qui vont mourir, des corps de ceux qui sont morts, et c’est aussi pour cela que les arguties négationnistes sont insupportables. Non pas qu’il y aurait un caractère sacré aux chiffres, non pas que le travail de l’historien ne réclame pas toujours des réexamens. Mais il y a une différence fondamentale entre affiner une connaissance en comprenant le processus qui a été en marche pour ce qu’il a pu être, et fonder un argumentaire sur les inévitables difficultés matérielles liés à l’organisation et la gestion d’une extermination de masse, pour en théoriser la négation. Ce que cette phrase constate reste irréductible et indéniable et ne dépend d’aucun chiffre.

« Le linguiste de la mort »

C’est donc aussi sur les mots que s’interroge ce film, et c’est un fil qui traverse l’ensemble du travail de Rithy Panh. En même temps qu’il cherche quels mots permettraient de dire ce qui manque aux images, il montre comment le régime de l’Angkar accorde une importance très particulière à la question du langage : forger un homme nouveau passe par le fait de forger un langage nouveau.

La terreur passe d’abord par le langage. Les Khmers Rouges ont commencé par assassiner les mots. A chaque mot était associé un rêve ou un cauchemar.
La parole filmée. Pour vaincre la terreur, Rithy Panh.

Comme ce qui est valorisé, c’est une sorte de retour aux sources mythifiée d’un passé khmer originel, c’est aussi dans ce passé que l’intervention linguistique des Khmers Rouges va puiser son inspiration. Les nouveaux mots qui remplacent les anciens participent de la mise au pas de la population, de la construction d’un imaginaire appauvri et reformaté compatible avec l’idéologie au pouvoir :

Je ne comprenais pas tous les termes utilisés, par les Khmers rouges, souvent inventés à partir de mots existants : ils mêlaient de façon troublante sonorités et significations. Tout semblait glisser. Se déplacer. Pourquoi utilisait-on santebal pour désigner la police, et non pas le traditionnel nokorbal ? Je découvris aussi le mot kamaphibal. Kamak peut se traduire par activité, action. Kamak signifie « ouvrier ». Et phibal « gardien ». Littéralement le kamaphibal était le « gardien du travail », le « gardien de l’action » : nous appelions ainsi les gardes khmers rouges, qui étaient nos maîtres, nos geôliers, et avaient sur nous pouvoir de vie et de mort.  
Rithy Panh et Christophe Bataille, L’Élimination, p. 57-58

Ce langage nouveau change la signification des mots, en particulier de ceux du pouvoir et contribue à rendre possibles les modalités à travers lesquelles il s’exerce. C’est un langage qui impose déni ou transformation de la réalité, en particulier sur ce qui rend possible l’extermination, c’est à dire ce qui a trait à la mort.
KAMTECH qui signifie à l’origine « réduire à la poussière » ou « détruire » devient le terme utilisé pour « tuer ». Ici le sens est transformé et impose la normalité de l’entreprise exterminatrice.
Ailleurs, c’est le déni qui s’institue : KAI TCHOAL qui signifie « abandonner » devient le mot pour dire « exécuter ». Rithy Panh fait l’hypothèse que ces transformations autoritaires du langage, qui le rendent plus imagé, élaborées par le numéro 2 de l’Angkor qu’il surnomme « le linguiste de la mort » sont là pour aider ceux qui sont en charge de tuer à le faire.

Je ne comprenais pas que des adolescents puissent tuer, ce n’est pas un geste facile à faire. Mais les Khmers Rouges ont travaillé comme des linguistes, ils sont allé chercher l’origine du sens des mots (…). Les Khmers Rouges ont forgé un langage, une rhétorique qui a introduit une nouvelle sonorité dans la langue, très étrange, bien compréhensible (…) insuffler la haine, la haine obsédante, qui permet au paysan de commettre l’acte difficile de tuer.
La parole filmée. Pour vaincre la terreur, Rithy Panh.

Ce détournement du langage est aussi utilisé dans le cadre de la torture et des interrogatoires qui l’accompagnent : l’aveu imposé est une étape nécessaire, précédé de son récit mensonger obtenu sous la torture. Il est soigneusement consigné et surjustifie l’exécution en brouillant pour tous définitivement le rapport à la vérité :

 La passion de l’aveu est redoutable. A vous faire douter de la vérité. Pire : à vous faire douter de l’importance de la vérité. Le soir où j’ai fait mon autocritique, après avoir raconté la mission Apollo, je n’ai pas pensé un instant à m’expliquer. J’ai dit ce qui devait être dit. Je me suis conformé aux désirs des Khmers rouges. J’ai parlé pour pouvoir retourner au silence. Etre invisible, c’est être vivant ; presque un individu. (…) A S21 Duch exige un aveu. Peu importe que cet aveu soit incohérent ou absurde. Celui qui raconte et bâtit cette histoire nouvelle est un traître. Il parle en traître. Il reconnaît ses crimes et ses mensonges. Il est condamné par le récit qui est exigé de lui.
Rithy Panh et Christophe Bataille, L’Élimination, p. 93-94

La propagande, qu’elle passe par les mots ou par les images, n’est pas seulement une vision faussée, positivée, de ce qui se passe qui vise à en imposer l’acceptation, elle joue aussi sur des mécanismes fondamentaux comme la possibilité même de la construction du sens et du rapport à la vérité.

