[Besançon] Aux “408”, les mâts des caméras continuent de tomber, l’obscurité totale aussi – 23/24 février 2015

lu ici et partagé avec plaisir.et on  fait circuler ainsi de suite autour de toi…..

Besançon : la guérilla des caméras dans le quartier des « 408 »

cam4Besançon. « On ne baissera pas les bras » lâche Jean-Louis Fousseret. Après celle abattue et volée dans la nuit de dimanche à lundi, une nouvelle caméra de vidéosurveillance a été la cible des vandales, dans le quartier de la Grette, au cours de la nuit de lundi à mardi.

Cette fois, ceux-ci n’ont pas réussi à achever leur travail. Le mat a donc été démonté proprement, mardi matin par les services techniques pour mettre la caméra à l’abri, dans l’attente de la reposer et la sécuriser.

Les voyous ont également réussi à nouveau à plonger une partie du quartier dans le noir, en mettant l’éclairage public en court-circuit au niveau de l’immeuble du 27 donnant sur la rue Brulard. Là aussi, les services techniques, mobilisés par le refus de voir s’installer une zone de non droit, planchent pour trouver une solution pérenne d’alimentation électrique.

Le problème a été résolu au niveau du bâtiment 29, le plus au fond, là où se concentre le trafic. Une alimentation aérienne a été installée que les vandales ont déjà tenté de mettre à mal sans succès pour l’instant, en passant par l’immeuble dont de nombreux logements sont désormais vides.

Car de plus en plus, le quartier des « 408 » fait figure de repoussoir. Et le seul horizon envisageable est celui d’une rénovation urbaine, par la démolition de bâtiments dont l’une est déjà programmée pour 2016 et un réaménagement de la circulation à l’intérieur du quartier afin de casser son potentiel de ghetto.

Leur presse – l’est républicain, 24/02/2015 à 18h26

Besançon, février 2014

Nouveau mat de caméra scié aux 408 à Besançon

Besançon. C’est peu dire qu’ils ne lâchent pas l’affaire. Dans la nuit de dimanche à lundi, vers une heure du matin, le mat portant une caméra de vidéosurveillance, à hauteur du 27, rue Brulard à Besançon, a été scié à la disqueuse. Il est tombé, bloquant l’accès aux parkings, près de la maternelle.

C’est la troisième caméra mise à bas dans le quartier des 408 en quelques mois. Des actes de vandalisme auxquels il faut ajouter une tentative qui s’était soldée par l’interpellation d’un individu originaire du quartier de Palente. Hier, une camionnette a été vue à proximité du poteau et il faut encore signaler que le quartier a de nouveau été plongé dans le noir, alors que les services techniques municipaux avaient trouvé une solution pour remédier aux coupures volontaires à répétition.

Leur presse – l’est répugnant, 24/02/2015 à 05h

Toulouse/Nantes : seconde fournée de condamnations, encore du ferme

 à lire avant cette page  ici

lu et copié dans brèves du désordre

Nantes Après la manif, une quatrième condamnation vient de tomber

Presse Océan, 24.02.2015 15:56

Un jeune homme de 19 ans était jugé ce mardi en comparution immédiate à Nantes. Il avait été interpellé pendant la manifestation de samedi.

Il était venu en treillis, et veste rouge, avec un sac à dos, un masque « représentant une mâchoire« , pour « protéger son droit à l’image« , des fusées de détresse et des fumigènes aussi.

Il était venu avec sa connaissance, pointue, des conditions d’utilisation du « LBD 40 » (lanceur de balles de défense utilisé par les forces de l’ordre) et des « périmètres de sécurité que les policiers doivent respecter ».

Clairement, ce jeune homme de 19 ans, formé aux métiers de la restauration, mais sans emploi, qui vit sur la Zad depuis des mois, avait fait le déplacement en qualité de « militant », samedi. Et il le revendique, à l’audience. Il se dit aussi « défenseur de la nature ».

La présidente : « Mais c’est assez paradoxal, tout de même, de se montrer violent quand on vient manifester contre « les violences policières » et la violence tout court, non ? »

Lui : « Ecoutez, avez-vous déjà subi le tir d’un LBD 40 ou d’un flashball ? »

Lui n’a jamais été blessé. « Mais des amis, eux, l’ont été… », dit-il.

Il était jugé pour « participation avec arme à un attroupement », « violences sans ITT » sur 3 fonctionnaires de police, détention d’armes ( deux masques à gaz et des cartouches), et pour avoir outragé copieusement les mêmes policiers, en les traitant notamment d’ »assassins ».

Le procureur avait requis un an de prison, dont six mois ferme, assorti d’un maintien en détention, à l’encontre du prévenu, dont il jugeait le comportement « inquiétant et violent ».

La défense, elle, a rappelé que jamais encore, le jeune homme n’évait été condamné.

Son casier néant a pesé dans le décision rendue par le tribunal. Il a été condamné à Un an de prison, assorti d’un sursis simple.

Il a l’interdiction de paraître en Loire-Atlantique pendant trois ans (une peine complémentaire qui avait également été requise par le ministère public).


Manifestation à Toulouse : de la prison ferme

AFP, 24/02/2015 à 18:46

Deux hommes déférés aujourd’hui en comparution immédiate, après la manifestation en soutien aux Zad (Zones à défendre) samedi à Toulouse, qui avait dégénéré, ont été condamnés chacun à six mois de prison ferme.

Laurent Mongillon, 39 ans, cheveux teints en vert, a reconnu « avoir donné des coups de pied dans la vitrine » d’une boutique de chaussures, dans une rue cossue du centre-ville. Il a toutefois affirmé que « c’est un casseur à côté qui a brisé la vitrine« , alors qu’il avait été pris en flagrant délit.

« J’avais beaucoup bu et, avec l’agitation, j’ai fait un geste idiot », a-t-il dit. « A jeun, je n’aurais jamais fait ce geste », a-t-il ajouté.
« Monsieur, vous êtes un casseur », a rétorqué l’avocat de la partie civile, Me Pierre Alfort. Cet homme, selon les mots de la procureure Géraldine Labialle, qui « n’a pas d’adresse, pas de revenus et pas de profession », a déjà été condamné à l’armée pour rébellion dans les années 2000 à six mois avec sursis.

Il a écopé mardi de six mois ferme. Son avocate, Me Hélène Pronost, s’est interrogée : « c’est une peine très sévère. Il paie pour le climat général ? »

Vincent Risse, un Toulousain de 19 ans, agent de sécurité-école à la mairie, a également écopé de six mois ferme pour « violences sur une personne dépositaire de l’autorité publique, sans incapacité avec outrage« . S’y ajoute un mois ferme d’une précédente condamnation avec sursis pour des faits similaires.

Portant cagoule et masque à gaz, il avait jeté toutes sortes de projectiles contre les forces de l’ordre qui a reconnu avoir traitées de « bâtards ».

Un homme d’origine tunisienne arrivé dans la manifestation par hasard et pris en flagrant délit de jet d’un caillou vers les CRS a été relaxé. La victime n’avait pas été identifiée et l’accusé est sous curatelle.

Un autre prévenu, originaire de Rennes, poursuivi pour « dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui« , en référence aux attaques de vitrines d’un grand magasin de décoration et d’une agence immobilière, a refusé de comparaître. Il restera détenu jusqu’au renvoi de l’audience au 24 mars. Lundi quatre jeunes de 14 à 18 ans avaient écopé de peines légères de travaux d’intérêt général et de deux mois avec sursis pour l’un d’eux.

