Rééponse à « Salut et Liberté »

Note : les discussions se terminent  par un courrier parfois à la fin par :  « salut et liberté »

Anarchisme

 

La Tensione Anarchica est l’intervention d’Alfredo M. Bonanno lors de la conférence intitulée «Anarchisme et démocratie» tenue à Cuneo le 28 janvier 1995.
Ce texte fut publié en 1996 par le Laboratorio Anarchico di Sperimentazione Antiautoritaria de Cunéo puis par les Edizioni Anarchismo en 2007 puis 2013.

« Mais où doit s’arrêter cette réduction du contrôle ? A un contrôle minimum peut-être ? » Par exemple, l’État deviendrait-il légitime en tant qu’État, pour nous anarchistes, si au lieu d’être l’État oppresseur d’aujourd’hui il était, disons, l’état minimal idéal des libéraux ? Bien sur que non. Ce n’est donc pas le raisonnement à suivre. Ce que nous pouvons chercher à obtenir et à atteindre n’est donc pas composé d’une limitation du contrôle, mais d’une abolition du contrôle. Nous ne sommes pas pour une meilleure liberté, une meilleure liberté se donne à l’esclave quand on lui allonge sa chaîne, nous sommes pour l’abolition des chaînes, donc nous sommes pour la liberté, pas pour une meilleure liberté. Et la liberté signifie absence de chaîne, signifie absence de limites avec tout ce que cette affirmation entraîne.

La liberté est un concept non seulement difficile et inconnu, mais c’est un concept douloureux, et à l’inverse il nous est vendu comme un concept magnifique, doux, reposant, comme un rêve qui est tellement éloigné qu’il

nous fait nous sentir bien, à l’instar de toutes ces choses qui – puisque elles sont lointaines – constituent une espérance, une foi, une croyance. En d’autres termes, cet intouchable qui résout les problèmes d’aujourd’hui,non pas parce qu’en effet il les résout mais parce qu’il les couvre simplement, les modifie, empêchant ainsi d’avoir une vision claire du pétrin dans lequel nous sommes aujourd’hui. Bien, un jour nous serons libres, bien,nous sommes dans le pétrin, mais à l’intérieur de ce pétrin il y a une force souterraine, un ordre involontaire qui ne dépend d’aucun de nous, qui travaille à notre place, qui peu à peu fera modifier les conditions de souffrance

dans lesquelles nous vivons et nous conduira dans une dimension libre où nous vivrons tous heureux. Non, la liberté ce n’est pas ça, ça c’est une arnaque, c’est une arnaque qui rassemble beaucoup, et tragiquement, à la vieille idée de Dieu, l’idée de Dieu qui nous aidait tant de fois, et aide encore aujourd’hui tant de personnes en souffrance, parce qu’elles leurs disent : « Bien, aujourd’hui nous souffrons, mais dans l’autre monde nous vivrons mieux » ou plutôt comme dit l’Évangile les derniers seront les premiers, par conséquent ce renversement encourage les derniers d’aujourd’hui parce qu’ils seront les premiers demain.

Si nous faisons passer pour réel un concept de liberté de ce type, nous bercerions les souffrances d’aujourd’hui,nous mettrions un petit pansement sur les plaies sociales d’aujourd’hui, exactement de la même façon par laquelle le prêtre avec son sermon, avec son raisonnement, met un petit pansement sur les plaies des pauvres qui l’écoutent, qui s’imaginent que le règne de Dieu les sortira de leurs souffrances. C’est clair que les anarchistes ne peuvent pas faire le même raisonnement, la liberté est un concept destructif, la liberté est un concept qui inclut l’élimination absolue de n’importe quelle limite. Maintenant, la liberté est une hypothèse qui doit rester dans notre cœur, mais en même temps elle doit nous faire comprendre que si nous voulons la liberté nous devons être prêt à affronter tous les risques de la destruction, tous les risques de la destruction de l’ordre établi

dans lequel nous vivons. La liberté n’est pas un concept qui peut nous bercer, dans l’attente que se développent des améliorations, abstraction faite de notre capacité réelle d’intervention.Pour nous rendre compte des concepts de ce type, pour nous rendre compte des risques en maniant des concepts dangereux de ce type, nous devons être en mesure de construire des idées en nous, d’avoir des idées.Même sur ce point il y a des équivoques considérables. »

Alfredo M. Bonanno, La tension anarchiste. 1995

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