Les images qui manquent et celles qui ne manquent pas

Pour retrouver le fil de cette vérité, Rithy Panh choisit de nous montrer des images qui ne manquent pas pour comprendre quelles images manquent ou plutôt pour dessiner le contour des images qui continueront de manquer. Il expérimente la possibilité par le cinéma, le travail, la recherche, la réflexion et l’intelligence, de faire avec, pour et contre ce manque, de constituer quelque chose qui ne remplace pas ou ne se substitue pas mais qui brode y compris avec les manques. Et c’est sans doutes toujours quelque chose comme ça, le travail de l’archive, quand il est actif, vivant et conséquent.
Les images de propagande ne manquent pas, elles sont même en trop pourrait-on dire puisqu’elles mentent et n’ont été là que pour montrer l’inverse de ce qui était en train de se passer. Des images construites, mises en scène, qui sont là pour persuader de la pertinence du régime, contraindre à l’adhésion et produire des preuves d’un présent optimiste. Le titre du film vient d’ailleurs d’autres images qui ont remplacé et occulté la réalité terrible à laquelle on voulait refuser l’accès : « L’image manquante », c’est d’abord le titre d’une chronique de Serge Daney dans le journal Libération, qui désigne ainsi les images inexistantes de Bagdad sous les bombes pendant la première guerre du golfe, occultées par les images de propagande vendant une guerre chirurgicale et quasi inoffensive. En nous montrant ces images de la propagande du régime, ces images en trop, Rithy Panh nous apprend aussi à les regarder.

Les images de propagande ont le mérite d’affirmer l’ambition du régime. A l’évidence, celui-ci veut montrer au monde de jeunes combattants, en pleine santé, souriants et enthousiastes. Film de propagande communiste classique, jusque dans les effets visuels. Mais il y a des images terribles : de petits garçons qui ploient sous la charge, de jeunes enfants décharnés… On devine que les travailleurs, au premier plan, sont en fait des cadres du régime : ils ont de vraies chaussures ; ils sont bien nourris, on le voit à leurs joues, à leurs mains, à leurs avant-bras ; enfin ils portent presque tous un stylo dans leur poche de chemise — comme Pol Pot (…) étonnantes médaille d’un régime qui s’enorgueillit de casser les lunettes et de fermer les écoles.
Rithy Panh et Christophe Bataille, L’Élimination, p. 21

Il nous montre comment un regard du détail peut les faire se trahir elles-mêmes, comment on peut voir, derrière la façade lissée d’une foule enthousiaste au travail la fatigue, le désespoir, le refus même : la réception reprend le pouvoir sur le sens.

Les images du passé d’avant l’Angkar existent. Elles portent la trace d’un souvenir collectif auquel le cinéma peut redonner une sorte de vie. C’est l’image d’une danseuse, de ces plaisirs futiles et urbains que le régime va balayer en vidant la capitale en quelques heures et en donnant à tous la tâche d’édifier le socialisme.

Les images du souvenir intime, même si elles n’ont pas de matérialité, ne manquent pas non plus.

Cet homme assis par terre est trop faible, il ne mange pas, ne se déplace plus. Son image est en moi depuis des années. Je tends la main vers lui.
Voix off de L’image manquante.

Mais les partager demande une reconstruction qui va en l’occurrence se faire grâce au dispositif qui fait la particularité de ce film : des figurines en terre peinte, des maquettes reconstituées à partir de cette matière intime du souvenir qui ne seront animées que par les mouvements de caméra. Elles ne font pas preuve pour qui fait le choix de ne pas vouloir comprendre ce qui a pu se passer, mais elles témoignent avec une espèce de pudeur de ce qui a été vécu, donnent un accès à la vérité de cette extermination et de ce régime.

L’image comme preuve ?

Comme celle des nazis, l’extermination des Khmers Rouges comporte la tentative de faire disparaître les traces de son existence, tentative que le négationnisme ne fait fondamentalement que poursuivre. Pour l’histoire du Cambodge, le refus de prendre en compte la réalité de l’extermination, ou la volonté tenace de la minimiser assumés par certains anti-impérialistes la plupart maoïstes (Rithy Panh cite par exemple Alain Badiou) se sont appuyés sur la critique de la propagande américaine : la critique de la propagande de la guerre froide se fait complotiste et passe d’une critique du discours à une négation des faits que ce discours utilise et met en scène, lié à une défense militante du régime de l’Angkar. Ce passage d’une critique du discours à une négation des faits s’opère à partir du moment où intervient comme cruciale la question des preuves qui, au-delà même du fait que les régimes mis en cause se sont efforcés de les faire disparaître, sont toujours soumises au soupçon et considérées comme insuffisantes.

« Jacques Vergès affirme sans ciller qu’il n’y a pas eu au Kampuchea démocratique de crime « voulu » ; pas de génocide ; pas de famine organisée ; et, de surcroît, pas autant de morts qu’on le prétend. Etait-il présent dans le pays à l’époque ? A-t-il eu accès à des informations particulières par son ami de jeunesse Khieu Samphan, aujourd’hui en procès à Phnom Penh, et dont il est l’avocat ? Alors vraiment, « on n’a qu’à regarder les charniers qu’on a trouvés, on ne trouve pas le nombre de morts qu’on dit » ? Fixer une image ne permet pas d’écrire l’histoire. »
Rithy Panh et Christophe Bataille, L’Élimination, p. 118

Au-delà du refus de ce soupçon qu’aucune « preuve » ne peut venir faire taire, Rithy Panh pose la question de savoir ce qu’on cherche dans les images : les « fixer » pour y chercher des preuves serait l’inverse d’y voir la trace de ce qui s’est passé, « regarder les charniers » n’amène pas forcément à une compréhension de l’histoire ; tout dépend sans doute de comment et pourquoi on les « regarde » et les images qui suffiraient à prouver manqueront toujours. Il est d’ailleurs notable de constater que certains de ceux qui ont suivi cette logique ont été ensuite fortement impliqué dans le développement du négationnisme à propos de l’extermination nazie comme Serge Thion ou l’ont accompagné avec bienveillance comme Noam Chomsky. Au-delà de la défense idéologique d’un camp contre un autre, la logique négationniste possède sa dynamique propre qui n’est pas réductible à une forme d’aveuglement idéologique.