En tout une quinzaine de personnes avaient été interpellées après cette manifestation qui a fait trois blessés parmi les policiers. Une manifestation similaire à Nantes a fait 10 blessés parmi les forces de l’ordre et entraîné l’interpellation de 10 personnes.


Toulouse : le NPA se dissocie aveuglément du cassage de vitrines

Le NPA, organisateur de la manif’ anti-Sivens à Toulouse, relativise les dégradations, Voix du Midi, 24 février 2015 – 15:39

Quelques jours après les incidents en marge de la manifestation anti-Sivens, le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) 31 prend la parole.

Organisateur de l’évènement, le NPA remarque, par voie de communiqué de presse, que « casser des vitrines ne fait pas partie de nos méthodes et nous ne pensons pas que cela fasse avancer la lutte, bien au contraire ».

Pour autant, « nous ne mettons pas sur le même plan des dégâts matériels regrettables d’un côté et de l’autre, la mort d’un homme (Rémi Fraisse, ndlr) et les blessés graves qui l’ont précédée, résultant des violences des forces de l’ordre », poursuivent les représentants locaux de la formation politique.

« Cassages aveugles » contre « matraquages aveugles »

Le NPA met, du reste, en perspective les violences de quelques manifestants à celles des forces de l’ordre. « Contrairement à novembre, la préfecture de Haute-Garonne avait autorisé la manifestation, mais cela n’a pas empêché un dispositif policier particulièrement pesant. A la mi-parcours, des jets de peinture et cassages de vitrine « aveugles » (un magasin de chaussures par exemple) ont fourni le prétexte aux forces de l’ordre pour des gazages et matraquages non moins aveugles (des photographes de presse auraient notamment été matraqués) ».

« L’impunité jusqu’ici des responsables de la mort de Rémi Fraisse, la fuite en avant répressive qui a suivi, tout cela a vraisemblablement joué un rôle dans la situation aujourd’hui », veut comprendre le NPA.

Enfin, il ne voudrait pas « que ces incidents fassent oublier l’essentiel : la lutte pour l’arrêt immédiat de tous ces grands projets nuisibles et inutiles ! »

Rappelons que les débordements de la manifestation ont occasionné des dégradations dans 23 commerces du centre-ville. 16 personnes ont été interpellées.


Il n’y a pas d’islamisation radicale dans les prisons françaises Abdel-Hafed Benotman (septembre 2008)

Hafed est mort… m’enfin, il ne nous quitte pas  salut l’artiste!!!

[…] Il n’y a pas d’islamisation radicale dans les prisons françaises. Prisons qui, soit dit en passant, ne se transforment pas en boîte d’intérim pour terroristes potentiels. Si c’était le cas, au sein d’un des pouvoirs répressifs de l’Etat que sont les prisons, il y aurait des attentats violents intra-muros. Le fameux Djihad commencerait sur place par des agressions mortelles sur le personnel pénitencier. Ce qui n’est pas le cas. Je vais essayer de développer.

 

Ce n’est pas la pensée religieuse qui islamise la population carcérale mais l’indigence sociale. Il faut savoir que 90% de cette population est en état de grande paupérisation. C’est l’indigence qui fait que, même des Français d’origine française basculent en écoutant les discussions que les musulmans tiennent comme de véritables colloques dans les recoins des cours de promenade, sur des pelouses pouilleuses ou sous des préaux insalubres. En dehors des affinités amicales (petits groupes de droit commun se connaissant du dehors) les musulmans sont les seuls à pratiquer la notion de partage et d’entraide. Entre détenus musulmans, ou en voie de le devenir et ne se connaissant pas, peu de choses sont mises en commun. Des timbres jusqu’à la nourriture, l’essentiel se donne entre musulmans (à part l’Institution qui gère les indigents en leur procurant une humiliante charité). Un prisonnier sans le sou doit réclamer un autre rouleau de papier W.C. en cas de courante s’il a utilisé le rouleau mensuellement distribué. C’est dire…

Que se passe t-il donc dans nos bonnes vieilles prisons ? C’est simple, depuis le début des années 90, après les grandes émeutes revendicatrices de la fin des années 80, l’Administration pénitentiaire a encouragé l’islamisation afin d’assurer la pacification des prisons. De la même manière que les élus (maires et autres) ont appelé les imams de tout poil à la « rescouscous » lors des émeutes de banlieues.

De nombreux procès ont eu lieu dans les années 80 où des mutins plutôt gauchistes ont été lourdement condamnés. De nombreux transferts de soi-disant meneurs ont cassé les mouvements tout en les dispatchant aux quatre coins de la France carcérale. Pour l’exemple, moi-même, incarcéré à Fleury-Mérogis où se concentrent aux heures de promenade entre 100 et 200 détenus, au bout de deux jours, la direction m’a fait transférer à Fresnes où nous n’étions que deux détenus en promenade. Une manière de désamorcer une possible prise de parole auprès de mes 200 co-détenus dans un des bâtiments de Fleury-Mérogis.

Pourquoi encourager l’islamisation dans les prisons et de quelle manière ? L’Administration pénitentiaire a facilité la prise de parole de certains musulmans imams autoproclamés. Une manière de « caïdat », contre des prisonniers pouvant créer des mouvements de revendication sociale… Aussi bête et simple que ça.

L’Administration pénitentiaire a été prise alors à son propre jeu quand les jeunes prisonniers, sensibles aux discours religieux, se sont insensiblement mis à observer une bonne hygiène de vie. Beaucoup ont cessé de fumer shit et tabac. Ils se sont mis au sport. Ont changé de langage : la vulgarité verbale indispose le Divin. Ils se sont moins bagarrés entre eux et se sont débarrassés petit à petit de cette addiction terrible, intra-muros, à la pornographie qui éteint le prisonnier frustré sexuellement. Mais le pire, pour l’Administration pénitentiaire, c’est d’observer que le prisonnier devenu musulman ne fréquentait quasiment plus le dealer légal qui siège dans toute bonne pharmacie de prison, la lecture du Coran devenant une sorte de règlement intérieur. Bref, un cerveau oxygéné est moins malléable et la prison ne devient plus un lieu de punition sociale pour ces jeunes musulmans, mais une épreuve envoyée par Dieu pour les éprouver. Dieu ayant décidé que ces jeunes devaient faire de la prison, la Justice des hommes devient peanuts et n’a plus prise ni sur les corps, ni sur les consciences. La volonté divine prime sur la fatalité sociale. L’Administration pénitentiaire perd son rôle d’épouvantail et son pouvoir de rétorsion.

Avant, l’abrutissement généré par l’Administration pénitentiaire (par la T.V. etc.) se confrontait à l’abêtissement distillé par le religieux. Faire venir des imams en prison – pendant longtemps ils ont refusé de reconnaître le culte musulman -, c’est casser les imams autoproclamés qui revendiquent uniquement pour leur culte. L’administration pénitentiaire s’est laissée dépasser par cette nouvelle génération de prisonniers pour la simple et bonne raison qu’elle n’a plus prise sur eux. Quant au terrorisme, il est plus à craindre des milieux intellectuels et étudiants que des prisonniers musulmans qui, une fois sortis, pour pouvoir bouffer retournent dans la spirale de la survie économique et reprennent illico leur petit bizness.

Après la discrimination vient la criminalisation. Montrer les prisons comme étant des lieux générant le terrorisme en est la parfaite démonstration. Il est vrai que quelques imbéciles se laissent prendre à ce piège, j’ai moi-même eu quelques soucis en tant que maghrébin athée face à la pression communautariste, mais sans jamais parvenir au point de rupture et toujours à cause de deux ou trois illuminés – certainement bien plus mécréants que moi – qui cherchaient à se créer un statut dans la religiosité à outrance.

