Soulèvement en Kabylie (Janvier 2017) – Solidarité avec les insurgés !
Le lundi 2 janvier, en Algérie, à Bejaïa, des affrontements ont eu lieu avec des flics, des voitures et des façades d’immeubles attaqués, alors que les petits commerçants et les détenteurs du marché se mirent en grève générale contre l’augmentation des impôts et le contrôle étatique. Le nouveau QG de l’Académie et une banque BNP ont été détruits et pillés ; Il y avait des barricades en feu, des mini-autobus brûlés, une camionnette anti-émeute retournée ; Et les travailleurs du transport se sont joints tardivement à la grève. Les bureaux locaux de la Société nationale des tabacs et des allumettes et un magasin éléctroménager ont été pillés. A Chorfa, un poste de police a été défoncé. À Tichy, un autre poste de police a été attaqué ; À Amizour, une grande route était barricadée ; À Bouira, les flics ont été attaqués. A Sidi Aich, un autre poste de police a été lapidé. Et il y avait des barricades enflammées dans Ain Benian.
Le mardi 3 janvier à Bejaia, les routes ont été barricadées, quelques édifices gouvernementaux brûlés, des magasins pillés. Et diverses petites villes, régions et communes qui s’étaient précédemment abstenues de se mettre en grève se sont impliquées dans la grève ; Les routes principales ont été bloquées par la combustion des pneus, des troncs d’arbres, etc . ; Des gendarmes ont été attaqués dans trois grandes zones. En outre, l’accès à la frontière algérienne de la partie tunisienne dans la région du Kef a été fermée à cause des craintes de l’Etat tunisien, qui a peur que des proletaires tunisiens pourrait se connecter avec le soulèvement de la Kabylie, parce que hier [mardi 3 janvier 2017] à Kasserine (Tunisie), il y a eu des affrontements pendant une manif des travailleurs de chantiers, qui ont bloqué des routes principales avec des pneus brûlés pendant que quelques jeunes ont ouvert le dépôt municipal et récupéré la voiture de luxe d’un contrebandier et plusieurs motos ; À Jendouba, il y avait des incendies de pneus identiques, etc. suite à une démonstration de travailleurs des chantiers navals.
[Le 4 janvier, une dépêche de l’agence algérienne APS rapportait aussi que « dans la région de Akbou à Bejaia, les manifestants ont incendié le siège de l’inspection locale des impôts et saccagé une agence de la société nationale d’électricité et le tribunal« .]
Un peu plus de 2 semaines auparavant, à Bejaia, il y avait eu une émeute à l’extérieur de la Direction de l’Éducation (ses fenêtres brisées) pendant qu’un millier d’élèves d’écoles primaires (certains n’avaient que 9 ans !), collégiens et lycéens ont protesté contre la réduction des vacances d’hiver de 15 à 10 Jours. « En plus de jeter des pierres, les pneus ont été brûlés et des cocktails Molotov ont été utilisés. Les affrontements ont paralysé une partie de la ville fermée à la circulation routière. Si le calme revient à la fin de l’après-midi, la tension règne toujours autour de la Direction de l’Éducation où les lycéens ont décidé de camper ». Des lycéens se sont également mis en grève dans dix écoles de Boumerdès et des manifestations de lycéens à Constantine, à Anna et à Setif.
[Résumé de plusieurs articles de presse, publié sur Le chat noir émeutier, 2017/01/05. ]
Deuxième journée d’affrontement à Bejaïa
Libération, 03.01.17 18:29
Des heurts ont éclaté lundi entre jeunes et forces de l’ordre dans la ville de Béjaïa à 250 km à l’est d’Alger, en Kabylie. Les affrontements se sont étendus aux localités voisines et ont repris aujourd’hui. Routes barrées, bâtiments officiels incendiés et magasins pillés ont émaillé ces deux journées de violences. Ces émeutes interviennent sur fond de contestation de la Loi de Finance 2017, entrée en vigueur le premier janvier, et d’une grève générale des commerçants. Les tensions, sur fond de contestation de la vie chère, ont été ressenties dans de nombreuses localités, touchant même la capitale où le quotidien algérien TSA se fait l’écho d’une nuit d’inquiétude et de rumeur. Le ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui a affirmé que les services de sécurité maîtrisent la situation. Les affrontements ont fait plusieurs dizaines de blessées selon le correspondant de la BBC.