Car quelle image « vraie » pourrait bien faire la preuve d’une entreprise d’extermination ? Que dit une image de mort, une image de torture ? A quoi sert de se contenter de la regarder ou de la montrer ? Que prouvent des registres remplis de noms et de photos ? Face à toute entreprise négationniste, comme face à tout conspirationnisme, la recherche, sans doute néanmoins nécessaire des preuves reste vaine, puisque la question est toujours de savoir ce qu’on leur fait dire, avec quelle intelligence on les regarde, dans quelle mesure on est prêt à considérer la vérité de l’histoire que les documents contiennent.

« Manque-t-on vraiment de preuves ? Non. Il y a des dizaines de photographies prises par des « camarades » de S21. (…) Un tel document doit être analysé, décortiqué, regardé dans son contexte. Ce n’est pas une preuve en soi. C’est l’histoire qu’il contient qui est une preuve, mais cette histoire ne se donne pas. Elle se cherche. Dans La politique de la mémoire, Raul Hilberg écrit : « Je voyais que c’était, avant tout, un objet, dont la qualité de trace tangible était immédiatement reconnaissable : l’original qu’un bureaucrate avait eu un jour en main et signé ou paraphé. Plus encore, les mots figurant sur le papier constituaient, en l’occurrence, une action en soi : l’accompagnement d’une fonction. S’il s’agissait d’une directive, cet original signifiait la totalité de l’action de l’initiateur. »
Rithy Panh et Christophe Bataille, L’Élimination, p. 236

Là encore tout le pouvoir de faire dire ou de faire taire, de produire mémoire ou oubli, l’histoire ou sa négation, réside dans la perspective dans laquelle elle est reçue. On peut trouver dans cette manière de faire une réflexion sur ce qu’il faut toujours faire de l’archive ou du souvenir pour leur donner sens et les partager, il y a toujours à reconstruire si ce qu’on cherche ce n’est pas une trace morte mais un fil pour retrouver ce qui a été vivant.

PDF - 1.6 Mo
L’image, la mémoire et l’oubli
autour de la projection de L’image manquante de Rithy Panh à la Discordia le 24 janvier 2017
source: non- fides..fr

 

Répression du 1er mai : Marco extradé en Italie

résumé de Round Robin / lundi 30 juillet 2018

Marco a été arrêté à Toulouse début juin dernier, accusé d’avoir pris part à la manifestation émeutière du 1er mai 2015 à Milan. Il vient d’être extradé en Italie, où il sera donc jugé sous l’accusation de de « dévastation et pillage » (art. 419 du Code pénal, qui remonte au période de la dictature fasciste), dont les peines vont de 8 à 15 ans.

Solidarité !

Pour lui écrire :

Marco Re Cecconi
C.C. di Roma – Rebibbia
via Raffaele Majetti, 70
00156 Roma

source: attaque.noblogs.org

Rio de Janeiro, Brésil : Communiqué au sujet de la condamnation de 23 compagnon-e-s pour les émeutes en 2013-2014

Ci-dessous un communiqué de la Bibliothèque anarchiste Kaos, qui a été traduit à partir de la traduction en espagnol de Vozcomoarma. Il revient sur les lourdes peines qui sont tombées le 17 juillet dernier sur 23 compagnonnes et compagnons (allant de 5 à 7 ans de taule), accusé-e-s d’avoir pris part aux émeutes en 2013 et 2014 à Rio de Janeiro. La rue avait répondu aux politiques de nettoyage social, de gentrification, de rénovation urbaine et autres mesures visant à renforcer le contrôle sur les pauvres et indésirables, les repoussant toujours plus loin du centre de la capital brésilienne. De nombreuses émeutes ont secoué la normalité pendant de longs mois.


Condamnés: incorrigibles !

Puisque nous sommes contre tout ce qui va à l’encontre de la liberté, nous sommes aujourd’hui contre la condamnation des 23 personnes incarcérées pour les manifestations de 2013 et de 2014 à Rio de Janeiro.

La Liberté d’autrui étend la mienne à l’infini – M. Bakounine

A Rio de Janeiro, 23 personnes ont été condamnées à des peines allant de 5 à 13 ans [1] de prison ferme par le juge Flavio Itabaiana de la 27ª audiencia penal de Río de Janeiro dans le cadre de « l’Operación Firewall”, accusées « d’avoir commis des actes violents, formé un attroupement non autorisé, causé de lourds dommages à la propriété, résisté, causé des blessures et détenu des engins incendiaires et explosifs ».

Toutes étaient poursuivies par la Delegacia de Repressão a Crimes de Informática, la police politique mise en place lors de la Coupe du Monde de football et des Jeux Olympiques, la même qui surveillait les manifs à Porto Alegre et à Sao Paulo.

Ce n’est pas un hasard si cette opération répressive se soit nommée ainsi : Firewall (pare-feu), qui est le nom d’un dispositif à l’intérieur d’un réseau d’ordinateurs visant à appliquer un protocole de sécurité à un point-clé de ce réseau. Ce pare-feu éviterait les éléments nuisibles au sein même de ce réseau d’ordinateurs. Les médias et les technologies de communications sont utilisés comme outils de contrôle et de répression (nous le savons depuis un certain temps déjà), mais cette fois ce fut un exemple frappant de la potentialité de ces ressources à des fins répressives.

