Parution: Avalanche N°11 Correspondance anarchiste

Editorial juin 2017

Être en conflit avec le pouvoir ne veut pas dire être hostile au pouvoir en général. L’hostilité envers le pouvoir commence par le scepticisme – le scepticisme qui interroge son existence et sa nécessité. Une question rationnelle, d’une part, qui nous persuade de développer des analyses rationnelles au sujet du fonctionnement et des transformations du pouvoir. Bien que purement abstraite, alors que la mise en pratique de nos hostilités envers le pouvoir signifie aussi en venir à parler de soi-même et considérer sa propre vie comme le champ de projection de ses propres idées. Une question irrationnelle, d’autre part, une question de cœur, une question d’agir, un moment individuel de rupture. Une rupture qui surmonte l’attitude passive du scepticisme en créant au moyen de ses propres idées et compagnons des projets qui essayent de pousser l’hostilité envers le pouvoir dans la direction d’une révolte permanente et d’une rupture généralisée avec l’autorité.Dans le développement de projets communs surgit aussi toujours un moment de « nous », un moment d’identité, maintenu ensemble par une perspective commune minimale. Un « nous » qui incite à juste titre les sceptiques à tendre l’oreille. Construire un « nous » est une question qui provient souvent d’une volonté de puissance, de prestige et de normes.Parce que s’il existe quelque chose comme une identité anarchiste – sur quoi repose-t-elle ? Qu’est-ce qui constitue le mouvement qui reprend ce nom ? Le nombre de groupes, d’adeptes et d’espaces – une question de structure ? Ou les idées, l’histoire, les discussions – et par conséquent la théorie ? Ou les attaques et les formes d’actions prisent par l’hostilité envers l’autorité – donc plutôt la pratique ? Ou le tout à la fois ?Contrairement à une perspective commune minimale, qui est seulement animée par la soif de nouveaux adeptes de sa propre identité, nos projets – donc les multiples et différents projets des individus partageant ce projet – visent à autre chose. La tentative de lancer et développer des dynamiques et des relations insurrectionnelles cherche à rompre l’isolement de nos idées et de nos méthodes au sein du conflit avec le pouvoir, à expérimenter les possibilités d’une rupture généralisée de la réalité sociale qui nous entoure. Parce que n’être qu’une poignée de compagnons ne signifie pas être isolé. De même que la qualité et l’intransigeance d’une attitude à l’intérieur d’un conflit est aussi quelque chose qui peut être partagée. Parce que nos relations et nos luttes ne dépendent pas de l’adhésion à une identité fixe, à un nom ou à une structure formelle, mais plutôt de la manière dont nous voulons combattre le pouvoir. Ce qui veut non seulement dire que dans nos luttes nous laissons les obligations envers les formalités derrière nous pour baser nos relations sur des affinités et des expériences réelles, mais aussi que nous plaçons nos luttes sur une base anti-politique. Parce que pour qu’une méthode puisse se diffuser, elle doit être fondée sur l’analyse de conflictualités sociales spécifiques, sur la réalité du conflit avec le pouvoir.De plus, dans nos luttes nous voulons dépasser la simple réponse aux frappes du pouvoir pour auto-déterminer nos luttes et le terrain sur lequel ils se jouent – et par là les construire d’après nos propres analyses, propositions et rythmes individuels.

 

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