D’Akbou, Seddouk jusqu’à Tiaret/ Manifestations nocturnes contre la cherté de la vie
Algérie Focus, janvier 4, 2017
Les protestations et émeutes contre la cherté de la vie provoquée par les nouvelles dispositions de la Loi de Finances 2017 se sont poursuivies dans la nuit de mardi à mercredi dans plusieurs localités de la wilaya de Béjaïa. Mais ces manifestations ne restent pas cantonnées à des villes de la Kabylie puisque des protestations ont éclaté à Tiaret, à l’ouest du pays.
Tiaret a, effectivement, vécu une soirée très agitée. C’est à partir du quartier de Sonatiba que l’étincelle à jailli. Des centaines de manifestants en colère se sont rassemblés devant le siège l’antenne de l’état-civil pour manifester leur colère contre La Loi de Finances 2017, rapportent de nombreuses sources locales. Cependant, dans d’autres quartiers gagnés par la colère, des habitants ont commencé à fermer une après l’autre les principales artères de la ville. Les émeutiers ont caillassé des voitures, bloqué la route et brûlé des pneus. Plus tard dans la soirée, les émeutes se sont étendues aux quatre coins de la ville comme Bouheni, Sonatiba, Oued Tolba, el-Graba etc.…
Des affrontements ont opposé les forces de l’ordre à des jeunes manifestants : bombes lacrymogènes d’un coté et jets de pierres de l’autre, odeurs de pneus et de bois brûlés dans l’air, arrestations musclées, sirènes hurlantes, la ville de Tiaret a été ébranlée par une nuit de violences.
Des violences qui ne se sont pas estompées en Kabylie notamment dans la wilaya de Béjaïa où des manifestations nocturnes ont été signalées à Akbou où des émeutiers ont tenté de s’en prendre à la recette des impôts de la ville et à l’agence Sonelgaz. Les affrontements ont duré jusqu’à 2 H du matin.
Des manifestants bloquent l’autoroute Est-Ouest à Bouira, retour au calme à Béjaïa
TSA, 17:09 mercredi 4 janvier 2017
Pour la deuxième fois en l’espace de 24 heures, des jeunes manifestants ont bloqué ce mercredi après-midi, l’autoroute Est-Ouest à hauteur de la localité d’El Adjiba, à Bouira. À l’aide de pneus en flammes, de barrières métalliques et autres objets hétéroclite, la circulation a été perturbée pendant plus d’une heure. Ce n’est qu’après l’intervention des éléments de la brigade de gendarmerie de Bouira, venus en renfort pour épauler leurs collègues d’El Adjiba que les manifestants ont été délogés et la circulation a pu reprendre.
Cette portion d’autoroute avait été bloquée hier par des dizaines de jeunes. Les éléments de la brigade de gendarmerie avait arrêté huit personnes lors d’escarmouches. Des escarmouches qui ont été également enregistrées mardi soir dans la commune de Saharidj, 50 km à l’Est du chef-lieu de wilaya après qu’un jeune de cette localité a été interpellé par les gendarmes. Des manifestants là encore avaient assiégé le siège de la brigade afin d’exiger la libération de ce jeune. Les gendarmes n’ont pas répondu aux jets de pierres et ont préféré libérer la personne appréhendée.
El Watan, « Des leçons à tirer… », 05.01.17 (extrait)
Des arrestations à la pelle
Cependant, des rideaux de commerces ont été gardés baissés, le temps de s’assurer que le risque d’émeute est suffisamment écarté, surtout dans les villes où les dérapages ont installé un climat de peur. Il faut dire que dans la ville de Béjaïa, la population locale a vécu, la veille, une nuit d’émeutes très mouvementée qui a duré jusqu’à une heure tardive. Les affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre ont occupé un plus grand espace en s’étendant au quartier de Amriw et vers la route de Sidi Ahmed. La tension a failli prendre aux alentours des cités universitaires. Les renforts des forces antiémeute ont été visibles dans la rue.