Selon le juge (dans un acte de bienveillance), la détention préventive n’a pas été prononcée afin que les personnes condamnées puissent faire appel du jugement, par mesure de précaution. Mais cette condamnation, même avec la possiblité de recourir à la « liberté, a pour nous trait au fait qu’ils nous veulent incarcéré-e-s. Et cette condamnation doit désormais changer le précédent pour l’agitation contre la société carcérale, pour l’agitation de la solidarité.

Comme pour les personnes récemment réprimées par l’opération Erebo, le minimum que nous puissions faire face à cette condamnation est d’exprimer une solidarité forte à travers l’appel à une agitation combative et solidaire contre la condamnation.

Mais pas sous le mot d’ordre d’être contre la criminalisation de la lutte. Le fait de lutter ne peut pas être enfermer dans les règles de ce qui est légal ou non, de ce qui est criminel ou innocent, de ce qui est autorisé ou interdit. La lutte va au-delà de ces logiques, précisément parce qu’elle va dans le sens opposé à elles. Nous sommes contre la répression car tout le système de domination est une répression constante et quiconque s’en rend compte et s’y oppose, proteste ou descend dans la rue rompt avec cette domination sur le plan matériel comme individuel. Quiconque se rebelle contre l’ordre existant sera toujours considéré comme « criminel », parce que le crime de manifester, c’est de ne pas être complètement soumis à la domination. Si nous luttons avec pour slogan « manifester n’est pas un crime », nous accepterions et légitimerions l’existence des prisons et, anarchistes que nous sommes, nous aimons la liberté et nous restons des ennemi.e.s irréconciliables des cages.

Comment ne pas sortir dans les rues contre les spectacles qui justifient les multiples facettes du nettoyage social? Comment rester indifférent.e face à l’aménagement urbain, la militarisation et l’embellissement des rues pour l’escapade et le tourisme de la bourgeoisie qui a participé à ce Mondial et aux JO? C’est une grande tristesse de voir cela aux cris de « Goal! » ou avec l’enthousiasme d’une médaille d’or, que des personnes oublient les exactions policières, les morts, les politiques génocidaires qui sont produites par ce spectacle. Et c’est une joie incommensurable d’apprendre que des incorrigibles sont sorti.e.s et ont tout cassé, même le prétendu contrôle des « autorités » qui ont investi des millions dans la sécurité.

La lutte violente est le geste minimum de sensibilité que nous avons face à l’oppression dominante qui cherche à s’étendre comme une vie « normale ».  C’est le signe que nous ressentons encore la cruauté de la dévastation, de la guerre non déclarée, et que tel.le.s des animaux face au dompteur… nous réagissons contre le fouet.

Contre les condamnations, notre agitation permanente.

Solidarité avec celles et ceux qui luttent !

Biblioteca Anarquista Kaos

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Les 23 personnes condamnées pour les manifs de 2013 à Rio de Janeiro:

  • Elisa Quadros Pinto Sanzi, condamnée à 7 ans de prison.
  • Luiz Carlos Rendeiro Júnior, condamné à 7 ans de prison.
  • Gabriel da Silva Marinho, condamné à 5 ans et 10 mois de prison.
  • Karlayne Moraes da Silva Pinheiro, condamnée à 7 ans de prison.
  • Eloisa Samy Santiago, condamnée à 7 ans de prison.
  • Igor Mendes da Silva, condamné à 7 ans de prison.
  • Camila Aparecida Rodrigues Jordan, condamnée à 7 ans de prison.
  • Igor Pereira D’Icarahy, condamné à 7 ans de prison.
  • Drean Moraes de Moura, condamnée à 5 ans et 10 mois de prison.
  • Shirlene Feitoza da Fonseca, condamnée à 5 ans et 10 mois de prison.
  • Leonardo Fortini Baroni, condamné à 7 ans de prison.
  • Emerson Raphael Oliveira da Fonseca, condamné à 7 ans de prison.
  • Rafael Rêgo Barros Caruso, condamné à 7 ans de prison.
  • Filipe Proença de Carvalho Moraes, condamné à 7 ans de prison.
  • Pedro Guilherme Mascarenhas Freire, condamné à 7 ans de prison.
  • Felipe Frieb de Carvalho, condamné à 7 ans de prison.
  • Pedro Brandão Maia, condamné à 7 ans de prison.
  • Bruno de Sousa Vieira Machado, condamné à 7 ans de prison.
  • André de Castro Sanchez Basseres, condamné à 7 ans de prison.
  • Joseane Maria Araújo de Freitas, condamnée à 7 ans de prison.
  • Rebeca Martins de Souza, condamnée à 7 ans de prison.
  • Fábio Raposo Barbosa, condamné à 7 ans de prison.
  • Caio Silva de Souza, condamné à 7 ans de prison.

