Paris : Perquisition d’entre-deux-tours

 lu sur Brève du Désordre

Indy Nantes, 14 mai 2017

Mercredi 26 avril 2017, cela fait trois jours que plusieurs petites manifs sauvages destructrices ont éclaté dans Paris au cri de « Ni patrie ni patron ! » contre le cirque électoral et son premier résultat issu de la servitude volontaire de masse. L’état d’urgence qui se prolonge indéfiniment est toujours en vigueur, avec ses militaires en nombre dans les rues et ses perquisitions et assignations à résidence administratives.

Mercredi 26 avril 2017, quelque part au sud de Paris, à l’heure où les noctambules vont parfois se coucher : Toc toc toc, police, ouvrez ! Puis le bélier remplit son office en faisant voler en éclats la fine couche de bois qui sépare la petite chambre de bonne du couloir gris-HLM. Il n’y a personne. Après réquisition des deux témoins d’usage, commence alors la perquisition du domicile d’un compagnon anarchiste, menée par au moins 4 agents en civil de la police judiciaire, rattachés à la BRDP (Brigade de répression de la délinquance à la personne).

Ravis de trouver rapidement matériel informatique et téléphone portable, ils s’acharnent plus longtemps sur les montagnes de papier imprimé, tentant de dégager des voies d’accès en direction des dessous pas chics d’un canapé ou d’un radiateur. Ils mettront notamment sous scellé un vieux numéro du journal anarchiste « Cette Semaine » (1992-2009), et l’enveloppe jaunie d’un courrier ordinaire adressée à cette publication il y a plus de 10 ans.

Leur prétexte est plutôt banal : après l’incendie d’une voiture de flics le 18 mai 2016 lors d’une manif sauvage pendant le « mouvement » contre le travail et la loi, et alors que 4 des accusés croupissaient en taule (3 y sont toujours), un premier apéro-discussion public était organisé le 23 février 2017 à Montreuil. Le texte d’appel paru quelques jours plus tôt sur Indymedia Nantes a ensuite circulé largement, dont sur cettesemaine.info le 17 février.

Dans la sale bouche autoritaire de l’Etat qui ne peut voir que des « incitations » et des « provocations » extérieures là où des individus s’en prennent à lui en toute autonomie au sein de la guerre sociale, deux passages de cet appel autour d’une attaque qui a réjoui beaucoup de monde, deviennent respectivement : « provocation publique à la destruction, dégradation et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes » et « provocation publique d’atteinte volontaire à la vie »*. Il s’agit des phrases suivantes :
« Nous ne demanderons pas justice, pas plus que nous ne parlerons d’ « innocence » ou de « culpabilité » car nous détestons la justice autant que les flics et l’ordre qu’ils défendent. Répandons plutôt le désordre et le feu partout où ces ordures nous pourrissent la vie ! » ; et « À la 1ère, à la 2ème, à la 3ème voiture brulée, on aime tou-te-s les grillades de condés ! »

Le 10 mai 2017 au siège de la BRDP, trois jours après le second résultat issu de la servitude volontaire de masse, un enquêteur un peu trop curieux qui souhaitait notamment connaître le lien entre le site en question et le perquisitionné, n’obtient que des « rien à déclarer », malgré la petite menace habituelle de placement en garde-à-vue avec déferrement au palais de justice. Selon ce petit soldat du droit, le point de départ de l’enquête serait une dénonciation parvenue à la plate-forme du ministère de l’Intérieur « Pharos », gérée par l’Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l’Information et de la Communication, qui aurait donc décidé d’ouvrir une enquête confiée à la BRDP sous l’autorité d’un quelconque Procureur de service.

Bien qu’il n’y ait pas grand chose à rajouter pour l’instant aux deux passages poursuivis (à part peut-être un « Feu à toutes les prisons, liberté pour toutes et tous »), parce que quand même, hein, sans morale et sans loi c’est l’anarchie, cette histoire n’a en réalité rien d’étonnant. En 2010 à Paris, cette même BRDP, « anti-chambre de la section anti-terroriste » (dixit les flics), avait déjà dirigé ses attentions contre un anarchiste (suite à la publication du texte « Analyse d’un dossier d’instruction antiterroriste »), puis idem en 2012-2013 contre deux autres compagnons (suite à la publication du tract « Correspondants de nuit, des agents de la guerre aux pauvres »). Dans le cas présent, la police judiciaire ne s’est pas encombrée de fausses politesses avec de petits papiers dans la boîte aux lettres ou des coups de téléphone : elle est directement passée réclamer son dû au petit matin avec un bélier, « à cause de votre profil et de vos antécédents », selon l’enquêteur chargé de resserrer les mailles du filet.

Face au terrorisme d’Etat et au totalitarisme démocratique, la question n’est pas plus celle des idées que des actes séparés. C’est plutôt que les deux parviennent à nouveau à vibrer ensemble, dans un élan subversif vers une liberté démesurée. Une liberté qui passe nécessairement par la destruction de tous les obstacles placés sur son chemin par un monde de domination et d’exploitation. Le 18 mai 2016, une voiture de flic en service a été cramée dans la rue, renvoyant à l’Etat un peu de la violence que nous subissons tous au quotidien. Le 23 février 2017, une discussion a été proposée pour ouvrir un espace sans médiations en défense de cette attaque et en solidarité face à la répression. Peu importe qui a fait ou écrit quoi. Ce que nous savons par contre, c’est qu’il n’y a pas de trêve dans la guerre sociale, et que la meilleure défense c’est l’attaque…

Que crève le meilleur des mondes,
avec ses défenseurs et ses faux-critiques,
Vive l’anarchie  !

Un incorrigible partisan du désordre,
13 mai 2017

* Un truc qui relève du « droit de la presse » (sic), officiellement puni jusqu’à cinq ans de prison et 45 000 € d’amende

 

le 23 février 2017