Personnellement, je tiens le mythe pour l’expression la plus achevée du mensonge, et l’affirmation selon laquelle «les peuples ont besoin de mythes»comme l’expression la plus achevée du mépris des imbéciles à l’égard de leurs semblables.Bien évidemment, cette opinion, toute personnelle, n’empêche les petits malins de proposer au bon peuple des mythes tous plus mystificateurs les uns des autres.Ainsi, en est-il du mythe de la refondation sociale (ou politique ), proposé par les dirigeants du MEDEF, au nombre desquels, il est vrai, figure le dénommé Kessler, naguère fervent partisan du mythe maoïste, et pieux admirateur du «petit livre rouge»de Mao.Zeev Sternhell dans son ouvrage sur «La Droite Révolutionnaire»1, sur lequel il y aurait par ailleurs beaucoup à dire, démonte le mécanisme du mythe de la «refondation». Il écrit: »Assurément, chaque société cultive et entretient ses mythes fondateurs. Souvent, à la suite d’une grande crise et d’une césure dans son histoire, une société éprouve le besoin de se donner un mythe de retour aux sources ou un mythe refondateur. Tel a été le cas de la France au lendemain de la Libération. Non seulement, il fallait que l’épopée de la France libre et de la Résistance fût celle de la France… La Révolution française, qui, depuis la débâcle de 1870 jusqu’au désastre de 1940 portait aux yeux de vastes secteurs de l’opinion publique la responsabilité de l’irrémédiable décadence du pays, devenait le point de ralliement par excellence. Le mythe de refondation en venait à commander toute l’interprétation de l’histoire du 20èmesiècle français. C’est ainsi qu’un extraordinaire effort historiographique a été entrepris pendant un demi-siècle pour dissocier la société française de Vichy, pour évacuer la Révolution Nationale de l’histoire de la France…». Autrement dit, le mythe de la «refondation»a été utilisé par tous les réactionnaires nostalgiques de Vichy.Le simple fait que certains hommes du MEDEF ainsi que certains politiques le reprennent à leur compte, éclaire d’un jour cru l’idéologie à laquelle il se réfère.J’ajoute que, selon moi, un certain anti-fascisme»qui prétend ignorer les différences entre, par exemple,le régime de Salazar et Franco, celui de Mussolini et enfin lenazisme, participe de la même volonté de masquer la réalité qui peut se résumer de la façon suivante: le danger mortel pour les civilisations et le devenir de l’humanité est le totalitarisme qui oppose la société organique à l’individu et qui affirme la nécessité de «la soumission de la partie au tout».Après avoir noté que, pour Taine, la «société civile»:«constitue un corps organique et non un ensemble d’individus» Sternhell dénonce le rôle joué par l’école d’Uriage créée par Vichy pour fournir les futurs cadres de la «Révolution Nationale».Il écrit:«La dernière phase des activités organisées de l’équipe d’Uriage n’est pas la moins intéressante. A la fermeture de l’École(2), le noyau de ses cadres décide de former un Ordre destiné à perpétuer la communauté d’Uriage. Beuve-Méry est l’un des trois membres du Conseil de l’Ordre et remplit les fonctions de second de Segonzac, le chef indiscuté qui exige et obtient une obéissance totale. L’Ordre d’Uriage se disposait alors beaucoup moins au combat pour la libération du territoire qu’à répondre à «la crise de la civilisation». En fait, les hommes d’Uriage se préparaient à la situation révolutionnaire qui ne manquerait pas de se produire avec la défaite de l’Allemagne. Ils entendaient fournir au pays les nouveaux cadres qui appliqueraient la pensée de l’Ordre.L’idéologie proposée par l’Ordre aux communautés du réseau d’Uriage qui, à la veille de la Libération, se trouvent sur l’ensemble du territoire de Marseille et Toulouse jusqu’à Paris, Roubaix et Rennes en passant par Lyon, Grenoble et Saint-Étienne – était toujours la même: antilibérale, anticommuniste, anti-individualiste, antimaçonnique, élitiste, quelque peu sexiste. L’Ordre ne menait pas de politique ouvertement antisémite mais les juifs en étaient fermement exclus. Ailleurs, dans un document intitulé: «la Politique de l’Ordre», on flétrit ceux des Français chez qui «les intérêts d’une internationale soit capitaliste, soit juive, soit franc-maçonne, soit communiste» priment sur «les intérêts nationaux».La défaite des nazis n’a pas permis aux futurs cadres de la «Révolution Nationale»d’être parmi les«subsidiaires»de «l’Ordre Nouveau»promis par Hitler. Pour autant, elle n’a pas stoppé des carrières qui s’annonçaient prometteuses et se poursuivirent après la «libération», notamment grâce au journal «Le Monde» et à son directeur, Beuve Méry, auquel on pourrait ajouter par exemple, (la liste n’est pas exhaustive), Emmanuel Mounier et la revue Esprit,Peuple et Culture….Cela étant, il nous faut bien reconnaître que, grâce à la victoire«historique»du vichyste François Mitterrand, l’Union Européenne et la théologie de la subsidiarité, sont, pour l’instant, admis par des hommes qui, hier encore, se réclamaient des «idéaux»de la Révolution Française.Certains semblent même considérer, comme définitivement acquises, la destruction des États Nationaux et l’émergence des«communautés». C’est faire bon marché de l’existence et de la volonté des peuples de défendre leur droit à l’existence. Les grèves et les mouvements de colère qui s’expriment de plus en plus nombreux dans toutes les couches de la population devraient pourtant, au moins pour ceux qui se veulent «révolutionnaires», rappeler que les sociétés ne sont pas immuables!..
.Et qu’il arrive parfois que les «collaborateurs»aient des comptes à rendre!
Alexandre Hébert 2001
1Zeev Sternhell«La Droite Révolutionnaire – Les origines françaises du fascisme»- Édition Fayard.
‘(2) l’école d’uriage fondé par de Segonzac, celle -ci a été remplacé par le milicien Laval et elle s’est implanté ensuite au château des Murinais .. Mais un fait est passé sous silence dans ce texte. De Segonzac à partir de ce lieu impulsa l’idéologie des FFI du vercors et des plateaux des Glières ce que dit wwikipedia ici