[Sans_Attendre at raduit de l’espagnol de La Rebelion de las Palabras, Julio 29, 2018]

NdT:

[1] La peine de 13 ans de prison, qui a été évoquée dans un article publié sur le site Crimethinc, n’apparaît nulle part dans le récapitulatif des condamnations en fin d’article (lui-même publié dans la presse brésilienne, à savoir G1globo) et dans divers médias du pays. De plus, Vozcomoarma écarte cette peine de 13 ans dans son introduction. Nous choisissons de nous fier à un site anarchiste plutôt qu’au Lundi matin étatsunien.

ps: on pourra relire la brochure de Sans patrie « Génocide et spectacle »

Colmar(68000): maison d’arrêt deux prisonniers s’évadent à l’ancienne! ( mise à jour)

note:infos  . Que les médias et la ministre , les syndicats des matons profitent de cette évasion pour accélérer la communication pour le futur   centre pénitentiaire à Lutterbach ( ouverture prévu pour 2021) merci pour le plaisir pour cette magnifique  évasion: « ils ont creusé le plafond et ont fait la descente avec les draps,Magnifique, trop bien,à l’ancienne . » reçu d’une compagnonne  par les moyens  technologiques

Le républicain lorrainLle 30/07/2018 à 11:26 mis à jour à 12:13

 

D’après plusieurs sources concordantes, ces deux frères ont réussi à creuser le plafond de leur cellule pour filer ensuite par les toits. Ils purgeaient des peines supérieures à cinq ans de prisons pour vols en réunion. « La double évasion a été constatée ce matin à 6h30, a indiqué la direction interrégionale de l’administration pénitentiaire. Selon les premières constatations, les deux détenus sont sortis par le toit. Le parquet a été saisi et les dispositifs de recherche ont été mis en place, tandis qu’une enquête administrative est en cours. Les Equipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) de Strasbourg sont sur place ».Lundi en fin de journée, les recherches pour retrouver les deux individus en cavale, « âgés d’environ 30 ans« , étaient toujours en cours, a précisé à l’AFP le parquet de Colmar. Les deux évadés ont été arrêt mardi à 17h30 Roubaix (Nord)  570 km prcouru de leur point de départ,

Ce n’est pas une première pour cet établissement : en 2013, trois individus qui partageaient la même cellule avaient creusé deux trous pour se frayer un chemin vers la liberté.

 

Centre pénitentiaire du Sud Francilien – Réau menace de mort contre un prisonnier Mikel Albisu

Gara   30/:07 /18
Mikel Albisu recibe una amenaza de muerte durante un registro en Réau

Mikel Albisu recibió, el pasado 12 de julio, una amenaza de muerte expresa, escrita en inglés en un post-it y pegada en la cobertura de un libro depositado en su celda de la prisión gala de Reáu. La abogada del preso presentará esta semana una denuncia ante la fiscalía.

Suite à une fouille de sa cellule par les fonctionnaires pénitentiaires de la prison de Réau, le prisonnier politique basque Mikel Albisu Iriarte a retrouvé des menaces de mort. Son avocate va porter plainte cette semaine auprès du Procureur de la République.

lire la suite ici

À propos du viol ~ Carte postale ouverte aux camarades de la CNT

par Claude Guillon

Lors du concert de clôture du festival de la Confédération nationale du travail (CNT), le 1er juillet dernier à Montreuil, le chanteur du groupe Sidi Wacho a fait une déclaration en scène, probablement mal comprise par beaucoup des personnes présentes, et mal accueillie par d’autres. En substance : « Alors la CNT, il va falloir régler vos problèmes entre vous, parce que sinon on ne pourra plus venir jouer pour vous ! »

Des débats, souvent vifs, s’engagèrent entre militant·e·s pour savoir si l’attitude du groupe – accepter de venir et d’être payé pour ça – puis faire une déclaration critique et publique était moralement acceptable ou au contraire condamnable… Une vraie fausse question !

À quoi faisait donc allusion le chanteur de Sidi Wacho ?

À une histoire sordide, que la CNT (en tant qu’organisation nationale au moins) a laissé pourrir deux ans durant, prétendant aujourd’hui – à tort – qu’elle est « réglée ».

En août 2016, un militant connu de la CNT de la région de Metz, également membre d’Alternative libertaire (AL), Fouad Harjane[1] viole une camarade lors d’un camping organisé par AL.

En novembre de la même année, la camarade dénonce son violeur auprès des deux organisations libertaires auxquelles le violeur appartient, notamment auprès de la Commission antisexiste de la CNT, laquelle rend l’affaire publique lors du congrès confédéral qui se tient à Montreuil à la même époque.

Les statuts de la CNT sont conçus de telle manière que – en principe – seul le syndicat du militant mis en cause est habilité à l’exclure et non un congrès. En l’espèce, Fouad Harjane jouissant d’une réputation militante flatteuse dans son syndicat (Santé social Lorraine) et dans la région, cela revient à proposer à ses proches de statuer sur son sort. Lorsque cette protection « naturelle » ne suffira plus, Harjane recourra aux menaces.

Le problème posé par les statuts actuels du syndicat semble bien réel. Cependant, tout indique qu’au lieu de rechercher une solution politique et publique au problème, certain·e·s instances et camarades de la CNT se sont abritées derrière les statuts pour protéger un violeur.

En effet, si des sanctions sont bien demandées (par un syndicat parisien de la CNT), elles visent des camarades de la Commission antisexiste, auxquelles il est reproché « d’instrumentaliser la question de la lutte contre le sexisme dans [une] action destructrice et délétère ».

Je dois dire ici que j’ignore s’il existe, dans l’esprit des demandeurs, d’autres griefs que la publicité donnée à la dénonciation de Fouad Harjane.

À supposer même que ce soit le cas, on mesure l’effet catastrophique que peut provoquer sur les militant·e·s de base une action exigée contre celles et ceux qui dénoncent un violeur plutôt que contre le violeur lui-même…

On se demande ce que les « sanctionneurs » peuvent avoir dans la tête, non seulement quant à la prévention du sexisme dans les rapports sociaux de sexe, dans la société et dans les organisations révolutionnaires, et – plus bêtement, pourrait-on dire – quant à la possibilité matérielle de glisser les ordures sous le tapis en espérant en masquer l’odeur, à l’ère de #BalanceTonPorc et du planétaire Me Too Movement ?