Et, comme disait l’autre :

– J’ai rencontré Dieu en prison.
– Que faisait-il là ?
– Oh, il y était pour escroquerie…

30 septembre 2008,
Abdel-Hafed Benotman,

texte  lu sur non fides

 

Le journal Avalanche n°4 vient de sortir

source

Chers compagnons, chères compagnonnes,

Le quatrième numéro de Avalanche vient de sortir. Pour obtenir des exemplaires, il suffit de nous envoyer un mail : correspondance[at]riseup.net. Sinon, il est toujours possible de télécharger le journal sur le site avalanche.noblogs.org. La version espagnole et allemande de ce quatrième numéro sortiront bientôt.

des salutations anarchistes,
avalanche

Dans ce numéro :

Uruguay – Introduction nécessaire à un travail plus nécessaire encore
Mexique – L’apologie libertaire envers le langage juridique
Mexique – Le conflit au Mexique et une critique du milieu anarchiste
Chili – Sur le danger de transformer l’anarchie en un ensemble de pratiques “alternatives” sans contenu offensif contre le pouvoir
EU – Nous accueillons le feu, nous accueillons la pluie
Suisse – Contre la « ville des riches »
Espagne – La boîte de Pandore et le fourre-tout de l’antiterrorisme espagnol
Italie – La légende de la vallée qui n’existe pas
Grèce – Déclaration d’Andreas-Dimitris Bourzoukos au procès de Velvento
Grèce – A propos de la nouvelle loi

Toulouse, 21 février : Manif, affrontements, casse et interpellations

source de la page

la dépêche / dimanche 22 février 2015

Toulouse 21 2 15 1Vitrines de commerces brisées, tags hostiles à la police sur les murs et panneaux publicitaires dégradés, entre la rue de Metz et la place du Salin, à Toulouse. Hier après-midi, la manifestation des anti-Sivens qui a réuni environ 450 personnes [800 selon Iaata.info; NdR], toutes opposées au projet de construction d’un barrage sur la zone du Testet, dans le Tarn, a donné lieu à des débordements orchestrés par des groupes de casseurs en cagoule. Les forces de l’ordre très nombreuses (250 dont 163 CRS) ont procédé à 16 interpellations pour des violences avec armes par destination (jets de marteau ou bouteille en verre) et insultes en série sur les policiers.

Criant leur rejet d’un monde livré «à la marchandisation» et clamant leur hostilité au projet du barrage de Sivens, dans le Tarn à propos duquel la justice vient d’ordonner l’évacuation partielle du site occupé par les opposants, les manifestants des «zones à défendre» (zadistes), ont défilé durant plus de deux heures. Mais derrière ces revendications anti-libérales, des slogans hostiles aux forces de l’ordre ont fusé très vite parmi le cortège de manifestants encagoulés et vêtus de noir. Des voix s’élèvent : «Tout le monde déteste la police!», «Flics assassins!». Les manifestants avancent en déployant une banderole noire à la mémoire de Rémi Fraisse, le jeune écologiste tué par une grenade défensive de la gendarmerie sur le site du projet contesté du barrage de Sivens, le 26 octobre 2014. La tension monte d’un cran. Des zadistes déguisés en clown font leur numéro devant des policiers casqués.

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Il est 15h45, à l’angle de la rue de Metz et du boulevard Carnot. Des forces de l’ordre sont prises pour cible : jets de marteau, de peinture et de bouteilles. Ils répliquent à coup de lacrymogène. La manifestation des zadistes dérape. Quelques dizaines d’activistes profitent de ce moment de violence pour s’engouffrer dans les ruelles adjacentes à la rue de Metz. Leur cible : la rue des Arts et ces magasins de luxe. Une vitrine sur deux est fracassée en un temps éclair. «J’étais derrière une porte et j’ai vite tiré mon rideau quand j’ai entendu des détonations, explique ce commerçant, dépité. En très peu de temps ils ont jeté des cailloux contre des vitrines de magasins. Il y avait beaucoup de gens autour d’eux qui prenaient des photos.» Rue de Metz, des devantures de banque et d’assurance sont également brisées. Des façades de distributeurs automatiques sont fissurées. Des casseurs visiblement bien organisés. Une fois les exactions commises, ils auraient pris la fuite du côté du quai de Tounis pour changer de vêtements. […] Vers 17h30, les derniers irréductibles s’éparpillent place du Parlement où le canon à eau des CRS les incite à la dispersion. Bien aidé aussi par un orage de grêle dissuasif.

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Toulouse, square de Gaulle, 13 h 55. Le pavé est bien gris, les passants mouillés et clairsemés, les journalistes nombreux, les forces de l’ordre casquées. Une petite centaine de manifestants installe des pancartes dans les espaces verts, «Non au béton », «La croissance tue », «La forêt c’est ma patrie »… La manif nationale des ZAD (zones à défendre) sera peut-être tranquille. Sur le côté, le parti NPA défroisse ses drapeaux. À l’arrière, une chorale d’anarchistes venus du Comminges entonne un «Qui a tué Rémi Fraisse ? ». Des clowns au nez rouge zigzaguent en jouant avec les caméras et appareils photo des journalistes pas toujours bienvenus. […]

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À 15 heures, rue Alsace-Lorraine, devant des passants hébétés, plusieurs dizaines de manifestants scandent : «Tout le monde déteste la police », «Flics assassins ». Cinquante minutes plus tard, rue de Metz, tout bascule. Un des manifestants admet à demi-mot que tout avait été planifié, notamment l’attaque de Vinci à coups de marteau. Les manifestants les plus violents ont utilisé le mobilier urbain pour casser des vitres et des pare-brise. Comme en novembre, le centre-ville de Toulouse est devenu zone à saccager.

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[…] Les commerçants sont exaspérés [ha ha ha!]. Ils demandent à être reçus lundi par le préfet. «Les forces de l’ordre n’ont pas été à la hauteur de la situation. Le centre ville ne plus être un terrain de jeux entre Zadistes et CRS ! Si la police n’est pas capable d’assurer la sécurité, nous serons contraints d’envisager des mesures pour assurer la sécurité de nos biens et de nos clients », s’emporte Philippe Léon, président de la fédération des commerçants de l’hyper-centre de Toulouse.

 

Bilan de Iaata.info :  une trentaine d’interpellations et 7 personnes en Garde à Vue.

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Toulouse/Nantes : manifestations « contre la violences policières » & affrontements

source Brèves du Désordre

ZAD, violences policières : Des manifestations tendues à Nantes et  à Toulouse

20Minutes, 21.02.2015 à 17:25

Jets de pierres contre canons à eau à Nantes. Jets de peinture contre gaz lacrymogènes à Toulouse. La manifestation organisée à Nantes contre les violences policières et celle organisée à Toulouse pour les « zones à défendre » (ZAD) ont été perturbées par des incidents ce samedi après-midi a constaté l’AFP.

Un policier blessé légèrement au thorax à Nantes

A Nantes, environ 800 manifestants, selon la police, ont défilé derrière une banderole « Contre les violences policières, sociales, économiques… Résistance ». La tension est montée peu avant 16h, quand des manifestants encagoulés ont jeté des pierres vers les forces de l’ordre, qui ont répliqué avec des canons à eau pour tenter de les disperser, a constaté un photographe de l’AFP.