De nombreuses arrestations ont été opérées parmi les manifestants et se sont poursuivies hier, même après le retour au calme. A Akbou, des témoins rapportent que des éléments de la BRI, en ronde avec plusieurs de leurs 4×4, ont embarqué plusieurs jeunes qui étaient en groupes dans différents endroits de la ville. Mais, il semble que le gros des arrestations a eu lieu dans la ville de Béjaïa, y compris parmi ceux soupçonnés avoir participé aux pillages de certains magasins dont surtout celui des produits Condor.
On avance le nombre de centaines de personnes arrêtées par la police. Au niveau de la sûreté de la wilaya, on ne veut pas communiquer. « On n’a pas terminé toutes les procédures » nous répond, non convainquant, un présupposé à la « cellule de communication ». Ils seraient quelques centaines de jeunes à avoir fait objet de PV d’audition, dont certains auraient été raflés abusivement.
Pour éviter de se faire embarquer, les émeutiers ne se font pas soigner dans les structures de santé. Lorsqu’ils le font par urgence, ils prennent le soin de ne laisser aucune trace de leur passage. Les services du CHU n’ont enregistré aucune admission parmi eux. Le bilan que nous avons pu avoir par l’intermédiaire de la cellule de communication du CHU fait état de 26 policiers blessés, dont presque la moitié lors de la première journée d’émeute. Les services des urgences font état de plaies, de traumatismes et de fractures.
Les ennemis habituels des révoltés tentent, comme à l’accoutumée, de rétablir la paix sociale. Syndicat et ligue des droits de l’homme au secours du pouvoir…
(Le chat noir émeutier)
La situation est extrêmement tendue dans la wilaya de Béjaïa où les manifestants n’ont pas hésité à entonner des slogans politiques. « La foule reprend les slogans entonnés contre le quatrième mandat de Bouteflika. Elle lance volontiers à tue-tête des slogans anti-pouvoir, ne ménageant ni le chef de l’Etat, ni le Premier ministre. Des atteintes aux symboles de l’Etat ont fusé en cœur », rapporte le site du quotidien El Watan. De son côté, la société civile algérienne se solidarise avec la grève, sans pour autant avaliser les violences. Dans un communiqué, la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH) considère que la grève générale est « réussie », tout en dénonçant le recours à la violence.
« Des scènes de violence et de destruction des biens publics sont signalés à Béjaïa et d’autres localités. La LADDH appelle la population à la vigilance et au calme », met en garde l’association. Le principal syndicat des commerçants du pays, l’UGCAA, tente d’apaiser les tensions et a appelé « à faire revenir le calme à partir d’aujourd’hui », c’est-à-dire le 3 janvier. Si aucune victime n’est à déplorer, les médias algériens évoquent quelques blessés du côté des manifestants.
Telquel.ma, mardi 3 janvier 2017
…les religieux aussi
Émeutes en Kabylie : Mohamed Aïssa mobilise les imams
Kabylie news – 5 janvier 2017 à 15:30
Suite aux émeutes qui ont eu lieu dans plusieurs localités en Kabylie, notamment dans la wilaya de Béjaïa, le ministère des affaires religieuses et des waqfs a adressé en urgence une circulaire aux imams des différentes mosquées du pays.
En effet, le département de Mohamed Aïssa a adressé une circulaire aux imams des différents mosquées du pays dans laquelle il les a appelés à condamner la violence lors de leur prochain prêche du vendredi.
Ainsi, la circulaire du ministère appelle les imams à rédiger des prêches du vendredi dans lesquels ils condamneraient les récentes violences qui ont eu lieu en Kabylie, en plus de mettre en garde les fidèles contre « les tentatives de déstabilisation et de nuisance à la sécurité du pays ».
Rappelons qu’avant cette réaction du ministère des affaires religieuses, plusieurs leaders du mouvement salafiste en Algérie ont rédigé des fatwas dans lesquelles ils ont déclaré que faire la grève et manifester était « Haram » (interdit en islam) et faisait partie des habitudes des « kouffars » (mécréants).