Début décembre 2016, huit personnes sont exclues de la CNT – sans passage par leur propre syndicat ! Comme quoi, quand on veut, on peut ! – au motif qu’elles se sont réunies sans autorisation, s’« auto-excluant » de fait.

En janvier 2017, Alternative libertaire, dont les militant·e·s avaient transmis un dossier de témoignages sur le viol à la CNT, exclue Fouad Harjane.

En mars de la même année, la CNT Santé social de Metz rend un rapport concluant… à l’impossibilité pour elle de statuer sur le cas de Fouad Harjane. On lira avec intérêt le communiqué en date du 5 mars 2017 par lequel les cénétistes messins encouragent vivement les victimes de viol… à porter plainte devant la justice bourgeoise et s’engagent à fournir – à propos du viol dénoncé – à fournir à ladite institution tous les documents en sa possession !

Lorsque l’on sait comment sont traitées le plus souvent les victimes de viol, et sans même parler d’une méfiance de principe envers les institutions comme la police et la justice que l’on attend de militants anarcho-syndicalistes, le niveau de réflexion antisexiste et libertaire des auteur du communiqué est du niveau « démocrate de comptoir ».

Juin 2017. À l’occasion du festival de la CNT, à Montreuil, des militant·e·s viennent manifester devant l’entrée de La Parole errante en soutien à la camarade violée. Certaines d’entre elles ont été tout simplement déclarées persona non grata et interdites d’entrée. Bien entendu, les militant·e·s et les badauds ne sont pas informé·e·s.

À cette époque, pour le public non averti et qui n’a pas cherché à s’informer – soit la très grande majorité des gens qui viennent assister à un festival de la CNT – il s’agit d’une histoire, peut-être de ces histoires complexes entre personnes se connaissant intimement, sur laquelle on ne dispose, de manière publique, d’aucune source fiable. On comprend simplement qu’AL a préféré exclure le violeur présumé, et la CNT non.

Février 2018 : le syndicat auquel appartient Fouad Harjane fusionne avec le syndicat de l’Éducation de la Moselle.

Et là : tour de passe-passe !

Le SSCT Lorraine comptait, jusqu’à peu, un adhérent ayant été accusé d’agression sexuelle de la part de plusieurs personnes au sein de la Confédération et en dehors. Ces accusations sont des faits très graves. Nous rappelons la décision prise par notre syndicat qui a été de ne pas pouvoir se positionner quand à l’exclusion ou non de cet adhérent. Suite à la fusion du SSCT Lorraine et du STE 57, l’adhérent en question a annoncé qu’il quittait notre syndicat, ce que nous avons acté et avons décidé d’en informer l’ensemble de la Confédération.

Plus de Fouad Harjane, plus de problème ! C’est manifestement le pauvre raisonnement des cénétistes messins qui confondent débattre politiquement et jouer à chat perché.

Or qu’apprend-on le week-end des 29 & 30 juin et 1er juillet 2018 ? Je dis «on», en parlant de moi et de proches. Ces faits sont peut-être connus de longue date par d’autres personnes…

Fouad Harjane n’est pas accusé « que » d’un viol. On parle désormais d’une dizaine de plaintes (déposées en justice ou non, je l’ignore encore) le visant pour des faits de viol, agression ou harcèlement sexuel.

Or les instances et les camarades de la CNT considèrent néanmoins que cette affaire est « classée » et ne les concernent plus…

Il est difficile d’imaginer que l’on puisse se tromper à ce point, avec d’aussi lourdes conséquences.

Cette affaire sera « réglée », du point de vue de la victime, lorsqu’elle aura obtenu reconnaissance et/ou dédommagement du crime subi, et de la part du violeur, et de la part du syndicat qui l’a délibérément couvert jusqu’à ce qu’il quitte l’organisation.

D’ici là, « la CNT » – appellation inexacte et injuste puisque nombre de militant·e·s et de syndicats de la CNT désapprouvent les positions messine et confédérale – peut à juste titre être accusée d’avoir protégé un violeur, de plus prédateur multirécidiviste.

Tant que cette affaire n’aura pas fait l’objet d’une analyse en interne et d’un communiqué public d’autocritique, l’accusation demeure valide, quelles que soient les suites judiciaires des « affaires Fouad Harjane ».

On ne saurait trop conseiller aux camarades de la CNT de saisir cette occasion, qui commence certes par un loupé lamentable ! pour mettre en place un nouveau protocole qui servira dans les affaires à venir.

Ne nous voilons pas la face : le sexisme, le viol et les violences sexuelles sont aussi répandues dans les organisations syndicales et révolutionnaires que partout ailleurs dans la société ; des scandales récents en témoignent à ciel ouvert (Unef, Jeunesses socialistes, etc.).

Autrement dit, la CNT et bien d’autres auront, ont peut-être déjà sans que nous en soyons informé·e·s, à régler des cas similaires – en pire ou en moins grave – à celui de Fouad Harjane.

Espérer que Harjane tombe dans l’oubli et que les choses s’arrangent mieux la prochaine fois, sans rien faire d’ici là – à commencer par une autocritique publique – est une illusion.

Du fait de son caractère syndical, la CNT aura d’autres cas de militants ayant la double appartenance (avec une organisation libertaire) à traiter. J’en profite pour dire que Alternative libertaire, organisation dont nul n’ignore que je suis loin de partager toutes les positions, me semble s’être comportée en l’espèce avec un sang-froid et une intelligence dont les camarades de la CNT devraient s’inspirer au lieu de fustiger une prétendue manie de donner de leçons.