Un policier a été blessé légèrement au thorax par un jet de pierre et transporté au CHU. Deux manifestants ont été interpellés, l’un pour port d’arme et l’autre pour jet de projectile, a indiqué la police.

Cette manifestation était organisée un an après la protestation du 22 février 2014 contre l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, qui avait réuni 20.000 à 50.000 personnes à Nantes, selon les sources. Des heurts violents avaient alors fait de nombreux blessés, dont trois manifestants qui avaient perdu un œil, après des tirs de balles souples de type Flashball ou LBD40.

Hommage à Rémi Fraisse à Toulouse

A Toulouse, une manifestation en soutien aux « zones à défendre » (ZAD) a réuni 450 personnes, selon la police. Les manifestants ont dénoncé « l’agriculture intensive et le monde des bétonneurs ».

Les forces de l’ordre ont répliqué aux jets de peinture des manifestants par des gaz lacrymogènes, a constaté l’AFP. Pendant ce temps, d’autres manifestants lançaient des projectiles contre des vitrines, dont celle d’un bureau de transferts d’argent et d’un magasin de décoration.

Les protestataires, souvent très jeunes et pour beaucoup le visage masqué, avaient déployé en tête de cortège une banderole noire aux lettres blanches, à la mémoire du jeune écologiste Rémi Fraisse : « Je suis Rémi et toutes les autres victimes de la police ». « On n’oublie pas, on ne pardonne pas ».

Le jeune homme avait été tué par une grenade défensive de la gendarmerie sur le site du projet contesté du barrage de Sivens (Tarn) le 26 octobre 2014.

Sur une autre banderole, un avertissement : « Il n’y a pas de planète B : ZAD partout ». Les manifestants ont clamé des slogans comme « Tout le monde déteste la police », « Flics assassins ».

Parmi les manifestants, quelques drapeaux du NPA (extrême gauche), co-organisateur du mouvement. Plusieurs dizaines de jeunes s’étaient grimés en clowns. Quelques autres étaient déguisés en plante.

A Toulouse comme à Nantes, le dispositif des forces de l’ordre était particulièrement important, les précédentes manifestations du même type ayant donné lieu à de nombreux affrontements et dégradations dans les deux villes.


Toulouse. La manif anti-Sivens dégénère dans le centre-ville

Voix du Midi, 21 février 2015 – 17:46

Rebelote. Après les manifestations de novembre dernier qui avaient dégénéré à Toulouse, celle de ce samedi 21 février n’a pas dérogé à règle.

Pourtant, tout avait bien commencé. Des centaines se sont rassemblées square de Gaulle à 14h et c’est sous la pluie que le cortège s’est mis en branle à 14h55 rue Alsace-Lorraine, vers Jeanne d’Arc. Les messages sur les banderoles étaient très divers – « Non à la répression, oui à l’expression », « Il n’y a pas de PLANète B ZAD partout » – dans un cortège escorté par des policiers en uniforme ou en civil sur chaque trottoir pour surveiller les manifestants et protéger les éventuels débordements.

« On va faire du lèche-vitrines à coups de barre à mine »

Mais tout a dégénéré rue de Metz en direction d’Esquirol, vers 15h45, quelques minutes après que la foule eut plusieurs fois crié le slogan « Vive le van, vive le van, vive le vandalisme, on va faire du lèche-vitrines à coups de barre à mine ! ».

Pétards, fumigènes : des dizaines de casseurs se sont désolidarisés du cortège pour attaquer les vitrines des commerces, et ont emprunté un parcours qui les ont menés respectivement rue de Metz, rue des Arts, place Mage et aux Carmes. Ce n’est que quai de Tounis qu’ils ont été chassés par les CRS jusqu’à Palais de Justice, avant de se disperser.

La rue des Arts a trinqué

Résultat : des nombreuses vitrines d’agences bancaires ont été brisées à la masse, et plus de la moitié des commerçants de la rue des Arts, côté quartier Baragnon, ont été la cible de ces attaques. Notamment la responsable de DMS Chausseur, qui a eu une peur bleue ce samedi et dont la totalité de la vitrine a été brisée en mille morceaux. « J’étais derrière la vitre en train de baisser la grille quand ils ont attaqué la vitrine. J’en ai ras-le-cul maintenant. En plus, on n’a reçu aucun mail de la mairie ni de la CCI (Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse, ndlr) pour nous dire qu’il allait y avoir une manif. Je vais porter plainte contre mon agresseur et contre la mairie de Toulouse », explique–t-elle, furieuse mais encore sous le choc.

Quant à la manifestation officielle, elle s’est poursuivie rue de Metz, avant de tourner vers la rue Alsace-Lorraine et de poursuivre rue Languedoc et terminer vers la place du Salin, son arrivée initiale.

La manifestation, co-organisée par le NPA 31 (Nouveau parti anticapitaliste) contre le projet de barrage de Sivens, contre les violences policières et en mémoire à Rémi Fraisse, avait pourtant été autorisée par la préfecture de Haute-Garonne dans la semaine. Les services de police ont déjà procédé à une interpellation.

Dans le même temps, un rassemblement des pro-barrage était organisé à Albi (Tarn).


Nantes Fin de manifestation : des interpellations et des blessés

Presse Océan, 20.02.2015 18:02 (extrait)

Les brigades de CRS ont bloqué l’accès au centre-ville. Place du Bouffay, après avoir utilisé pour la première fois un canon à eau, les forces de l’ordre ont procédé à deux premières interpellations.

Repoussés jusqu’en fin d’après-midi vers le CHU, une centaine de manifestants a finalement été dispersée. Non sans casse : des abris-bus vandalisés et du mobilier urbain attaqué à coups de pioche du côté de la gare routière.

 

Abdel-Hafed Benotman – Une vie contre les barreaux

relevé sur indymedia.nantes

Abdel Hafed Benotman était un voyou à l’ancienne, générosité à fleur de peau, grande gueule en embuscade. Un braqueur sans arme qui avait passé 17 ans en prison. Un auteur de romans noirs talentueux. Un sans papiers, aussi, à qui l’on refusait le droit de travailler. Abdel Hafed Benotman est mort. C’est une très triste raison de republier l’entretien qu’il avait accordé en 2008 à Article 11.

Abdel Hafed Benotman était un type extra. Il faisait partie de ces gens sur qui on tombe à l’improviste au détour d’une manif ou d’un comptoir de bar, toujours avec plaisir. Hafed a disparu, et c’est bien triste. En guise d’hommage, voilà le verbatim d’un entretien publié sur le site en 2008 – l’interview avait fourni le prétexte à un joyeux guet-apens au ti-punch dont on s’était difficilement tiré…

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« Je crois en la justice de mon pays, rigole l’Apatride ! »

On a rendez-vous dans le petit restaurant associatif dont il s’occupe depuis peu avec sa compagne Francine, Porte de Vanves dans le 15e arrondissement1. A la bourre, il finit par arriver, rigolard et chaleureux. Entre deux tables desservies, deux discussions avec les habitués du lieu, deux pauses clopes, il s’enflamme, provoque, ravi de se mettre en scène.

Grande gueule devant l’éternel, Hafed Benotman parle de tout, saute d’un sujet à l’autre, toujours provocateur, rarement dans la mesure. Entre ses expériences carcérales, son militantisme, ses romans, ses expériences du braquage, sa vision de la société contemporaine etc., on se laisse porter par la verve du personnage, la justesse de ses constats radicaux et ses talents de conteur.

