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En décembre 1915, devant l’hécatombe dans les rangs français, le sénateur Paul Doumer se rend, à la demande du général en chef Joffre, en Russie. Il y rencontre le tsar Nicolas II afin de demander l’envoi d’un corps expéditionnaire russe pour renforcer les armées françaises en difficulté. En parallèle, la France conclue la livraison de matériels et armes aux troupes russes.
Le tsar envoi quatre brigades de plus de 40 000 hommes dont 750 officiers. Deux brigades (1ère et 2ème) sont envoyées en France tandis que les deux autres (2ème et 4ème) rejoignent l’armée d’Orient dans les Balkans.
La première brigade, commandée par le général Lokhvitski, est composée majoritairement d’ouvriers et de paysans moscovites. Elle arrive à Marseille via le Canal de Suez le 20 avril 1916. Elle est rejointe par la troisième brigade, commandée par le général Marouchevski, qui débarque à Brest fin août 1916. Reçus comme des sauveurs par la population française, les soldats du tsar subissent dès leur arrivée une formation à l’acclimatation à la guerre sur le front occidental dans le camp de Mailly, dans l’Aube.
Arrivée de la première brigade russe à Marseille en avril 1916
Au cours de l’été 1916, la 1ère brigade spéciale russe est envoyée au front dans le secteur de Suippes et participe également à la défense du Fort de la Pompelle. Relevée par la 3ème brigade russe, elle compte plus de 500 morts ou blessés.
Au début de l’année 1917, les deux brigades sont réunies au sein de la Vème Armée du général Mazel. Elles participent aux combats du Chemin des Dames (Offensive Nivelle) où, placées en première ligne, elles subissent de nombreuses pertes humaines. Les Russes se retrouvent ensuite affectés au 7ème Corps d’Armée dans le secteur de la défense de Reims. Ils paient une fois de plus un lourd tribut lors de la prise du Mont Spin et de Sapigneul.
Relevées par des unités françaises, un élan révolutionnaire se propage au sein des deux brigades, après l’annonce tardive de la Révolution russe de février (mars 1917) et la chute du tsar Nicolas II. La propagande révolutionnaire affirme que le tsar a vendu les brigades spéciales contre du matériel de guerre.
Pour éviter une mutinerie, les Russes sont envoyés au repos, dans un premier temps, au camp de Neufchâteau (Vosges) et à Blaye (Marne). Loyalistes partisans du nouveau gouvernement et communistes s’opposent, poussant l’état-major français à les éloigner du front fin juin début juillet 1917 au camp militaire de La Courtine, dans la Creuse.
Une mutinerie réprimée par les armes
Plus de 16 000 s’installent à La Courtine où rapidement une crise éclate entre la 1ère brigade composée majoritairement de communistes et la 3ème composée de loyalistes. Cette dernière, pour éviter tout débordement, est envoyée au village de Felletin, à 25 kilomètres de La Courtine.
Craignant une contagion dans les rangs français, l’état-major français achemine dans la nuit du 3 au 4 août 1917 des troupes françaises pour rétablir l’ordre à La Courtine. Le ministre de la Guerre, Paul Painlevé, décide d’organiser un blocus avec l’aide des Russes loyalistes. Face à ce nouvel échec, la 3ème brigade est envoyée à partir du 10 août au camp de Courneau, près de Bordeaux. Le 12 septembre, la population civile voisine est évacuée et un dernier ultimatum de soumission avant le 16 septembre est lancé. Les mutins le rejettent une nouvelle fois.
Camp de La Courtine
Le camp de La Courtine devient alors un camp autogéré par les hommes de troupe et des sous-officiers, près de 10 000 soldats qui exigent du gouvernement provisoire de rentrer en Russie. Ils désignent eux-mêmes leurs chefs. Baltaïs négocie sans résultat avec les émissaires de Kerenski leur retour en Russie, puis est arrêté le 25 juillet. C’est un Ukrainien, Afanasie Globa, qui prend ensuite la tête des rebelles
Le commandement français décide d’utiliser la force et, le 16 septembre 1917, vers 10 heures, le premier coup de canon de 75 contre le camp de La Courtine retentit.. Les mutins, répondent en jouant la Marseillaise et la Marche funèbre de Frédéric Chopin. À 14 heures, le premier obus à shrapnels éclate près des musiciens. Stupéfaits, les mutins se protègent dans les casernes. Le canon tonne seulement toutes les heures, pour laisser aux rebelles le temps de relever leurs blessés et de se rendre. Le tir dure jusque 20 heures, mais aucune reddition n’intervient, à l’exception de quelques hommes qui s’enfuient sous les tirs de leurs ex-camarades. Le lendemain à 10 heures, les coups de canons, plus rapides, reprennent. À 14 heures la véritable reddition commence. Jusqu’au soir ce sont plus de 7 500 hommes qui se rendent à l’église de La Courtine, sans armes et en agitant des drapeaux blancs. Les mutins ont jusque là 3 tués et 36 blessés. Il reste toutefois les irréductibles, environ 500 hommes Au soir du 17 septembre, 7 500 mutins se rendent, les derniers irréductibles résistant jusqu’au 19 septembre. Les chiffres font état d’une dizaine de morts et d’une cinquantaine de blessés chez les mutins et de 2 morts et de 4 blessés dans les rangs loyalistes et français. Pourtant, encore aujourd’hui, le nombre de morts n’a toujours pas pu être évalué avec précision, Mais plusieurs recoupements donnent à penser qu’il fut « réellement » de plus d’une centaine de morts. Pendant longtemps, les autorités françaises ont tenu secrète cette rébellion. Conscients que cet épisode ne pouvait, par son exemple, que susciter d’autres troubles, le haut commandement militaire décide la dissolution des deux brigades. Les autorités russes vont classer les mutins en 3 catégories selon leur engagement. Ceux qui sont jugés les plus coupables, 81 hommes, dont Globa, Baltaïs, Saraïkine et Kediaïev, sont envoyés en détention au fort Liédot sur l’Île-d’Aix. Trois soldats, morts par noyade au cours d’une tentative d’évasion, sont enterrés dans le petit cimetière de l’île.
Après la révolution bolchévique d’octobre 1917 (novembre 1917), le gouvernement français offre alors aux soldats russes trois alternatives : s’engager dans l’armée française, être volontaires comme travailleurs militaires ou être transférés dans un camp en Afrique du Nord pour les réfractaires. Plus de 10 000 sont volontaires pour le travail, 4 800 sont envoyés en Algérie tandis que plus de 400 Russes forment une légion russe de volontaires.
Les réfractaires et les travailleurs russes le désirant seront rapatriés en 1919 à Odessa.