On apprend avec l’article « en prison, derrière les fourneaux » du le dauphiné libéré (15/12) que ces formateurs collaborent avec l’administration pénitentiaire. Pourtant pour moi la cuisine signifie une autre éthique*
Ci dessous une biographie de Joseph Favre ( cuisinier anarchiste )
Joseph FAVRE cuisinier suisse né à Vex en 1849 et mort à Boulogne-sur-Seine en 1903. C’est que Joseph Favre est un nom important dans l’histoire de la cuisine française, de sa théorisation et de sa démocratisation. Lorsqu’il arrive en Suisse en 1873, Joseph Favre dispose déjà, malgré son jeune âge (24 ans), d’une expérience politique et professionnelle intéressante. Côté politique, il a été faire un tour du côté des chemises rouges de Garibaldi en Italie. Côté professionnel, il a déjà exercé le métier de cuisinier à Paris, Genève, Londres ou encore Hambourg. En Suisse, il exercera successivement à Lausanne, Clarens, Fribourg, au Park Hotel de Lugano, à Bâle et à Bex. C’est à Clarens en 1874 qu’il adhère à la section de Vevey de la Fédération Jurassienne, au même titre par exemple qu’Élisée Reclus. Et lors de son séjour dans le Tessin (Suisse italophone), il fait la connaissance de Bakounine à Lugano en 1874. Dans cette ville, il fondera l’année suivante, avec deux autres militants, Nabruzzi et Zanardelli, le journal L’Agitatore, qui paraîtra pendant deux mois. Au cours de l’hiver 1875-1876, il prépara un repas auquel participèrent, entre autres, Bakounine, Malatesta, Reclus et Benoît Malon, et il élabora même pour l’occasion une recette de pouding, qu’il appela “Salvator”, dans les circonstances qui sont décrites ci-dessous.
Alors Joseph Favre, cuisinier bakouninien? Pas vraiment: Favre fut rapidement plus proche des positions de l’ancien communard Benoît Malon, qui était tenant d’une position plus “évolutionnaire” que révolutionnaire, et au cours de l’année 1876, avec ce dernier, il s’opposa clairement à la ligne insurrectionnaliste défendue par les anarchistes italiens. Après avoir participé à la création d’une section dissidente de l’Internationale antiautoritaire, il finira par s’en retirer en mars 1876, en même temps que ceux qui, comme lui, défendaient par exemple l’idée d’une réforme électorale (Malon, encore). Il se retirera peu à peu de l’activité politique à la fin des années 1870 et écrira son Dictionnaire universel de cuisine pratique, sous-titré Encyclopédie illustrée d’hygiène alimentaire. Le livre a été réédité en 2006 chez Omnibus avec une préface du regrettable Jean-Pierre Coffe…
Voici le récit de cette fameuse soirée du dernier hiver de Bakounine : Le Pouding Salvator.
J’ai ainsi dénommé cet entremets, parce qu’il fut servi pour la première fois dans une agape qui eut lieu l’hiver de 1875-1876 à Lugano (Tessin-Suisse), au pied du mont Salvator [en fait, San Salvatore] qui se baigne dans le lac del Cerisio [en fait Ceresio]; à la suite d’un conciliabule entre les citoyens Benoit Malon, Arthur Arnould, Malatesta, Jules Guesde, Elisée Reclus, Michel Bakounine [ et moi; à l’issue de la conférence je fis la cuisine…… Cuisine hétérogène s’il en fut, « elle se composait d’agonis frits (poissons du lac), d’un risotto et d’un pouding. Malon et Arnould buvaient du vin rouge de Barolo; Malatesta, Jules Guesde et moi du vin blanc d’Asti et Elisée Reclus de l’eau, Bakounine , après avoir bu un verre de bière et avant que l’entremets fut servi, se mit à boire à mesure qu’il s’animait, des rasades de tasses de thé, comme s’il y avait puisé sa verve chaude et éloquente, en même temps qu’il nous fumait vivants avec ses cigarettes de tabac turc; ce qui n’avait rien d’agréable ni pour Elisée Reclus, ni pour moi, ayant été obligés d’ouvrir, par un temps froid, les fenêtres du local non chauffé. Jamais réunion aussi peu nombreuse n’avait offert pour moi autant de diversité de goûts que celle-ci; et chose remarquable, si l’entente a été impossibile sur les grandes questions humanitaires, sur la solution à donner au modus vivendi à suivre pour le bonheur des peuples, les six ou sept doctrinaires, abstèmes, créophages, végétariens et gastrosophes, se trouvèrent d’accord pour reconnaître l’exquisité du pouding”.
Le 15 septembre 1877, Joseph Favre fonde le premier journal culinaire écrit par un cuisinier. Il a pour titre La Science culinaire. Il est imprimé à Genève..
Ce journal produit une telle émulation dans le monde culinaire que le 1er mars 1879, Joseph Favre créé l’Union Universelle pour le Progrès de l’Art Culinaire. 80 sections sont formées dans le monde. Celle de Paris prend le nom d’Académie de Cuisine le 26 mai 1883.
Joseph Favre en sera le Secrétaire Général et le 15 novembre 1883, il démissionne par une lettre qui se termine ainsi : « N’oubliez jamais qu’on s’attire plus d’ennemis en faisant du bien à l’ingrate humanité qu’en lui faisant du mal, sa tendance naturelle étant la perversion, mais n’oubliez pas non plus que l’on supporte avec une douce satisfaction les calomnies lorsqu’on ne fait que du bien. C’est avec un sentiment de générosité, que vous devez vous armer pour convaincre vos collègues et les amener à une appréciation plus juste et plus saine de la cause que nous défendons. »
* vers un texte de non fides