Très vite, on abandonne l’idée du portrait. Impossible à réaliser, le bougre a trop de facettes : s’attarder sur une, c’est délaisser les autres. Et quel angle choisir, quel personnage privilégier ?
L’amateur de bons mots qui, un jour de musculation dans la prison de Fresnes, taille une bavette avec Rachid Ramda (celui qui a financé les attentats islamistes de 95), se voit reprocher son désintérêt pour la religion et rétorque d’un cinglant « L’islamisme ? La barbe ! » ?2
Le Mesrine non-violent, bandit multirécidiviste spécialisé dans les attaques de banque en solitaire et sans arme, Arsène Lupin classieux qui ne regrette rien ?
Le militant qui tient un blog cinglant sur Bibliobs (Style au noir,ici), a contribué à la création du journal favori des taulards, l’Envolée, et participe à l’émission de radio du même nom3 ?
L’auteur de polars à la plume acérée, publié sans le savoir alors qu’il était en cavale, qui se revendique « cancre » intellectuel mais cite Nietzche comme influence majeure ?
Le symbole de l’absurdité des politiques d’immigration françaises, Algérien né en France mais à qui on refuse des papiers, type décidé à bosser mais interdit d’activité professionnelle ?

Cruel dilemme qui ne laisse pas le choix : on revient au principe de l’entretien. Et on laisse dérouler la cassette. Le lecteur n’y perdra rien, bien au contraire.

*

Tu as passé une grande partie de ta vie en prison. A quel point cette expérience a défini l’homme que tu es ?

La prison, c’est le territoire où j’ai rencontré quasiment toutes les pathologies existantes. C’est comme un carrefour où se croisent des destins déviants : les fous, les malades, les vrais assassins, les innocents, avec toutes les catégories sociales et quasiment toutes les nationalités. J’y ai rencontré des Américains, des Africains, des Asiatiques etc. Si tu n’es pas ouvert, si tu ne cherches pas à t’ouvrir à eux, alors tu te replies, tu te scléroses, tu commences à tomber dans le mépris. Ce que j’ai toujours évité.
A l’arrivée, la prison n’a pas été un terrain d’écriture pour moi. Par contre, ça a été un terrain de rencontre.

Un « terrain de rencontre » ? Ca ne va pas trop avec l’image qu’on a des prisons…

J’ai 16-17 ans de taule derrière moi. Et je peux te dire que l’ultra violence carcérale, c’est un fantasme, un mythe. Le truc sur lequel jouent les séries américaines comme Prison Break ou que met en scène Hollywood. Ce n’est pas la réalité en France, même si ça existe aux États-Unis.
Avec cette concentration d’êtres humains qui vivent et cohabitent se crée forcément une forme d’entraide, de solidarité. Sinon, tu verrais les ambulances et les corbillards sortir constamment des prisons. Ce n’est pas le cas. Il y a un équilibre qui se fait, avec une certaine dose de tolérance. Ça naît aussi d’une situation commune : tous sont écrasé par le même système. Plus tu compresses les gens en prison, plus ils deviennent solides, agglomérés et solidaires. Chacun a une histoire, qui renvoie à celle de l’autre. Quand tu es dans le fourgon et qu’on te met les chaînes aux pieds, il y a quelque chose qui se crée avec ceux qui sont en face de toi, dans cette même situation humiliante.

Tu as commencé à écrire en prison ?

L’écriture me vient d’avant la prison. A l’intérieur de la prison, l’écriture m’a plutôt servi d’arme de combat. J’ai commencé à écrire des courriers pour les copains, à m’intéresser au droit (je suis devenu un bon juriste à force d’aider les copains sur leurs dossiers). Ça m’a amené à une écriture politique. J’ai très peu écrit de fiction en taule, j’ai fignolé certains récits écrits avant, mais je n’ai lancé aucun roman alors que j’étais enfermé. Par contre, j’ai écrit beaucoup d’articles de presse. Et on a crée un journal, L’Envolée, qui existe encore maintenant et auquel je participe toujours.

Dans ton dernier livre, Marche de nuit sans lune4, tu développes une vision très sombre de l’humanité.

C’est vrai que j’ai une vision très brutale de l’homme. L’approche du roman noir t’amène à aller fouiller vraiment dans la merde. D’ailleurs, les meilleurs écrivains de roman noir sont ceux qui vont chercher très loin dans l’horreur humaine.
Dans mes romans, je défends les criminels, dans le sens où je ne les juge pas, je les pose comme ils sont. Je les aimes ou je ne les aime pas, là n’est pas la question. Mais j’ai toujours préféré le criminel qui passe à l’acte et qui en paye les conséquences, par la prison, la mort ou l’exil, que celui qui commet des crimes dans l’impunité, le délateur qui se cache derrière les lois. Ce qui me débecte vraiment, c’est l’impunité des salauds.

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Dessin de l’ami Tristan, réalisé suite à l’entretien

Avec quatre condamnations, tu es entré pour la première fois en prison en 1976 et tu en es sorti la dernière fois en 2007. Le système carcéral a évolué ?

Dans le fond, la prison n’a pas changé. Que ce soit dans les années 1970 ou 2000, ça reste insoutenable, puisque c’est du domaine de l’enfermement. Ce que eux appellent des améliorations relève du confort : si tu as de l’argent, tu peux cantiner une télé, par exemple. Mais avec ou sans la télé, tu restes enfermé entre quatre murs. Le fond n’a pas changé. Si on t’enfermes pendant 20 ans dans une chambre du plus beau palace de Paris, tu pètes les plombs aussi.
Pour le reste, ça s’est évidemment aggravé. D’abord, les peines sont plus longues, il y a désormais des perpétuités réelles. Avant, quelqu’un condamné à perpét sortait au bout de 15 à 20 ans ; maintenant, ce sera au bout de 25 à 30. Sous prétexte de confort carcéral, on a allongé les peines. Alors qu’on se fout du confort en taule, ce qui est horrible, c’est de se faire prendre un long moment de sa vie.
Moi, je suis un voleur. Mais je ne suis jamais tombé dans ce qu’on appelle « l’irréparable ». Si demain j’écris un best-seller qui se vend à 3 millions d’exemplaires, je pourrais aller voir les banques et dire : « Je vous rembourse ». Je pourrais le faire. Mais je ne le ferai bien sûr jamais. Pour la bonne raison qu’eux ne me rendront jamais une seule seconde de ma vie. Je n’ai jamais tué personne, donc jamais touché au temps de vie des autres. Eux si.

Tes braquages n’ont jamais tourné de manière sanglante. Tu as eu de la chance ?

Non. Chez les braqueurs pour qui ça tourne mal, il y a de la malchance mais surtout de la bêtise. De nos jours, si tu es braqueur et que tu rentres dans une banque, tu n’as pas grand chose à faire. Il y a des protocoles bancaires qui disent : « Quoi qu’il se passe, l’important est que le malfaiteur sorte le plus vite possible. Vous avez ordre de lui donner ce qu’il veut. »
Quand je suis passé en cours d’assise, le personnel des banques est venu. Aucun ne m’a demandé un centime de dommage et intérêt pour « traumatisme ». Ils auraient pu.

Tu n’utilisais pas d’arme ?

Non, pas besoin d’arme pour braquer une banque. Tu fais juste croire que tu en as une. Un hold-up, tu le fais discrètement, tu n’entres pas en hurlant et avec un bas sur la tête, ou sinon tu es tout de suite repéré par les caméras de surveillance et les flics déboulent. Je braque sans que personne ne s’en rende compte, en dehors des personnes à qui je m’adresse.
Dans la vision commune du braquage, il y a une part de fantasme, très cinématographique. Alors que le hold-up doit être le plus calme possible.