Dans l’immédiat, il convient que les syndiqué·e·s et syndicats de la CNT exigent une réflexion collective débouchant sur une communication autocritique et publique. Dans cette attente, et dans le flou persistant, je comprends que des camarades souhaitent refuser de s’afficher dans des initiatives cénétistes, et a fortiori de s’affilier au syndicat.

Comment, de surcroît, devant tant de mensonges, d’évitements et de manipulations, ne pas dissuader des jeunes femmes, par ailleurs engagées dans des luttes féministes, de rejoindre une organisation dont elle savent désormais qu’elle refusera de les soutenir en cas d’agression sexuelle de la part d’un militant soi-disant révolutionnaire – ce qui mérite d’être également qualifié de trahison morale et politique et de la part du militant et de la part de l’organisation.

Je ne doute pas, hélas! que cette « carte postale ouverte » à mes camarades de la CNT en offusquera plus d’un·e. La mentalité de parti, même quand le parti est minuscule, rend sottes et aigries les personnes les plus ordinairement aimables… Il existe aussi à la CNT (comme ailleurs) de tristes sires qui considèrent le combat féministe comme un boulet à trainer ou un fanion à agiter les jours de fête : rien qui doive conduire à s’interroger collectivement. Ce sont ceux-là qui devraient prendre leur retraite de l’anarcho-syndicalisme et de l’anarchisme ! Ils ne manqueront à personne.

Afin de terminer sur une note constructive, pourquoi ne pas envisager la création d’une instance collective mixte entre organisations libertaires – CNT, FA, AL, OCL, CGA etc. – chargée de recevoir et d’« instruire » les plaintes de victimes de violences sexuelles. Cette commission serait composée par exemple de trois membres (deux femmes, un homme) de chaque organisation.

Elle devrait être indépendante desdites organisations pour le temps d’un mandat, ses membres à l’abri de toute sanction pour leur activité dans la commission.

Elle pourrait aussi s’adjoindre, de manière ponctuelle ou permanente, des personnalités féministes « extérieures », militantes du Planning familial et/ou d’autres collectifs anti-viol.

Elle aurait pour première tache d’élaborer un protocole à suivre lorsqu’une victime se signale à elle ; ce protocole, assorti de conseils et de principes de base sur le consentement serait rendu publique dans et hors des organisations, notamment lors des adhésions et dans les événements (meetings, fêtes, etc.).

Ce protocole aurait, en interne et vis-à-vis des sympathisant·e·s, une fonction programmatique et symbolique. Il indiquerait l’importance que les organisations libertaires attribuent à la lutte contre les agressions sexistes et du même coup à la sécurité et à la tranquillité de ses militant·e·s.

Ce serait un élément fondateur (parmi d’autres à inventer) d’un intense et indispensable travail de réflexion et d’autocritique à venir si les organisations libertaires veulent conserver un attrait pour les franges les plus engagées de la jeunesse et donner une image enviable de la société libertaire à construire.

En l’absence d’un tel travail – dans l’espoir vain de protéger tel petit chef ou l’équilibre des forces dans tel syndicat ou tel groupe local –, les organisations libertaires apparaitraient en retard sur les mouvements d’opinion qui traversent la société et les luttes féministes, dont elles s’« auto-excluraient » de ce fait, pour reprendre l’expression de certains.

[1] Le cv militant du personnage est tel que son nom et sa photo se trouvent aisément sur le Net.

Rééponse à « Salut et Liberté »

Note : les discussions se terminent  par un courrier parfois à la fin par :  « salut et liberté »

Anarchisme

 

La Tensione Anarchica est l’intervention d’Alfredo M. Bonanno lors de la conférence intitulée «Anarchisme et démocratie» tenue à Cuneo le 28 janvier 1995.
Ce texte fut publié en 1996 par le Laboratorio Anarchico di Sperimentazione Antiautoritaria de Cunéo puis par les Edizioni Anarchismo en 2007 puis 2013.

« Mais où doit s’arrêter cette réduction du contrôle ? A un contrôle minimum peut-être ? » Par exemple, l’État deviendrait-il légitime en tant qu’État, pour nous anarchistes, si au lieu d’être l’État oppresseur d’aujourd’hui il était, disons, l’état minimal idéal des libéraux ? Bien sur que non. Ce n’est donc pas le raisonnement à suivre. Ce que nous pouvons chercher à obtenir et à atteindre n’est donc pas composé d’une limitation du contrôle, mais d’une abolition du contrôle. Nous ne sommes pas pour une meilleure liberté, une meilleure liberté se donne à l’esclave quand on lui allonge sa chaîne, nous sommes pour l’abolition des chaînes, donc nous sommes pour la liberté, pas pour une meilleure liberté. Et la liberté signifie absence de chaîne, signifie absence de limites avec tout ce que cette affirmation entraîne.