… et la condamnation des partis politiques de gôche locaux
Dénonciation unanime des émeutes
Liberté, 05-01-2017 (extraits)
Le bureau du RCD de Béjaïa a rendu public un communiqué dans lequel il a dénoncé “les dépassements, les violences, les émeutes, les scènes de saccage, de vandalisme et de pillage qu’ont connus hier certaines communes de la wilaya”. Et devant cette violence, le président du bureau du RCD, Mouloud Debboub, a indiqué : “Nous sommes contre ces violences, contre l’anarchie et contre le chaos qui n’arrangent que le pouvoir, ses relais et sa clientèle au niveau local. Nous sommes pour toutes formes de revendication et de protestation pacifiques, identifiées et organisées. Nous sommes pour une transition démocratique, pacifique et négociée.” Même ton du bureau du parti à Tiaret, qui a connu des émeutes, avant-hier soir, qui a dénoncé la violente manifestation. “Si les heurts ont été limités, c’est parce que la police a maîtrisé la situation, mais nous constatons malheureusement qu’aucune organisation ou formation politique ne s’est manifestée pour calmer les esprits ou condamner cette action qui va à l’encontre des principes républicains”, a déclaré son président O. Khaled.
Le premier secrétaire fédéral du FFS à Béjaïa, Rachid Chabati, a rendu public un communiqué dans lequel il dit suivre avec beaucoup d’attention l’évolution de cette situation porteuse de risques de développement chaotique, ainsi que les tentatives de faire basculer la wilaya dans la violence. Aussi, le FFS a appelé la population, notamment les jeunes, “à la vigilance pour déjouer les manœuvres des apprentis sorciers”.
Pour Saïd Salhi, vice-président de la Laddh (Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme), qui réagissait aussi à ces événements, “aujourd’hui, la société est face à une réalité amère et dangereuse”. Pour lui, les émeutiers, auteurs notamment d’actes de pillage et de saccage, sont “des jeunes mal encadrés, non structurés et dépolitisés”.
Enfin, l’Association des parents de victimes et blessés du 5 Octobre 1988 à Béjaïa a rendu publique une déclaration dans laquelle elle appelle les manifestants à faire preuve de maturité, à bannir la violence et à éviter de servir d’autres desseins que ceux liés aux aspirations du peuple algérien à la démocratie, à la liberté et à la justice sociale.
… sans compter le gros syndicat (incluant celui des profs)
Les violences et les saccages à Béjaïa semblent l’en avoir dissuadée : Intersyndicale : vers le report du mouvement de protestation
Liberté, 05-01-2017 (extrait)
Le Snapap, très actif dans tous les secteurs de la Fonction publique, a annulé sa grève annoncée pour hier, en raison de la détérioration de la situation à Béjaïa.
L’intersyndicale autonome de la Fonction publique, qui se réunira le 7 janvier prochain pour dégager les suites à donner au mouvement de grève cyclique, entamé à l’automne de l’année dernière, en guise de protestation contre la réforme de la retraite, risque de décider de surseoir à la grève. Les syndicats membres font montre de craintes quant aux incidences qu’un débrayage dans le contexte présent pourrait provoquer. Les émeutes, avec leur lot de saccages et de violences, qui ont éclaté dans la wilaya de Béjaïa, notamment dans le sillage de la grève des commerçants, semblent un facteur dissuasif.
En effet, conscients des risques de détournement de leur protestation, les membres de l’intersyndicale préfèrent, apprend-on de bonne source, attendre de voir plus clair avant de décider quoi que ce soit. Aussi, ils comptent dédier le conclave de samedi prochain à l’analyse de la situation et à l’évaluation du risque de phagocytage de leur protestation par les émeutiers, comme cela été le cas pour la grève des commerçants. Le secrétaire général du Satef (Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation) et de la formation nous a affirmé à ce propos que “l’intersyndicale se retrouvera autour d’une table pour analyser sereinement la situation et décider ensuite s’il faut ou non prolonger le mouvement de protestation”.
Mais il apparaît clairement, à travers le propos du responsable syndical, que l’envie de reconduire l’action de protestation radicale s’est atténuée, conséquence certainement des dérives de ce début d’année dans les wilayas de Kabylie notamment. “Si on juge que notre décision va jeter de l’huile sur le feu en ce moment, il est sûr qu’il sera question d’un report de notre mot d’ordre de grève”, affirme-t-il clairement.