Mais si ton visage apparaît sur les caméras, tu te fais très vite prendre, non ?

Non, parce que c’est chercher une aiguille dans une botte de foin. Même en tant que récidiviste, si tu fais ça bien, ils ne te trouvent pas dans leurs fichiers. Tu te débrouilles pour que ton visage soit un peu camouflé, maquillé ; les caméras filment d’en haut, donc la qualité est un peu médiocre. Pour mon dernier braquage, ils cherchaient un type entre 25 et 30 ans, alors que j’en ai dépassé 40 ans. Il faut jouer de ça, aussi. Tu sais que si tu y vas à visage découvert, les mecs se disent que c’est ton premier braquage et n’ouvrent pas leurs fichiers. Ça met à mal le mythe de la police scientifique qui débarque avec son arsenal de limier, mais c’est comme ça que ça se passe. Pour te faire choper dans ces conditions, il faut que tu sois dénoncé.

Si c’est si simple, pourquoi es-tu tombé quatre fois ?

Ce qui est mauvais, c’est de bosser à plusieurs. Plus tu multiplies les associés, plus ça risque de mal tourner. Moi, c’est un ami qui m’a balancé la dernière fois. C’était un pote qui croyait qu’on ne pouvait pas braquer une banque sans arme, dans sa tête c’était impossible. Je lui ai proposé mais il s’est dégonflé et m’a posé deux lapins. J’ai fait le truc tout seul et lui a préféré braquer des hôtels. Il s’est fait choper. Comme il sortait de prison, les flics lui ont demandé s’il avait des trucs à raconter. Et il m’a balancé.
Là, l’erreur venait de moi. Se faire dénoncer à 20 ans, c’est normal. Passé 40 ans, c’est impardonnable. J’ai pris 3 ans et demi. L’avocat général a dit : « Mettez moi cette saloperie dehors, il en chiera plus qu’en prison… » Il n’avait pas tout à fait tort : la prison ne m’atteint pas.

Comment ça ?

La plus grande violence faite à l’humain c’est la soumission. Moi, ils ne m’ont jamais soumis : j’écrivais, je revendiquais, je vivais. Je me suis fait virer de Fleury-Mérogis, la grande usine carcérale, parce que quand le directeur a su que j’étais là, il m’a fait transférer en urgence à Fresnes. A Fleury, en promenade, tu es entre 100 et 200 personnes, tu peux parler avec eux, fomenter une révolte. Alors qu’à Fresnes, on était deux en promenades, deux DPS (détenus particulièrement surveillés). J’étais avec un mec du Monténégro qui ne parlait pas Français et qui ne pensait qu’à s’évader. Ensuite, ils m’ont mis avec les Basques, puis avec les Corses. Des endroits ou je ne pouvais pas faire de prosélytisme.
Et je suis toujours sorti en fin de peine. Jamais en conditionnelle. Parce que je ne me suis jamais soumis. Je n’ai jamais été dans la comptabilité, parce que le terrain m’intéressait.

C’est un point de vue très particulier…

Je suis atypique, complètement. C’est pour ça que j’écris aussi. J’ai un regard très distancié sur la chose, j’en profite pour accumuler du matériau.

Tu t’es déjà évadé ?

Oui, sans violence. Je me suis fait envoyer un faux dossier médical disant que ma mère était morte. J’étais en fin de peine, ils m’ont laissé six heures pour aller à l’enterrement, sans escorte. Permission exceptionnelle, je me suis fait la belle.

Ce n’était pas un peu contre-productif, de s’évader en fin de peine ?

Un type qui est en permission et qui revient pas, c’est un imbécile, je te l’accorde. Dans mon cas, je devais passer devant une commission d’expulsion à la sortie, pour me renvoyer en Algérie. Ils m’auraient directement renvoyé là-bas, je préférais être en cavale.

Tu es sans-papier, c’est ça ?

Je suis né en 1960, en France, sous ce qu’on appelle le statut d’indigénat. Sujet Français mais pas citoyen Français, car fils d’Algériens. Ceux nés avant l’indépendance pouvaient demander à devenir français. Mais à l’adolescence, je ne pouvais pas dire ça à ma famille. C’était un peu comme si tu avais annoncé à tes parents français en 1950 « je veux devenir allemand », ça n’aurait pas passé. C’est pour ça, parce que personne ne voulait exploser la cellule familiale, que la majorité des réintégrations à la nationalité française se sont faites dans les années 1990. Moi, à cette époque, je ne pouvais plus, à cause de mon casier5

Et maintenant, tu es potentiellement expulsable ?

Je vais passer devant une commission de titre de séjour pour savoir s’ils me donnent une carte de résident, valable six ans. J’attends. Si elle me dit non, j’irai au tribunal administratif et je ferai appel si nécessaire. Et si la cour administrative d’appel refuse, j’irai en cour européenne : elle condamnera obligatoirement la France.
Le problème, c’est que pendant ce temps, ils ne me laissent pas travailler et que je n’ai pas de couverture sociale. Eux veulent me faire péter les plombs, que je replonge. Ils me connaissent, ils savent que je ne suis pas quelqu’un qui va aller mendier. Si j’ai besoin de cent euros, je taperai un pote. Je le ferai une fois, deux fois, trois fois peut être. Et à un moment, je vais dire : « Oh là, ça va, y’en a marre. Elle est où la banque ? »

Tu voudrais travailler et on ne te laisse pas le faire ?

Oui. Le réalisateur Jacques Audiard voulait bosser avec moi sur son prochain film, il a écrit au préfet pour demander une simple dérogation, pour me permettre de bosser. Ils ont dit non. Il y a beaucoup de gens comme moi. Fondamentalement, ils ne veulent pas de la réinsertion, elle n’arrange personne.
La récidive sert tout le monde. Elle fait tourner l’insécurité, elle laisse en prison des travailleurs sous-payés (ils ont fait le calcul, ça leur revient moins cher de faire bosser un type en prison que de faire bosser des gosses dans le tiers-monde) pour lesquels il n’existe pas de droit du travail. Le prisonnier, c’est le fantasme du chef d’entreprise. En France, tu as des communes qui pleurent pour avoir une prison sur leur territoire. Ça fait travailler les commerçants, ça apporte une main d’œuvre, ils bossent pour la ville…

La prison telle que tu la décris est une métaphore de la société ?

La prison est la matérialisation physique de l’enfermement extérieur. Mais c’est le dernier enfermement d’une chaîne. Le mec qui dort dans la rue avec son carton est un taulard. Il est peut-être plus misérable que le mec en prison.

Et la récidive arrangerait tout le monde ?

Bien sûr. On nous fait passer pour des monstres. L’idée principale, c’est qu’on passe notre temps à nous violer et à nous sodomiser dans les douches. Le cliché de base. Quand tu sort, les gens te voient comme un pervers. Le mec à qui tu demandes un emploi, il te regarde en pensant que tu t’es fait enculer sous la douche. Ta parole n’est plus crédible. Là aussi, le cliché te pousse à la récidive : personne ne veut de la réinsertion, puisque tu es déjà catalogué monstre irrécupérable.
Regarde-moi : je suis un multirécidiviste. J’ai des papiers valables trois mois, avec marqué dessus « n’autorise pas son titulaire à travailler. » Tu t’imagines ? On me dit, tu n’as pas le droit de bosser. Donc on me pousse à récidiver. Si je n’étais pas intelligent, si je n’étais pas en guérilla sociale via mon association, si je n’avais pas mon éditeur Rivages, comment je ferais ? Je finirais dans un carton, ou je deviendrais dangereux, ou je me laisserais pousser la barbe et j’irais voir mes frères musulmans en leur disant : « T’as vu ce qu’elle me fait, la France ? Je suis né ici et elle ne me laisse pas travailler, elle ne me donne pas de papiers, vengeons-nous. » D’une manière ou d’une autre, l’état aurait réussi à me recycler. Soit en taulard, soit en SDF, soit en islamiste, soit en fou dangereux.