La liberté est un concept non seulement difficile et inconnu, mais c’est un concept douloureux, et à l’inverse il nous est vendu comme un concept magnifique, doux, reposant, comme un rêve qui est tellement éloigné qu’il

nous fait nous sentir bien, à l’instar de toutes ces choses qui – puisque elles sont lointaines – constituent une espérance, une foi, une croyance. En d’autres termes, cet intouchable qui résout les problèmes d’aujourd’hui,non pas parce qu’en effet il les résout mais parce qu’il les couvre simplement, les modifie, empêchant ainsi d’avoir une vision claire du pétrin dans lequel nous sommes aujourd’hui. Bien, un jour nous serons libres, bien,nous sommes dans le pétrin, mais à l’intérieur de ce pétrin il y a une force souterraine, un ordre involontaire qui ne dépend d’aucun de nous, qui travaille à notre place, qui peu à peu fera modifier les conditions de souffrance

dans lesquelles nous vivons et nous conduira dans une dimension libre où nous vivrons tous heureux. Non, la liberté ce n’est pas ça, ça c’est une arnaque, c’est une arnaque qui rassemble beaucoup, et tragiquement, à la vieille idée de Dieu, l’idée de Dieu qui nous aidait tant de fois, et aide encore aujourd’hui tant de personnes en souffrance, parce qu’elles leurs disent : « Bien, aujourd’hui nous souffrons, mais dans l’autre monde nous vivrons mieux » ou plutôt comme dit l’Évangile les derniers seront les premiers, par conséquent ce renversement encourage les derniers d’aujourd’hui parce qu’ils seront les premiers demain.

Si nous faisons passer pour réel un concept de liberté de ce type, nous bercerions les souffrances d’aujourd’hui,nous mettrions un petit pansement sur les plaies sociales d’aujourd’hui, exactement de la même façon par laquelle le prêtre avec son sermon, avec son raisonnement, met un petit pansement sur les plaies des pauvres qui l’écoutent, qui s’imaginent que le règne de Dieu les sortira de leurs souffrances. C’est clair que les anarchistes ne peuvent pas faire le même raisonnement, la liberté est un concept destructif, la liberté est un concept qui inclut l’élimination absolue de n’importe quelle limite. Maintenant, la liberté est une hypothèse qui doit rester dans notre cœur, mais en même temps elle doit nous faire comprendre que si nous voulons la liberté nous devons être prêt à affronter tous les risques de la destruction, tous les risques de la destruction de l’ordre établi

dans lequel nous vivons. La liberté n’est pas un concept qui peut nous bercer, dans l’attente que se développent des améliorations, abstraction faite de notre capacité réelle d’intervention.Pour nous rendre compte des concepts de ce type, pour nous rendre compte des risques en maniant des concepts dangereux de ce type, nous devons être en mesure de construire des idées en nous, d’avoir des idées.Même sur ce point il y a des équivoques considérables. »

Alfredo M. Bonanno, La tension anarchiste. 1995

collection anar’ chronique

 

Avignon ( vaucluse) 4-5 août 2018 Rencontre convergence antinucléaire pour de nouvelles formes de luttes et actions(Parc des Libertés)

2018Rencontres Convergence antinucleaire 2018, 4 et 5 aout au Parc des Libertés d'Avignon

Présentation                                                                                                                     >

Ces 4èmes Rencontres nationales de Convergence s’inscrivent dans le prolongement et l’approfondissement des trois premières Rencontres antinucléaires nationales pour l’Arrêt immédiat du nucléaire initiées par le MCCA en 2016 et 2017 (en Provence, Région parisienne, Région Rhône-Alpes). Elles prolongent également le Forum Social Mondial antinucléaire qui s’est déroulé à Paris en Novembre 2017 et s’appuient sur les luttes locales et régionales de terrain.Les précédentes rencontres ont confirmé le bien-fondé d’un positionnement sans atermoiement, sans préalable techno-scientiste ni alignement sur des stratégies politiciennes hors-jeu et autres transitions phagocytant la lutte antinucléaire.La mise à l’arrêt immédiat de toutes les installations nucléaires est le seul moyen de faire cesser les atteintes graves à la santé et à la vie par les rejets radioactifs permanents; de cesser de produire quotidiennement des déchets radioactifs mortels pour nous et les 1000 générations à venir; d’éviter la catastrophe nucléaire sur notre territoire et sur les pays alentours; de cesser de contaminer durablement l’environnement; de lever la menace du cataclysme destructeur total planétaire.

 

Espagne [Ceuta] des centaines de subsahariens forcent les barrières

the guardian 26/7/18:
Police officer keep watch over some of the people who managed to jump off the border fence between Spain and Morocco, in Ceuta, on Thursday.

 quelques-unes des personnes qui ont réussi à sauter de la frontière entre l’Espagne et le Maroc, à Ceuta, jeudi. Photographie: Reduan / EPA

Environ 800 personnes ont tenté d’entrer en Europe en prenant d’assaut une barrière frontalière qui sépare le Maroc de l’enclave nord-africaine de Ceuta, selon la police espagnole.

L’incident de jeudi matin a fait suite à de nouvelles alertes sur la capacité de l’Espagne à faire face au nombre croissant de migrants et de réfugiés qui arrivent sur sa côte sud. Il est également arrivé quelques heures avant que le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, ne rencontre le président français, Emmanuel Macron, pour discuter de la réponse de l’UE à la crise migratoire.

Guardia Civil espagnole a déclaré que 800 personnes originaires de l’Afrique subsaharienne ont franchi la clôture à Ceuta à 6h35 du matin en utilisant des cisailles et des marteaux pour briser les hautes barrières de fil de rasoir et attaquer les officiers.

« Pour tenter d’empêcher la Guardia Civil de s’approcher de la zone de transition  , les migrants [… ont bombardé]  la guardia civil avec des récipients en plastique contenant des excréments et de la chaux vive, des bâtons et des pierres et des aérosols comme lance-flammes ». .

Les  forces de police  ont indiqué que 602 personnes avaient réussi à atteindre Ceuta, dont 586 avaient été emmenées dans un centre d’accueil temporaire, tandis que 16 étaient hospitalisées. Quinze policiers ont également été blessés, » at-il ajouté.

Police help people down from the the border fence between Morocco and Ceuta, Spain.