C’est ce que décrit Bunker : une fois en prison, tu y reviens toujours.6

Quand tu as vu les coulisses et qu’on te dit « veuillez vous asseoir dans la salle pour regarder le spectacle », tu le regardes d’un autre œil. Tu n’y crois pas. Comme un tour de magie quand tu connais le truc.

Que penses tu d’associations comme l’Observatoire International des Prisons (OIP) ? Ils tentent de faire bouger les choses, non ?

Ils sont aussi dans le fantasme et dans la compromission. Je les connais très bien, je me suis même engueulé en direct sur France 2 avec Thierry Lévy, qui était président de l’OIP.
A l’Envolée, on avait la preuve qu’un type avait été tué par des matons. Le type était mort de ça, clairement, il avait été tabassé. Rentré le vendredi en prison, il avait été retrouvé mort le dimanche matin. L’administration disait qu’il s’était suicidé mais on avait la preuve formelle qu’il s’était fait défoncé la gueule au mitard. Dans l’émission, en direct (ils m’ont plus jamais réinvité…), je leur ai balancé le dossier en disant : « Tenez, voilà ce vous devriez traiter en priorité ! »
Le gamin s’appelait Eric Blaise, l’OIP avait le dossier. Ils l’ont gardé sous le coude, parce qu’ils sont financés par l’état et qu’ils ont des salariés. Alors c’est vrai : ils dénoncent quand il y a de vrais suicides, ils dénoncent la saleté des douches, des trucs comme ça, qui ne mangent pas de pain. D’ailleurs, il n’y a plus un seul taulard dans l’OIP. Quand on leur reproche, ils répondent : « On parle pour eux. » Du pipeau !

A t’entendre, on a l’impression que tout ce qui se dit sur les prisons relève du fantasme.

Bien sûr. Je te donne un exemple : demain, TF1 vient me filmer pour le JT. Ils vont m’interroger sur l’islamisation du monde carcéral. La nana ne me connait pas vraiment, mais moi je sais très bien ce qu’elle voudrait entendre : que les islamistes infestent les prisons. Je dirai le contraire, car ce n’est pas de l’islamisation mais de la solidarité communautaire. Le musulman en prison, il tombe sur d’autres musulmans qui vont l’aider, lui filer du tabac, des timbres. Forcément, il est tout seul, alors il se rapprochera d’eux. Mais c’est tout.
Si jamais l’islamisation était une réalité en prison, j’en serais le premier ravi, même si je suis athée. Parce qu’ils feraient tout péter à l’intérieur.

Ta valeur suprême, c’est l’insoumission ?

Je ne me rappelle plus qui a dit « Si le monde peut être sauvé, il le sera par des insoumis7 », mais j’y crois profondément. Tu as toujours des personnes, même dans les sociétés archaïques, qui se sont levées pour protester et garder leur fierté. Ce sont elles qui rattrapent la saloperie de l’humanité.
Donc, oui : je me revendique insoumis. Je suis convoqué demain matin à la préfecture pour une prise d’ADN, mais je n’irai pas. Je risque la taule, mais il est hors de question que je file mon ADN, que j’accepte ça alors que j’ai soutenu des collectifs qui se sont fait prendre sur des manifs et qui ont refusé. Après, si je suis dans une cellule et qu’ils me veulent mon empreinte ADN, je dirais OK. Car je répondrais à un rapport de force, je serais en position de faiblesse. Mais que j’y aille de moi même, il n’en est pas question.
Il y a eu une époque où le travail était obligatoire en prison (c’est Mitterrand qui, en 1982, y a mis fin). Mais je n’ai jamais accepté : réfractaire total, j’ai alors passé mon temps de prison au mitard. Dans une petite cellule avec rien du tout. Quand ils m’en sortaient, ils me disaient, « bon tu vas travailler là, dans cet atelier », je répondais « non ». Et je retournais au mitard.

Ça ne t’as pas plus marqué que ça ?

Non, c’est l’inverse qui m’aurait marqué. De me soumettre. De me courber pendant des heures sur un boulot débile. J’ai toujours tenu à l’insoumission plus qu’à tout. Même après ma sortie : on m’a invité sur des plateaux télé, mais je n’ai jamais baissé ma garde comme ils le voulaient.
Pareil pour ma régularisation. Il y a des gens qui m’ont dit, je peux t’avoir des papiers. Je répondais, « va plutôt voir ce type, il a une femme, quatre gosses, ils meurent de faim. Va le régulariser lui, moi je me débrouille. »
De toute façon, je suis un voleur, il n’y a pas de mystère.

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1 Adresse exacte du lieu, très conseillé, autant pour l’ambiance que pour la cuisine de Francine, à des prix très abordables : Diet Ethique, à l’angle de la rue de Chambéry et de la rue Fizeau, 15e, métro Porte de Vanves sur la ligne 13.

2 Ou qui sur le blog qu’il tient sur Bibliobs balance à propos du dernier livre de Christine Angot décrivant son histoire avec Doc Gyneco : « Il n’y a guère que cette pauvre intellectuelle d’Angot pour croire exceptionnel de se faire enc… par un sarkozyste. »

3 L’envolée sur FPP, 106.3, les vendredis soir à partir de 8H

4 Très recommandé, publié par les éditions Rivages, comme les autres ouvrages du sieur Benotman

5 Pour approfondir la question, Rue 89 a réalisé un bon article sur le cas de Benotman, ici. A lire.

6 Pour un retour sur Bunker et son point de vue sur les prisons, article ici

7 C’est une citation d’André Gide : « Le monde ne sera sauvé, s’il peut l’être, que par des insoumis. »

[Brochure] : A la mémoire d’un irréductible… António Ferreira de Jesus

Le texte d’hommage au compagnon portugais António Ferreira de Jesus, décédé le 6 novembre 2013 à l’âge de 73 ans après avoir passé près de 52 années dans les geôles du fascisme et de la démocratie, initialement paru en français dans Avalanche n°2 (juillet 2014), a été revu et corrigé.

On peut désormais le trouver en brochure (16 p A5, février 2015).
A télécharger sur le site d’Avalanche ou ci-contre.

Tout est possible, un jour de carnaval

La dernière décennie, nous avons été confrontés avec ces événements remarquables, du moins pour nos yeux occidentaux gonflés de sommeil : les forces de l’ordre qui se retirent temporairement de quartiers dont ils ont perdu le contrôle. Des explosions de rage auxquelles le pouvoir ne sait pas répondre, où il n’y a pas de dialogue possible parce qu’il n’y a pas de langage commun. Pas de formulation de revendications à négocier (même pas radicales) ; un manque pressant d’intermédiaires qui sauraient se faire quelque peu respecter par les émeutiers et qui évolueraient en même temps dans les coulisses de la politique ; aucun point de référence auquel la récupération pourrait s’agripper (comme il y en a lors des affrontements de rue suivant des mobilisations lors de mouvements sociaux). Ces déflagrations se distinguent par leur imprévisibilité (sans que cela veuille dire qu’elles seraient pour autant entièrement spontanées ou qu’elles tomberaient de la lune) et leurs impulsions destructrices.

Il y a beaucoup de choses à dire de chacun de ces événements spécifiques. Ils ont tous leur propre histoire avec sans doute des épisodes de crapuleries. Et il est peut-être impossible de donner une définition claire des intentions générales des émeutes et de leurs participants, mais il est probablement plus facile de dire ce qu’elles ne sont pas. Ce que nous avons vu, ce n’étaient pas des émeutes raciales, pas de conflits entre ethnies ou groupes religieux. Il n’y avait pas de signes d’une guerre civile entre différents groupes qui rivaliseraient pour le contrôle d’un territoire. Si cela avait été le cas, on aurait certainement vu d’autres scènes au moment du retrait des forces de l’ordre. Personne n’a fait usage de ces moments pour imposer un nouveau pouvoir avec son propre ordre ; nulle part on n’a vu d’affrontements importants entre émeutiers pour le contrôle du territoire. Bien au contraire, on saisissait l’occasion pour attaquer davantage, pour piller plus*, pour détruire encore plus. Ce que nous avons vu cramer, à part le mobilier urbain, c’était des écoles et des magasins, des bâtiments étatiques et capitalistes. Les portes d’entrée de la démocratie, de la vie de la consommation et de la production. Bref, des mécanismes d’intégration dans cette société.

Ces événements devraient donc au moins susciter la curiosité des anarchistes, d’autant plus qu’ils apparaissent dans notre champ visuel et sur notre terrain d’action. Le sceptique notera qu’une attaque contre la machine à intégrer relève peut-être plutôt d’un cri pour une meilleure intégration, d’une frustration à propos d’une intégration échouée. Une telle analyse (psychologisante) oublie qu’il n’y a pas eu de traduction politique à la suite de ces moments. La démocratie peut aujourd’hui bien investir davantage dans la répression, ses canaux d’intégration via toutes sortes d’associations, d’initiatives citoyennes, ONG etc. restent ouverts. Le fait qu’il n’y ait pas eu de tentatives de formuler cette rage politiquement (mis à part les quelques essais marginaux de l’extérieur, c’est-à-dire par des personnages qui n’ont pas participé aux explosions) peut être interprété comme un signe positif pour les idées anti-politiques que les anarchistes défendent. Cela ne veut évidemment pas dire que les anarchistes (ou qui que ce soit) puissent attribuer leur propre contenu aux émeutes ou aux émeutiers, mais cela rend possible un dialogue qui pourrait se révéler particulièrement fructueux pour les idées et les propositions de lutte antiautoritaires. Car sur un tel terrain, il n’y a pas à liquider d’abord les fantômes démocratiques de délégation, de programmes, de représentation etc. Un dialogue qui trouve toute sa force effective dans l’intensité de ces moments destructeurs.

La question qui en découle, c’est celle de se demander quelle pourrait être notre apport lors de ces moments négatifs, lors de ces moments de critique pratique. Notre contribution pourrait consister à les approfondir. Dans certaines conditions spécifiques il peut être intéressant d’être tout simplement présent, aux côtés d’autres émeutiers. Par exemple quand il y a déjà une présence anarchiste autour de propositions de lutte dans un certain quartier, et donc dans le sens d’intensifier et d’approfondir cette présence. Attendre une situation d’émeutes avant de commencer une activité anarchiste dans un certain quartier semble avoir peu de chances de réussir. D’un côté par son imprévisibilité (sinon, on pourrait attendre encore longtemps), de l’autre par l’hostilité envers des individus inconnus dans des moments de grande intensité (un réflexe compréhensible qui protège souvent les émeutiers d’infiltration policière, mais qui, mélangé au stress ou même à la parano, peut provoquer des situations confuses et isolantes).

Une présence qualitative, plutôt que quantitative, aura un visage différent. Elle n’a par exemple pas nécessairement besoin d’une présence dans le même espace physique. Si nous recherchons l’approfondissement, il faut se demander où se trouvent les limites et comment les dépasser. L’isolement de la conflictualité dans certains quartiers « chauds », par exemple. Ou la courte durée des explosions de rage, ce qui rend possible aux forces de l’ordre de se réorganiser et de repartir à l’assaut du moment que le feu commence à s’étouffer. Ou encore les attaques qui se limitent souvent à des cibles « évidentes ». Pour chacune de ces trois limites, des contributions anarchistes sont imaginables, il est même tout à fait possible de toucher aux limites. Mais ce sont des choses qu’il nous faut déjà maintenant imaginer, auxquelles il faut déjà se préparer. Et certainement, si nous ne sommes pas disposés à attendre, certaines interventions peuvent déjà être pratiquées dans les luttes auxquelles nous sommes mêlés, en partie comme expérimentation pratique, mais également comme expérimentation sur le plan du contenu, une potentielle extension qualitative aujourd’hui déjà.

Les grandes explosions des dix dernières années sont sans doute ainsi – grandes – parce qu’elles ont connu une diffusion impressionnante sur l’entièreté du territoire d’un État, voire même au-delà. Mais la plupart des explosions sont quand même restées isolées. Même les plus diffusées restaient souvent limitées aux suspects habituels des quartiers « chauds ». Cela a probablement ses raisons compréhensibles, voire logiques, mais pour des anarchistes qui veulent une subversion totale, c’est problématique. De nombreuses personnes habitant dans ces mêmes villes où le feu faisait rage, ont pu continuer leur routine quotidienne et n’ont vu la révolte que sur les écrans du journal télévisé. Une piste pourrait être alors de saboter cette routine qui fait que rien ne semble se passer, ou de porter les affrontements à des endroits inattendus. Cela rendra d’ailleurs plus difficile à la répression de faire passer l’explosion comme un problème d’intégration d’un groupe marginal, constituant une représentation idéologique qui, renforcée par les médias, donne à la répression la légitimité d’utiliser la violence « nécessaire » à rétablir l’ordre. En plus, cela empêcherait la répression de concentrer toutes ses forces dans quelques zones. Mais l’on peut aussi réfléchir à des sabotages plus directs de la répression et de la récupération (police, médias, etc.). Toutes ces propositions semblent surtout orientées vers la recherche de comment donner plus d’oxygène aux affrontements, permettant au feu de se propager aussi à d’autres institutions oppressantes. Cependant, ces deux mouvements se réalisent souvent au même moment. Un acte de sabotage n’a pas seulement son effet pratique direct, mais dénude aussi une normalité oppressante et suggère des cibles qui n’allaient pas de soi.

Des explosions de rage font remonter à la surface des possibilités qui constituent un défi pour les anarchistes. Par toutes leurs forces destructrices, une partie des moyens des institutions oppressantes est balayée. Et par ce même mouvement destructeur, on en finit avec toute une série d’illusions démocratiques et de mécanismes autoritaires. Un jour de carnaval, quand les masques tombent et quand on sort de son rôle social, tout est possible. Mais nous savons également que le jour suivant, quand la normalité cherche à imposer à nouveau son incontournabilité, le dégrisement peut être lourd. A ce moment, la menace d’une guerre d’usure se pointe et l’on ressent plus fortement le manque de perspectives internationalistes.

 

*      Je considère les conflits entre émeutiers à propos des marchandises pillées certainement comme des crapuleries, mais je ne les considère pas comme le signe d’une sorte de prise de pouvoir par certains individus ou groupes. Le caractère arbitraire de tels moments semble plutôt indiquer des réflexes opportunistes.